Sainte-Lucie, les superstitions

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Voici la suite de notre article « Lucie, la fête d’hiver du 13 décembre ». Elle concerne les superstitions liées au jour de Sainte-Lucie, considéré, selon l’ancienne coutume, comme le jour fatal et le jour le plus important des « Jours de Sorcières ».

Superstition, interdictions et magie de l’amour

La superstition des Douze jours

Il s’agit de la période de douze jours qui commence le jour de Lucie et qui dure jusque la veille de Noël. Chaque matin, pendant ces douze jours, et selon la croyance populaire, les hommes fabriquaient des objets rituels ou exécutaient des rituels servant à repousser les sorcières ou servant à identifier les sorcières du village parmi les vieilles femmes suspectées de pratiques magiques néfastes. Au 19e siècle, en milieu rural slovaque et selon la croyance populaire, presque chaque village avait sa sorcière ou plusieurs. Autrement dit, les femmes ou surtout les sages-femmes qui avaient un don de clairvoyance et de prophétie, ou les guérisseuses âgées qui possédaient un pouvoir de guérison, étaient parfois suspectes car leur talent pouvait être utilisé à bon ou à mauvaise escient, pour ou contre les habitants du village.

Une remarque qui a son importance, les chasseurs de sorcières étaient toujours des hommes.

Dans toute la Slovaquie, un moyen efficace très populaire pour identifier une sorcière du village était le tabouret de Lucie – luciovy stolček.

Dans la région de Horehronie (haute vallée du Hron), notamment dans le village de Heľpa, d’après les témoignages ethnographiques, on y a enregistré de nombreux anciens petits tabourets de Lucie de même que des instructions de rituel pour découvrir les sorcières à la Veille de Noël.

Voici quelques exemples de ces superstitions :

– Lors de la fabrication des bardeaux, travail hivernal pour les hommes, il arrivait que lors du choix de la planchette qui allait être travaillée pour en faire un bardeau, il arrivait que celle-ci comporte un défaut majeur : un nœud. Dès lors cette planchette était écartée du lot (il s’agissait d’une planche en bois d’épicéa avec un trou où se trouvait un nœud isolé, de plus petit diamètre, et sélectionnée pendant le rabotage de bardeaux des toits). La planchette était récupérée pour servir de « lunette à sorcière ». Pour cela, on faisait tomber le nœud de cette planchette d’épicéa et dans le trou qui restait, chaque jour de la période de Douze jours (allant donc du jour de Lucie jusqu’à la veille de Noël), on agrandissait ce petit trou à l’aide d’une queue-de-cochon (d’une vrille), mais en tournant seulement une fois chaque jour. Son utilisation pour « découvrir » une sorcière sera la même que pour le tabouret de Lucie ;

– Pendant la période de Douze jours, on fabriquait un fouet en cuir (travail d’homme) et chaque jour on nouait UN nœud sur la tresse du fouet. Le fouet en cuir était terminé la Veille de Noël. Ce fouet servait à chasser les sorcières en le faisant claquer le soir de la veille de Noël ;

– Le jour de Lucie, le maître de la maison chassait un clou dans un coin de la maison. Pendant la période de Douze jours, chaque jour on enfonçait un peu plus ce clou en lui donnant UN coup de marteau. De cette manière, le soir de la veille de Noël, il devenait plus difficile à la sorcière de le retirer, surtout s’il était complètement enfoncé. Si la sorcière parvenait à enlever le clou en tirant dessus avec les mains, ce serait une année de malheur pour les habitants de la maison (maladie, perte d’argent, mortalité chez les humains mais aussi chez les animaux…) ;

– Le maître de maison allait dans l’étable la veille du jour de Lucie. Il introduisait un bâton sous le plancher en bois soulevant ainsi une première planche. Chaque jour de la période de Douze jours, il faisait avancer le bâton en le poussant un peu plus sous la planche suivante de façon à ce que le bâton soit contre la treizième planches le soir de la veille de Noël (avant minuit).

Dans d’autres régions on retrouve la fabrication d’objets pendant la période allant du jour de Lucie jusqu’à la veille de Noël et notamment le fouet en cuir tressé mais aussi une galette spéciale appelée « pagáč de Lucie » qui avaient la même fonction rituelle servant à chasser les sorcières

Dans la commune de Nová Baňa, (dans le district de Žarnovica, région de Banská Bystrica) la coutume était que de jeunes hommes clouaient chacun un clou dans le coin de leur maison chaque matin pendant la période de douze jours (du jour de Sainte-Lucie jusqu’à la veille de Noël). Selon la croyance populaire, le soir de la veille de Noël, les sorcières se rencontraient près de ce clou et malheur au garçon dont les sorcières retiraient le clou en tirant dessus avec les mains.

Le Tabouret de Lucie

Et que pensez de cet autre rituel qui était très populaire. Il s’agit du Tabouret de Lucie qui va servir à « découvrir » les sorcières. C’était une coutume très répandue partout en Slovaquie, selon la croyance populaire.

L’homme construit un tabouret à trois ou quatre pieds (voir la symbolique de ces nombres) en sapin, sans clou (de fer) qui s’appelle le stolček luciovy – le petit tabouret de Lucie.

Petit tabouret qu’il utilisera le soir de la veille de Noël, lorsqu’il se rendra à l’église pour la messe de minuit ou qu’il utilisera au carrefour, de croisement des chemins, afin de reconnaître la ou les sorcières.

Dans l’église, la Veille de Noël à la messe de minuit, l’homme s’installe afin d’apercevoir l’autel. A cet emplacement, sur le sol, il trace un cercle à la craie, il place le tabouret à l’intérieur de ce cercle et s’y assoit – le cercle étant une barrière contre les sorcières – ou, suivant la région, il se mettra à l’intérieur du cercle, et regardera par l’ouverture du siège du tabouret. S’il aperçoit une sorcière, il rentre de suite à la maison en semant du pavot derrière lui. Le pavot faisant office de protection contre la sorcière car celle-ci aurait pu le reconnaître et le suivre afin de lui jeter un sort.

Après son utilisation, le tabouret de Lucie sera brûlé, ou caché dans les combles, au grenier ou dans le cellier, et sur la dernière porte fermant ce local, on tracera « la marque de la sorcière » c’est-à-dire un pentagone barré d’un trait ! Symbole contre la sorcière et aussi symbole de protection de la maison. Par ce symbole, on lui interdit ainsi l’entrée de la maison.

Les petits enfants apprennent ce tracé dès leur plus jeune âge et ils le tracent à la craie sur l’asphalte, sur un tableau sans savoir pourquoi, ils l’apprendront plus tard.

Les interdictions superstitieuses du jour de Sainte-Lucie

Dans les ouvrages ethnographiques, on constate que encore au 19e siècle, le sentiment de volonté divine, du religieux, du magique, s’étend fortement à toute la réalité de la vie rurale quotidienne des paysans slovaques. Bien que la religion chrétienne officielle ait supprimé les dieux païens slaves, elle a suscité un certain de croyances populaires liées à la vénération de la nature et due au culte des morts, selon des ethnographes slovaques à partir d’études anciennes du 19e siècle, notamment par Pavol Dobšinský (1828 – 1885). Et les études récentes publiées par l’institut ethnographique slovaque SAV à Bratislava dès 1951, et aussi par les livres ethnographiques populaires : Emília Horváthová (1931-1996), Kliment Ondrejka (1929-2011), Rastislava Stoličná-Mikolajová, Zuzana Drugová, et d’autres, et un livre de Vojtech Majling, photo-documentariste du folklore slovaque.

Autrefois à Bánovce nad Ondavou (région de Zemplín), le jour de Lucie, les femmes ne préparaient pas une lessiveuse pour le lavage du linge à l’eau bouillante car la femme qui lessivait ce jour-là était précipitée dans le feu par la sorcière ; 3
L’autre superstition pour les femmes, au jour de Sainte-Lucie, il était interdit de cuire le pain, de laver la lessive, et déjà mentionné de filer le lin, sous peine de voir la sorcière Lucka se venger.

Dans le village de Rykynčice (district de Krupina, région de Banská Bystrica), on y raconte, que jadis, une femme du village cuisait son pain le matin de la Sainte-Lucie. Ce jour-là, chez cette femme, la sorcière Lucie (localement appelée en diminutif Lucka) se dévoilera sous l’apparition d’une fille réclamant un morceau de ce pain en chantant d’une formule :
« Ja som dievča pondelníča, pýtam kúštik podobníčka – Je suis la fille du lundi, je demande un morceau de ce pain ».
La fille du lundi – appelée pondelníča ou pondelča – (en slovaque, pondelok signifie lundi) était un esprit démoniaque qui apparaissait aux femmes si le lundi matin elle lessivait du linge ou cuisait du pain.4

Le podobník, podobníček, était aussi appelé le materák. C’était une galette composée de pâte de pain. A l’époque, c’était une offrande pour le cortège des Lucies (en diminutif les Lucky – prononcer loutsky) dans certaines régions de la Slovaquie.

Dans la région du Hont, si une femme étrangère arrivait à la maison le matin du 13 décembre, elle était tout de suite soupçonnée d’être une sorcière et on l’installait de force sur le dos d’une vache. 5

Quant à la visite d’un homme vêtu de fourrure le 13 décembre c’était un mauvais signe car le port de fourrure signifiait qu’il était porteur d’une maladie.

La prophétie d’amour du jour de Lucie, le 13 décembre

Autre croyance populaire et encore pratiquée de nos jours par les adolescentes en Slovaquie : la prophétie d’amour ou de futur mari.

Ainsi, dans la région de Liptov, selon une ancienne coutume, le 12 décembre au soir, les jeunes filles préparent 13 petits feuillets de papier. Sur 12 feuillets, elles écrivent le nom d’un homme célibataire et le 13e est vierge de nom. Elles froissent ces papiers ou les plient et, par après, chaque matin un feuillet est brûlé (le premier le 13 décembre). Le matin de la veille de la Noël, elles brûlent l’avant dernier feuillet. Le soir, elles ouvrent le dernier et découvrent le nom de celui qui sera leur futur mari. Cependant, si le dernier feuillet est vierge de nom, cela signifie qu’elles resteront encore un an, au moins, sans mari.

Cette prophétie d’amour qui commençait au jour de Sainte-Lucie était pratiquée de la même manière par la jeunesse, filles et même par des garçons de Nová Baňa.

Le jour de Lucie, dans le village de Svätý Anton, les filles à marier font la magie d’amour avec l’aide d’une étoile à six branches découpées dans du papier. A chaque pointe de l’étoile des noms masculins sont inscrits, autant il y a de jours de Lucie jusqu’à Noël, autant il y a de noms de garçons. Chaque jour, les jeunes filles déchirent un morceau de l’étoile sans connaître le nom et le brûlent. Le nom qui reste la veille de Noël est le nom du futur mari de la jeune fille.

Dans le village de Kysuca, dans la région ethnographique de Gemer, les filles à marier allait frapper avec une cuillère en bois sur le toit du poulailler. Si en retour le coq chantait ou coquelinait, la jeune fille serait mariée dans l’année qui commence, mais si c’était une poule qui caquetait elle allait rester célibataire.

Dans la commune de Horné Lefantovce (région de Nitra), les jeunes filles au jour de Sainte-Lucie s’imposent un jeûne volontaire afin de bien accomplir la magie d’amour le soir. Le soir venu, chaque fille à marier place un récipient rempli d’eau sous son lit puis, pendant la nuit, elle découvre, avec l’effet miroir de la surface de l’eau, le visage de son futur mari.

Dans la région de Trenčín, les filles à marier font aussi la prophétie de l’amour. La jeune fille cache un œuf pondu par une poule le jour de Sainte-Lucie. Puis, la Veille de Noël, et après un jeûne volontaire pendant ce-jour-là, le soir après le retour de l’église à la suite de la messe de minuit, elle découvre le métier de son futur époux dans le blanc d’œuf.

Dans la région du Hont, les filles à marier qui font la prophétie de l’amour claquent avec une cuillère en bois sur le toit du puits et selon l’écho du son, on découvre le métier du futur mari : si l’écho sonne comme un tir de fusil, ce sera un chasseur ; si l’écho sonne creux, ce sera un bûcheron…

Dans la Slovaquie occidentale, les filles à marier au jour de Sainte-Lucie, font la prophétie de l’amour très tôt le matin avant le lever du soleil. Elles vont se laver le visage au ruisseau en récitant une formule magique qui assure ou attire l’amour d’un homme.

Très populaire parmi les jeunes filles slovaques, autrefois, était la prophétie de l’amour accompli à l’aide d’une pomme. Chaque matin avant le lever du soleil la fille à marier croquait un petit morceau d’une même pomme et si cette pomme commençait à pourrir cela signifiait qu’elle resterait célibataire jusqu’à sa mort.

D’autres prophéties du jour de Sainte-Lucie

A la Sainte-Lucie il y avait aussi la coutume de mettre des rameaux d’arbre fruitier dans l’eau d’une cruche afin d’obtenir une floraison le jour de Noël. Ce jour-là, suivant l’abondance de fleurs au rameau fruitier on établissait une prédiction pour la prochaine récolte.

Il était aussi d’usage de mettre à germer du seigle. Ce rituel, appelé la pousse du seigle de Lucie, annonçait les prémices des moissons sous la forme du blé en herbe : s’il est bien vert, l’année sera riche, fertile. Ce rituel, très populaire, est encore accompli de nos jours et une assiette de seigle germé vert ornera la table du souper de la veille de Noël ou la crèche de Noël.

Dans les régions de Gemer et de Novohrad (Sud de la Slovaquie centrale), autrefois, la maîtresse de maison préparait pour le jour de Sainte-Lucie une galette, sous la forme d’une petite miche de pain, pour chaque membre de sa famille. Une petite plume était piquée dans chaque petite miche avant la cuisson, si elle brûlait dans le four pendant la cuisson, cela signifiait la mort dans l’année qui allait commencer.

Dans la région Horehronie, il existait une coutume qui agissait en prophétie d’accroissement du bétail. Dans un verre d’eau, on versait juste une goutte de lait de la traite matinale. Si la goutte de lait descendait jusqu’au fond du verre, la vache aurait un veau.

Notes

3 En ce temps-là, les lessiveuses électriques n’existaient pas et pour préparer l’eau chaude de la lessive, on remplissait un chaudron placé au-dessus d’un feu de bois, d’un brasero…

4 Selon les anciennes coutumes slaves préchrétiennes il existait des interdictions de travaux féminins domestiques pour certains jours de la semaine.

5 Il ne pouvait s’agir que d’une « sorcière » car les femmes du village et des alentours connaissaient l’interdiction liée à la superstition.

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – Ottovo Nakladatelstvi, 2009

Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004

La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Reconnaître les saints. Symboles et attributs. B. Des Graviers et T. Jacomet. Ed. Massin. 2006

Le monde mythologique russe. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2014

Une autre Russie. Fêtes et rites traditionnels du peuple russe. Nadia Stangé-Zhirovova. Ed. Peeters.1998

http://www.rtvs.sk/televizia/archiv/9185/87823 (Folklore slovaque, durée 1h14)

Lucie, la fête d’hiver du 13 décembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

En Slovaquie, le jour de Sainte-Lucie, était considéré, selon l’ancienne coutume, comme le jour fatal et le jour le plus important des « Jours de Sorcières », et ce bien avant le calendrier grégorien (introduit en Occident en 1582), car le 13 décembre était considéré comme le jour le plus court et la fête du solstice d’hiver.

Ce-jour-là et la veille au soir, les cortèges des Lucies symbolisant la lutte entre le Bien et le Mal ainsi que la lutte de la Magie blanche contre la Magie noire se déroulaient dans les villages. La population, superstitieuse, respectait certaines interdictions qui persistaient le jour de Sainte-Lucie et ce jusqu’au lendemain de la Seconde guerre mondiale, et même un peu plus loin. De nos jours ces traditions sont, pour la plupart, tombées en désuétude. Cependant, chaque année l’ancienne coutume du cortège des Lucies a repris vigueur, surtout grâce aux groupes folkloriques locaux slovaques. Quant à la coutume populaire de la magie d’amour de cette période, loin d’être tombée dans l’oubli, elle est toujours pratiquée de nos jours par la jeunesse slovaque, même s’il s’agit plus de curiosité et, parfois, un sujet d’amusement entre jeunes filles, tout comme les autres préventions rituelles à la maison contre la magie noire des sorcières.

Les prescriptions et les activités du jour des « Lucies »

Parmi les activités et interdictions, voici celles qui étaient les plus respectées.

– l’interdiction de la visite matinale des femmes et l’interdiction de certains travaux féminins, – les rituels de superstitions populaires, la magie d’amour, la magie blanche ou bienfaisante,
– les rituels de préventions contre la magie noire des sorcières,
– le cortège des Lucies,
– le cortège des bergers, chasseurs de sorcières.

Le cortège des Lucies, le jour de la magie blanche contre la magie noire

Dans toutes les régions slovaques, selon l’ancienne coutume, le jour de Sainte-Lucie est considéré comme le jour le plus favorable pour les enchantements des sorcières.
En contradiction avec la tradition chrétienne1, dans le milieu rural slovaque on croyait que Lucie était une puissante sorcière, et pour cela, il fallait la jeter dans le feu. Mais elle y allait survivre et continuer à exister.

Le 13 décembre était considéré, dans les campagnes slovaques, comme le jour le plus court de l’année et correspondait au solstice d’hiver, cette conviction allait encore persister dans la mémoire collective bien longtemps encore après l’introduction du calendrier grégorien en 1582 et c’est pour cela que les anciens croyaient au règne des puissances obscures et donc à la grande sorcière, Lucie.

Dans la tradition slave, que l’on retrouve donc aussi en Slovaquie, le 13 décembre est donc le jour de Lucie, créature mystérieuse et non pas, comme en Europe de l’Ouest, le jour où l’on fête sainte Lucie, croyance typiquement chrétienne. Là, la tradition slovaque présente Lucie comme la plus grande sorcière. La déesse Mokoš des anciens slaves pré-chrétiens était probablement la devancière de Lucie, cette dernière devant continuer d’assumer le caractère d’une créature féminine démoniaque. Mais nous allons voir ce qu’il en est.

Les 12 et 13 décembre

Le 13 décembre, c’est le jour de Lucie, et déjà à partir de la veille au soir, commence le combat de la magie blanche contre la magie noire.

Commençons par le 12 décembre, veille du jour de Lucie

Dans cette crainte des puissantes ténèbres, les gens prenaient plusieurs mesures contre la magie noire des sorcières. Ils utilisaient l’ail, l’oignon, l’eau bénite, la fumée de myrte (un arbre aromatique très abondant sur le littoral méditerranéen), la craie bénite, le cierge bénit, etc.

C’est ainsi que la veille au soir, donc le 12 décembre, et ce jusqu’à minuit, les gens mangeaient du pain à l’ail et, encore avec de l’ail, ils se traçaient une croix sur le front, sur les tempes, sur la bouche et les poignets. Toujours avec de l’ail, ils traçaient une croix au-dessus de la porte d’entrée de la maison et de la porte des étables ou ils enduisaient d’ail les poignées de portes…

Les brebis, vaches et chèvres recevaient aussi à manger de l’ail avec le pain, afin de protéger le lait du vol par les sorcières.

L’étable n’était pas oubliée et étaient donc aussi protégée. On plaçait, devant la porte fermée de l’étable, une gerbe de paille. La sorcière qui voulait entrer dans cette étable et nuire au bétail devait avant tout compter le nombre de paille contenue dans la gerbe. Opération difficile pour elle, parce qu’il y avait beaucoup de brins de paille et parce qu’elle devait avoir fini de compter avant le levé du jour… avant le retour de la lumière.

Toujours la veille, soit le 12 décembre au soir, les bergers ont une fonction importante dans le village. Ils jouent de la trompette et vont de maison en maison accompagnés de garçons qui agitent une crécelle… le but étant de faire du bruit afin d’effrayer les sorcières. Parfois, les bergers font claquer un fouet dans l’air. Ces tintamarres, piaillements, tapages, sonneries sont une forme archaïque de défense, contre les sorcières et contre la nuit obscure, des villageois pour leur village mais aussi pour la région, pour les champs, les prairies, les jardins.

Encore ce 12 décembre, après le couché du soleil, on ne peut donner ni offrir du lait à une femme étrangère à la maison ou que l’on ne connaît pas, car celle-ci pourrait être une sorcière. Ce serait un grand malheur, car la vache ne donnerait pas de lait durant toute l’année suivante – la croyance populaire affirmant que la disparation du lait des vaches tenait au fait qu’il avait été dérobé par les sorcières. Cette croyance était très répandue dans toute la Slovaquie.

Et le 13 décembre…

Le 13 décembre est aussi un jour où les femmes ne peuvent faire le ménage, ni coudre, ni filer le lin, ni préparer les plumes pour les édredons, ni couper du bois… bref exécuter toutes tâches ménagères, sauf… la cuisine, car cela porterait malheur.

Parmi les traditions conservées jusqu’à nos jours dans la population slovaque, le matin du 13 décembre, la visite matinale d’une femme étrangère à la maison est mal venu, cela porterait malheur car elle pourrait être une sorcière. Mais la visite matinale, en ce jour de Lucie, d’un homme est bien bénéfique, car cela va protéger la maison contre les sorcières.2

Le « Tour des Lucies » du 12 et 13 décembre est la tradition slovaque la plus typique

Les « Lucies » sont des femmes vêtues d’une cape blanche ou recouverte d’un drap de lit blanc. Leur tête est couverte d’un voile blanc faisant office de foulard. Leur visage est couvert d’abord de saindoux puis de farine blanche et parfois, elles ont dans la bouche, des dents faites de pomme de terre. Elles tiennent dans la main une aile d’oie.

Ces Lucies vont en groupe, composé le plus souvent de trois jeunes femmes et entrent dans les maisons du village, sans parler, l’une ayant un seau contenant de la chaux blanche, l’autre un pinceau, une autre une aile d’oie à la main, et symboliquement elles époussettent, blanchissent les murs, ramonent la cuisine, enlèvent les toiles d’araignée…

Ce jeu, répété dans chaque maison, doit se faire en silence afin que l’on ne puisse reconnaître l’une d’elles. Les Lucies symbolisent le fait de chasser « le mal, la mort » de la maison.

Les gens attentes avec impatience leur visite, et ce nettoyage symbolique se fait dans la bonne humeur et la plaisanterie, tout en essayant de deviner qui se cache sous ce masque.

Le cortège des Lucies dans les régions slovaques

Le cortège des Lucies diffère selon les régions slovaques. Souvent les femmes le soir de la veille de Sainte-Lucie se déguisent en Lucie ou Lucky (en diminutif – petites Lucies). Le déguisement était individuel mais selon les usages locaux elles appliquaient le principe de se masquer jusqu’à la taille en blanc et la tête couverte par un foulard blanc tombant jusqu’aux yeux, pour empêcher d’être reconnue.
Selon la coutume, les filles déguisées en Lucie, portaient des plumes d’oie, un balai et entraient en silence dans la maison. Là, symboliquement, elles balayaient le sol et époussetaient les coins et les murs pour les débarrasser des toiles d’araignées, et ressortaient de la maison toujours en silence. Ces personnages pratiquant ce rituel sont censés favoriser le bien-être de la communauté villageoise pour débarrasser les maisons des puissances malignes des démons et invoquer les bons esprits au milieu de l’hiver et des longues nuits.

En Slovaquie occidentale, il est attesté que la veille de la fête de Sainte-Lucie, la coutume du cortège des Lucies, des femmes déguisées avec des vêtements de toile blanche – le même que celui des Barborky – était bien respectée. Les Lucies avaient le visage barbouillé de farine, parfois elles portaient les dents faites de pommes de terre, pour menacer les enfants. Une Lucie munie d’un seau et d’une brosse à peindre à la chaux, une autre Lucie munie d’une aile d’oie pour dépoussiérer des pièces de maisons et débarrasser des toiles d’araignées. Habituellement, elles restaient silencieuses, pour ne pas être reconnues et, symboliquement, elles nettoyaient les demeures.

Dans les environs de la ville de Nitra, au soir du 12 au 13, les femmes se déguisaient en Lucies, localement appelées bohyne – déesses vêtues en blanc. Pour menacer les habitants du village, elles jetaient des chats par les fenêtres des maisons dans l’intérieur des chambres, et posaient sur les appuis des fenêtres des citrouilles creusées en forme de visage, éclairées de l’intérieur par une chandelle et dont le but était de faire une tête personnifiant la mort.

Dans le village de Čakajovce (district de Nitra), le personnage masqué en Lucie portait une croix et les enfants étaient obligés de réciter une prière.

Dans la région d’Orava, le cortège des Lucies était accompagné par une fille déguisée en Tsigane qui devait probablement tenir le rôle d’une mendiante !

Dans la région de Horehronie, dans l’ancienne ville minière de Brezno (région de Banská Bystrica), le personnage déguisé en Lucka donnait des friandises aux enfants. Dans d’autres localités de la vallée du Hron, à Závadka nad Hronom, les Lucies dansaient drôlement dans chaque cour de maisons du village. Dans le village de Polomka (district de Brezno), la Lucie menaçait les enfants de les punir avec une ceinture en cuir.

Dans le village de Hačava (région de Košice), le groupe des Lucky circulaient dans le village et présentaient leurs vœux de bonheur en forme de distique (couplet) récité afin de rendre féconde la volaille. On leur offrait des noix et noisettes.

Dans la commune de Žemberovce (district de Levice, région de Nitra) le groupe de jeunesse du village se rassemblait la veille du jour de Sainte-Lucie pour aller en cortège de Lucie, cortège appelé localement polazníci. Le groupe se rendait de maison en maison annonçant son arrivée et sa présence en faisant du bruit avec des cloches de vache, des chaînes en fer et par des claquements de fouet dans le but d’effrayer les habitants de la maison. Le groupe des polazníci présentait des vœux de bonheur, de bonne santé… et recevait des noix et des noisettes en récompense.

Dans le village de Cerovo (district de Krupina, région de Banská Bystrica), habité en majorité par des protestants, il y avait, le jour de Sainte-Lucie, un cortège de trois personnages féminins déguisés. L’une était vêtue de toile blanche et portait un « chapeau » réalisé en toile de tamis à farine couvrant entièrement sa tête maintenu en place par un foulard et serré au cou par un ruban. Une autre avait le visage fariné et la dernière le visage barbouillé de suie noir. Elles portaient une chaîne en fer qui leur permettait de faire du bruit annonçant ainsi leur présence dans le village, mais elles restaient silencieuses. Après leur arrivée dans la maison, elles commençaient par chasser les hommes et les garçons pour danser et pour les barbouiller de farine ou de suie de cheminée.

Les femmes déguisées en Lucies mais aux visages maquillés de suie noire étaient présentes aux environs des villages de Uhrovec et de Kšinná (région de Trenčín).

Dans le village de Sebechleby (district de Krupina, région de Banská Bystrica), la coutume du cortège des Lucies était pratiqué jusqu’au premier tiers du 20e siècle. Les femmes déguisées en Lucie entraient en silence dans la maison, chacune tenant une plume d’oie dans la main et elles époussetaient les coins de la chambre de la maison.

Le cortège des bergers au jour de Sainte-Lucie

Dans la majorité du territoire montagneux de la Slovaquie, très tôt le matin du jour de Sainte-Lucie, le cortège des bergers ou des jeunes hommes était organisé. Il se rendait de maison en maison dans le village. Les bergers s’arrêtaient devant chaque maison du village et ils commençaient à sonner fortement avec leurs trompes de berger dans le but de chasser les sorcières de la maison.

Dans les régions de la Slovaquie centrale, les sorcières étaient chassées par les jeunes hommes du village qui faisaient claquer leurs fouets, qui sifflaient soit avec un sifflet ou tout simplement avec leurs doigts en bouche, qui faisaient retentir leurs cornes de berger, qui agitaient les grosses sonnailles des vaches. Par exemple, dans le village montagnard de Vlkolínec, les garçons et les jeunes hommes munis de clochettes, de sonnailles de bétail, faisaient du vacarme autour du village le soir de Sainte-Lucie, dans le but de chasser les sorcières du village. Cette coutume est disparue lors des années de collectivisation dans les campagnes slovaques (après 1948), sous le dictat du régime socialiste.

Les vœux des quêtes

En Slovaquie, la coutume de venir quêter avec l’acier se perd dans les années 50 du 20e siècle. Généralement, cette ancienne coutume de la quête est disparue quand le régime socialiste s’est installé dans le pays slovaque.

En effet, dans toute la Slovaquie, il était jadis de coutume qu’un groupe composé de quelques petits garçons, de 6 à 8 ans, venait quêter tout en assurant le bonheur de la maison. Ces enfants étaient bien accueillis très tôt le matin, surtout s’ils avaient un outil en acier ou une chaîne en fer. Ils entraient dans la maison en prononçant une formule magique laquelle commençait avec les mêmes paraphrases partout dans le pays. Ils récoltaient des friandises et un peu d’argent.

Ainsi, cette coutume était pratiquée jusqu’à la moitié du 20e siècle dans la région de Liptov, pendant la période allant de la Sainte-Catherine jusqu’à la Veille de Noël, et surtout aux jours fériés notamment de Sainte-Catherine (25 novembre), de Sainte-Lucie (13 décembre) et la Veille de Noël (24 décembre). Ils obtenaient une petite récompense sous forme d’un peu d’argent et de fruits secs.

Le caractère jadis magique du chant est bien illustré sous la forme du distique récité par les garçons chanteurs du cortège avec l’acier. Le chant de cette formule magique est presque identique partout en Slovaquie, sans doute parfois répété dans le langage dialectal local, et commence par une phrase fixée : Je vous ai apporté de l’acier.

« Doniesol som vám oceli,
aby sa vám hrnce, misky nebili, reťaze netrhali, sekery nelámali.
Koľko máte v plote kolov, aby ste mali v maštali volov,
koľko máte lyžičiek, aby ste mali toľko jalovičiek,
koľko máte tanierov, aby vaša dievka mala toľko frajerov. »

« Je vous ai apporté de l’acier,
Pour que vos marmites, pour que vos bols ne cassent pas, pour que les chaînes ne se brisent pas, pour que les haches ne se fracassent pas.
Tant combien vous avez des échalas de clôture, tant vous aurez de bœufs dans l’étable,
Tant combien vous avez de cuillères, tant vous aurez de petites génisses,
Tant combien vous avez d’assiettes, tant vos filles auront de favoris (d’amoureux). »

Le cortège des garçons déguisés en Lucie

Le cortège du jour de Lucie était effectué aussi par des garçons déguisés avec un vêtement long et blanc, le visage dissimulé par du tissu. Ce cortège constituait un élément essentiel des jeux masqués de la tradition ancestrale.

Par exemple, autrefois, le soir du jour de Lucie dans le village de Svätý Anton près de Banská Štiavnica, le cortège des garçons déguisés en blanc comme les Lucies et le visage dissimulé par un tissu, passait de maison en maison, et pour de ne pas être reconnus, les garçons restaient silencieux. Mais ils visitaient surtout les maisons de leurs amis, où ils caressaient les propriétaires avec l’aile d’oie et leur donnaient l’ail, le maïs, des légumes… En revanche, les propriétaires offraient la boisson et les gâteaux.

Dans la région de Šariš, un autre groupe de participants au cortège de Sainte-Lucie est constitué dans le village de Kračúnovce (district de Svidník, région administrative de Prešov). Là, les jeunes hommes effectuaient le cortège dit luckovanie (de Lucka – prononcer loutska). Ils étaient déguisés avec des vêtements féminins traditionnels de la région de Šariš et ils marchaient en portant un mannequin figurant une Chèvre chargée de grelots et de sonnettes de bétail. Le jeu de la chèvre provoquait l’effroi auprès des petits enfants et les facéties amusaient les femmes timides du village. Aujourd’hui encore, dans le village de Kračúnovce, et surtout depuis 1979, les traditions populaires sont bien vivantes grâce au groupe folklorique Kračúnovčan.

Dans le village de Bystré (district de Vranov nad Topľou, région administrative de Prešov), le cortège des garçons de la veille de Sainte-Lucie allait effrayer les filles regroupées dans la pièce de la maison où elles étaient réunies pour filer le lin ensemble selon la tradition. Dans la rue, les garçons hantaient les filles avec de la poussière de suie noire et, pour cette raison, les filles fermaient à clé la porte de la maison. Anciennement les garçons remplissaient de suie une marmite en argile et la jetait dans la pièce où les filles étaient rassemblées pour filer le lin.
Au village de Bystré, depuis 1955, le groupe folklorique du village a continué à développer et présenter les traditions populaires de ses ancêtres de la région, et dès 1993, sous le nom de Bystrančan.

Dans le village de Čabradský Vrbovok (district de Krupina, région administrative de Banská Bystrica), la marche de la Sainte-Lucie était effectuée seulement par un garçon déguisé en Lucie.

Une autre coutume du cortège du jour de Sainte-Lucie dans le village de Hrochoť près de Banská Bystrica, un village marqué par la religion évangélique protestante, était le cortège des filles avec une figurine en chiffon appelée Lucka, en diminutif, la petite Lucie. Cette coutume a été enregistrée par des ethnographes du 20e siècle.

La grande poupée Lucka, vêtue du costume traditionnel féminin de la région ethnographique de Detva, la tête cachée par la jupe du costume était portée de maison de maison, surtout où les filles-fileuses étaient regroupées. Le cortège des filles avec la poupée Lucka parcourait le village en jouant, en chantant et en dansant. Les filles de Hrochoť chantaient que Lucka était belle mais paresseuse, etc., les filles chantaient un refrain ayant un sens de moralité par exemple : « elle (Lucka) n’aime pas travailler, mais elle aime dormir longtemps, elle aime les fioritures … »
Après le cortège, les filles du village organisaient un festin appelé Derele, un repas composé avec les récoltes obtenues par les visites dans les maisons où on leur donnait des pommes de terre, des haricots, de la farine, du lard… Les garçons étaient aussi invités avec la musique. Cet amusement de la jeunesse continuait jusqu’au matin dans un bal parodiant une forme de noce drôle. Le festin Derele de la coutume des filles de Hrochoť a été longtemps conservé dans les traditions locales encore après la Seconde guerre mondiale, puisque c’était une bonne occasion pour que les jeunes gens se rencontrent et trouvent une liaison d’amitié sérieuse.

Notes

1 Au sujet de sainte Lucie, la légende dorée ne rapporte pas de faits concernant ses yeux. Cette légende viendra après l’écriture, durant la deuxième moitié du 13e siècle, de « La légende dorée » par Jacques de Voragine.

Lire sainte Lucie dans la légende dorée :
www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome01/007.htm
et
http://balises.bpi.fr/arts/pourquoi-sainte-lucie-est-elle-representee-portant-ses-yeux-sur-un-pla

2 Dans « la visite tôt le matin ou matinale » il s’agit de la première personne qui vient en visite dans la maison. Si c’est un homme, ce sera bénéfique mais si la première personne est une femme, ce sera une année de malheurs. Parfois le « temps » s’étend jusqu’au moment où le cortège des « Lucies » est passé à la maison. Après il n’y a plus de problème.

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Sitologie

http://balises.bpi.fr/arts/pourquoi-sainte-lucie-est-elle-representee-portant-ses-yeux-sur-un-pla

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – Ottovo Nakladatelstvi, 2009

Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004

La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Reconnaître les saints. Symboles et attributs. B. Des Graviers et T. Jacomet. Ed. Massin. 2006

Le monde mythologique russe. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2014

Une autre Russie. Fêtes et rites traditionnels du peuple russe. Nadia Stangé-Zhirovova. Ed. Peeters.1998

http://www.rtvs.sk/televizia/archiv/9185/87823 (Folklore slovaque, durée 1h14)

Saint Nicolas, le 6 décembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Saint Nicolas était un personnage historique au 4e siècle, il fut évêque de Myre, en Lycie (Asie Mineure).

L’Église du 9e siècle a dédié la fête de saint Nicolas au 6 décembre. Les reliques de ce saint furent emportées de Myre à Bari (en Italie) par des marins en 1078, pour sauver ces reliques des Turcs. Son culte s’est développé rapidement – au cours du 13e jusqu’au 15e siècle – grâce aux récits légendaires et merveilleux, dont il était le héros, grâce à sa bonté et son sens de l’équité. C’est l’un des saints les plus vénérés aussi bien en Europe que dans l’Orient chrétien.

Les cortèges de Saint-Nicolas en Slovaquie

La coutume du cortège de Saint-Nicolas a eu une évolution très intéressante en Slovaquie.

Dans la coutume populaire slovaque (et dans son iconographie), le personnage de saint Nicolas est figuré comme un homme âgé mais vigoureux, à longue barbe blanche. Mais il possède aussi les traits d’une figure préchrétienne liée à la croyance en un esprit sylvestre chez les anciens slaves. Si la conception d’un esprit de la forêt est commune à tous les pays slaves, les noms de ces esprits diffèrent : léchi en russe, borowy en polonais ou schodi en slovaque, ce qui signifie « esprit de la forêt » ou Svätohor – le maître de montagnes, etc…1

La coutume la plus ancienne du cortège du jour de Saint-Nicolas est enregistrée dans la région de Kysuce (Slovaquie septentrionale), où les jeunes hommes effectuaient une marche avec une grande figurine d’environ 70 cm en étoffe, qui appelée Dietko, Dedko – le Vieux, Grand-père, Papy, l’homme âgé -. C’est un type de personnage allégorique où on est tenté de voir en lui l’ancêtre protecteur mythique du clan.

La forme plus archaïque était un cortège avec une chèvre et composé de trois hommes déguisés. Un dans le rôle de la Chèvre, le deuxième dans le rôle du conducteur de la chèvre et le troisième en « déguisement de hotte » avec une figurine féminine 2. Ils formaient un joyeux ensemble qui parcourait le village le jour de la Saint-Nicolas.

Une autre forme de cortège du jour de la Saint Nicolas en Slovaquie consiste en une marche d’un cortège appelé le « trio déguisé » qui comprend saint Nicolas, un Ange et un Diable.3

Le personnage déguisé en saint Nicolas tient dans la main droite une clochette et un panier rempli de friandises pour les enfants et dans la main gauche une crosse d’évêque. Il est habillé en costume d’évêque rouge, une mitre sur la tête et possède une longue barbe blanche. Le personnage masqué du Diable a le visage barbouillé de noir de fumée et porte des cornes rouges sur la tête. Il est habillé avec une fourrure avec une queue et porte à la main une chaîne et un panier de charbon.4 Le personnage d’Ange a la frimousse d’un homme jeune, il est maquillé avec des pommettes rouges, il a des cheveux bouclés dorés et une auréole sur la tête, il est habillé d’une longue chemise blanche et porte sur le dos deux grandes ailes de plumes blanches.
Cette coutume est encore bien vivante dans de nombreux villages et villes de la Slovaquie, et les sorties du trio de la Saint-Nicolas inaugurent le cycle des fêtes d’hiver.

En Slovaquie, la tradition du cortège de Saint-Nicolas comme nous la connaissons de nos jours est née dans le milieu urbain il y a très longtemps 5. Autrefois, le cortège du groupe des étudiants ou apprentis déguisés et rassemblés autour du personnage de saint Nicolas se rendait en ville de maison en maison, à la grande joie des enfants qu’ils interrogeaient sur leur connaissance du catéchisme et des prières.

La coutume du cortège du trio de saint Nicolas, de l’Ange et du Diable est apparue au 19e siècle. Mais, les accessoires et la créativité du trio se sont inspirés d’une plus ancienne tradition hivernale slave répandue en milieu rural, milieu où le calendrier cultuel traditionnel des fêtes de fin d’année a été conservé pendant longtemps. Les campagnes slovaques, marquées par les activités agricoles, ont respecté le rythme de la nature, tout en y intégrant des rites magiques. Même si les divinités païennes étaient disparues sous la christianisation, de nombreux éléments ont survécu dans les traditions populaires et les fêtes folkloriques.

Mais on sait que dans les campagnes slovaques, par exemple dans la région de Hont au Sud de la Slovaquie centrale, les campagnards nés avant 1900 ne connaissaient ni la tradition du cortège, ni les cadeaux de Saint-Nicolas.

Les jeux paysans de la Saint-Nicolas en Slovaquie

On enregistre une autre forme du cortège de la Saint-Nicolas en milieu rural et cela sous la forme de « jeux paysans de la Saint-Nicolas », qui inaugurent le cycle des fêtes hivernales de la communauté villageoise.

Au début du 20e siècle, dans la région de Považie, à Potvorice, village dans le district de Nové Mesto nad Váhom, le soir de la veille de la Saint-Nicolas, un cortège de quatre jeunes hommes visitaient le groupe des filles-fileuses du village regroupées dans la maison pour filer à la main et pour travailler ensemble selon la tradition rurale. Un membre du cortège portait un masque d’ours et un manteau de fourrure, un autre membre portait un masque de Maître de maison, et le dernier était déguisé en montreur d’ours. Un autre membre accompagnait aussi ce cortège. Cette tradition était un spectacle organisé par la jeunesse paysanne de l’époque. Le cortège des garçons et jeunes hommes formait une troupe de spectacle comportant un jeu d’ours et des chants.

Dans le village de Sudince, dans le district de Krupina, le jour de Saint-Nicolas, il existait un cortège de jeunes hommes accompagnés d’un vrai ours attaché avec des chaînes en fer et des cordes, mené par un montreur d’ours. Les jeunes hommes offraient des friandises aux filles qu’ils chérissaient pendant la visite chez les filles-fileuses regroupées dans une maison du village.

Dans le village viticole de Brhlovce, dans le district de Levice, est mentionné un ancien cortège de Saint-Nicolas. Ce cortège était composé de garçons du village déguisés en personnages effrayants. Ils rendaient visite aux filles regroupées dans la maison du village pour filer le lin. Arrivé là, ils les effrayaient avec l’aide d’un personnage masqué revêtu entièrement de fourrure, le visage maquillé de suie noire et faisant du bruit avec une grosse chaîne en fer et les grelots qu’il portait.

Dans le petit village de Horša, dans le district de Levice dans la région du Hont, à la veille de la Saint-Nicolas, existait un groupe de jeunes hommes déguisés. Un portait un déguisement de Curé et tenait un livre deux avaient un déguisement de servants d’église avec des sonnettes, deux portaient des déguisements de Diable, un était déguisé en ours avec une chaîne autour du cou. Ce cortège de mascarades marchait de porte en porte dans le village, et visitait surtout les maisons des fileuses.
Le spectacle commençait dans la pièce où les jeunes fileuses étaient regroupées autour de la table. Le personnage masqué en prêtre et ses deux servants étaient à genoux et en prière pendant que le personnage d’ours, caché sous la table qu’il soulevait par moment, attrapait les pieds des filles. Elles commençaient à le frapper pour ces impolitesses. Le personnage déguisé en prêtre leurs demandait si elles priaient tous les jours et mais elles lui répondaient en se moquant « Au nom de Dieu, un pied sur le four, l’autre sous le four, mais le troisième est le tien. Amen » ou encore par d’autres ironies. Si les filles ne répondaient pas, les personnages déguisés en servants agitaient leur clochette et les personnages déguisés en diables commençaient à taquiner les filles en essayant de leur maquiller le vissage avec du noir de fumée venant du foyer de la maison.

Dans d’autres régions slovaques, notamment aux environs de la ville de Žiar nad Hronom en Slovaquie centrale, cet ancien type de cortège de Saint-Nicolas était pratiqué jusqu’à l’Entre-deux-guerres. Au cours du cortège de la Saint-Nicolas, les jeunes filles à marier demandaient un bon mari au nom de saint Nicolas avec une « formule magique d’amour ».

Nous avons là une réminiscence des amusements et jeux qui étaient très populaires au Moyen Âge dans toute l’Europe avant le solstice d’hiver où dominaient les longues nuits noires. C’était un temps propice pour les activités autour des puissances obscures et ces cortèges de mascarades étaient la réaction des villageois qui se défendaient contre la magie noire pendant la période du solstice d’hiver.

Une autre phase de l’évolution du cortège des mascarades de Saint-Nicolas en milieu rural sous l’influence des coutumes urbaines, sera quand le trio des personnages déguisés, un saint Nicolas, un Ange et un Diable, s’installera dans les campagnes de presque toute la Slovaquie dès les années 30 du 20e siècle.

A Senohrad, près de la ville de Krupina, dans des années 40 du 20e siècle, il existait un cortège de Saint-Nicolas où le saint était accompagné de deux ou trois « Diables ».

La marche de Saint-Nicolas pour les enfants

La marche du cortège du trio déguisé : un Saint Nicolas, un Ange et un Diable, offrent un cadeau sucré et du pain d’épice pour les enfants sages et la « récompense du diable », une cuillère de bois, élément d’éducation des enfants difficiles, pour la fessée ; ou encore, un morceau de charbon, attribut du diable – car en enfer le feu est entretenu par le charbon -.

En attendant l’arrivée de saint Nicolas, les enfants chantonnaient : « Mikulášku dobrý strýčku, modlím sa ti modlitbičku, zlož tu svoju plnú nošku, daj nám z tvojich darov trošku, či koníčka medového, či koláča makového, veď ty strýčku Mikuláš, mnoho dobrých vecí máš… Petit Nicolas, cher oncle 6, je prie pour toi, dépose ici ta hotte remplie et donne-nous un peu de tes cadeaux, soit le petit cheval en pain d’épice, soit le gâteau au pavot, parce que, Petit Nicolas, cher oncle tu as beaucoup de bonnes chose ». En Slovaquie, cette chansonnette était et est toujours connues par les enfants.

En Slovaquie, aux temps de l’ancien régime socialiste, la tradition de la veille de Saint Nicolas persistait mais sous une forme légèrement modifiée ou innovée comme toujours selon la coutume familiale. Les petits enfants se préparaient à la fête de Saint Nicolas en nettoyant ou en cirant leurs chaussures ou leurs bottes – elles devaient être propres. Ils déposaient ensuite une chaussure ou une botte sur l’appui (l’allège) de la fenêtre, à l’intérieur de la maison, afin que sväty Mikuláš – saint Nicolas – puisse y déposer le cadeau sucré ou chocolaté.

Parallèlement a cette coutume familiale de cette époque, il existait, dans les villes industrielles, la fête de Nicolas – Mikuláš, comme on l’appelait sans le mot de saint qui était un tabou à l’époque communiste. Cette fête était organisée par le syndicat socialiste pour les enfants de l’école maternelle et de la crèche. Cette fête était appelée parfois la fête de Dedo Mráz – Papy le gelé – selon un modèle russe bolchevique. Le cortège comportait un personnage quasi comme saint Nicolas, habillé d’un vêtement rouge, une mitre sans aucun attribut religieux sur la tête, le visage masqué par une grande barbe blanche, et qui tenait une crosse et une hotte remplie de cadeaux sucrés pour les petits enfants des ouvriers.

Au siècle dernier, dans les environs de la ville de Bardejov en Slovaquie orientale, un cortège parcourait la ville le soir de la veille de Saint-Nicolas. Des adolescents formaient un groupe de garçons et de filles déguisés. Un des garçons déguisé était saint Nicolas, deux filles étaient déguisées en servantes d’église et d’autres garçons tenaient en main une verge tressée en paille de blé. Ils allaient de porte en porte des maisons en chantant une chanson glorifiant saint Nicolas, surtout devant les portes des maisons où se trouvaient de petits enfants. Quand ils étaient invités dans la maison, le personnage déguisé en saint Nicolas faisait la révérence au propriétaire, prenait place et cachait son visage derrière une croix ornée de rubans et de clous plantés, – les rubans avaient pour office de cacher son visage et les clous devaient décourager les curieux -. Les garçons commençaient, symboliquement et légèrement, à frapper les petits enfants avec les verges en paille, pour qu’ils deviennent de meilleurs enfants pour les parents. Les membres du cortège obtenaient une récompense sous la forme de fruits secs (pommes ou prunes sèches) et des noix ou des noisettes.

Dans certaines régions montagneuses, un cortège de bergers était organisé le jour de Saint-Nicolas. Dans le village de Hačava près de Turňa nad Bodvou dans le district de Košice, habité par de la population de rite gréco-catholique (Uniate). Les bergers valaques parcouraient le village et visitaient les propriétaires des bergeries. Leurs vœux étaient gages pour mener à bien le troupeau de moutons dans la bergerie afin qu’ils soient bien en sécurité contre les loups. Les bergers valaques récoltaient un peu d’argent qui allait servir à l’organisation d’un petit festin.

Jour de « sorcières » et superstition

Le jour de Saint-Nicolas était qualifié, comme d’autres jours de cette période, de « Journées de sorcières ». Cette ancienne forme de cortège de mascarades est contre les puissances obscures et les forces néfastes et surnaturelles, et est censée favoriser le bien-être de la communauté rurale.

Les femmes, si cela était possible, devaient rester le matin de ce jour à la maison, puisque la visite d’une femme, tôt le matin, était néfaste. Les femmes ne filaient pas, ne cousaient pas, ne préparaient pas les plumes pour les édredons, parce que ce travail pouvait être sous l’influence néfaste des sorcières.

Il existait aussi une interdiction superstitieuse pour les hommes. C’est ainsi que les bûcherons, ne pouvaient se rendre dans une forêt pour y travailler le bois afin d’éviter un malheur ou de provoquer une malédiction, peut-être même d’être écrasé sous un arbre ou tout autre accident ou maladie. Ce danger, probablement évoqué par le maléfice d’un esprit de la forêt 7 qui persistait dans la croyance populaire dans les régions montagneuses depuis les temps des Slaves préchrétiens.

La magie de l’amour à la Saint-Nicolas

Les jeunes filles de Zámutov dans la région de Haut Zemplín, ne recouraient pas à la « magie amoureuse » le jour de la Saint-André, elles la pratiquaient la veille du jour de Saint-Nicolas.

Les églises dédiées à saint Nicolas

En Slovaquie, plusieurs églises sont dédiées à saint Nicolas. Citons notamment l’église Saint-Nicolas dans la ville de Liptovský Mikuláš, la basilique Saint-Nicolas à Trnava, l’église Saint-Nicolas dans la partie de la Vieille Ville à Bratislava. Mais aussi dans la petite ville thermale de Sliač, à la ville de Bánovce nad Bebravou, à la ville de Stará Ľubovňa, à la commune de Borský Mikuláš, dans le village de Nemecká près de Brezno, dans le village de Višňové près de Žilina, à la commune de Podunajské Biskupice, à la ville de Senec…

Notes

1 Voir « Le monde mythologique russe » de Lise Gruel-Apert. Page 244

2 Voir Le livre des Masques. Michel Revelard, Guergana Kostadinova. Page 126

3 Voir notre photo du Musée de Čičmany

4 Dans la tradition slovaque, saint Nicolas offrait un morceau de charbon aux enfants qui n’avaient pas été « sages » pendant l’année. Mais comme c’est une fête de bonté, les enfants recevaient quand même des bonbons

5 Ce type de cortège existait déjà au Moyen Age en Europe. Voir La fête au Moyen Âge. Gérard Lomenec’h. Pages23 et 24

6 Chez les slaves, dans cette situation le terme « dobrý strýčku – cher oncle » ne se rapporte pas au lien familial mais à l’utilisation d’un diminutif hypocoristique (gentil, affectueux) pour appeler la personne

7 Probablement comme le « leshii » de la mythologie russe. Voir Mythes russes d’Elisabeth Warner. Page 65 et 66. En slovaque, « les » signifie bois.

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Photos: Alice Hura et Charles Bugan

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – OTTOVO NAKLADATELSTVI, 2009.

Le monde mythologique russe. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2014

Le livre des Masques. Michel Revelard, Guergana Kostadinova. Ed. La Renaissance du livre. 1998

La fête au Moyen Âge. Gérard Lomenec‘h. Ed.Ouest-France. 2015

La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967

Icônes et saints d’Orient. Alfredo Tradigo. Guide des Arts. Ed. Hazan. 2005

Mythologie du monde celte. Claude Sterckx. Ed. Marabout (Hachette livre). 2009

Mythes russes. Elizabeth Warner. Ed.du Seuil. 2005

Sainte Barbe, le 4 décembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Sainte Barbe – Barbora en slovaque, est fêtée le 4 décembre. Vierge et martyre, elle est la protectrice des mineurs, des artificiers, des artilleurs et des fondeurs. En Slovaquie elle était une sainte très vénérée et de nombreuses peintures ou sculptures ont été réalisées. Reconnaissable aisément par ses attributs que sont le glaive, un ciboire surmonté d’une hostie, une couronne, la palme de martyre et, le plus souvent, avec une tour à une, deux ou trois fenêtres (parfois sans) située près d’elle. Elle est représentée seule ou aux côtés de sainte Catherine d’Alexandrie, de sainte Marguerite d’Antioche et de sainte Dorothée.

Le jour de Sainte-Barbe est un autre jour de « sorcières » dans la croyance populaire slovaque, et la visite d’une femme, tôt le matin, est mal perçue. Par contre, la visite d’un homme est bénéfique, car il protégera la maison contre les sorcières. Cette croyance populaire était répandue dans une partie de la Slovaquie centrale.

En ce jour, autrefois, dans les campagnes slovaques, les femmes ne filaient pas, ne cousaient pas, ne préparaient pas les plumes pour les édredons, parce que ce travail pouvait être sous une influence néfaste des sorcières. C’était une interdiction superstitieuse de prévention contre les maladies du bétail à cornes, pour éviter qu’ils se blessent entre eux avec les cornes et aussi de prévention contre la perte de moutons dans la bergerie.

Une ancienne coutume slovaque, favorable pour les garçons, existait dans la vallée haute du Hron – région de Horehronie. Tôt le matin ils se regroupaient et formaient un cortège le jour de Sainte-Barbe. Ils allaient de porte en porte dans le village, avec un outil en acier ou en fer appelé oceľa ou ocieľka en main, cet outil en métal symbolisant la bonne santé. Alors, ils souhaitaient tout le bien et la bonne santé pour les habitants de la maison et en reconnaissance le maître de maison donnait quelques pièces de monnaies, car leurs visite était bénéfique, elle apportait la protection dans la maison contre les sorcières.

Une coutume un peu isolée dans le milieu rural des régions de Nitra et de Trenčín, était le cortège de Sainte-Barbe des filles ou jeunes femmes déguisées, appelées Barborky parfois accompagnées aussi par des garçons déguisés et vêtus d’une longue chemise blanche, le visage caché sous un voile. Les Barborky entraient dans les maisons du village avec le même rituel que le cortège des personnages déguisés, appelés Lucies le 13 décembre. Là, chaque Barborka – membre du cortège des Barborky, pourvue d’une aile d’oie1 ou d’une balayette composée de plumes d’oie qu’elles tiennent en main, elles vont, symboliquement, épousseter dans la maison. Le but de ce rituel est de chasser et de « nettoyer » le ménage qui pourrait être sous l’influence des puissances obscures néfastes.

Autre part, dans la région de Považie – région de la vallée du Váh, il y avait le cortège de quatre filles déguisées en Barborky. Le soir à la veille de la Sainte-Barbe, elles entraient dans la maison du village où étaient rassemblées des fileuses et si de jeunes hommes étaient présents, ils étaient frappés avec des cuillères en bois par les Barborky. Puis, elles dansaient en mesure rythmé sur les coups des cuillères en bois. Parfois il y avait un garçon portant un déguisement fait de gerbes de paille cousues (manches et jupon) qui dansait avec elles.

En milieu minier, sainte Barbe était une sainte très populaire. C’était la sainte patronne des mineurs, elle était/est invoquée contre le feu, la foudre et la mort subite.

Ce-jour-là, selon des traditions, les jeunes mineurs des environs de la ville minière de Banská Štiavnica, allaient de porte en porte dans les maisons du village minier en chantant des chants de Koleda, et invitaient les filles à chanter des cantiques de Noël.

Dans la commune de Radošiná – district de Topoľčany -, la veille du jour de Sainte-Barbe, de même qu’à la veille de la Saint-Nicolas et de la Sainte-Lucie, les garçons ou les jeunes hommes déguisés avec des masques allaient de porte en porte dans les maisons du village en silence, pour restent inconnus, et jouaient la mascarade. Dans les environs de Topoľčany, deux filles déguisées en Barborky, l’une tenant des plumes d’oie, la deuxième avec un balai entraient en silence dans la maison, balayaient le sol et époussetaient des coins et les murs pour les débarrasser des toiles d’araignées, et ressortaient toujours en silence.

Dans d’autre village, comme à Šurianky, dans le district de Nitra, le cortège de Sainte-Barbe des garçons déguisés et jouant la mascarade étaient accompagnés de la musique d’un accordéoniste et les jeunes hommes dansaient avec chaque personne rencontrée dans la rue du village.

La coutume de Bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe

Il est aussi d’usage, en ce jour de la Sainte-Barbe, de mettre un rameau d’arbre fruitier – soit un cerisier, soit un griottier, prunier ou pommier – dans une cruche contenant de l’eau afin d’obtenir des pousses et une floraison le jour de Noël. Si c’est le cas, l’année sera bonne pour l’agriculture et les arbres fruitiers.

Dans le village de Zámutov, dans le district de Vranov nad Topľou, une coutume du jour de la Sainte-Barbe est appelée la Plantation des cerisiers. Un membre de la famille de la maison coupe pour chaque membre de la famille un rameau de cerisier. Chaque rameau de cerisier est identifié avec chaque membre de la famille, et est marqué de son nom. Les rameaux de cerisier sont posés ensemble dans un vase sur un endroit chaud et on attend jusqu’à la Noël. Si une branche de cerisier fleurit avant la Noël, cela signifie une longue vie pour le membre de la famille dont le nom est inscrit.

Aujourd’hui, les anciennes coutumes des fêtes agraires et cultuelles sont présentées par les groupes folkloriques locaux et par les ensembles des danses et chants populaires slovaques surtout lors des festivals folkloriques. Par exemple, au village de Zámutov, où dès 1964, le groupe folklorique Zamutovčan, a continué à développer et présenter les traditions populaires de ses ancêtres de la région de Haut Zemplín.

Mais parmi les traditions conservées jusqu’à nos jours dans la population slovaque, la coutume la plus populaire et toujours en cours, bien que parfois adaptée à nos temps modernes, est la coutume de Bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe. C’est ainsi que dans la région de Liptov, dans le village montagnard de Vlkolínec2, la coutume est de faire bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe à partir du prunellier ou épine noire (Prunus spinosa), tandis qu’à 10 kilomètres, dans la ville de Ružomberok, ce sont des rameaux de forsythia.

C’est ainsi que ces rameaux fleuris sont devenus une partie décorative de Noël dans les maisons slovaques.

Dans la population plus âgée, pour la plupart, le rituel de manger de l’ail fait souvent appel à la vertu curative de celui-ci, mais sert aussi parfois de prévention contre des maléfices…

Mais, aujourd’hui, et comme en d’autres lieux, la mascarade des Barborky a subi l’influence du tourisme et se déroule le plus souvent à l’occasion de festival folklorique.

Dictons populaires pour la météo

Il y a aussi quelques pronostics slovaques de prévisions populaires météorologiques. On disait « Tel temps est au jour de la Sainte Barbe, tel temps sera jusqu’à Noël » ; cela signifie un temps stable pour les prochaines semaines ou : « sainte Barbe tire la luge dans la cour de la maison », cela signifie que les premières neiges arrivent sur les hauteurs de pays.

Notes

1 Une aile d’oie était un outil utilisé habituellement avant la cuisson de pains pour « dépoussiérer » le four à pain domestique. Des plumes d’oie assemblées et maintenues par une ficelle formant un pinceau était aussi utilisé comme pinceau de pâtisserie.

2 Vlkolinec est un village constitué de maisons en bois, situé près de la ville de Ružomberok et qui, en sa qualité de réserve historique d’architecture populaire, est inscrit au Patrimoine de l’UNESCO depuis décembre 1993.

Eglises dédiées à sainte Barbe en Slovaquie

L’église franciscaine (18e siècle) de Žilina est dédiée à sainte Barbe.
Dans la Chapelle de Sainte-Barbe de l’église gothique paroissiale de Banská Bystrica, ancienne ville minière, se trouve un autel-retable en bois de type armoire avec ailes mobiles qui provient de l’atelier de Maître Paul de Levoča (16e siècle). Le centre de l’armoire est rempli par un groupe de statues sculptées de la Vierge Marie, de Saint Hiéronyme (Jérôme) et de sainte Barbe. Les ailes du retable sont peintes avec des épisodes de la vie de Saint Hiéronyme et de Sainte Barbe.
Dans l’église gothique Saint-Égide à Bardejov, on y trouve un retable de 1460, dédié à sainte Barbe. Elle y est représentée en compagnie d’autres saintes : Catherine d’Alexandrie, Marguerite d’Antioche, Cunégonde et Lucie.
Dans le skanzen – Musée en plein-air du village de Liptov à Pribylina se trouve l’ancienne église dédiée à la Vierge Marie du village Svätá-Mara disparu sous les eaux du barrage de Liptovská Mara. A l’intérieur se trouve le retable des Quatre Vierges et Martyrs, daté de 1677. Sainte Barbe est accompagnée de sainte Élisabeth de Hongrie, sainte Catherine et sainte Marguerite d’Antioche.
Dans le village de Hervartov, se trouve l’église en bois classée de l’UNESCO, à l’intérieur se trouve le retable principal en bois peint de la Vierge Marie accompagnée de sainte Barbe et de sainte Catherine, daté de 1460-70.
Dans l’ancienne église gothique de Tous les Saints à Ludrová-Kút, de 2 km près de la ville de Ružomberok, on peut voir la fresque de sainte Barbe peinte sur l’intrados (début du 15e siècle).
Le Musée de Liptov (Liptovské múzeum) à Ružomberok, abri le retable principal en bois polychromé de cette église avec le panneau peint (vers 1527) où se trouve sainte Marguerite d’Antioche, sainte Catherine d’Alexandrie et sainte Barbe, avec ses attributs, le calice et l’hostie.

Voir :

www.liptovskemuzeum.sk/expozicie/muzeum-liptovskej-dediny-pribylina

www.vlkolinec.sk

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Photos: Alice Hura, Charles Bugan

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradície. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Zuzana Drugová, 2008. Slovak-edition – Ottovo Nakladatelstvi. 2009

Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004

Kostol Všetkých svätých v Ludrovej-Kúte. Svedok stáročí. Mária Anderssonová, Branislav Močáry, Peter Svrček ml, Jozef Vandák. Ed. Branislav Močáry SOVA

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Autels dans les collections des musées et des galeries en Slovaquie et en Bohême. Galerie Nationale Slovaque Bratislava. Ed. i+i print, Bratislava. 1991

La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967

Le livre des Masques. Michel Revelard, Guergana Kostadinova. Ed. La Renaissance du livre. 1998

Saint André, le 30 novembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le jour de la Saint-André, le 30 novembre, nous sommes entrés depuis peu dans la période dite « jours des sorcières » lesquels sont aussi perçus comme « jours magiques ». Lire notre article de la Sainte-Catherine, qui est le premier de ces jours fascinants de la superstition populaire slovaque.

Des siècles de misères, de souffrances et de peurs ont amenés les famines, les épidémies de pestes et les guerres, lot quotidien de la population, d’où un immense besoin de protection. L’apport de la spiritualité chrétienne médiéval, avec le culte des saints, des reliques…va intégrer, remplacer les coutumes archaïques, les superstitions populaires sans toutefois les supprimer complètement. La magie bienfaisante est donc une réponse à une situation d’insécurité et de peur dans le milieu rural à l’époque féodale et dans les temps qui vont suivre car la plupart de ces rites étaient encore très vivaces jusqu’à la seconde guerre mondiale. Par après, elles vont se dissiper pour ne plus être, de nos jours, que des occasions de faire la fête, quoique…

Les interdictions superstitieuses

Jadis, le jour de Saint-André, les femmes du village ne pouvaient pas filer. Cette superstition était en vigueur dans toute la Slovaquie. On croyait qu’enfreindre cette règle provoquerai la maladie de tournis chez les moutons ou l’arrivée d’un loup dans le troupeau de moutons.

Le jour de la Saint-André les gens évitaient de prêter quelque chose de la maison où habitait un homme portant le prénom André. On croyait qu’enfreindre cet usage allait provoquer un désastre dans leurs biens.

Dans la région de Horehronie – la vallée haute du Hron, les filles brisaient de vieilles marmites en argile sur la porte de la maison où habitait une personne prénommée André.

Dans la région d’Orava, les filles jouaient de mauvais tours amusant en guise de revanche vis-à-vis des jeunes hommes après la Sainte-Catherine.1

Le jour de la Saint-André, on observait d’anciens rituels des bergers, typiques pour les campagnes que l’on retrouvera aussi pendant les autres jours important en Slovaquie, notamment dans la région de Liptov. Les bergers visitaient les maisons du village et offraient une vergette d’une botte d’osiers pour chaque maitresse de maison qui aussitôt fouettait légèrement les jambes des bergers en exprimant des souhaits de bonne santé et de rester agile pendant la garde des moutons.

Dans le Hont au sud de la Slovaquie centrale, ils organisaient le cortège des pasteurs du village appelé la Koleda2. Cette marche était pratiquée aussi par les vachers et les porchers. A cette occasion, le pasteur avait une grande trousse de toile en brins dans laquelle il déposait les offrandes (du pain, un sachet de blé et de petits sachets de légumineuses). Les maitresses recevaient une vergette pour accomplir le rituel déjà mentionné. Cette vergette était conservée jusqu’au printemps, jusqu’au premier pâturage, et était alors utilisée pour fouetter, symboliquement, le bétail en leur souhaitant de garder une bonne santé toute l’année.

Dans la vallée du Hron, une coutume répandue et pratiquée très tôt le matin le jour de la Saint-André, était la marche d’un cortège de petits garçons du village. Ils tenaient en mains un objet en fer ou un outil en acier appelé oceľa ou ocieľka et visitaient les maisons du village en exprimant des souhaits de bonne et forte santé comme le fer en récitant de petites formules magiques.

Dans la région d’Orava, les hommes visitaient les maisons du village très tôt le matin pour éviter la première visite mal perçue d’une femme à la maison3. Dans le village de Babín, un cortège des hommes du village se déplaçait en exprimant des souhaits de bonne santé, de bonheur et de bénédiction divine, et aussi de bonne récolte et l’amour pour tous les habitants et qu’ils vivent en bonne intelligence et en sincérité dans la maison. Puis, ceux qui prononçaient les mots de ces souhaits pour l’année suivante, effectuaient une gambade sur un pied, déposait un baiser sur la table et continuaient en récitant des mots de souhaits de subsister comme cette table.

Dictons météorologiques populaires de la Saint-André

La neige qui tombe à la Saint-André dure longtemps et reste jusque la Saint-Grégoire, le 12 mars, puis elle se fond dans les ruisseaux.

Tel temps à la Saint-André, tel temps pour tout l’hiver

La neige de la Saint-André n’est pas bonne pour le seigle

La neige de la Saint-André mange le pain de seigle

Dans le Sud de la Slovaquie, on dit : « Si le jour de Saint-André est sous le grondement du tonnerre (de l’orage), la récolte prochaine des noix sera mauvaise » ou « si les arbres fruitiers sont sous la pluie le jour de Saint-André, il y aura moins de fruits ».

La Prophétie amoureuse du jour de Saint-André

Mais ce jour est aussi un jour de la « magie de l’amour » pour les jeunes filles à marier, et ce par la prophétie d’avoir un mari. En effet, dans la tradition populaire slovaque, saint André est considéré comme le patron des fiançailles.

Un rituel traditionnel consiste en une préparation culinaire dans la région de la vallée du Hron de même que dans la région de Nitra, de Spiš, de Liptov et d’Orava. On ébouillante des halušky (sorte de gnocchis) à l’intérieur duquel est dissimulée une petite feuille de papier sur laquelle est inscrit le nom d’un homme libre, potentiel futur mari. On ouvre le premier haluška remonté à la surface de l’eau bouillante, on l’ouvre et on lit le nom, ce sera celui … du futur mari.

Autre rituel de cette magie d’amour, et toujours pour la prévision du futur mari et du mariage.
La prophétie se déroule, cette fois, avec une fonderie au plomb dans les régions de Turiec, de Spiš, de Hont. On coule du plomb en fusion au travers d’une anse de clé et au-dessus d’un récipient contenant de l’eau en prononçant la formule magique suivante : « Ondreju, Ondreju, na teba olovo lejú, daj mi v noci znať, s kým ja budem pri oltári stáť ! – André, André, en ton nom je coule du plomb, tu découvriras pour moi cette nuit, qui se placera avec moi à l’autel » (pour la noce).

D’après la forme du plomb refroidi, les filles devinent la profession du futur mari.

Une autre superstition slovaque de la Saint-André dans la région de Horehronie est le semis des graines de chanvre par des filles. Les filles jettent par la fenêtre d’une maison où habite un André des graines de chanvre à textile, le jour de la Saint-André en récitant des formules magiques destinées à remplir ses souhaits de mariage : « André, André, je te sème du chanvre, Dieu laisse-nous savoir si l’on se mariera ».
Si les habitants étaient favorables aux filles faisant ce rituel, c’est-à-dire les invitaient à la maison ou leur souhaitaient bientôt un mariage, cela signifiait pour elles une chance de se marier rapidement.
La même version de ce rituel existait aussi pour les hommes célibataires du village. Les filles du village jetaient les graines de chanvre par la fenêtre d’une maison où habite un jeune homme célibataire.

Et encore, dans la région de Turiec, le jour de la Saint-André, la jeune fille verse des grains de chanvre sous son coussin en prononçant cette formule magique : « En ce jour en ton nom, André, je sème des graines de chanvre, mais je ne les sème pas pour qu’il pousse, mais pour que mon amoureux vienne à moi ». Puis elle plaçait un pantalon d’homme sous la tête ou sous l’oreiller avant de s’endormir et attendait de quel jeune homme du village elle allait rêver.

Au plus les rituels étaient compliqués le jour de la Saint-André, au plus le résultat devait être certain. Pour cela, de nombreuses jeunes filles ne mangeaient pas durant la journée de Saint-André et elles sortaient le soir dans la cour de la maison en prenant une poignée de graines de lin. Elles les versaient autour d’un billot pour fendre le bois en prononçant la formule magique à chaque jetée de graines : « Je sème des graines de lin autour du billot, André, laisse-moi savoir avec qui je dormirai lors de la nuit de noces dans un an ». Des coutumes similaires de semis de chanvre ont été enregistrées dans d’autres régions slovaques : Šariš, Zemplín, Hont, Novohrad.

Dans les régions de la Slovaquie centrale, les filles secouaient les clôtures en bois en prononçant les formules magiques destinées à réaliser ses souhaits de mariage.

Dans le nord de la région du Hont, où la clôture en bois était dialectalement appelée lesa, les filles devaient aller le soir à la clôture de la maison où habitait une personne célibataire prénommée André. Les filles secouaient la clôture en bois en prononçant la formule magique : « Je secoue, je secoue la clôture, d’où aboie le chien, là se trouve aujourd’hui mon mari prédestiné »

Dans la région d’Orava, à Tvrdošín, la fille allait secouer le poteau de la clôture de la maison où elle souhaitait se marier.
Une autre coutume consistait à compter les poteaux d’une clôture, de frapper sur l’étable pour voir si le cochon grognait, d’arracher de la paille de la chaumière, de jeter des tabliers sur le toit en bois, de secouer un prunier comme dans le sud du Hont en disant : « Prunier, je te secoue, Saint-André je t’en supplie, laisse-moi rêver avec qui j’irai à l’autel ».
Une autre coutume consistait à écouter les aboiements des chiens afin de déterminer de quel côté les jappements arrivent car c’est de ce côté que la jeune fille trouvera son futur mari.

Près de Banská-Bystrica, les filles se mettaient des pantalons d’homme sous le coussin la nuit de la Saint-André mais ne devaient en parler à personne. L’homme dont elles rêvaient devait devenir leur mari.

Encore dans la région du Hont, les filles allaient frapper sur le puits en bois avec une cuillère en bois (celle qu’elles utilisaient pour sortir les halušky de l’eau bouillante) en disant « Je toque, je toque aujourd’hui, pour qu’où se trouve mon amoureux aboie un chien ». Elles devaient se marier du côté du village où un chien aboyait.

Dans les environs de Trenčín, les filles mettaient un anneau de fiancé sous le coussin pour espérer rêver de l’homme qu’elles devaient marier. Ce rituel était pratiqué avec un anneau qu’une femme avait déjà utilisé lors de son mariage.

A Bánovce nad Ondavou (région de Zemplín), le soir, les filles allaient au puits et criaient « André, André, donne-moi un bon mari ». Il arrivait que des jeunes hommes cachés derrière le puits répondent « J’ai donné le diable à une, et j’en ai donné deux à une autre ! »

Notes

1 Voir notre article sur la Sainte-Catherine : http://vaheurope.eu/?p=355

2 La koleda est un cortège qui se déplace dans le village de porte en porte où là les membres qui la compose récitent ou chantent les formules souhaitant la bonne santé et le bonheur pour les habitants et de fertilité pour le bétail et les champs…

3 Par crainte que ce ne soit une sorcière.

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

On trouve des églises dédiées à saint André à Ružomberok, à Komárno, à Pečovská Nová Ves, à Kremnica l’église-rotonde et l’ancienne église à Sebeslavce sous le château-fort de Blatnica.

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – Ottovo Nakladatelstvi, 2009

Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Sainte Catherine, le 25 novembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le 25 novembre, jour de la Sainte-Catherine, est en Slovaquie, le symbole de la jeunesse, de la musique et de la danse. Le bal de la Sainte-Catherine est toujours populaire à ce jour.

La sainte patronne du jour, sainte Catherine d’Alexandrie, qui subit le supplice de la roue, devint de bonne heure la patronne de tous les métiers utilisateurs ou fabricants de roues, à commencer par les meuniers et les charrons.

Le jour de la Sainte-Catherine, c’est le jour du règne des femmes, elles organisent et dirigent les réjouissances et dansent au bal, elles invitent les hommes à danser et payent la musique. Quant aux hommes, ils ne peuvent consommer d’alcool jusque minuit mais après… les femmes permettent aux hommes de boire de l’alcool.

C’est une coutume, très ancienne, répandue dans le milieu rural et même dans le milieu urbain, qu’est la soirée dansante de la Sainte-Catherine – le Bal de Catherine. C’est le dernier jour avant la période qui précède la Noël, où pendant quatre semaines il est interdit de danser, de jouer de la musique, et même les mariages. Cette interdiction résulte d’une décision du synode de l’Église à Aachen(Allemagne) en 922. L’introduction de l’Avent par l’Église était ciblée contre les nombreux festins, amusements et jeux qui étaient très populaire au Moyen Âge dans toute l’Europe avant le solstice d’hiver. Une part, certes modeste, reste du temps de ceux-ci, c’est le bal de Sainte-Catherine – Bal de Katarina.

Dans la région d’Orava, on y s’amuse bien. Au Bal de Katarina, les jeunes hommes sont déguisés avec des masques de femmes et jouent des parodies.

La nuit de la Sainte-Catherine appartient aux jeunes gens. Encore dans la région d’Orava, une coutume bizarre de la nuit de la Sainte-Catherine était pratiquée par les jeunes hommes. Secrètement ils déplacent et cachent les outils de travail des filles du village. Mais la veille de Sainte-Catherine, les filles elles-mêmes cachent leurs outils de travail. Néanmoins, même si elles ont bien cachés leurs outils, les jeunes hommes les cherchent et les trouvent. Ils bâtissent alors une pyramide avec ces outils à proximité d’un ruisseau, et bien sûr les outils tombent dans l’eau… Ou ils bâtissent avec ces outils une couronne au sommet d’un arbre ou ils les placent sous le toit des maisons. Ailleurs, les jeunes hommes démontent et déplacent la porte d’entrée de la basse-cour de maison et la remontent plus loin (dans un champ, une prairie…), ou ils déplacent le char à foin à un endroit difficilement accessible ou encore, ils accumulent un tas de bois devant l’entrée de la maison ou des latrines du voisin.

Et le matin de la Sainte-Catherine, quand les filles courent et cherchent leurs outils dans le village, elles deviennent la cible de moquerie puisque les habitants du village disent par dérision : « elles volent comme les sorcières ».

Dans la région de Banská Bystrica, la jeunesse du village de Priechod organise le jour de la Sainte-Catherine la marche de Katrena (Katarina en patois local). Les filles et des garçons déguisés marchent de porte en porte des maisons du village, en groupes de cinq ou six. Ils font du bruit avec les cloches de bétail, frappent sur les fenêtres et effraient les enfants et leurs demandent s’ils disent bien leurs prières et s’ils respectent bien leurs ses parents.

Il était aussi habituel de manger de l’ail et de tracer des croix avec l’ail sur les portes des maisons pour se protéger contre la magie noire des sorcières. Cette fête de Sainte-Catherine est pour ceux qui aiment la musique et la danse, la dernière chance de s’amuser avant les jours d’abstinence de l’avent.

Et puis commence l’avent – quatre semaines avant la Noël – période calme. Il va régner une rigide interdiction de danser, c’est la sainte quarantaine. Mais, après le jour de la Saint-Etienne, le 26 décembre, il sera permis de danser à nouveau, ce sera la réunion dansante de la Saint-Etienne.

Selon le calendrier du paganisme slave ancien, le 25 novembre est le jour de l’arrivée de la déesse Morena, symbole de l’hiver et de la mort et c’est le premier jour des Jours de sorcières selon les us et coutumes populaires en Slovaquie. Du 25 novembre, jour de la Sainte- Catherine jusqu’au 21 décembre, jour de la Saint-Thomas, ce sont les Jours des sorcières : ils comportent les jours magiques de la fête de sainte Catherine, de saint André, de sainte Barbe, de saint Nicolas, de sainte Lucie et de saint Thomas.

Les Jours des sorcières, car ce sont des jours très courts, où la dominante est la nuit noire. C’est un temps propice pour les activités des puissances obscures et de la magie noire. Les superstitions donnent une influence néfaste aux sorcières. Des sorcières qui vont nuire au bétail et aux gens.

Les villageois superstitieux se défendront contre la magie noire en utilisant, comme support éprouvé : l’ail, l’oignon, l’eau bénite, la fumée de myrte… et le symbole de la croix.

Dans les recueils de contes et légendes slovaques rassemblés par le pasteur protestant Pavol Dobšinský (1828-1885), grand collectionneur et éditeur des contes populaires slovaques au 19e siècle, on trouve l’enregistrement d’un usuel ancien des bergers de Liptov. La veille du jour de Sainte-Catherine, les bergers du village sonnent de la trompe bergère et marquent avec l’ail d’un signe de croix les portes, les serrures et les loquets des étables et des écuries pour les protéger contre les sorcières, et par sécurité les chevaux ne sortent pas, de même on ne promène pas les vaches par crainte que le lait ne soit volé par des sorcières.

Mais d’autres superstitions existent, en voici des exemples.

Le 25 novembre – jour de la Sainte-Catherine, la visite d’une femme, tôt le matin, est mal perçue. En effet, la superstition fait que si la maison reçoit la visite matinale d’une femme, les habitants croient que, toute l’année, la poterie se brisera et que bien d’autres malheurs arriveront. Par contre, la visite d’un homme est bénéfique, car il protégera la maison contre les sorcières.

Dans la région de Gemer (sud-est de la Slovaquie centrale), les petits garçons visitaient tôt le matin (avant l’aurore) des maisons du village et ils souhaitaient du bien en récitant de petites formules magiques : « Les Catherine, les Catherine, nous vous souhaitons que vos marmites ne se brisent pas et que vos poules pondent bien ! ». Cette superstition du jour de Sainte-Catherine persistera dans le milieu rural jusqu’à la moitié du 20e siècle.

Parmi autres superstitions slovaques liés avec le jour de la Sainte-Catherine, on peut citer aussi ainsi le bris des marmites en argile sur la porte de la maison, cet acte avait pour but de rassurer les maitresses de maison, les poules vont bien pondre et il y aura beaucoup de petits poulets dans le poulailler.

Un autre comportement curieux très répandu avait encore cours avant la Première guerre mondiale à Vikartovce, village dans la région de Šariš en Slovaquie orientale. Les mères de familles demandaient aux enfants, le soir de la Sainte-Catherine, de gratter et de prendre en mains de la terre au-dessous du lit, les sols de maisons pauvres à cette époque étaient en argile lissé. Si dans cette terre grattée par les enfants on trouvait un petit coléoptère, on disait que l’année suivante l’élevage des cochons se porterait bien.

Mais encore, jadis, le jour de la Sante-Catherine, les femmes du village ne pouvaient pas filer sur le rouet, ni faire de la couture1. Si une femme pratiquait un tel travail, l’été de l’année suivante au cours des travaux des champs, ses doigts allaient devenir purulents.

Autre superstition ce même jour. Les âmes des morts cheminent hors du royaume des morts et errent pour quelques temps parmi les vivants. En chemin, les morts peuvent rencontrer les vivants à un carrefour, endroit redoutable pour les vivants, c’est pourquoi l’on dresse une croix à cet embranchement ! La croyance chrétienne conjuguée à un élément du paganisme villageois est ainsi appliquée contre les démons et les revenants.

La Prophétie amoureuse des jeunes gens en Slovaquie

Autrefois, le jour de la Sainte-Catherine était le premier des jours de la magie amoureuse des jeunes gens en Slovaquie. Les autres jours seront le jour de Saint-André, 30 novembre très favorable pour la pratique de la prophétie de mariage par les filles comme le jour de la Sainte-Lucie (13 décembre).

Par exemple, les filles de la vallée de Hornád (rivière en Slovaquie orientale) se rencontrent au soir de la Sainte Catherine et préparent ensemble les halušky (espèce de gnocchis) traditionnels. Pour réaliser la prophétie amoureuse, la farine pour les halušky, la planche en bois à découper et la cuillère en bois devaient être volées et l’eau de cuisson devait être apportée du ruisseau dans la bouche par les filles. Dans chaque haluška préparé mais pas encore cuit, elles cachent un petit papier sur lequel est écrit le nom des jeunes hommes favoris et tout de suite les halušky sont cuits à l’eau bouillante. Le premier des halušky qui remonte à la surface de l’eau bouillante, la fille se mariera avec le jeune homme qui porte ce nom.

Une autre prophétie amoureuse, qui provient de Kravany, un village de la région de Zemplín (en Slovaquie orientale), les filles y font un oracle avec les aiguilles. Quand la fille parvient de la première fois à piquer une aiguille dans l’écorce d’un saule, elle se mariera au courant de l’année. Mais si l’aiguille se brise, elle restera à la maison chez les parents. Dans le village de Hranovnica près de Poprad, dans la région de Spiš, les filles amoureuses font un chemin parsemé de sciure de bois, qui va de la maison de son amoureux jusqu’à chez elle afin d’assurer sa liaison amoureuse à demeure.

Sous le château-fort de Muráň, le jour de Sainte-Catherine, lorsque les cloches de l’église sonnent à midi, les filles du village jetaient ensemble des couronnes composées de feuilles de plantes dans le ruisseau. Si la couronne de la fille flotte une certaine distance et ne reste pas bloquée, cette fille se mariera encore cette année.

En milieu urbain, une autre prophétie amoureuse était aussi connue au jour de la Sainte-Catherine : il s’agit de bourgeonner des rameaux. Cet acte s’était aussi répandu en milieu rural mais pendant les derniers siècles. Ce jour, les filles coupent un rameau divers à partir de n’importe quel arbre fruitier et des brindilles d’arbrisseaux. Chaque branche symbolise un souhait de la fille. La première branche qui bourgeonnera ou fleurira le jour de la veille de Noël (Štedrý deň ou Vigila suivant la région de Slovaquie), le 24 décembre, ce souhait s’accomplira lors de la nouvelle année.
Ailleurs, on croit que l’arbre fruitier duquel la branche bourgeonne annonce une bonne récolte de fruits l’année suivante. Où encore, les filles plantent de petites branches de cerisier dans un pot rempli de sable et chaque jour, au début de la matinée, elles arrosent ces branches avec l’eau apportée du ruisseau dans la bouche. Si la branche fleurit le jour de la Veille de la Noël, la fille croit qu’elle se mariera au cours de l’année.

En Slovaquie, dans les régions viticoles situées aux pieds des Petites Carpates, les vignerons locaux invitent à la dégustation de leur nouveau vin au jour de la Sainte-Catherine, le 25 novembre. L’ouverture des caves à vin dans les vignobles lors de la fête de Sainte-Catherine, une nouvelle habitude ou bien une coutume oubliée, est en tout cas bien établie dans les domaines viticoles de Modra, de Skalica et autres situés entre Bratislava jusqu’à Trnava.

Des dictons pour le jour de la Sainte-Catherine :

« Na svätú Katarínu skrývame sa pod perinu » – « à Sainte-Catherine, nous serons bien au chaud sous les plumes »2

« Katarína na ľade a Vianoce na blate » – « à Sainte-Catherine sous la glace et Noël dans la boue ».

« Katarina zaviera muziky, berie hudcom husle » – « sainte Catherine arrête la musique, les musiciens rangent leur violon ».

Notes

1 Dans la mythologie slave, les sorcières se transforment en aiguille, pelote, sac, botte de foin.

2 Dans l’expression « sous les plumes », les « plumes » sont l’édredon en duvet d’oie.

En Slovaquie, les églises de Kremnica, de Dolný Kubín, de Kysak, de Hrboltová près de Ružomberok, de Jánovce, de Kluknava, de Hertník sont dédiées à sainte Catherine.

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Sources

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – OTTOVO NAKLADATELSTVI, 2009

Ľudová kultúra. Par Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

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Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004

Le monde mythologique russe. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2014

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Icônes et saints d’Orient. Alfredo Tradigo. Guide des Arts. Ed. Hazan. 2005

Reconnaître les saints. Symboles et attributs. B. Des Graviers et T. Jacomet. Ed. Massin. 2006

Saint Martin, le 11 novembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le 11 novembre est le jour de la Saint Martin. En Slovaquie, dans l’ancien calendrier, la croyance veut qu’il symbolise l’arrivée de l’hiver, tel saint Martin sur son cheval blanc (1). En Slovaquie, pays de montagnes, normalement à cette date correspond, plus ou moins, la chute de la première neige et les derniers bergers rentrent au village.

Les villageois slovaques préparent alors le festin de la Saint Martin avec comme plat principal, l’oie rôtie (2), et comme friandise une pâtisserie en forme de fer à cheval farcie au pavot ou à la confiture ou encore de pâte de noix,. Ce repas symbolise les attributs de saint Martin : une oie, un fer à cheval (blanc). Ce festin et l’organisation d’un marché sont toujours très populaires de nos jours en Slovaquie.

C’est aussi à la Saint Martin que, selon la tradition populaire, l’ours se retire pour hiberner, ou tout au moins au début du mois de novembre.

(1) Saint Martin et son cheval blanc signifie que la neige ne tombe plus seulement dans la montagne, mais qu’elle arrive aussi dans les plaines.

(2) Selon une légende, des oies auraient perturbés saint Martin lors de ses sermons. Comme punition elles seront mangées et passeront auparavant au feu de la rôtissoire (de l’enfer ?).

En Slovaquie, plusieurs églises sont dédiées à saint Martin. Citons notamment la cathédrale de Bratislava (14e-15e siècle), l’église romano-gothique du village de Martinček (13e siècle), l’église rotonde de Jalšové (12e-13e siècle), l’église de Hontianske Nemce (13e siècle)…

NB: Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

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Les traditions de Noël en Slovaquie

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

La sagesse populaire s’est formée au gré des saisons grâce au rappel que la nature nous envoie régulièrement et, à ce sujet, il est bon de nous souvenir que la vie active dans les villes a estompé petit à petit notre sensibilité aux choses de la nature. Ainsi on peut se poser quelques questions comme « de nos jours, qui observent le ciel lorsque la nuit est tombée ? Quelques amoureux, quelques astrologues en herbe ou confirmés » ou encore « qui peut reconnaître un oiseau par son chant ? Par son aspect même ? »

L’époque moderne – après la deuxième guerre mondiale – a apporté une nouvelle ère nous faisant entrer dans la « modernité ». Le réfrigérateur, la lessiveuse, la télévision, le pc, le gsm… ont bouleversés les habitudes et, imperceptiblement mais d’une manière exorable, les traditions « archaïques » sont passées au second plan et nous nous sommes éloignés de ces coutumes. Si l’on retrouve encore quelques traditions aujourd’hui dans les villages, on peut affirmer que dans les villes, ces coutumes ont disparus ou alors elles sont encore perpétuées par quelques amoureux ou nostalgiques, de ces traditions.

Aujourd’hui il nous arrive d’oublier que, dans des temps pas si anciens, l’année était organisée sur la base d’une succession de fêtes. Des fêtes qui rythmaient le temps et les travaux agricoles et ce dans l’ensemble du monde rural européen.
Les traditions populaires perpétuées dans les villages, qu’ils soient belges, allemands, italiens, bulgares, slovaques… en sont la preuve et si besoin, ils existent encore et toujours pour nous le rappeler, même si hélas, des éléments se perdent.

C’est une des raisons qui fait que l’existence de groupes folkloriques, de musées ethnologiques, de musées en plein air garde toute son importance pour la mémoire collective des hommes.

Mais revenons à notre sujet qui se rapporte aux traditions et rites de fin d’année, et plus particulièrement aux traditions d’un pays qui m’est cher, la Slovaquie.

En Slovaquie, les traditions populaires du solstice d’hiver, et donc de la Noël, du nouvel an, mais aussi des jours qui précèdent et suivent, sont des traditions de fêtes païennes des anciens slaves, (ou des celtes) interpénétrées par le christianisme, tout comme chez nous en Europe occidentale.

Avant la fête de Noël, les anciens slovaques des villages se préparaient pour l’arrivée de l’hiver, le froid et les longues nuits passées dans l’obscurité avec toutes les craintes que ces ténèbres font naître dans l’imaginaire des gens. Imaginaire peuplé d’êtres étranges, de sorcières… Les travaux des champs étaient finis et les hommes et les femmes se consacraient aux travaux domestiques, au bricolage, au filage du lin et du chanvre, au travail de tisserand, à la couture de vêtements et du trousseau, à la préparation (déchirer) des plumes pour édredon, etc…

Les articles qui vont relater les « traditions de Noël en Slovaquie » vont couvrir la période qui court à partir du 11 novembre jusqu’à l’Épiphanie, le 6 janvier. Ils se dérouleront suivant le schéma suivant :

– le 11 novembre, jour de la Saint Martin
– le 25 novembre, jour de la Sainte Catherine
– le 30 novembre, jour de la Saint André
– Le 4 décembre, jour de Sainte Barbe – Barbora
– Le 6 décembre, jour de la Saint Nicolas
– Le 13 décembre, jour de Lucie, ou le jour de la magie blanche contre la magie noire
– Le 21 décembre, jour de Saint Thomas
– Štedrý deň, la veille de Noël, le 24 décembre
– Le Jour de Noël, le 25 décembre
– Le 26 décembre, jour de la Saint Etienne
– Le 28 décembre, jour des Mládatka (bébé innocents)
– Le 29 décembre, jour de Kolyada
– Le 31 décembre, la nuit de la Saint Sylvestre
– Le 1ier janvier, jour du Nouvel An
– Le 6 janvier, jour de l’Épiphanie

Textes extraits de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

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Le monument de Strečno

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

A la gloire éternelle des fils de la France – Na večnú slávu synom Francúzska…

8 mai, 9 mai, deux dates de la commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale. En Slovaquie, un monument rappelle ce moment tragique que fut cette guerre. Dans cette Slovaquie acquise à l’époque aux idéaux des nazis, des hommes et des femmes ont combattus contre eux. Des résistants slovaques, mais aussi étrangers ont pris part à ce combat. Le monument de Strečno est là pour le rappeler.

Sur la route menant de Žilina à Martin-Vrútky on aperçoit le Monument aux combattants français situé sur la colline Zvonica (Clocher) tout près du village de Strečno en Slovaquie du Nord.

Dans la crypte située sous le monument de travertin, gisent les corps de 24 partisans français morts lors des combats de la libération de la Slovaquie. Des combattants français tombés au champ de bataille dans la vallée du Váh aux environs de Strečno (la bataille du Défilé de Strečno se déroula du 31 août au 3 septembre 1944).

Sous le commandement du capitaine Georges De Lannurien, le bataillon Foch des 155 partisans français combattent au sein de la brigade Štefanik des partisans slovaques contre les nazis.

Le 29 août 1956 a été inauguré le monument commémoratif, créé dans du travertin de Spiš, à la mémoire des morts aux champs de batailles pendant la Seconde Guerre mondiale et de la résistance slovaque contre les fascistes.

Pour rappel, c’est le 29 août 1944 que le Soulèvement National Slovaque S.N.P. (Slovenské Národné Povstanie) a été proclamé à Banská Bystrica, en Slovaquie centrale. Face à la puissance de l’occupant nazi, l’armée régulière et la résistance se sont repliées dans les montagnes slovaques avant de repartir à l’assaut contre eux.

La vue du défilé de Strečno donne un panorama imposant de la vallée de Váh, des montagnes de Malá Fatra (Petite Fatra), de la rivière Váh qui s’écoule paisiblement dans la vallée et des ruines du château-fort Strečno du 14ième siècle sur son rocher escarpé. Cette vue met en évidence l’importance du site lors des combats qui s’y déroulèrent.

Le Soulèvement National Slovaque mérite d’autant plus d’être mieux connu en France que 250 maquisards français y participèrent et que les Slovaques ne l’ont pas oublié. Ce monument érigé à Strečno, entre Žilina et Martin, au nord-ouest du pays, rappelle le sacrifice des maquisards français.
Ces maquisards étaient commandés par un Breton, Georges Barazer de Lannurien fils d’un général, lui-même Saint-Cyrien et officier de cavalerie, qui fut fait prisonnier en 1940, mais réussit s’évader de son camp en Silésie et à gagner les montagnes slovaques. Il regroupa et entraîna d’autres évadés français des camps de prisonnier allemands et son unité de partisans joua un rôle important dans les Carpates aux côtés des partisans slovaques. Georges Barazer de Lannurien devait être cité à l’ordre de l’armée par le général De Gaulle. Une stèle à Roscoff et une plaque commémorative à Saint-Malo rappellent le souvenir de ce Breton audacieux et courageux.

Lire notre article: « Célestin Joubier, porté disparu ».

Célestin Joubier, porté disparu

http://www.souvenirfrancais-issy.com/article-11681517.html

http://www.parolesdhommesetdefemmes.fr/maurice-simon-partisan-francais-execute-par-les-nazis-en-slovaquie-article00445.html

http://www.freebelgians.net/pages/sujet.php?id=resistance&su=240
info@vaheurope.eu

PS: Un état nominatif de la légion des combattants français en Slovaquie, dressé à la date du 29 septembre 1944, renseigne encore trois autres Belges, mais il n’existe au service des prisonniers de guerre aucun dossier à leur nom.

Il s’agit peut-être de travailleurs déportés, évadés également en Hongrie. Ce sont:

-DE MAERTELAERE Robert, né à Montigny-sur-Sambre le 13 octobre 1920 (tué à Strečno);

-PIRSON Louis, né à Bruxelles le 27 octobre 1912;

-VAN DER HEYDEN Roger, né à Thuillies le 20 janvier 1912, sergent.

Quant à Hubrechts, il donne le nom d’un autre Belge inscrit avec lui à la légion des combattants en Slovaquie. Il s’agit de

-FROIDURE Albert, né à Bouffioulx le 19 octobre 1921, soldat au 2ème régiment de chasseurs à pied, probablement travailleur déporté en Allemagne et évadé en Hongrie.

(Article pages 187 à 194 du livre de Georges Hautecler : Evasions réussies)

 

La Dame blanche de Levoča

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le mystère de la Dame blanche de Levoča enfin révélé ? Des recherches récentes semblent lever le voile de l’énigme. A la découverte de l’une de ces Dames blanches qui font partie de bien de légendes dans de nombreux endroits du monde.

La Dame blanche de Levoča, alias Juliana Korponay, a son portrait fictif peint sur la porte en bois dans la salle de l’ancien Hôtel de ville, édifice historique de Levoča.
Peinte sous l’influence du roman « La Dame blanche de Levoča », en hongrois « A Löcsei fehér asszony », écrit par le romancier hongrois Mór Jókai (1825-1904) en 1884. Ce roman, est une histoire d’amour et de venin, de trahison et de fidélité à l’époque de la guerre d’indépendance du prince François II Rakoczy en 1705 en lutte contre les Habsbourg.
L’héroïne du roman, la belle Juliana, qui a pour aspiration le bonheur de son fils, veut récupérer les biens héréditaires confisqués. Pour cela, elle va devenir une espionne impériale. Elle est envoyée dans la ville libre royale de Levoča alors assiégée par l’armée impériale car les patriciens protestants apportaient leur soutien aux rebelles de Rakoczy contre le gouvernement absolu des Habsbourg.
La belle Juliana va simuler de tomber amoureuse d’Etienne Andrassy, commandant des Kurucs, l’armée des rebelles de Rakoczy. Une nuit, elle dérobe les clefs d’une des portes de la ville, clefs qui se trouvaient sous l’oreiller d’Andrassy. Elle se rend à cette porte, l’ouvre et fait entrer les soldats impériaux dans la ville.
En réalité, Juliana Korponay (vers 1689 – 1714), était la fille de Sigismond Géczy, un gentilhomme d’Ožďany (en hongrois Osgyan). Il était colonel de la garde rapprochée d’Imre Thököly, un noble rebelle contre les Habsbourg. Juliana était l’épouse de Jan Korponay, conseiller municipal impérial, mais qui a déserté chez les Kurucs pour embrasser la cause des rebelles.
Selon la légende, en 1712, elle reçu des lettres des rebelles Kurucs émigrés en Pologne, lettres de conspiration qui appelaient à la révolte. Par ce geste elle perdit la confiance de l’empereur Charles III roi de Hongrie.
En 1714, pour sa trahison, elle est exécutée dans la ville hongroise de Györ, comme la première, et unique, femme ayant trahi sa patrie dans l’histoire du Royaume de Hongrie.
Selon de nouvelles recherches récentes conduites par les historiennes slovaques Dáša Uharčeková-Pavúková, Zuzana Lisoňová et Silvia Lörinčiková, les nouveaux faits collectés sur des lieux liés à l’histoire de Juliana Korponay comme Ožďany, son village natal, le château de Červeny Kameň, le château de Betliar et dans des archives des villes de Bratislava, Budapest, Györ et Mukačevo (Ukraine aujourd’hui), apportent une autre vision du mystère de La Dame blanche, Juliana Korponay. En fait, elle aurait été victime d’une erreur judiciaire.
Ces nouveaux éléments ont été présentés lors de l’exposition « Levočská biela pani – La Dame blanche de Levoča », de novembre 2010 à mai 2011 au château de Betliar et au Musée de Spiš à Levoča.
Selon ces historiennes, qui travaillèrent pendant trois ans sur ce sujet, la ville de Levoča n’a pas été prise par traîtrise par les soldats impériaux. En réalité, elle s’est rendue sans livrer bataille. Toujours selon leurs recherches, le bourgmestre et les conseillers de Levoča avaient négocié la capitulation de la ville avec le général impérial Löffelhoz et l’ouverture des portes aux Labans, les soldats des Habsbourg le 9 février 1710. Ainsi, la légende de Juliana est démentie.
La « nouvelle histoire » découverte de Juliana Korponay reconstruit son destin et dit que non seulement elle était une bonne fille mais aussi une épouse fidèle, une mère plein d’abnégation et une dame cultivée. Hélas, elle fut victime des intrigues de cette époque et accusée « d’avoir aidé la nouvelle vague de révoltes contre les Habsbourg ».
Les historiennes slovaques, ont aussi examiné un tombeau sous l’église d’Ožďany, village près de Rimavská Sobota dans la Slovaquie du sud, tombeau ou se trouvait le cercueil de Juliana Korponay. Mais la recherche anthropologique dirigée par Alena Šefčáková, du Musée National Slovaque de Bratislava, a démenti cette hypothèse.
Selon des documents d’archives d’Eglise de la ville de Györ, elle aurait été décapitée publiquement le 25 septembre 1714 à 11h00 sur la place, puis, avec d’autres exécutés, elle aurait été enterrée dans le cimetière près de la cathédrale de Györ. Le service funèbre fut assuré par le vicaire allemand François Kopscinay.
Le peintre de La Dame blanche de Levoča, peinture que l’on peut voir sur la porte en bois dans la salle de l’ancienne mairie à Levoča, est Wiliam Forberger (1848 – 1928), peintre paysagiste des Tatras et des architectures historiques. Certains de ses tableaux sont exposés dans le palais d’arts Albertina à Vienne. Il est né à Kežmarok et était originaire de la communauté allemande de Spiš (membre du groupe Karpathenverein, groupe touristique des Carpates), il a étudié la théologie à Prešov, puis les arts plastiques à Budapest, et comme instituteur débutant à Levoča, il a créé le tableau « Le mythe de la Dame blanche de Levoča ».

Références

Document de l’exposition « Levočská biela pani – La Dame blanche de Levoča », de novembre 2010 à mai 2011 au château de Betliar et au Musée de Spiš à Levoča.