28 avril 1950, la fin de l’Église gréco-catholique

Alice Hura – Charles Bugan

Pour les gréco-catholiques slovaques le 28 avril 1950, est un souvenir douloureux, et toujours présent dans leur mémoire, qui signifiait la fin de l’Église gréco-catholique.
Après le coup de force du 15 avril contre les monastères catholiques, le 28 avril 1950, marque la date de la ″liquidation″ totale de l’Église gréco-catholique par le gouvernement communiste tchécoslovaque. Après 300 années d’existence de l’Église gréco-catholique la dictature communiste supprime la religion ancestrale des Ruthènes slovaques.

Le parti communiste gouvernant la Tchécoslovaquie opte pour l’orthodoxie moscovite, et convoque une assemblée le 28 avril 1950 dans la ville de Prešov : ″Pour un retour à l’Orthodoxie russe″, en présence de 820 délégués dont 747 membres de comités communistes et 73 clercs gréco-catholiques. Cette assemblée proclame l’élimination de l’institution historique de l’Église gréco-catholique ou Uniate, installée depuis 1646, et historiquement connue sous le nom d’Union d’Oujgorod.

Pour rappel, c’est en 1596 que par l’Union de Brest-Litovsk (en Biélorussie aujourd’hui), une partie des orthodoxes ukrainiens se rallient à Rome, tout en conservant leur rite ; ils constituent ainsi la première communauté « Uniate » de l’orthodoxie.

En 1645, le prince de Transylvanie, Georges Ier Rakóczi prend la tête du soulèvement anti-habsbourgeois en Hongrie royale, et ce seigneur, protestant, va imposer la foi réformée aux orthodoxes slovaques et ruthènes, par la devise ″cuius regio, eius religio″. Le 24 avril 1646, 63 prêtres orthodoxes du pays slovaque oriental s’unissent avec l’Église catholique contre l’expansion du protestantisme du prince Rakóczi, et pour faire admettre l’utilisation de la langue liturgique slave ancestrale et une discipline religieuse orthodoxe. Cela aboutira à la mise en place de l’uniatisme. Le premier évêque uniate, gréco-catholique, Peter Parthenij Petrovič, ancien prêtre orthodoxe serbe, sera nommé en 1651.
L’église gréco-catholique – Uniate, sous l’aile de l’Empire habsbourgeois, sera officiellement confirmée le 14 mai 1648 par archevêque Lippay, Primat hongrois d’Esztergom, et par le synode épiscopal de Trnava (Nagyszombat en hongrois) en septembre de la même année.

Après la fondation de la République tchécoslovaque en 1918, une forte position avait le courant ruthène est soutenu par le clergé de l’Église gréco-catholique. Mais ensuite, entre les deux guerres, une orientation ruthène en Slovaquie se caractérisée peu à peu en trois tendances ethniques : pro-russe, ruthène et pro-ukrainienne. Cette dernière tendance ayant pour ambition l’influence sur l’évolution de la culture ruthène. Après 1945, un Conseil national ukrainien est créé en Slovaquie. Il va devenir l’organisme politique et national des Ruthènes de la Slovaquie orientale, dans le but d’améliorer le niveau de vie tant du point de vue politique, économique, social et culturel, mais avec une orientation russophile pour les Ruthènes slovaques.

Après le 28 avril1950, les temples et les biens de l’Église gréco-catholique sont transférés aux mains des orthodoxes soumis à Moscou. Des 328 prêtres gréco-catholiques, seulement 23 vont se convertir à l’orthodoxie russe. Les deux évêques gréco-catholiques sont emprisonnés, où l’un d’eux, Pavel Peter Gojdič va y décéder, en 1960, à l’âgé 72 ans. Quant aux familles des prêtres désobéissants, elles sont expulsées par la force dans ce qui était la région des Sudètes avant la deuxième guerre mondiale, au nord de la Bohême, à plus de 700 kilomètres de la région ruthène de Slovaquie.

En 1950, l’église gréco-catholique de Slovaquie comptait environ trois cents milles croyants ruthènes et slovaques, mais après 1991, seulement 16937 personnes proclament leur confession gréco-catholique.

L’évêque orthodoxe Alexeï de l’Éparchie de Prešov (1950-1955), de son nom d’origine Alexandre P. Dechterev, ancien officier russe et ex-agent de la police secrète du MVD – le Ministère des affaires intérieures à l’époque soviétique – va suivre une formation à Kiev grâce à laquelle il sera installé ensuite au poste d’évêque orthodoxe pour les Slovaques, il est ainsi à la tête de l’Église orthodoxe en Slovaquie sous le gouvernement communiste staliniste.

En 1968, lors du Printemps de Prague, l’état tchécoslovaque va permettre le rétablissement de l’Église gréco-catholique. Les interlocuteurs ruthènes slovaques refusent en public une orientation ukrainienne dans la linguistique ruthénienne et demandent une reconnaissance de la minorité ethnique des Ruthènes en Slovaquie avec le rétablissement de l’Église gréco-catholique. Après 1989, la question de l’identité ruthénienne est de nouveau ouverte.

Dès 1990, après la Révolution de velours, l’état tchécoslovaque va, par la loi de restitution, remettre les biens et les temples occupés par les orthodoxes russes depuis 1950 aux gréco-catholiques. Cela ne se fera pas sans heurts, et de nombreux incidents vont opposer les habitants des villages des deux obédiences.

La culture ruthène en Slovaquie

Cette culture ruthène montre un ensemble d’églises en bois avec des icônes, et constitue, en outre, le folklore ruthène avec des chansons rituelles et le rite calendaire de Pâques, de Noël, etc…, mais aussi avec des chansons de mariage, et de danse, des berceuses, des ballades et des contes populaires. Les Ruthènes slovaques se divisent en deux groupes dialectiques : un est le groupe occidental des Lemkos dans la région de Veľký Lipník jusqu’à Vyšná Jablonka ; l’autre est le groupe oriental des Boïkos aussi appelés Pujdaci, situé géographiquement des environs de la vallée de la petite rivière Pčolinka et de la région en amont de la rivière de Cirocha, jusqu’au cours supérieurs de la Latorica et de l’Už – Uh en slovaque et Ouj en francais.

Signalons encore que trois églises en bois Gréco-catholiques – Uniates sont reprises au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2008. Il s’agit des églises Saint-Nicolas à Bodružal, de l’Archange Saint-Michel à Ladomirová et Saint-Nicolas à Ruská Bystrá.

PS : pour les besoins de notre exposition photos dont le thème était ″Les églises en bois de Slovaquie″, nous avons visité un grand nombre de ces églises uniates de l’est de la Slovaquie et nous pouvons vous garantir que les églises visitées étaient du plus haut intérêt, et nous pensons notamment à celles des villages de Ladomirová, d’Uličské Krivé, de Miroľa, de Brežany…

Inconvénient, la visite de l’intérieur de ces églises en bois n’est pas toujours facilement accessible et il est très souvent interdit de photographier.

Liens

http://vaheurope.eu/?p=125 : L’église en bois de Matysová

http://vaheurope.eu/?p=104 : Le village d’Inovce et l’église en bois de l’Archange Saint Michel

Sources

Dejiny Slovenska a slovákov. Milan S. Ďurica. Slovenské Pedagogické nakladateľstvo. 1995

Encyklopedia ľudovej kultúry Slovenska 1 – 2. Ed. VEDA Slovenskej akademie vied. 1995

Drevené kostoly. Miloš Dudáš, Ivan Gojdič, Margita Šukajlova. Dajama. 2007

2000 ans de chrétientés ; Gérard Chaliand – Sophie Mousset ; Ed Odile Jacob, janvier 2000

Les Uniates. Jean-Claude Roberti. Ed. du Cerf. 1992

Document UNESCO : http://whc.unesco.org/fr/list/1273

La vénération de saint Georges dans la culture populaire slovaque

Alice Hura – Charles Bugan

Les Slovaques, comme d’autres peuples slaves et européens, célèbrent la Saint-Georges. Cette fête est liée à l’accueil du printemps du culte rendu au feu purificateur et du soleil des anciennes divinités slaves.

Malgré la lutte acharnée de l’Église contre les vestiges des rites païens slaves, la vénération pré-chrétienne des forces de la nature continua dans les campagnes slovaques et ne disparaîtra qu’aux environs des années 50 du 20e siècle.

La figure de saint Georges, dans la mythologie chrétienne, retient surtout un cavalier sur son cheval blanc et qui pourfend un dragon. Il est fêté au printemps, le 24 avril.
Il est le saint patron des paysans, mineurs, selliers, maréchal-forgerons, tonneliers, voyageurs, orphelins, soldats, cavaliers et du bétail (chevaux et bestiaux). La légende du martyre de saint Georges s’est répandue dès le XIIe siècle.
Il est le saint patron de l’Angleterre et de l’ordre Teutonique.
Il fait partie des quatorze saints auxiliateurs et est invoqué contre les maux de tête, les maladies contagieuses et dartreuses.

Dans la tradition populaire slovaque, il était lié au début du printemps, à l’agriculture et, surtout, à la première sortie du bétail vers les pâturages. C’est un tournant entre l’hiver et l’été, et ce jour était lié à de nombreuses pratiques magiques, rituelles et imaginations populaires.

Cependant, les jours avant la fête de la Saint-Georges sont marqués comme défavorables, comme certains dictions slovaques le montre : un grondement de tonnerre avant cette fête signifie une année de récolte déficitaire, ou encore, jusqu’au jour de la Saint-Georges, rien ne pousse si on le tire avec la force de pince de fer mais après cette fête ″tout pousse fortement même si on le bat avec un marteau″. Mais la Saint-Georges est la figure d’accueil du printemps, c’est lui qui ouvre la terre pour l’année agricole : saint Georges viendra ouvrir le champ ou saint Georges se réveille pour ouvrir avec une clef la terre ; quand saint Georges arrive, il apporte l’été.

Certains animaux visibles et des plantes trouvées avant la Saint-Georges avaient une puissance magique. C’est le cas du trèfle à quatre feuilles, du Tussilage aussi appelé pas d’âne, du Populage des marais ou Caltha des marais ou encore Souci d’eau, du serpent, de la grenouille et du lézard. Tous avaient une vertu bénéfique qui se liait aussi à la magie de l’amour et du mariage, le mariage étant un sujet de prédilection pour les jeunes filles. Par exemple, voir un serpent avant la Saint Georges avait une importance spéciale dans la croyance populaire, il était considéré comme un gardien de trésor. Le trèfle à quatre feuilles apportait le bonheur s’il était cueilli avec les dents par un homme.

Le bétail

La première sortie du bétail au pâturage était le début officiel de la sortie commun du bétail au printemps après l’hiver et il était célébré avec solennité.

C’était surtout le cas pour les bergers de montagnes. Cette première sortie de troupeaux de moutons vers les bergeries éloignées signifiaient un changement des manières de leur vie dans les montagnes. C’était aussi le jour de la première sortie du bétail et cela recouvrait des traditions ancestrales liées avec de nombreuses pratiques de magie blanche devant assurer la prospérité et la fécondité du bétail.
Quelques exemples : pour l’élimination des forces néfastes, pour que les sorcières ne tètent pas le lait de vaches, le berger devait assurer son séjour avec le troupeau de vaches hors du village par un feu et d’autres rituels magiques. Pour cela, il recourait à un vieux rituel magique de protection de troupeaux contre les malheurs et il devait encenser le bétail ou déposer une chaîne en fer le long du chemin parcouru par le bétail, le but était d’assurer cohésion du troupeau et ne pas avoir des animaux éparpillés. On retrouve ce symbole de la chaîne dans le rituel de la Noël, sous la table du repas, pour l’union de la famille.

Le même rituel prophylactique était utilisé par les bergers dans les montagnes slovaques. C’est ainsi que chaque année, quand le berger montait avec son troupeau de brebis vers la bergerie de montagne, il devait assurer son troupeau de brebis par un rituel archaïque du feu vivant et un encensement purifiant. Le chef berger, le bača, passait trois fois autour de la bergerie et enfumait les brebis avec une fumée sortie d’un récipient en bois rempli de charbons ardents dans lequel se consumaient des herbes, des restes de cierges de Pâques, des morceaux de bâtonnet de craie qui avait servi à l’écriture des lettres des initiales des noms des Rois mages au-dessus de la porte des habitations, de la myrrhe (utilisée pour l’encens dans l’église). Puis, ce récipient était enterré à proximité de la cabane du berger et l’endroit était marqué à l’aide d’un tuteur en bois comportant un trou dans lequel on introduisait des plantes médicinales.

Les réjouissances de la jeunesse du village la nuit de la Saint-Georges

C’est une démonstration de joie, une pétulance printanière des jeunes gaillards, les jeunes hommes du village. Il représente un symbole printanier, incarné au masculin, amant de la Terre.

Une croyance veut que saint Georges marche dans le champ et fasse naître le blé. La semaine ou 10 jours après Pâques étaient des jours de sorcières, et pour les contrer, à la nuit ou à la veille de la fête de Saint-Georges, on allume un grand feu et les jeunes hommes du village sautaient par-dessus. Cette coutume va persister jusqu’au premier tiers du 20e siècle.

Mais aussi, la nuit de la Saint-Georges, les garçons du village déplaçaient les outils et objets agricoles, ils les démontaient et allaient les placer sur les toits des granges ou dans des hauteurs (arbres par ex). Cette activité espiègle était une persistance archaïque de l’idée de se protéger contre les forces maléfiques de sorcières. Autre exemple, les dents de fer des outils coupants agricoles étaient placés devant les granges et avaient une fonction de défense contre les sorcières, elles pouvaient se blesser. Ce qui pouvait permettre, le lendemain, de découvrir les ensorceleuses du village ! Cet humour et cette activité ludique des garçons étaient toléré par la commune.

Pour assurer une belle moisson, au jour de Saint Georges la jeunesse se roulent sur les pousses de blé d’hiver au champ.

Les jeux de divination traditionnels des jeunes filles

Le jour de la Saint-Georges, les jeunes filles du village chantent des chants rituels mais surtout des chants d’amour et elles tressent des couronnes de verdure ou de fleurs pour s’assurer d’un bon mariage. La couronne était jetée par la jeune fille sur certains arbres de la forêt et si la couronne restait suspendue, elle serait mariée avant la fin de l’année. Par contre si la couronne retombait par terre, la jeune fille allait rester célibataire. Pour remplir son désir à se marier avec son amoureux, la jeune fille tressait une couronne avec neuf branches de verdure avant le levé du soleil le jour de la Saint-Georges tout en prononçant des formules magiques.

L’appel du soleil par des enfants

En ce jour de Saint-Georges, dans les près et pâturages, les enfants se divertissaient en célébrant l’arrivé du printemps et du soleil par des jeux. Ces jeux rappellent l’appel du printemps des rites archaïques slaves. De nos jours, ces jeux enfantins passent par une modification stylisée et sont intégrés par les groupes folkloriques.

La tradition de la vénération de la Saint-Georges a été très intense dans les régions de la Slovaque méridionale et occidentale.

De nos jours, se sont les groupes folkloriques en Slovaquie qui assurent la mémoire des coutumes populaires.

Les représentations de saint Georges

Dans l’église Saint-Jacques de la ville de Levoča, on peut voir la statue équestre de saint Georges terrassant le dragon dont Maître Pavol (* vers 1470 – † vers 1542) serait l’auteur (une copie, plus accessible, se trouve dans le musée Dom Majstra Pavla à Levoča.

Vénéré aussi bien à l’occident qu’à l’orient, on retrouve de nombreuses icônes orthodoxes et gréco-catholiques ainsi que des représentations du saint dans l’art de l’Église catholique.

Pour terminer, signalons qu’en Belgique, le dimanche de la Trinité, lors de la ″Ducasse de Mons″ se déroule sur la Grand place, le combat du Lumeçon, le combat de saint Georges contre le dragon. C’est l’occasion de grandes réjouissances dans cette ville du Hainaut.

Sources

Encyklopedia ľudovej kultúry Slovenska 1 – 2. Ed. VEDA Slovenskej akademie vied. 1995

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

Une autre Russie. Fêtes et rites traditionnels du peuple russe. Nadia Stangé-Zhirovova. Ed. Peeters.1998

De la paysanne à la tsarine. La Russie traditionnelle côté femmes. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2007

Le monde mythologique russe. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2014

Petit dictionnaire de mythologie populaire roumaine. Ion Talos. Ed. Ellug, Université Stehdhal Grenoble. 2002

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967

Saints guérisseurs de Wallonie et Ardennes. Daniel-Charles Luytens. Ed. Noir dessin production. 2003

Reconnaître les saints. Symboles et attributs. B. Des Graviers et T. Jacomet. Ed. Massin. 2006

Podolinec, l’église de l’Assomption

Alice Hura – Charles Bugan

Bâtie au XIIIe siècle, l’église Nanebovzatia Panny Márie – de l’Assomption de la Vierge Marie – domine la place centrale de la ville de Podolinec et se trouve sur la route des chemins de pèlerinage dont celui de Saint-Jacques de Compostelle. Elle comporte dans son chœur de très jolies peintures murales du moyen âge très intéressantes avec une longue fresque de l’Adoration des Rois mages de toute beauté. A visiter absolument.

La ville de Podolinec est située dans la région historique de Spiš. La première référence écrite date de l’année 1244.

Cette église gothique a été construite, à l’origine, selon le schéma traditionnel : une nef et un chœur à chevet polygonal. L’entrée se fait par l’ouest où se trouve une tour-clocher. Des nefs latérales ont été ajoutées dès la première moitié du XVIIIe siècle, de même qu’une sacristie dans le sanctuaire, côté nord.

Histoire

Une église se trouvait à l’origine sur le site de l’église d’aujourd’hui et est mentionnée dans la charte papale du pape Grégoire IX du 7 janvier 1235, qui est également la plus ancienne mention écrite de l’église du Haut Spiš et une des plus anciennes mentions écrites de la ville.

Cette église a été incendiée par les Tatars en 1285 et en 1287.

L’église actuelle était encore en construction en 1298, quand l’archevêque du Basile de Jérusalem de rite arménien écrit à l’évêque de Cracovie, Ján Muskat, qu’il fera tout pour aider à l’achèvement de l’église de l’Assomption et que, pour l’exécution des autels de saint Nicolas et de sainte Marguerite, des indulgences seront accordées.

Cette église a été achevée à la fin du XIIIe siècle. Elle sera encore reconstruite en partie et voûtée dans la seconde moitié du XIVe siècle.

En 1404, l’église a brûlé. Mais la tour, la nef principale avec le presbytère et la sacristie ont été préservées du bâtiment d’origine.

Les éléments architecturaux les plus anciens du bâtiment comprennent les portails (entrées) avec des portes gothiques, des voûtes croisées faites de nervures qui s’insèrent dans des consoles à tête humaine, la clef de voûte qui est ornée du visage du Christ, et les fenêtres. Dans le chœur se trouvent trois sièges gothiques en pierre qui étaient destinés au clergé et le pastophorium avec une grille en fer qui devait contenir les hosties dans l’église médiévale. Autre élément des plus anciens, l’arc triomphal.

L’église va encore subir des travaux et transformations au cours des années qui suivent, après le tremblement de terre vers 1662, un nouvel incendie en 1671, et il est probable qu’en 1684, un autre incendie ait touché l’église. La Renaissance va aussi apporter son lot de nouveaux éléments, comme le clocher qui se trouve devant l’église.

Dans la première moitié du XVIIIe siècle, la recatholisation va apporter son empreinte par l’art qui va la caractériser dans le pays : le baroque. L’église sera agrandie par une première nef latérale, la nef de sainte Anne de Metercie au nord (1), puis avec la nef de sainte Cunégonde (* 1234 – † 1293) en 1718, au sud. (2)

Sous la nef de sainte Cunégonde et sous la nef principale se trouvent des cryptes qui contiennent un grand nombre de squelettes humains. Les cryptes ont été découvertes par hasard lors de travaux au XXe siècle, lorsque l’ancien étage de l’église s’est effondré, entraînant dans sa chute un garçon qui aidait aux travaux. Sous le choc, le sol de la nef de sainte Cunégonde s’est écroulé permettant ainsi la découverte des cryptes.

Par la suite, un récipient en cuivre a été placé dans la crypte avec un document décrivant qui et quand s’y trouvait, ensuite l’ouverture a été murée.

L’entrée d’origine de la crypte principale devait probablement être située devant l’entrée principale de l’église sous un treillis forgé.

Autour de l’église se trouvait également un cimetière.

Derrière l’église on aperçoit le clocher de l’église du monastère baroque fondé par l’Ordre des Piaristes de 1647 à 1651. Ils l’occuperont jusqu’en 1919. Le monastère est aujourd’hui occupé par les Rédemptoristes.

Les fresques du chœur

L’ensemble du chœur est recouvert de rares fresques médiévales datées des années 1360 – 1430 en plusieurs couches, ce qui signifie que sur les peintures originales un nouvel enduit a été appliqué et qu’ensuite elles ont été repeintes avec de nouvelles scènes. Cela expliquerait, peut-être, que l’on retrouve une scène d’un évangile apocryphe sur l’arc triomphal.

Les peintures actuelles ont été découvertes entre 1910 et 1920 par le restaurateur L. Táry.

Les fresques sont conservées sur les murs et les voûtes du chœur et sur l’arc triomphal. Il est possible que les murs de la nef aient été décorés mais la construction des nefs latérales les a fait disparaître.

Les fresques sur les murs sont disposées en trois registres et les scènes sont séparées par un cadre en ocre. Les peintures les mieux conservées sont sur les murs nord et sud. Celles derrière le retable n’étaient plus visibles pour la plupart lors de notre visite en septembre 2019. Un enduit y était déposé, est-ce dans l’attente d’une restauration profonde ? Nous n’avons pas reçu l’information.

Les fresques murales représentent un cycle christologique dans un certain désordre.

Sur le mur nord

Le registre inférieur est entièrement dévolu à l’Adoration des Rois. Enfin presque car une petite scène, étroite, située juste derrière Marie interrompt le mouvement de l’Adoration. C’est incontestablement la plus jolie et la plus précieuse fresque. Nous proposerons notre étude de la représentation et de la scène qui la suit dans un autre article.

Le registre du milieu présente l’arrestation de Jésus et le baiser de Judas, Jésus devant Pilate, le déshabillage de Jésus, sa flagellation et sa présentation devant le grand prêtre Caïphe curieusement représenté avec une couronne sur la tête !

Le registre supérieur est composé de l’Entrée dans Jérusalem, la Cène.

Au-dessus, dans un médaillon, saint Luc représenté par son symbole, le taureau.

Dans l’abside

N’étaient plus visibles que :

Registre supérieur, le Lavement des pieds
Registre du milieu, la Pose de la Couronne d’épines et le port de la croix.
Registre inférieur, la Mise en croix de Jésus et la Crucifixion.

Sur le mur sud

On ne voit plus que trois scènes du registre inférieur. La Résurrection, l’Apparition à Marie-Madeleine et la Pentecôte.
Une fenêtre plus récente que les peintures a été percée.
Au-dessus, dans un médaillon, saint Marc représenté par son symbole, le lion.

Dans les voûtains du plafond, on retrouve la Vierge à l’Enfant, le sein d’Abraham, le Christ bénissant, des anges dans des médaillons et des anges musiciens, le tout dans un décor floral.

L’arc triomphal

Dans l’intrados, nous retrouvons des prophètes. Sur le piédroit côté sud, saint Nicolas Évêque. (3)
Du côté nord, la chaire est fixée sur le piédroit, il n’est donc plus possible de voir la peinture qui s’y trouve.

Coté chœur, sur le nord, l’Apparition à Thomas et côté sud, une représentation très rare de la Vierge Marie et de Jésus enfant, qui a une attitude anormale, voyons cela.
Marie, main gauche levée, s’adresse à un homme qui a sa main droite sur le cœur (un geste que l’on voit souvent aujourd’hui, lors de l’exécution des hymnes nationaux, mais qui ici à une autre signification !). Marie tient son Fils enfant par la main droite. Celui-ci se détourne de la scène et porte un panier dans la main droite, panier dans lequel on peut distinguer une fleur à 4 pétales, en forme de quadrilobe. La tunique de l’Enfant est ornée d’un motif de cinq fois trois points.
Selon la littérature (4), il s’agirait d’un homme qui instruisait la jeunesse, comme on peut le lire dans les textes apocryphes de l’Évangile de l’enfance chapitres XLVIII et XLIX et dans l’Évangile du Pseudo-Matthieu, chapitres XXXVIII, XXXIX ou XXV. Ce maître-enseignant devrait être Zachée ou Lévi !

La voûte du chœur

La voûte au-dessus du chœur est, comme c’était la coutume dans les églises médiévales, décorée de figures et de symboles des représentants du ciel. Les médaillons de la décoration en arc, qui sont entourés par un ornement composé de feuilles et de fleurs, représentent les figures des représentants du ciel en partie selon l’iconographie byzantine à savoir Marie Orante au nord, la Sainte Trinité au sud, le sein d’Abraham à l’ouest. Ces trois représentations sont entourées de deux médaillons représentant des anges. Quant au quatrième médaillon, celui de l’est, il représente le Christ avec le livre de vie et autour de lui, deux médaillons représentant chacun un évangéliste sous la forme du tétramorphe, à savoir d’un côté l’aigle de Jean, de l’autre, l’ange de Matthieu.

La clef de voûte est ornée d’une fleur.

Les arêtes sont ornées d’un motif en forme de triangles et de chevrons.

Quant à la décoration de la voûte de l’abside, elle comporte des anges avec des instruments de musique et côté sud, une fenêtre ronde au-dessus d’une fenêtre classique en demi-cercle percée plus tard endommageant ainsi une partie des fresques, comme c’est le cas de la fenêtre du mur sud !

Au-dessus du retable, la clef de voûte comporte deux clefs croisées, les clefs de saint Pierre, qui pourrait être le symbole de la papauté.

La chaire à prêcher

Elle est placée contre le piédroit de l’arc de triomphal côté nord.
C’est une sculpture sur bois polychrome et marbrée datée vers 1723. Le dais de la chaire est surmonté d’un Agneau de Dieu. Un nuage avec une colombe dans un halo, symbole du Saint-Esprit est peint sur le plafond du dais. Sur la partie verticale on remarque le blason de la famille Lubomir, le même que sur le retable principal au-dessus de la Vierge, ce qui permet de dater la chaire de la même période.

Les fonts baptismaux

Sous la chaire à prêcher près de l’arc triomphal, sur un socle circulaire en pierre, se dresse les fonts baptismaux en bronze gothique, très probablement des années 1660. Il a été fabriqué par un atelier de la ville de Spišská Nová Ves. Il pourrait s’agir d’une œuvre du plus célèbre fabricant de cloches, Maître Konrad. Le pourtour du manteau est décoré de reliefs du Calvaire avec la Vierge Marie et l’apôtre Jean. A différents endroits, on peut distinguer, dans des médaillons, des reliefs d’oiseaux, d’anges, de l’Annonciation et des décors de végétal. La représentation de l’ange dans les reliefs des fonts baptismaux est identique au médaillon en cuivre trouvé à Vyšehrad près d’Esztergom lorsque Maître Konrad a coulé la plus grande cloche connue de l’Europe médiévale en l’honneur de Louis Ier, roi de Hongrie, de la famille Anjou (*1326 – † 1382).
Un couvercle en cuivre rouge repoussé, surmonté d’une croix, vient se poser sur le pourtour orné de deux têtes. Les commanditaires, les auteurs ? Les dimensions des fonts baptismaux sont : 100 cm de haut et 63 cm de diamètre. Le couvercle est surmonté d’une croix.
Au Moyen Age, le baptistère était situé à l’extrémité de la nef à l’entrée ouest de l’église. Cet emplacement du baptême symbolisait le fait qu’un nouveau-né ne pouvait entrer dans l’église que par le premier sacrement : le baptême.

Le pastophorium

Situé comme il se doit sur le côté nord, cette niche en pierre est du gothique tardif à été ajoutée après la peinture de la fresque de l’Adoration des Rois. Ce lieu où étaient stockées les hosties dans l’église médiévale, est fermé par une grille en fer. Une peinture donnant l’illusion d’un dais entoure la majeure partie du pastophorium, semblant rappeler ainsi le Saint des Saints (Ex 26, 7-14 et 26, 31-35 et Hébreux 9, 1-7) ou la Tente de la Rencontre.

Notes :

1 Sainte Anne de Metercie est une peinture baroque du XVIIe siècle, qui représente sainte Anne, la Vierge Marie et Jésus enfant et qui se trouve à Rožňava. Cette peinture est remarquable car à l’arrière-plan, on peut y voir des scènes du travail d’extraction manuelle du minerai par les mineurs dans la région de Gemer vers 1513, date de la réalisation de la peinture qui est, ainsi, un mélange d’art sacré et d’art profane.

2 Cunégonde est la fille du roi Béla IV de Hongrie, la nièce de sainte Élisabeth de Hongrie et la sœur de sainte Marguerite de Hongrie. Quand son mari, le roi de Pologne Boleslas meurt en 1279, elle va rejoindre le monastère des Clarisses de Starý Sacz. Béatifiée en 1690 par le pape Alexandre VIII, elle ne sera canonisée qu’en 1999. La peinture centrale de l’autel la représente en habits de Clarisse.

3 Difficilement identifiable car ne possédant pas d’attribut permettant sa reconnaissance, nous pensons qu’il faut recourir au courrier du Basile de Jérusalem, cité plus haut, pour proposer le nom de saint Nicolas. Une autre possibilité était la représentation de saint Martin, très populaire à l’époque dans la région, mais nous retenons saint Nicolas, comme le pense aussi Monsieur Mgr Hudáček, curé de la paroisse.

4 Středoveka nástenna malba na Slovensku, page 129 et Stredoveká nástenná maľba na Spiši page 247

Visite : l’église est fermée hors heures des offices, il est donc préférable de prendre contact pour une éventuelle visite.

Mgr. Štefan Hudáček, farár
052/43 912 04

Nous le remercions pour sa disponibilité et son aide précieuse.

Liens utiles :

https://www.dokostola.sk/farnost/podolinec

https://farnostpodolinec.webnode.sk

Info : www.vaheurope.eu

Mail : vaheurope@gmail.com

PS : nous reviendrons avec deux articles. L’un sera consacré à la fresque de l’Adoration des Rois. Nous essayerons de décrypter cette scène qui est, ici, très intéressante. L’autre présentera les autels.

Sources :

Středoveka nástenna malba na Slovensku, page 129

Stredoveká nástenná maľba na Spiši, page 247

Les Évangiles apocryphes

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali

Ottova praktrická Encyklopédia Slovensko.

https://www.podolinec.eu/historia-klastora-piaristov/

Akcia K – Opération K

Alice Hura – Charles Bugan

Durant la nuit du 13 au 14 avril 1950, l’Opération K, se met en place. C’est une attaque du régime communiste contre le clergé catholique, attaque qui sera suivie par de nombreux procès.

C’était il y a 70 ans. La Slovaquie se rappelle cette triste date comme la liquidation totale de la vie monastique et intellectuelle, et dans le contexte historique, comme une destruction des valeurs culturelles.

La nuit du 13 au 14 avril 1950, est le témoin d’une opération secrète appelée en slovaque ″Akcia K″, en français ″Opération K″, K comme Kláštor – Monastère. Elle est organisée par le régime communiste tchécoslovaque et ses buts concernent la fermeture de nombreux couvents, la suppression des ordres monastiques masculins et l’internement des moines et de prêtres religieux dans des camps de travaux forcés.

Pendant cette nuit, des unités de la police, de la police secrète communiste, aussi aidés par des groupes de milice communiste armés, procèdent à un raid dans les monastères masculins du pays, au nombre de 75 monastères dans la Tchécoslovaquie, et déportent de façon brutale presque tous les religieux. Ils seront internés dans des ″couvents concentrés″ préparés à l’avance en toute discrétion pour cette occasion.

Les nombreux édifices monastiques seront saisis et transformés en établissements par pour les malades mentaux, en dépôts agricoles… Certains bâtiments religieux seront abandonnés et tomberont en ruines avec le temps.

Aujourd’hui quelques monastères de la Slovaquie ont été transformés en musée. C’est le cas de Červený kláštor et de Hronský Beňadik. Celui de Skalka près de la ville de Trenčín est en grande partie en ruines, comme c’est aussi le cas à Bzovík.

Sources :

Dejiny Slovenska a slovákov. Milan S. Ďurica. Slovenské Pedagogické nakladateľstvo. 1995

Histoire des pays tchèques et slovaque. Antoine Mares. Ed Hatier. 1995