Sainte Barbe, le 4 décembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Sainte Barbe – Barbora en slovaque, est fêtée le 4 décembre. Vierge et martyre, elle est la protectrice des mineurs, des artificiers, des artilleurs et des fondeurs. En Slovaquie elle était une sainte très vénérée et de nombreuses peintures ou sculptures ont été réalisées. Reconnaissable aisément par ses attributs que sont le glaive, un ciboire surmonté d’une hostie, une couronne, la palme de martyre et, le plus souvent, avec une tour à une, deux ou trois fenêtres (parfois sans) située près d’elle. Elle est représentée seule ou aux côtés de sainte Catherine d’Alexandrie, de sainte Marguerite d’Antioche et de sainte Dorothée.

Le jour de Sainte-Barbe est un autre jour de « sorcières » dans la croyance populaire slovaque, et la visite d’une femme, tôt le matin, est mal perçue. Par contre, la visite d’un homme est bénéfique, car il protégera la maison contre les sorcières. Cette croyance populaire était répandue dans une partie de la Slovaquie centrale.

En ce jour, autrefois, dans les campagnes slovaques, les femmes ne filaient pas, ne cousaient pas, ne préparaient pas les plumes pour les édredons, parce que ce travail pouvait être sous une influence néfaste des sorcières. C’était une interdiction superstitieuse de prévention contre les maladies du bétail à cornes, pour éviter qu’ils se blessent entre eux avec les cornes et aussi de prévention contre la perte de moutons dans la bergerie.

Une ancienne coutume slovaque, favorable pour les garçons, existait dans la vallée haute du Hron – région de Horehronie. Tôt le matin ils se regroupaient et formaient un cortège le jour de Sainte-Barbe. Ils allaient de porte en porte dans le village, avec un outil en acier ou en fer appelé oceľa ou ocieľka en main, cet outil en métal symbolisant la bonne santé. Alors, ils souhaitaient tout le bien et la bonne santé pour les habitants de la maison et en reconnaissance le maître de maison donnait quelques pièces de monnaies, car leurs visite était bénéfique, elle apportait la protection dans la maison contre les sorcières.

Une coutume un peu isolée dans le milieu rural des régions de Nitra et de Trenčín, était le cortège de Sainte-Barbe des filles ou jeunes femmes déguisées, appelées Barborky parfois accompagnées aussi par des garçons déguisés et vêtus d’une longue chemise blanche, le visage caché sous un voile. Les Barborky entraient dans les maisons du village avec le même rituel que le cortège des personnages déguisés, appelés Lucies le 13 décembre. Là, chaque Barborka – membre du cortège des Barborky, pourvue d’une aile d’oie1 ou d’une balayette composée de plumes d’oie qu’elles tiennent en main, elles vont, symboliquement, épousseter dans la maison. Le but de ce rituel est de chasser et de « nettoyer » le ménage qui pourrait être sous l’influence des puissances obscures néfastes.

Autre part, dans la région de Považie – région de la vallée du Váh, il y avait le cortège de quatre filles déguisées en Barborky. Le soir à la veille de la Sainte-Barbe, elles entraient dans la maison du village où étaient rassemblées des fileuses et si de jeunes hommes étaient présents, ils étaient frappés avec des cuillères en bois par les Barborky. Puis, elles dansaient en mesure rythmé sur les coups des cuillères en bois. Parfois il y avait un garçon portant un déguisement fait de gerbes de paille cousues (manches et jupon) qui dansait avec elles.

En milieu minier, sainte Barbe était une sainte très populaire. C’était la sainte patronne des mineurs, elle était/est invoquée contre le feu, la foudre et la mort subite.

Ce-jour-là, selon des traditions, les jeunes mineurs des environs de la ville minière de Banská Štiavnica, allaient de porte en porte dans les maisons du village minier en chantant des chants de Koleda, et invitaient les filles à chanter des cantiques de Noël.

Dans la commune de Radošiná – district de Topoľčany -, la veille du jour de Sainte-Barbe, de même qu’à la veille de la Saint-Nicolas et de la Sainte-Lucie, les garçons ou les jeunes hommes déguisés avec des masques allaient de porte en porte dans les maisons du village en silence, pour restent inconnus, et jouaient la mascarade. Dans les environs de Topoľčany, deux filles déguisées en Barborky, l’une tenant des plumes d’oie, la deuxième avec un balai entraient en silence dans la maison, balayaient le sol et époussetaient des coins et les murs pour les débarrasser des toiles d’araignées, et ressortaient toujours en silence.

Dans d’autre village, comme à Šurianky, dans le district de Nitra, le cortège de Sainte-Barbe des garçons déguisés et jouant la mascarade étaient accompagnés de la musique d’un accordéoniste et les jeunes hommes dansaient avec chaque personne rencontrée dans la rue du village.

La coutume de Bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe

Il est aussi d’usage, en ce jour de la Sainte-Barbe, de mettre un rameau d’arbre fruitier – soit un cerisier, soit un griottier, prunier ou pommier – dans une cruche contenant de l’eau afin d’obtenir des pousses et une floraison le jour de Noël. Si c’est le cas, l’année sera bonne pour l’agriculture et les arbres fruitiers.

Dans le village de Zámutov, dans le district de Vranov nad Topľou, une coutume du jour de la Sainte-Barbe est appelée la Plantation des cerisiers. Un membre de la famille de la maison coupe pour chaque membre de la famille un rameau de cerisier. Chaque rameau de cerisier est identifié avec chaque membre de la famille, et est marqué de son nom. Les rameaux de cerisier sont posés ensemble dans un vase sur un endroit chaud et on attend jusqu’à la Noël. Si une branche de cerisier fleurit avant la Noël, cela signifie une longue vie pour le membre de la famille dont le nom est inscrit.

Aujourd’hui, les anciennes coutumes des fêtes agraires et cultuelles sont présentées par les groupes folkloriques locaux et par les ensembles des danses et chants populaires slovaques surtout lors des festivals folkloriques. Par exemple, au village de Zámutov, où dès 1964, le groupe folklorique Zamutovčan, a continué à développer et présenter les traditions populaires de ses ancêtres de la région de Haut Zemplín.

Mais parmi les traditions conservées jusqu’à nos jours dans la population slovaque, la coutume la plus populaire et toujours en cours, bien que parfois adaptée à nos temps modernes, est la coutume de Bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe. C’est ainsi que dans la région de Liptov, dans le village montagnard de Vlkolínec2, la coutume est de faire bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe à partir du prunellier ou épine noire (Prunus spinosa), tandis qu’à 10 kilomètres, dans la ville de Ružomberok, ce sont des rameaux de forsythia.

C’est ainsi que ces rameaux fleuris sont devenus une partie décorative de Noël dans les maisons slovaques.

Dans la population plus âgée, pour la plupart, le rituel de manger de l’ail fait souvent appel à la vertu curative de celui-ci, mais sert aussi parfois de prévention contre des maléfices…

Mais, aujourd’hui, et comme en d’autres lieux, la mascarade des Barborky a subi l’influence du tourisme et se déroule le plus souvent à l’occasion de festival folklorique.

Dictons populaires pour la météo

Il y a aussi quelques pronostics slovaques de prévisions populaires météorologiques. On disait « Tel temps est au jour de la Sainte Barbe, tel temps sera jusqu’à Noël » ; cela signifie un temps stable pour les prochaines semaines ou : « sainte Barbe tire la luge dans la cour de la maison », cela signifie que les premières neiges arrivent sur les hauteurs de pays.

Notes

1 Une aile d’oie était un outil utilisé habituellement avant la cuisson de pains pour « dépoussiérer » le four à pain domestique. Des plumes d’oie assemblées et maintenues par une ficelle formant un pinceau était aussi utilisé comme pinceau de pâtisserie.

2 Vlkolinec est un village constitué de maisons en bois, situé près de la ville de Ružomberok et qui, en sa qualité de réserve historique d’architecture populaire, est inscrit au Patrimoine de l’UNESCO depuis décembre 1993.

Eglises dédiées à sainte Barbe en Slovaquie

L’église franciscaine (18e siècle) de Žilina est dédiée à sainte Barbe.
Dans la Chapelle de Sainte-Barbe de l’église gothique paroissiale de Banská Bystrica, ancienne ville minière, se trouve un autel-retable en bois de type armoire avec ailes mobiles qui provient de l’atelier de Maître Paul de Levoča (16e siècle). Le centre de l’armoire est rempli par un groupe de statues sculptées de la Vierge Marie, de Saint Hiéronyme (Jérôme) et de sainte Barbe. Les ailes du retable sont peintes avec des épisodes de la vie de Saint Hiéronyme et de Sainte Barbe.
Dans l’église gothique Saint-Égide à Bardejov, on y trouve un retable de 1460, dédié à sainte Barbe. Elle y est représentée en compagnie d’autres saintes : Catherine d’Alexandrie, Marguerite d’Antioche, Cunégonde et Lucie.
Dans le skanzen – Musée en plein-air du village de Liptov à Pribylina se trouve l’ancienne église dédiée à la Vierge Marie du village Svätá-Mara disparu sous les eaux du barrage de Liptovská Mara. A l’intérieur se trouve le retable des Quatre Vierges et Martyrs, daté de 1677. Sainte Barbe est accompagnée de sainte Élisabeth de Hongrie, sainte Catherine et sainte Marguerite d’Antioche.
Dans le village de Hervartov, se trouve l’église en bois classée de l’UNESCO, à l’intérieur se trouve le retable principal en bois peint de la Vierge Marie accompagnée de sainte Barbe et de sainte Catherine, daté de 1460-70.
Dans l’ancienne église gothique de Tous les Saints à Ludrová-Kút, de 2 km près de la ville de Ružomberok, on peut voir la fresque de sainte Barbe peinte sur l’intrados (début du 15e siècle).
Le Musée de Liptov (Liptovské múzeum) à Ružomberok, abri le retable principal en bois polychromé de cette église avec le panneau peint (vers 1527) où se trouve sainte Marguerite d’Antioche, sainte Catherine d’Alexandrie et sainte Barbe, avec ses attributs, le calice et l’hostie.

Voir :

www.liptovskemuzeum.sk/expozicie/muzeum-liptovskej-dediny-pribylina

www.vlkolinec.sk

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Photos: Alice Hura, Charles Bugan

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradície. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Zuzana Drugová, 2008. Slovak-edition – Ottovo Nakladatelstvi. 2009

Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004

Kostol Všetkých svätých v Ludrovej-Kúte. Svedok stáročí. Mária Anderssonová, Branislav Močáry, Peter Svrček ml, Jozef Vandák. Ed. Branislav Močáry SOVA

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Autels dans les collections des musées et des galeries en Slovaquie et en Bohême. Galerie Nationale Slovaque Bratislava. Ed. i+i print, Bratislava. 1991

La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967

Le livre des Masques. Michel Revelard, Guergana Kostadinova. Ed. La Renaissance du livre. 1998