Magie des chandelles, oracles, le 2 février, jour de la Chandeleur est une ancienne coutume qui était sensée protéger les maisons, les habitants et leur apporter de bonnes récoltes et le lendemain, jour de saint Blaise, est aussi important dans l’imaginaire des gens afin d’obtenir une bonne moisson.
En Slovaquie la fête de la Chandeleur, le 2 février, est appelée Hromnice.
Un peu d’histoire
La fête de la présentation de Jésus-Christ au Temple et de la Purification de la Vierge est célébrée dans l’Église catholique et orthodoxe le 2 février en 2017.
Cette fête est honorée en mémoire de la présentation de l’Enfant Jésus au Temple raconté dans l’Évangile de Luc (1) conformément à la loi juive qui prescrivait la purification de la mère et la présentation de l’enfant au Temple de Jérusalem 40 jours après la naissance.
Cette fête a pris sa dénomination populaire de « chandeleur » en raison des chandelles et cierges bénits portés en procession ce jour pour rappeler la prophétie du vieillard Siméon qui, lors, de la présentation du Jésus, avait annoncé qu’il serait « Lumière pour toutes les nations ».
Cette fête fut instituée par le pape Vigile au 6e siècle, pour christianiser la fête païenne de Proserpine (Perséphone chez les grecs), que les païens Romains célébraient avec des torches ardentes.
Selon les ethnographes, l’évolution de la fête chrétienne de Hromnice était peu compliquée, dans la tradition des vieux Slaves c’était la fête appelée stretenie – rencontre de l’hiver avec l’été. Chez les Slaves occidentaux la fête Hromnice était probablement la célébration du dieu Pérun/Péroun, dieu de tonnerre (hrom en slovaque) et de la foudre (blesk en slovaque) et dominateur du feu. Selon d’autres, c’était le jour de Veles/Volos – fête de l’ours dans le culte païen des Slaves orientaux.
La fête dans la Rome antique appelée Lupercalia, fêtée par les Romains qui célébraient la fondation de Rome, vers le 15 février, et en l’honneur du dieu Faunus, protecteur des troupeaux contre des loups. Les luperques – prêtres de ce dieu – sacrifiaient des boucs à leur dieu à une grotte au pied du mont Palatin. La peau de bouc coupée en lanières, étaient servie aux jeunes hommes pour le « fouettage des Romains ». Les jeunes hommes couraient autour du mont Palatin en frappant les spectateurs, en fouettant surtout les femmes avec les peaux de bouc. Les processions avec des torches ardentes et le fouettage avaient un sens purificatoire magique.
A l’époque chrétienne, c’est devenu la fête de la Purification de la Vierge et le rituel de bénédiction des chandelles.
Hromnice et les chandelles
La chandelle est, pour les superstitieux, un symbole de protection contre les orages ou, plus exactement, contre la foudre qui pouvait enflammer les bâtiments. N’oublions pas que la plupart des constructions dans les villages, les montagnes slovaques étaient complètement en bois et avaient, pour certaines régions (sud-est de la Slovaquie), des toits en chaume.
Le fait de brûler une chandelle durant l’orage était – est encore pour certains – donc sensé protéger les bâtiments.
Les gens croyaient aussi, croient encore, au miracle de la bénédiction des chandelles comme thérapie contre le mal de gorge de même qu’à la possibilité de passer de vie à trépas plus facilement ou plus exactement, sans souffrir (2).
Le repas de Hromnice
Pour la chandeleur, les villageois préparaient un repas traditionnel avec des pâtes fraîches – rezance – en slovaque, ce sont des nouilles rituelles très longues, ou encore avec des pâtes appelées šúľky ou slíže – composées de pommes de terre et de farine, et roulées sous la forme de la grosseur d’un doigt.
Dans la région de Liptov, il existe un usage établi pour le rituel pour la cuisson de ces pâtes en forme de rouleau pour le repas de la Chandeleur. Hélas, de nos jours ce rituel tant à disparaître alors que depuis le début du 19e siècle, les enfants chantaient et dansaient pendant la cuisson du repas sur la formule incantatoire suivante :
Varte mamko, len šúľance, nech sú tučné ako škorce. Bryndze hodne obetujte, a škvarky tiež nešanujte. Každému nadeľte misku, nech sa rovná ľan úžitku.
Texte en patois slovaque de la région de Liptov et que l’on peut traduire en français par :
Maman cuis les pâtes roulées pour qu’elles soient grosses comme un étourneau, saupoudre-les avec beaucoup de fromage de Bryndza et de rillons et n’économise pas ! Mets-en dans chaque bol, pour que le lin croisse pour son utilisation.
Ces mets sont préparés pour un rituel de magie destiné à obtenir des pousses très longues de lin et de chanvre, de même que les pâtes sont saupoudrées de Tvaroh – un fromage blanc – pour avoir un aspect blanc, ce rituel étant accompli afin d’obtenir des toiles biens blanches plus tard.
La coutume culinaire de préparer ce jour le repas de pâtes longues saupoudrées soit de pavot, soit de fromage de lait de brebis – bryndza ou de fromage de lait de vaches – tvaroh, était très répandue partout en Slovaquie. Cette coutume disparait cependant peu après la Seconde guerre mondiale, quand disparaît la fabrication domestique des toiles du lin et du chanvre.
Les prophéties agraires et les superstitions
A cette période, en Slovaquie, la neige est bien présente et les familles vont pratiquer la luge et glisser sur la neige fêtant ainsi la nature et la Chandeleur. Jadis, ce sport était aussi sensé apporter la garantie de très longues tiges du lin et du chanvre – des plantes industrielles pour le textile qui étaient fabriqué à la maison.
Une tradition ancienne dit que le 2 février permet aussi de pronostiquer la prospérité, ou non, de l’agriculture, pour les récoltes venant de la terre – blé, orge, avoine, pommes de terre, chou, pois, haricot, lentille, pavot… – et pour la récolte de plantes industrielles ayant comme utilité le textile – lin, chanvre…
Dans le village montagnard de Podkonice, dans le district de Banská Bystrica, on disait : Na Hromnice – koniec sanice : à Hromnice (à la Chandeleur) – c’est la fin de luger.
Autrefois, pendant ce jour, les villageois de Podkonice se réconfortaient avec des boissons alcoolisées dans une taverne. On disait que cela avait une vertu préventive contre les piqûres des mauvaises mouches d’été et de taons des pluies, insectes extrêmement importuns. Et celui qui ne boit pas, les mouches le piqueront toute l’année.
Le soir, les femmes-fileuses de Podkonice se réunissaient aussi dans une taverne du village afin de fêter, en buvant une boisson, la fin des travaux domestiques du filage du lin et du chanvre.
Dictons de la Chandeleur
Na Nový rok o slepačí krok, na Hromnice je o hodinu vice – L’enjambée du poulet du Nouvel an à la Chandeleur est égale à environ une heure de plus Na Hromnice zima zadúva ulice – Lors de la Chandeleur l’hiver souffle la neige en tas dans les rues Na Hromnice mráz, bude ešte päťdesiat ráz – S’il gèle à la Chandeleur, il gèlera encore cinquante fois (50 jours) Na Hromnice – zimy polovice – A la Chandeleur, l’hiver est à son milieu
Le 3 février, jour de la Saint-Blaise
Fêté depuis le Moyen Age en Slovaquie, qui était alors Royaume de Hongrie, et depuis le 18ee siècle. Il s’agit d’une marche, autour du village, de l’instituteur accompagné par les écoliers et qui vont de porte en porte souhaiter bonne vie, bonne santé, aux villageois. Ceux-ci, pour les remercier, déposent dans un panier des aliments : farine, lentilles, haricots, pavot, lardons, beurre, œufs, fromage, fruits, saucisses … et un peu d’argent de poche.
On retrouvait aussi cette tradition à la saint Grégoire le 12 mars ainsi que le jour de saint Martin le 11 décembre et de saint Havel le 16 octobre.
Dans ces régions, au 18e siècle, le poste d’instituteur de village, souvent protestant au 18e siècle, pour ceux qui en avaient la vocation, permettait d’assurer un salaire et d’obtenir aussi quelques avantages « en nature » comme du bois de chauffage, du blé, de la bière, du lard … et de petites rentrées d’argent. Il faut dire qu’à l’époque, les enfants n’allaient à l’école qu’en hiver, depuis la mi-automne, car le printemps, l’été et une partie de l’automne, les enfants étaient aux champs avec la famille.
La grande Réforme des écoles de 1774, pendant l’empire austro-hongrois, imposée par Marie-Thérèse de Habsbourg (1717 – 1780)(3), allait changer ce principe éducatif des enfants en organisant les écoles et en rendant l’enseignement obligatoire pour les garçons mais aussi pour les filles. Cela amènera la disparition de cette coutumes, que l’on ne retrouve plus que dans quelques villages où les habitants ont gardés ou remis cette « promenade » qui fait aujourd’hui partie de la mémoire collective.
PS :
Deux églises à voir. La première se trouve au sein du petit village de Smrečany, près de Liptovský Mikuláš, là on peut y voir la très jolie église gothique (vers 1349) dédiée à l’origine à l’Očisťovania Panny Márie – de la Purification de la Vierge Marie de rite catholique-romain.
La deuxième, une église en bois du rite gréco-catholique (1760), se trouve dans le petit village de Kožany, près de Bardejov, et est dédiée à Stretnutia Pána so Simeonom – Présentation du Seigneur à Siméon.
http://www.drevenechramy.sk/drevene-chramy/bardejov-a-okolie/kozany/
Notes
1 Luc 2.22 : Et, quand les jours de leur purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur, –
En Slovaquie, comme dans plusieurs régions d’Europe centrale et orientale, à la période de Noël est affirmé un réel éclat de traditions masquées (1). On y rencontre des coutumes qui prennent la forme de jeux rituels, de spectacles bibliques, allant du passage de chanteurs de cantiques de Noël et de porteurs de Crèches de Bethléem ou de l’Étoile de Bethléem aux tournées des Rois mages à l’Épiphanie.
En Slovaquie, l’Épiphanie est appelée Traja králi ce qui signifie les Trois rois. C’est la fête du 6 janvier (2) qui tenait une grande place parmi les solennités de l’année chrétienne depuis l’époque médiévale.
Selon la tradition d’autrefois, les drames liturgiques représentant l’arrivée des Rois mages Gaspard, Melchior et Balthazar à Bethléem, guidés par l’étoile, venus d’Orient et qui apportaient à l’Enfant Jésus de riches présents, furent mis en scène tout d’abord dans les grandes églises des villes royales. Les rôles des personnages bibliques étaient joués par des instituteurs, des étudiants et des élèves.
En Slovaquie, la coutume de jouer la représentation théâtrale de la légende biblique, les mystères de Noël ou l’Adoration des Mages, en vogue depuis le milieu urbain médiéval s’est répandu au cours des siècles suivants dans le milieu rural. Là, le jeu biblique est alors devenu très populaire et s’est enrichi de nombreux chants populaires et de formes de souhaits en formules parlées. Souvent, la version était quelque peu modifiée localement, par exemple un texte était de plus courte durée, les rôles des personnages variaient, les épisodes de pièces différentes étaient combinés… Ils existent ainsi de nombreuses versions locales de jeux bibliques populaires des Trois Rois mages.
C’est probablement la légende Historia trium regum écrit en 1364 (3) par un moine de l’Ordre du Carmel Johannes Hildesheim (1310 – 1375), qui a créé le profilage de la fête des Rois mages dans les pays germaniques et donc aussi, indirectement, dans les régions slovaques habitées dans le passé par des communautés allemandes.
Selon l’ethnographe slovaque renommée Sonia Kovačevičová (1921-2009), le spectacle des Mystères de Noël a commencé à être joué dans les rues de la ville de Bratislava (anciennement Presbourg) en 1439. Auparavant, les Mystères de Noël étaient joués dans les églises de cette ville. Puis, d’autres villes vont suivre l’exemple et laisser jouer ce spectacle. A l’époque ce sont les villes royales libres de Bardejov, de Prešov, de Levoča, de Kežmarok…
La coutume du cortège des Trois Rois mages dans les campagnes slovaques
Le cortège populaire des Trois Rois parfois appelé la Marche avec l’Étoile était, dans certaines régions slovaques, avec quelques différences toutefois, très répandu dans presque toute la Slovaquie mais surtout en Slovaquie centrale et orientale.
Anciennement, on fêtait l’Épiphanie par l’arrivée de trois jeunes hommes ou jeunes garçons déguisés en Rois mages. Ils allaient de maison en maison en récitant ou en chantant des poèmes qui paraphrasaient la légende du Nouveau Testament commémorant l’Adoration des mages à peine l’enfant Jésus né.
Pour ce cortège, les garçons portaient sur le corps une longue chemise blanche, sur la tête une haute couronne ornée d’une croix et ils tenaient à la main un bâton, parfois ils portaient un petit modèle en bois de la Crèche de Bethléem.
La soirée du jour des Trois Rois était l’occasion d’une fête pour la jeunesse slovaque, laquelle organisait un festin collectif.
La quête du cortège du clergé catholique
Encore aujourd’hui, pour l’Épiphanie en Slovaquie, il existe une tradition qui est « le cortège du curé avec les servants d’église ». Ils font du porte à porte auprès des demeures catholiques et vont bénir les maisons et écrire sur le dessus des portes des maisons trois lettres G – M – B. Il s’agit des initiales des rois mages Gaspard, Melchior et Balthazar. Ils ajoutent à ces trois lettres le millésime, ce qui donne pour cette année : G – M – B – 2017 (4)
En Slovaquie, le 6 janvier, le cortège des Trois rois mages visitant des maisons, les gens disaient « qu’ils contrôlaient l’inscription des initiales G – M – B sur les portes ». Là où ils ne trouvaient pas cette inscription ils apportaient, prétendument, tout bonheur à la famille !
Déjà au 16e siècle, l’Église protestante interdit les quêtes du clergé protestant à l’Épiphanie. Au premier tiers du 19e siècle, Jan Kollar (1793-1852), pasteur protestant, poète et collectionneur du folklore slovaque a publié de 1834 à 1835 une critique dans son œuvre Narodnie spievanky. Il s’agit d’un recueil de chants populaires, qui contient 2675 chants populaires slovaques collectés par Jan Kollar dans les dix comitats de ce qui était alors la Haute Hongrie, donc sur le territoire de la Slovaquie actuelle. Je cite : « Que chez les slovaques, la Koleda est devenue une coutume de quête ecclésiastique, selon laquelle, prêtre, recteur, sacristain, certains chanteurs du chœur et des fidèles, les hottes sur le dos, circulaient à la Nouvelle année dans les rues du village et de la ville, de porte en porte des maisons en chantant des chants religieux et en collectant de l’argent et des provisions ».
Les spectacles bibliques
Une forme ancienne des coutumes de Noël du 18e siècle d’un genre de spectacle biblique popularisé dans le milieu rural de l’ancien comitat de Zvolen (en Slovaquie centrale) est enregistrée. Selon les sources ethnographiques publiées récemment, les acteurs de ce spectacle biblique, en forme de jeu populaire, étaient la jeunesse du village qui se rassemblait en cortège des Trois Rois.
Les jeunes gens déguisés avaient en rôles principaux : un Ange, habillé d’un vêtement long blanc ceinturé et ayant sur le dos deux ailes d’oie. Il tenait un bâton sur le bout duquel se trouvait une étoile en papier et une chandelle de cire allumée qui faisait comme un lampion. Deux autres personnages, des bergers, appelés Kubo et Lauro, portaient des vêtements de bergers de la région. Un personnage biblique, Joseph, vêtu d’une pelisse de fourrure de mouton ceinturé par un cordon de paille tressée, portait sur la tête un bonnet de fourrure de mouton, et il maintenait sur l’épaule, une grosse trousse pour les cadeaux. Le personnage biblique de Marie, vêtue d’un costume féminin, tenait dans ses bras un petit berceau avec une poupée d’enfant. Les trois rois, Gaspard, Melchior et Balthazar, étaient vêtus de costumes luxueux et ils avaient le visage noirci de suie de fumée. Ce groupe visitait les maisons, les fermes. Ils se présentaient dans la cour de la maison et jouait le spectacle. Placés autour d’une scène biblique, ils récitaient des vers traditionnels de bonheur et de prospérité, de fertilité et de fécondité pour tous, bétail compris, pour l’année qui commence.
Les cortèges avec l’Adoration des Mages, joués le jour de l’Épiphanie, et la fête des Rois clôturaient les réjouissances du cycle des douze jours qui préfiguraient le Carnaval.
Dévotion à la crèche de Bethléem en Slovaquie
Le jeu populaire de la légende de l’Annonce aux bergers trouve son origine dans l’évangile de Luc 2, 6-20, quant aux « mages » c’est dans Matthieu 2, 1-11 (5).
Les bergers se rendirent à Bethléem, et c’est ainsi qu’existe une adoration des bergers qui fait pendant à l’adoration des Rois. Toutes ces légendes étaient très populaires sur le territoire slovaque et cela a donné la Marche avec l’Étoile de Bethléem, une étoile fixée sur un long bâton
Les Jeux pastoraux de Bethléem interprétés par les bergers slovaques
Les récits populaires représentant le scénario de l’Annonce aux bergers et leur arrivée à la crèche de Bethléem trouvent leur origine dans les pièces liturgiques médiévales, cependant, elles étaient enrichies par une humeur apportée par des éléments particuliers de la culture populaire slovaque même s’il est évident que le scénario, quoique réduit à une synthèse de quelques gestes répétitifs, était profondément symbolique.
Lors du déroulement de la fête dans les régions montagneuses slovaques, le cortège des bergers faisait du porte à porte dans le village en récitant des poèmes de Noël, en chantant et en dansant dans la « chambre » (6) de la maison, devant la toute famille. À la fin de la représentation, on leur offrait des friandises ou de l’argent.
Dans la région de Turiec, habitée à majorité par les protestants, c’était le cortège des jeunes bergers de la région d’Orava, pourtant catholiques, portant la Crèche de Bethléem (7). Ils visitaient les maisons des villages ou ils étaient aussi invités par des familles évangéliques protestantes. Les bergers d’Orava porteurs de la Crèche étaient vêtus d’un pantalon de drap blanc et tenaient en main un bâton. Ils chantaient en dansant en tournant comme dans une ronde et ils marquaient le rythme en frappant avec le bâton sur le sol. Ce spectacle était scandé par la récitation de souhaits de bonheur, de prospérité et de la bénédiction divine pour la santé de leurs hôtes.
Les personnages principaux du jeu de l’Annonce aux bergers, étaient l’Ange représenté par un garçon déguisé, vêtu d’une longue chemise blanche avec des ailes sur le dos et portant un modèle de Crèche de Bethléem en papier peint ou en bois sculpté. Les autres personnages étaient vêtus du costume populaire traditionnel des bergers, avec dans le rôle de Chef-berger, Bača, et trois personnages dans le rôle des Bergers valaques sous les noms de Stacho, Fedor et Kubo, ce dernier représentant un « pauvre » gars du village (8).
La structure du jeu des bergers était la même partout. Le jeu était interprété par cinq acteurs, souvent des paysans du village. L’événement du jeu se déroule depuis le moment où l’Ange leur annonce qu’un enfant merveilleux est né. Les acteurs du jeu de bergers chantent un refrain très populaire au temps de Noël dont voici pour exemple un chant de la région de Liptov :
Pásli ovce valasi pri Betlemskom salaši, hajdom, hajdom, tidlidom. Anjel sa im ukázal do Betlema ísť kázal, hajdom, hajdom, tidlidom. Vstante hore a iďte, Pána Krista nájdete. Nájdete ho v jasličkách, ovitého v plienočkách, hajdom, hajdom, tidlidom!
Que l’on peut traduire par :
Les bergers gardent les moutons près de la bergerie de Bethléem, hajdom, hajdom, tidlidom ; L’Ange leur est apparu et leur disant d’aller à Bethléem, hajdom, hajdom, tidlidom ; Il dit : Réveillez-vous, allez hajdom, hajdom, tidlidom ; Le Seigneur Jésus-Christ vous le trouverez, hajdom, hajdom, tidlidom ; Vous le trouverez dans la crèche, emmailloté dans un petit maillot, hajdom, hajdom, tidlidom !
Les superstitions
Voici quelques superstitions en rapport avec le jour de l’Épiphanie
L’eau bénie ce jour était ajoutée à la nourriture pour le bétail par les paysans,
La chandelle bénie, appelée la chandelle des Trois Rois, était allumée près du lit d’un mourant ou en temps d’orage,
Le cercle qui était dessiné par la craie bénie devenait un endroit sécurisant qui empêchait l’entrée des puissances obscures néfastes. Avec cette craie bénie était dessinée une ligne de contour autour de la porte et des fenêtres des étables pour empêcher aux sorcières l’entrée dans l’étable du bétail,
L’ail béni étaient porté par les gens qui étaient obligé de se déplacer sur l’eau, de traverser un gué. Cet ail était un moyen efficace contre les esprits néfastes de l’eau – Vodník – esprit des eaux, Maître des eaux douces dans les contes populaires.
Tous moyens bénis le jour de la Fête des Trois Rois étaient utilisés par les gens soit contre les mauvaises et néfastes puissances comme les enchanteresses, les sorcières, les démons, les esprits de l’eau…, soit contre une catastrophe naturelle comme tempête, sécheresse, inondation, grêle… et les incendies.
Autrefois, dans la vallée du Hornád, les habitants ruraux très superstitieux apportaient à l’église pour la bénédiction du jour de l’Épiphanie, une petite cruche contenant de l’eau et un panier contenant divers éléments comme du sel, de la craie, de l’ail, de l’oignon, de la pomme de terre, des graines de blé. Ces éléments étaient une partie des plats exposés sur la table de Noël, éléments auxquels on ajoutait un morceau de pain de Noël duquel on avait prélevé la mie remplacée alors par des miettes des gâteaux de Noël et des coquilles de noix. Au printemps, ils plaçaient le contenu de ce panier béni dans le premier sillon labouré du champ, ainsi le blé était semé et la pomme de terre était enterrée.
La coutume de la bénédiction de l’eau, du sel et de la craie à l’Épiphanie est encore pratiquée de nos jours dans les églises slovaques.
En Slovaquie, l’Église gréco-catholique fêtera le 6 janvier l’Apparition de Jésus-Christ aux Rois mages, c’est une grande fête de la religion uniate.
L’Église orthodoxe slovaque, célébrera ce 6 janvier la Nativité de Jésus-Christ, la Fête de Noël, selon l’ancien calendrier julien.
Pour l’Église catholique slovaque, le 6 janvier, et selon les anciennes coutumes, on procèdera à la bénédiction divine de la Fête des Rois mages des objets apportés par les fidèles. C’est ainsi que dans les églises sera béni l’eau, l’ail, une chandelle de cire, une craie blanche et parfois aussi le sel.
Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie
Notes
1 En Europe centrale et dans les Balkans, les termes « masques, masqués » ne désignent pas seulement ce qui déguise le visage mais tout un ensemble.
2 La date de la Nativité a été, en 354, à Rome déplacée du 6 janvier au 25 décembre. Le 6 janvier deviendra alors la date de l’Épiphanie.
3 Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Zuzana Drugová.
4 C – M – B, ces initiales peuvent être interprétées comme celles des Rois mages : Caspar (ou Gaspar), Melchior et Balthasar, mais peuvent également être lues comme l’acrostiche de « Christus Mansionem Benedicat », « que Christ bénisse cette maison ».
5 Le mythe des Mages fut très prisé dans les Églises du Proche-Orient, et sans doute « prescrite » sous l’influence de l’Église perse, avec l’inspiration de textes « apocryphes » comme le Protévangile de Jacques ,l’Évangile de l’enfance, les Actes de Thomas et surtout l’Opus imperfectum in Mattheum attribué à saint Jean Chrysostome. Dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, lire « La nativité de N.S. Jésus-Christ selon la chair » et « l’Épiphanie du Seigneur ».
6 Comme déjà dit dans un article précédent, le terme « chambre » doit être compris dans ce contexte comme « pièce de séjour ».
7 L’invitation a présenter dans cette région majoritairement protestante le spectacle de la « Crèche de Bethléem » par des jeunes bergers catholiques de la région d’Orava vient du fait que ce spectacle n’existant pas chez les protestants, c’étaient les jeunes bergers venant de la région d’Orava qui assuraient la représentation. La plupart de ces bergers étaient et seront les travailleurs saisonniers chez les riches propriétaires protestants de la région de Turiec.
8 Kubo est un personnage, un homme, pas très propre, jovial, un peu « benêt » revêtu d’une veste de mouton à l’envers, il porte sur la tête un vieux chapeau de berger en mouton, son visage est noirci de suie de fumée. C’est un personnage mi-homme mi-animal (le chien du berger ?). Kubo symbolise le sans-souci, la simplicité, il fait des « bêtises ». Mais à un moment de leur danse, Bača, Stacho et Fedor vont former un triangle, tenant leur bâton à bout de bras vers le haut et Kubo est couché sur le sol au centre, sous la protection des bâtons des bergers. Le nom de Kubo est dérivé du prénom Jakub.
Voir la remarquable vidéo Vianoce v Karpatoch par le Ballet folklorique national slovaque Lúčnica sur youtube (lien ci-dessous).
www.youtube.com/watch?v=NjYRU8pWYDo
Sources
Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama
Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003
Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004
U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007
Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – OTTOVO NAKLADATELSTVI, 2009.
Les Fêtes de Dieu. La foi, l’histoire, les mythes. Guy Deleury. Ed. du Félin. 1994
Dictionnaire d’iconographie romane. Marc Thoumieu. Ed. Zodiaque
La fête au Moyen Âge. Gérard Lomenec‘h. Ed.Ouest-France. 2015
La Sainte Bible. Par Louis Segond. Ed. La Société Biblique Canadienne. 1976
Le 1er janvier est considéré comme le début de l’année, mais ce n’était pas le cas autrefois. Ce n’est qu’à partir de 1582 que la date du Premier janvier a été officiellement introduite par le pape Grégoire XIII pour être abandonnée puis réintroduite par le pape Innocent XII en 1691.
C’est en 1587, que la date du calendrier grégorien est officiellement adoptée dans le Royaume de Hongrie et, bien entendu, sera en vigueur sur le territoire de la Slovaquie actuelle, l’ancienne Haute Hongrie.
Ce changement a eu un effet rapide dans les coutumes traditionnelles de la culture populaire slovaque. En effet, la conséquence de ce changement de calendrier annuel, fut que les coutumes et les rituels auraient lieu dorénavant pendant la période du nouvel an, entre le 25 décembre et le 6 janvier, alors qu’ils commençaient auparavant à la fin du mois de Novembre. Selon les ethnographes, à cause de ce changement de date, les coutumes et rites liés au Premier janvier se sont déplacés à cette nouvelle période tout en respectant les traditions précédentes dont ils ne sont, en principe, que leur répétition.
Les rites fixés au début de la matinée au Nouvel an
Le rituel du lavement et du nouveau feu dans le foyer
Sur tout le territoire slovaque cette coutume du lavement était pratiquée de bon matin du premier jour de la nouvelle année.
Selon la coutume de ce jour-là, l’homme – le maître de maison – en sa qualité de « premier de famille » se levait tôt le matin pour apporte l’eau fraiche à la maison. Selon les localités slovaques, c’est le fils cadet de la famille, qui allait, tout de suite après minuit, chercher l’eau du puits ou du ruisseau dans un seau en bois.
Le maître de maison souhaitait alors le « Bonjour » en récitant la formule magique : « Prv je voda než oheň, daj, Bože dobrý deň » que l’on peut-être traduire par : « L’eau était la première avant le feu, donne, Bon Dieu le Bon jour ». Le maître de maison va alors tremper un rameau dans cette eau et asperger la maison en commençant par le toit et l’étable en récitant cette formule magique de façon à assurer la protection contre les incendies, fréquents auparavant dans les maisons en bois du village. Puis, tous les membres de la famille se lavaient rituellement, chacun à leur tour, avec l’eau apportée dans le seau dans lequel on avait précédemment jeté, selon la localité, une pièce de monnaie pour la richesse et une pomme pour la santé ou au lieu de la pomme, on ajoutait du raifort pour la force (1).
Le rituel du « lavement » de la famille avait pour but d’assurer l’unité familiale.
Une variante de ce rite voulait qu’avant d’asperger la maison et l’étable, le maître de la maison aspergeait les membres de la famille et la chambre (2).
La puissance magique de cette matinée se retrouvait aussi avec le miel. Dans ce rituel, la mère de famille, marquait le front de chaque membre de la famille avec du miel, ainsi que la porte de la maison. On croyait que le miel était une fortune, un cadeau de joie.
Après le lavement rituel de la famille, le maître de maison allumait le feu dans le foyer et allumait la lumière de la maison.
Dans la région de Hont, de bon matin, le maître de maison, entrait dans l’étable des vaches et constatait selon la position des vaches si elles avaient été visitées pendant la nuit magique par les sorcières : si elles étaient couchées, tout était en ordre, mais si elles étaient débout, le maître de maison raisonnaient qu’elles avaient été inquiétées la nuit par les sorcières.
Les superstitions
Dans la région ethnographique de Horehronie, on croyait que le rêve du sommeil de la nuit de la Saint-Sylvestre à la Nouvelle année deviendrait réalité puisque cette nuit avait une puissance magique.
Les gens croyaient que le premier jour de l’année marquait toute l’année « tant au Nouvel-An, et tant tout l’an ». Donc, les gens faisaient attention à la manifestation d’émotions négatives ce jour-là : ils se ne querellaient pas, ils ne pleuraient pas… La fille à marier croyait que si elle tombait trois fois, ce qui n’était pas rare par ce temps en plein hiver sur le verglas, que dès lors, son nom « tomberait » trois fois à l’annonce du mariage de la chaire à l’église et qu’elle allait alors se marier dans l’année (3).
Au Nouvel an, il faut bien faire attention que la maison soit propre, sans saleté et tout rangé en ordre, chez les gens comme pour le bétail.
Comme pour d’autres moments de la période de l’avent, nous l’avons vu dans les articles précédents, il y avait l’interdiction de certains travaux féminins : pas laver la lessive et pas suspendre du linge sur un séchoir. Les femmes ne cousaient pas, car c’était une interdiction superstitieuse de prévention afin que les poules pondent bien (4) de plus, si par malheur une femme pratiquait un tel travail, ses doigts allaient devenir purulents.
La visite d’une femme tôt le matin du nouvel an était mal perçue, de même que la visite d’un malade ou d’un vieux. C’est pour cette raison que dans certaines localités autour de la ville de Bardejov, tout de suite après minuit, des musiciens tsiganes jouaient sous les fenêtres des maisons du village afin d’apporter de bons signes pour la nouvelle année.
De même, tôt le matin, la visite à la maison par une personne étrangère était aussi mal perçue. Si la visite était nécessaire, le visiteur devait apporter à la maison un gâteau ou de l’argent, de cette façon, il proclamait qu’il apportait non un dommage mais un avantage pour la maison visitée
La météo prémonitoire
Les prévisions météorologiques étaient fréquentes au jour de Nouvel-An, en voici deux :
– si au début de la matinée l’aurore est bien rouge, l’année nouvelle sera marquée par des tempêtes et par de mauvaises récoltes.
– une pluie fine mais intensive annonce de bonne récolte dans les champs et il y aura de gros épis de blé.
Les quêtes matinales du Nouvel-An par les jeunes hommes
De bon matin, un cortège de garçons faisait la tournée traditionnelle du village et ils présentaient leurs vœux en récitant en vers des vœux de bonheur et de bonne santé…
Dans certaines localités, les garçons après leurs arrivées à la maison, jetaient des graines de blé sur le seuil de maison, pratiquant ainsi un rite visant à assurer la prospérité de la maison visitée.
Dans la Slovaquie centrale, les récits de vers amusant de bonheur et de bonne santé de la nouvelle année était très répandu. Voici par exemple un vœu teinté d’humour : « Vinšujem vám šťastlivý nový rok, aby vám odpadol z pece bok a z povaly hrada, aby sa vydala vaša dievka mladá » qui peut être traduit par : « je vous souhaite une heureuse nouvelle année, afin que tombe votre coin de feu – du four – et une poutre du plafond afin que votre jeune fille se marie ».
Dans le village de Rača, aujourd’hui un quartier de la capitale slovaque Bratislava, le fossoyeur de la commune accompagné de sa famille faisait la tournée de quête. Ils prononçaient des vœux de bonne année et obtenaient des victuailles – farine, vin, pommes de terre, saindoux, œufs…
Dans la région du nord d’Orava, de Spiš et de Horehronie, on cuisait une pâtisserie spéciale pour les quêteurs de Nouvel an, appelée novelátka ou novoročátka dans la région d’Orava.
Après le lever du soleil les voisins se rendaient visite en prononçant des vœux de bonne année et se tendaient la main. Alors, commençait le temps de paix, il arrivait même que des voisins en courroux l’un envers l’autre buvait le verre d’amitié en cette matinée du Nouvel An.
Le jeu d’Adam et Eva chassés du Paradis
Avant ce jeu était connu comme le cortège avec le serpent. Il s’agit d’un jeu selon un épisode biblique popularisé en Slovaquie depuis le Moyen Âge mais tombé en désuétude au milieu du 20e siècle.
La pièce était inspirée de l’Ancien Testament, chapitres 2 et 3 de la Genèse, consacré à la Création. La base du drame est le chant populaire au motif liturgique illustrant la création d’Adam et Éve au Paradis. Les vœux du cortège étaient prononcés par de petits garçons, de 10 à 12 ans, portant un accessoire théâtral qui était appelé le serpent. Ce « serpent » avait une tête de serpent en bois, le corps plié en accordéon. Il était porté par deux garçons qui le tenaient tel un accordéon pendant leur chant. Ce serpent portant une petite couronne avec une bougie allumée sur la tête et sur sa langue la pomme, symbole du fruit de la Tentation du jardin d’Éden. Le jeu était joué au temps de Noël et surtout au Nouvel An de porte en porte dans les villes de Krupina, de Banská Bystrica, de Banská Štiavnica et de Ružomberok, où les petits acteurs étaient récompensés.
Superstitions culinaires
Le repas du Nouvel-An était et est soigneusement préparé, sur la table ne manquent pas la viande de porc symbolisant la prospérité, MAIS la viande de volaille et de lapins était interdite car selon la croyance populaire, la fortune allait s’envoler ou courir loin de la maison après la consumation de ces viandes.
Par ailleurs on préparait, prépare encore, le potage de lentilles car selon la croyance populaire toujours, la lentille est un symbole de l’argent. Pour la même symbolique, dans d’autres endroits, on cuit des gâteaux au pavot. La cuisson des pirohy, pâtes farcies traditionnelles assurait le gros bétail de la ferme, ou la cuisson de longues nouilles assurait de grands épis de blé sur les champs.
Notes
1 La pomme ou le raifort trouve ici la même valeur symbolique : santé et force.
2 La chambre est ici prise dans le contexte de l’habitation on pourrait parler de « pièce de séjour » (voir photo).
3 Anciennement, les fiançailles étaient annoncées trois fois par le prêtre à l’église, puis le mariage pouvait avoir lieu.
4 Coudre signifiait, symboliquement, le fait de « fermer » le cloaque, l’orifice par lequel passe les œufs.
Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie
PS : les photos du « serpent » d’Adam et Eve proviennent de Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003 et de « Serpent » d’Adam et Eve – région de Hont en 1910 (photo NB de : archive de l’institut ethnologie SAV Slovaquie)
Sources
Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – OTTOVO NAKLADATELSTVI, 2009
Ľudová kultúra. Par Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama
Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003
Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004
U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007
Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004
Le jour de la Saint-Sylvestre est appelé Journée de Silvestre dans la culture populaire slovaque.
Les coutumes traditionnelles pratiquées le jour de la Saint-Sylvestre en Slovaquie ressemblent en majorité avec les coutumes de la Veille de Noël cependant, elles n’atteignent pas la même intensité ni la même ritualisation.
Les prophéties agraires et les superstitions
Dans la croyance populaire slovaque les prophéties agricoles étaient pratiquées le dernier jour de l’année, à la Saint-Sylvestre, pour assurer la bonne prospérité économique dans la ferme, la fertilité des champs et la fécondité du bétail. Par exemple un rite concernant l’étable bien peuplée de vaches et de brebis, était pratiqué dans le village de Ždiar dans les Tatras. Là, la maitresse de maison ficelait en faisceau des cuillères en bois afin d’assurer la subsistance du troupeau de bétail domestique.
Comme pendant les fêtes de Noël, on respectait de nombreuses superstitions fixées à ce jour : rien n’était prêté de la maison, le non-respect de cette interdiction allait signifier une diminution des volailles.
De même que la visite d’une femme, tôt le matin, était mal perçue donc, si c’était possible les femmes restaient le matin de ce jour à la maison. Pour rompre cette malédiction il était pratiqué tôt le matin un cortège des vœux de polazníci composé de jeunes hommes qui circulaient de porte en porte aux maisons du village en souhaitant tout le bonheur. Leurs vœux protégeaient la maison.
D’autres coutumes :
Le maître de la maison essayait depuis le matin de casser la coquille d’une noix avec son majeur. S’il réussissait, cela devait apporter la paix et l’amour à la famille.
La maîtresse de maison, frottait avec de l’ail les portes de la maison et de l’étable pour empêcher l’entrée des puissances néfastes. Quant au maître de maison, il frottait la robe des chevaux avec la plus belle pomme pour qu’ils deviennent plus beaux.
Parfois, jadis, après le repas du réveillon, des noisettes et un morceau de pomme étaient jetés dans le puits pour assurer une eau de bonne qualité et la bonne santé.
Les vœux
Dans la région ethnographique de Zamagurie (nord de la région de Spiš) le cortège des garçons circulaient tôt le matin dans le village et ils offraient des bâtons de noisetier à chaque maison visitée.
Dans les régions de Liptov, de Spiš, de Horehronie et d’Orava, autrefois la jeunesse attendait l’arrivée du Nouvel An dans une maison du village où se rassemblaient les fileuses pour travailler ensemble ou dans l’auberge du village.
Dans la région de Hont, les jeunes hommes chantaient les chants traditionnels sous les fenêtres des maisons du village.
Dans les environs de la ville de Rožňava, les garçons allaient chanter à minuit sur la tour de l’église.
Dans la région ethnographique de Kysuce, le cortège des polazníci circulaient de maison en maison dans le village.
Dans la région de la Haute Nitra, les filles jetaient sur les portes de maisons où habitaient les garçons des marmites en argile remplies de pommes et de noix. Cette marmite les filles les appelaient « nouvelle année ».
Les jeux déguisés et masqués Babinovanie et Kurinovanie
Babinovanie est un spectacle joué par un groupe déguisé et/ou masqué à la Saint-Silvestre dans les environs de la ville de Považská Bystrica (région de la vallée du Váh). Ce spectacle est enrichi par des éléments constitutifs d’un métier traditionnel de la région, pratiqué par un artisan le drotár qui pratique un artisanat particulier avec du fil de fer.
Dans la microrégion d’Uhrovská dolina (dans quelques localités autour du château-fort d’Uhrovec, dans le district de Bánovce nad Bebravou), on appelait le dernier jour de l’année « babí deň – jour de baba » et il y avait un cortège des vœux appelé babinovanie qui était une quête collective avec la proclamation de souhaits de bonne année par les garçons du village. A la tête du cortège des dix ou vingt garçons, un accordéoniste avec un bailli des garçons, un autre portait un sac pour collecter les récompenses et selon la tradition, ils circulaient dans les rues du village et s’arrêtaient devant les maisons où ils chantaient d’abord un chant religieux. Après avoir été invité par le maître de maison ils entraient et continuaient en récitant des vers de souhaits de bonheur, de bonne santé, de fortune pour la nouvelle année. Ils obtenaient une récompense sous la forme de noix, de graines de blé, de pommes, de petits pois, de haricots secs, de prunes sèches et un peu d’argent.
Le « Kurinovanie » un rituel agraire ancestral
Le rituel de Kurinovanie est effectué par la tournée des kurine baby ou kuriny babiny – appellation suivant la localité – qui constituent un groupe de garçons costumés et masqués en femmes et mené par un couple vêtu en paille, appelés kurine baby et accompagné parfois d’une vingtaine de participants qui sortent à la Saint-Sylvestre, et passaient de maison en maison dans le village. Leurs vœux étaient des gages de prospérité et étaient censés rendre féconde la volaille pour la prochaine année qui va commencer. Aujourd’hui, ces cortèges composés uniquement d’hommes sont considérés comme un simple aspect de la joie populaire, mais leur fondement le fait remonter à des croyances ancestrales.
Dans le milieu rural de la Slovaquie orientale, la tradition de kurinovanie était effectuée par le cortège des garçons déguisés en femmes Kurine baby. Ils prononçaient leurs vœux en quêtant et formulaient les souhaits selon la tradition. Le cortège était mené par deux garçons vêtus de costume féminin, l’un avait sur la tête un chapeau formant une couronne tressée de paille avec une sonnette, l’autre vêtu d’un manteau en fourrure ceinturé d’une corde de paille tressée et d’une jupe grossièrement façonnée en paille de blé. Quand le cortège de Kurine baby sortait dans les rues du village, il était déjà attendu par les maitresses de maisons car selon la coutume, chacune des maitresses de maisons attrapait le poignet de paille du déguisement porté par les Kurine baby du cortège, et tout de suite elles donnaient la paille à la couvée de poules, pour s’assurer que les poules pondent bien leurs œufs.
En Slovaquie septentrionale, la coutume d’un cortège similaire était enregistrée au début du 20e siècle, dans le village de Štiavnik près de Bytča (région de Žilina). Là, la coutume de cortège de garçons déguisés en femmes vêtus en paille était appelé Kuriny bariny. Ils portaient des vêtements de paille de blé et allaient de maison en maison où ils exprimaient ensuite leurs vœux de fertilité et de fécondité pour l’année qui commence en récitant une formule drôle avec des jeux de mots populaires archaïques comme par exemple cette bienvenue à la nouvelle année : « Kuriny, bariny, babiny kury, dedove fúzy, baba mala fúzy, dedo mrňúsy. Odíde nám starý rok, a príde nám nový, vitajte ho, vitajte » formule difficilement car utilisant de vieux mots de dialecte (1).
Dans la ville de Bytča, à la Saint-Sylvestre, dernier jour de l’année, se perpétue la tradition des Kuriny bariny. La jeunesse se rassemble le 31 décembre pour aller en mascarade, avec à la tête du cortège un couple déguisé : un garçon déguisé en femme avec son visage caché sous une dentelle, tenant une poupée emmaillotée, est accompagné d’une fille déguisée en homme. Ce couple est entouré de personnages déguisés porteurs d’instruments de musique ou des imitations d’instruments de musique.
L’appellation dialectale kurina baba est dérivé des mots kura et baba au singulier : la poule – kura, la vieille – baba, et au pluriel les kurine baby ou kuriny babiny ce qui signifie les poules et les vieilles. Cette appellation représente une variante d’un calembour de mots populaires et est un élément souvent personnifié.
Le caractère magique du cortège déguisé apparait dans le but d’assurer non seulement que les poules pondent bien des œufs ou que la volaille se porte bien – la fécondité de la volaille – mais aussi de toute la prospérité agricole. Cette sorte de mascarade se déroule aussi avec d’autres masques anthropomorphes par exemple Dedo – le Papy, Baba – la Vieille ou Starý – le Vieux, appartenant à la représentation des masques plus anciens et des masques anthropomorphes authentiques des coutumes populaires slovaques. Ils trouvent leur origine dans l’ancien culte slave des ancêtres qui n’est pas le culte des morts, c’est le culte de la continuité de la vie et pour cela, ces masques réapparaîtront dans le rite des noces dans les traditions slovaques.
Le réveillon du jour de l’An
Le repas pour le dîner de la soirée de la Saint-Sylvestre était presque le même que celui de la veille de Noël mais sans restrictions religieuses sur la viande qui étaient donc servie. La soupe traditionnelle de choucroute kapustnica avec saucisses ou viande de porc fumée et champignons des bois, était servie d’abord, puis suivait le repas de pâtes traditionnelles avec le pavot. Ce repas s’appelle les opekance en Slovaquie centrale et septentrionale, les bobalky en dialectes de la Slovaquie orientale et les pupáky en Slovaquie occidentale. Ce repas est accompagné de Medovina, une boisson ressemblant à l’hydromel.
De nos jours, la tradition culinaire du repas du Réveillons du jour de l’An, est enrichie d’un menu type buffet froid où ne manquent pas la salade de pommes de terre classique, les cornets de jambon farcis de mousse au raifort, les sandwiches et canapés, les pâtisseries (cakes au chocolat, tartelettes, biscuits, petits gâteaux de pain d’épice, etc.), la petite pâtisserie salée et les boissons de toute sorte.
Autrefois, l’atmosphère de la soirée du dernier jour de l’année était illustrée par le bruit des claquements de fouets de bergers et par le tir d’accompagnement de fusils par les garçons.
Dans les villages de la région de Hont, ce-soir-là, les hommes enflammaient des torches improvisées faites de fourches en fer et de chiffons et circulaient dans le village en entonnant des chants pour l’arrivée du Nouvel An.
En milieu urbain, la tradition du Bal de la Saint-Sylvestre se perpétue de même que le feu d’artifice annonçant l’arrivée de la Nouvel Année.
Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie
Note
1 Voici quand même un essai de traduction : « Kuriny ?, bariny ?, babiny kury ?, la moustache du vieux, la vieille à la moustache, dedo mrňúsy. La vieille année s’en va et arrive la nouvelle année, bienvenue, bienvenue ». Peut-être faut-il chercher dans d’autres traditions, nous pensons au carnaval. L’utilisation et l’origine de ces mots demeurent obscures.
Sitologie
https://www.drotaria.sk : pour l’artisanat de drotár (objet en fil de fer)
Sources
Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – OTTOVO NAKLADATELSTVI, 2009
Ľudová kultúra. Par Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama
Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003
Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004
U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007
Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004
Mláďatká en slovaque signifie les bébés, c’est ainsi qu’est nommé le jour de la commémoration du massacre des Innocents, un épisode sanglant cité seulement dans l’Évangile de Matthieu (2, 16-18). Beaucoup d’historiens doutent de la véracité des faits et Flavius Josèphe, l’historien juif rallié aux Romains, n’en fait pas mention (alors qu’il mentionnera l’existence du Christ vers 93).
Néanmoins, le souvenir de ce massacre est célébré le 28 décembre pour les catholiques et le 29 décembre pour les orthodoxes.
La fête religieuse des Innocents, fait référence aux nourrissons (1) qui ont été massacrés par le roi Hérode l’Ascalonite, car il voulait faire périr le « nouveau roi » annoncé par les Mages (2).
Dans le milieu populaire slovaque, l’ancienne coutume du « fouettage des filles » par des garçons à cette période rappelle ce drame biblique et le martyre des enfants innocents (3).
La coutume du « fouettage des filles » après la Noël
Autrefois, la vie populaire en Slovaquie était organisée en fonction des travaux saisonniers et rythmée par les fêtes liturgiques. Les sources ecclésiastiques du 16e siècle mentionne que la coutume du « fouettage », à l’occasion de la Fête des Innocents, était acceptable par l’Église et c’est ainsi qu’elle bénit les branches de saule qui servent à tresser le fouet qui sera utilisé le 28 décembre pour le « fouettage des filles ».
En Slovaquie, la coutume de fouettage des filles après la Noël, le 28 décembre, était pratiquée par un groupe de garçons munis d’un fouet qui rendaient visite aux jeunes filles du village. Deux garçons, portaient un gros fouet symbolique, d’autres garçons portaient de plus petits fouets dans les pochettes de leur vêtement. Dès qu’ils arrivaient dans la maison, un des garçons donnait quelques coups de fouet sur les jambes de la fille à marier visitée.
La coutume de fouettage des filles de Noël était liée à l’hospitalité dans la maison ou à la soirée de réjouissance pour la jeunesse du village. La coutume du fouettage de Noël, appelé mládenkovanie était répandue dans les régions slovaques de Spiš, Horehronie et de Novohrad ainsi que dans certaines parties de la Slovaquie occidentale, mais elle est tombée en désuétude dès la moitié du 20e siècle.
Dans la région de Hont, il était aussi de coutume le 28 décembre, d’organiser un cortège des garçons avec le raifort. Il s’agissait d’une quête accompagnée de souhaits de bonne santé, forte comme le raifort. Les garçons, munis d’un raifort accroché à la cime d’une baguette flexible de bouleau, allaient rendre visite aux jeunes filles du village. Ils présentaient leurs vœux en récitant : « Doniesli sme vám chren aby ste boli celý rok zdraví – nous vous apportons un raifort pour que vous ayez une bonne santé toute l’année » (4). On leur donnait une petite récompense, des gâteaux traditionnels appelés koláče, des gâteaux en pâte levée, ou un peu d’argent. Les petits garçons recevaient des noisettes, noix, pommes, gâteaux, ou un peu de pièces de monnaie quant aux adolescents, ils obtenaient « l’hospitalité », c’est-à-dire une boisson alcoolisée, une tranche de pain et un saucisson, un jambon ou éventuellement de l’argent.
L’interdiction de travaux de couture
Il existait une autre coutume, attesté notamment dans la région de Trenčín, où était appliqué une interdiction de certains travaux, comme la couture, pendant le jour des saints Innocents, le 28 décembre. Le non-respect de cette interdiction pouvait provoquer la mort des enfants.
Dans la région de Turiec, dans le village de Belá, se conservait une interdiction : les femmes du village ne cousaient pas le jour des Saints-Innocents, c’était une interdiction superstitieuse de prévention afin que les poules pondent bien.
L’interdiction de travaux de couture était très répandue pour les femmes du village. Si une femme pratiquait un tel travail, ses doigts allaient devenir purulents. Mais si une femme préparait les plumes pour les édredons, elle devait attendre que la volaille ponde beaucoup d’œufs, sinon les oies ne prospéreraient pas bien.
Dans la région de Gemer, à la fin du 19e siècle, le jour des Innocents, le 28 décembre, il y avait le rituel de l’interdiction de passer le balai dans les coins de la chambre de la maison, pour empêcher de se débarrasser des petits esprits domestiques – les aïeuls de la famille – qui selon la croyance populaire, séjournaient pendant les fêtes de Noël dans les maisons de leur clan.
Prophéties agraires et météorologiques
Les pronostics agraires pour la bonne prospérité sont liés avec le jour des Innocents, par exemple : « Ak je na nebi veľa hviezd, bude veľa sliepok – si le ciel est étoilé, il y aura beaucoup de volaille ».
Le pronostic météorologique du jour des Innocents : « Ak prší celý deň, bude suchý rok – si la pluie tombe pendant toute la journée, l’année sera sèche » – ce sera la sécheresse pour l’année nouvelle.
La prophétie de la mort du jour des Innocents : « Ak prší dopoludnia, budú zomierať deti, ak popoludní, dospelí – si la pluie tombe avant midi, les enfants vont mourir, si c’est après midi, ce seront les adultes ».
Le jeu d’Hérode
C’est le jeu populaire de Noël, inspiré de l’évangile de Matthieu (2, 1-16). Il s’agit de l’épisode biblique concernant le roi Hérode l’Ascalonite. La pièce était jouée sous la forme du théâtre de marionnettes ou sous la forme du théâtre joué par des acteurs vers la fête des Saints-Innocents, moment de la commémoration du massacre des petits enfants par le roi juif Hérode l’Ascalonite à Bethléem. La forme théâtrale représente un motif moral : « la culpabilité et la punition ». Certaines formes théâtrales du jeu d’Hérode sont connues dans la région ethnographique de Zamagurie (nord de la région de Spiš) habité par les Gorals. Dans le spectacle aux versions théâtralisées, joué avec des marionnettes, on pouvait voir les poupées de l’Ange, des bergers Fedor, Stacho, Junák (younak) et Kubo, les Trois rois mages, le roi Hérode et la Mort. Le spectacle se termine par les scènes comiques jouées avec des poupées appelées : Gazdina – la Maitresse de maison, le Rabbin et la poupée du berger Valaque ou encore avec d’autres poupées comme un homme du nom de Jacek, un Tsigane et un Chien. La version du théâtre amateur avait des acteurs dans les rôles d’Hérode, du Rabbin, de Soldats. Dans la version de Zamagurie avec les acteurs réels, l’histoire se concentre sur le personnage du roi Hérode.
Dans le village de Topoľovka (district de Humenné), le drame d’Hérode est toujours joué sous la forme de théâtre d’amateur avec une interpolation de marionnettes, les acteurs amateurs tiennent les rôles du roi Hérode, du Juif, deux dans le rôle de Marschalek (5) et une dans le rôle d’une jeune Fille.
PS: On peut voir la représentation de cet épisode du Massacre des Innocents sur la fresque du mur Nord dans le chœur de l’église gothique Saint-Egide dans la ville de Poprad.
Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie
Notes
1 Hérode « envoya tuer tous les enfants de 2 ans et au-dessous qui étaient à Bethléem et dans tous son territoire… » Matthieu 2,16 Dans l’église gothique Saint-Egide de la ville de Poprad, on peut voir dans le chœur, sur le mur sud, la scène exceptionnellement naturaliste du massacre des Innocents (voir notre photo).
2 Lire la Légende dorée sur cet épisode et l’évangile de Mathieu 2
3 Ils sont appelés « Innocents » car « n’ayant jamais nui, ni à Dieu par désobéissance, ni au prochain par injustice, ni à eux-mêmes par malice en péchant » sic La légende dorée et encore, « dans leur martyre, ils méritèrent l’innocence baptismale, c-à-d que le péché originel fut effacé en eux ».
4 Le raifort (la racine forte) était très utilisé dès l’antiquité pour ses propriétés médicinales. Toujours utilisé de nos jours dans la préparation culinaire de la salade de betterave au raifort.
5 Voir la photo avec les 2 personnages « Marschalek » en uniforme sur www.topolovka.estranky.sk/fotoalbum/caro-vianoc-obohatili-kolednici_/kolednici.jpg.html
Sources
Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – OTTOVO NAKLADATELSTVI, 2009
Ľudová kultúra. Par Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama
Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003
Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004
U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007
Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004
La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967
2000 ans de chrétientés. Guide historique. Gérard Chaliand et Sophie Mousset. Ed Odile Jacob. 2000
Icônes et saints d’Orient. Alfredo Tradigo. Guide des Arts. Ed. Hazan. 2005
La Sainte Bible. Par Louis Segond. Ed. La Société Biblique Canadienne. 1976
La fête de la Saint-Thomas était célébrée liturgiquement le 21 décembre, mais depuis 1969, l’Église catholique romaine a transféré cette fête à la date du 3 juillet. Mais rien ne change pas dans les anciennes traditions slovaques de ce-jour-là, cette ancienne fête de Saint-Thomas est restée fixé sur le solstice d’hiver, le jour le plus court jour de l’année.
En Slovaquie, selon les anciennes coutumes, le jour le plus court était lié avec des interprétations de la magie de la naissance (création) de l’univers dans les anciens mythes slaves. Ces interprétations rendues à la nature et aux forces élémentaires constituent l’aspect majeur du paganisme slave qui remonte à une époque bien antérieure. Parmi ceux-ci, il y avait notamment le culte du renouveau solaire, sous le nom du dieu du feu céleste représenté par le soleil personnifié sous la figure de Dažbog/Dazhbog/Dabog un fils de Svarog, dieu suprême, éternel, inactif, antérieure aux dieux slaves, au-dessus de tous dieux slaves.
À la suite de la conversion au christianisme, le peuple ne mit pas longtemps avant d’abandonner leurs divinités anciennes, mais la croyance ancienne continua à coexister avec la nouvelle dans les traditions sacrées pré-chrétiennes notamment dans les régions rurales slovaques. On avait recours, pour que des vœux soient exaucés, tout à la fois aux prières chrétiennes et aux incantations païennes. Les gens voyant briller la justice de la divinité pure du Christ dans leurs diverses superstitions, allaient oublier les actes devenus sacrilèges du passé et cesser de les pratiquer à l’avenir. Mais on sait que les superstitions vont persister et former une forme de syncrétisme avec la religion chrétienne et les cultes païens dans certaines couches de la population.
C’est ainsi qu’autrefois en Slovaquie des superstitions vont persister comme sur le premier visiteur à la maison le jour de la Saint-Thomas (1), le 21 décembre, la prophétie de l’avenir, l’interdiction des visites des femmes et de certains travaux domestiques qui étaient rigoureusement interdits. Mais, pendant le jour du 21 décembre, les cortèges des vœux des petits garçons appelés polaznici étaient bienvenus.
Tandis que le jour de Sainte-Lucie, au regard des coutumes populaires slovaques, signifie le couronnement de la période avant la Noël, le jour de Saint-Thomas, le 21 décembre, avait moins d’importance.
Thomas se dit Tomáš (prononcer tomach) en slovaque. Il est le saint patron des métiers : rouliers – marchands, des maçons et des forêts.
Sur la majorité du territoire montagneux de la Slovaquie, l’ancienne fête de la Saint-Thomas, le 21 décembre, était connue comme la fête de la forêt. On disait : « Na Tomáša seď doma – à la fête de Saint-Thomas tu restes assis à la maison », cela signifie qu’en ce jour il faut éviter d’aller dans les montagnes. Ou, encore, dans la région de Kysuce : « Na Tomáša hora nie je naša – à la fête de Saint-Thomas, la forêt n’est pas pour nous », cela veut peut-être dire que la forêt, ce-jour-là, est sous la puissance impure du démon de la forêt.
Le 21 décembre on pratiquait le rituel de la magie du Premier jour, puisque le jour de la Saint-Thomas est le précurseur du solstice d’hiver. On respectait de nombreuses superstitions fixées à ce jour : rien n’était prêté de la maison, par exemple un objet quelconque, un œuf, du sel, une casserole… Le non-respect de cette interdiction allait signifier une diminution des provisions, une diminution du bétail, etc.
Les gens craignaient la visite d’une femme étrangère, mais aussi l’arrivée d’un mendiant à la maison. Si un mendiant venait quand même par arriver à la maison, les habitants, pour interrompre la sorcellerie éventuelle, jetaient devant les jambes du mendiant un balai composé de branches de sapin.
Les croyances agricoles et les travaux interdits
En Slovaquie, traditionnellement, obtenir les meilleures récoltes était très important pour la vie des paysans à l’époque et les rites païens d’origine étaient donc toujours pratiqués à l’occasion des fêtes religieuses et notamment le jour de la Saint-Thomas.
Parmi les coutumes et superstitions du jour on retrouve, au point de vue santé, que le beurre battu le jour de la Saint-Thomas était conservé comme un remède. Que, pour rester, en bonne santé, il était bon de nettoyer et blanchir la chambre pour le jour de la Saint-Thomas.
Au niveau interdictions, comme pour d’autres jours (2), les femmes du village ne pouvaient pas filer le jour de la Saint-Thomas. Cette superstition pouvait être suspendue mais seulement pour une fille à marier qui allait alors réaliser la prophétie d’avoir un mari en filant. La jeune fille pouvait filer du lin sous une condition : pendant le filage, elle devait inspirer profondément puis tout en expirant lentement, elle devait amener rapidement le fil de la filasse de lin – un fil le plus long possible – et ce fil va servir le soir de Noël. De retour de la messe de minuit, la jeune fille va s’attacher symboliquement à la table préparée pour la fête de Noël avec ce fil de Saint-Thomas. C’est alors que son futur mari va venir la détacher.
Les vœux des quêtes du cortège des petits garçons
Les petits garçons du village vont ensemble en cortège de porte en porte aux maisons du village, là, ils récitent de petites formules magiques bienfaisantes à l’approche des fêtes de Noël et ils tiennent en mains un fusil à aiguiser en métal. Ils souhaitent tout le bien et la bonne santé pour les maîtres de la maison, l’abondance d’animaux domestiques et pour la prochaine récolte et, bien entendu, la bonne fortune et la protection sous les ailes des anges.
En Slovaquie, les gens attentent avec impatience et espoir le cortège des polazníci – les petits garçons.
Dans les régions de Kysuce, Orava, Hont, très tôt le matin, les petits garçons venaient quêter tout en assurant le bonheur de la maison en récitant « Nesieme vám polazniky, Krista Pána radostníky – Nous vous apportons des polazniky, les joies de Notre Seigneur Jésus-Christ » et offraient un polazník, un rameau de sapin tressé avec des épis d’avoine et noué avec un ruban. Ces épis d’avoine faisaient auparavant partie de la couronne de la Fête de la moisson de blé.
Les vœux des Polazníci
On connaissait dans d’autres régions un cortège similaire mais composé de jeunes hommes. Ce cortège masculin était appelé « polazníci » (3). Ce groupe de jeunes hommes sélectionnés représentaient la force virile. C’était la manifestation physique d’un acte magique qui assurait la prospérité pour les habitants des maisons visitées. Les membres du cortège qui visitaient une maison étaient obligés de venir toujours par le bas côté du village ou de la maison. Cela signifiait un acte magique bienfaisant pour l’essor de chaque exploitation agricole visitée par le cortège de polazníci.
Un acte rituel de magie se déroulait alors dans la chambre de la maison et était réalisé avec l’aide d’animaux domestiques, souvent une brebis. Le maître de maison amenait la brebis dans la chambre, préparée pour ce jour (4), au moment où arrivait le cortège des polaznici. Cet acte magique était réalisé afin d’obtenir les meilleurs récoltes possibles lors de la saison prochaine. Il arrivait parfois que c’était un cheval, si sa taille le permettait, que le maître de maison amenait dans la chambre.
La valeur et le mérite des membres sélectionnés pour ce cortège de polazníci sera vérifié selon la qualité de la récolte de l’année suivante.
Dans le village de Terchová, le jour de la Saint-Thomas le jour de polaznik se nommait polazňa en dialecte local.
Dans la région de Kysuce, l’arbre de Noël était appelé polaznička, dans la région d’Orava, la partie le plus au nord de la Slovaquie, l’arbre de Noël était appelé podlaz en dialecte local.
En Slovaquie, la coutume de venir quêter avec l’acier était très répandue uniformément. Les cortèges des vœux des quêtes non seulement des petits garçons mais aussi des bergers étaient effectués, surtout dans les régions montagneuses. Les bergers, selon le rituel, restaient derrière la porte de la maison et prononçaient leurs vœux avec la formule : « Nesieme vám podlaz, panny Marie odkaz – Nous vous apportons un Podlaz – un message de la Vierge Marie ».
Le bon polazník qui prononçait un vœu et formulait un souhait selon la tradition, était choisi pour ses qualités physiques : il devait être jeune, en bonne santé et en force physique. Il devait arriver aux maisons du village pour prononcer son vœu de quête – de koleda – par le côté aval du ruisseau, de la rivière, pour que l’économie agricole soit florissante et pour qu’il n’y ait pas de régression économique de la vie agricole. Il ne pouvait être vêtu de fourrure le 21 décembre, c’était un mauvais signe car le port de fourrure signifiait la perte du bétail.
D’autres vœux
Dans les régions de la Slovaquie centrale (de Turiec, de Gemer, de Hont et de Novohrad), le cortège des vœux au jour de Saint-Thomas – la marche avec l’acier, était pratiqué jusqu’à la moitié du 20e siècle. Ce-jour-là, les femmes et les enfants prononçaient des vœux de quêtes avec l’acier ou un morceau de fer selon la tradition populaire. Ils venaient quêter tout en assurant le bonheur de la maison, on disait qu’ils accomplissaient la « Marche avec l’acier ».
Le fer symbolise la santé, la force physique « Je vous ai apporté de l’acier – Doniesol som vám ocele »… Leurs vœux de quêtes « je vous souhaite, nous vous souhaitons… », sont toujours dirigés vers l’abondance des récoltes, la bonne santé, le bonheur, beaucoup de volailles, beaucoup d’argent, les riches futur époux pour les filles à marier, les fiancées pour les garçons-jouvenceaux…
Dans certaines communes des régions de Šariš et de Kysuce, la pratique de la coutume du cortège des vœux le jour de Saint-Thomas était la même sauf que les membres du cortège apportaient des cailloux roulés par le ruisseau et sortis du ruisseau. Ils récitaient un souhait ardent de voir accomplir par la formule magique bienfaisante et offraient le caillou pour chaque maître de maison du village. Au printemps, ce caillou était apporté par le maître de maison sur le champ au moment de pratiquer le semis du blé. Il était alors assuré d’une bonne récolte avec de grands épis de blé.
La coutume de tuer le porc
Habituellement, le jour de la Saint-Thomas, il est de coutume de tuer le porc, ce qui est toujours usuelle en Slovaquie aujourd’hui. Les gens sont persuadés que la viande du cochon tué ce jour reste bonne très longtemps. Il est un fait que la viande mise à saler par temps froid se conserve mieux et que la charcuterie est l’un des mets favoris pour les fêtes de Noël.
Dans toutes les régions slovaques, selon l’ancienne coutume, le jour de la Saint-Thomas débute de bon matin par l’abattage du cochon élevé dans presque chaque maison du village. C’était un des grands moments et une occasion de convivialité festive persistant jusqu’à la fin du 20e siècle (5).
Les hommes de la maison préparent une grande cuve d’eau bouillante et une grande table, alors que les femmes préparent les récipients, les torchons, le sel et les épices. A l’arrivée de l’abatteur qui va tuer le cochon, les hommes boivent un gobelet d’eau-de-vie en honneur de l’animal qui sera tué. Après l’abattage, le sang est précieusement recueilli dans un récipient et brassé afin d’éviter la coagulation. Puis le porc est nettoyé, découpé en portions pour les cochonnailles (boudin, saucisses, saucissons, jambons, noix, etc.). La viande de porc se prête à la préparation de nombreux mets traditionnels et surtout à la conservation par salage et au fumage pour les saucisses fumées, le lard fumé, le saindoux et les rillettes, mets qui sont largement utilisés dans la cuisine traditionnelle slovaque. Un boudin blanc localement appelé Tomáš, est un témoignage du jour de la Saint-Thomas et de l’abattage traditionnel du cochon avant la Noël.
Dans la région de Turiec, au début du 20e siècle, toute la viande de porc était fumée (lard et viande) et une bouillie préparée avec le sang du cochon était servies aux invités à cette occasion, de même que la soupe à la choucroute avec les abats blancs du cochon (poumon, cœur, morceau de foie, sang ou les morceaux de viande rouge), soupe qui était offerte aux voisins qui avaient participé aux préparations de ce jour et à la famille. L’épaule du cochon était fumée, conservée et était préparée au menu de Pâques. Les côtes de porc étaient fumées et conservées pour la consommation avec des soupes de légumineuses pour les faucheurs, les ouvriers saisonniers de l’été.
Dans les régions de Liptov et de Turiec, les boyaux du cochon, bien lavés, sont préparés à la façon de boudins blancs mais ils sont remplis d’une farce composée de pâte de pommes de terre qui ont été préalablement râpées et assaisonnées avec de l’ail, du sel, du cumin et du poivre noir moulu, parfois avec de la marjolaine selon le goût local. Ensuite, rapidement ces boudins sont cuits à l’eau bouillante salée. Cette délicieuse préparation s’appelle droby, Liptovské droby.
L’amour et le mariage
Sur ce point, les croyances existaient dans de nombreux domaines. Par exemple, le 21 décembre, la jeune fille en âge de mariage qui voulait connaître son futur époux jetait sur le sol les os du porc (reste de l’abattage), pour la prophétie d’avoir un mari.
Les filles du village se ressemblaient dans la cour de la ferme et selon une coutume divinatoire, elles choisissaient des os du porc presque identiques et les arrangeaient sur le sol et elles appelaient le chien. Celui-ci saisissait un os et s’il l’apportait à une jeune fille, la première, elle pourrait se marier en premier dans l’année. Dans le village de Horný Vadičov (région de Žilina), on y raconte, que jadis, les filles se battaient pour ces os du porc et celle qui était la plus prompte, emportait tous les os et les offrait les au chien, si tout de suite il sautait (de contentement), elle serait mariée dans l’année. Mais il paraît aussi, que la plus prompte fille qui emportait la queue du porc et le suçait, son mariage était assuré.
Dans les régions de Kysuce et d’Orava, les jeunes hommes ou les bergers distribuaient, en se dissimulant, de petits arbres de Noël devant les maisons jusqu’à la Veille de Noël. Quand il voulait se faire connaître, la veille de Noël, en pendant la koleda, il se faisait connaître en jetant une poignée de grains d’avoine sur le sol chez le maître de maison lors de sa visite, il obtenait alors une récompense sous la forme d’un peu d’argent.
La prophétie agricole
Dans le village de Skalité (région de Kysuce), le matin de la Saint-Thomas, le maître de maison allumait le feu dans le poêle avec des bûches de bois dur, puis quand le bois brûlait bien, des tisons brûlants étaient sélectionnés, autant de tisons que le nombre du bétail qui était dans l’étable du maître de maison. Les tisons brûlants étaient alors placés sur le bord du poêle et chaque tison portait le nom d’une des bêtes domestiques. Il procédait alors à la prophétie pour la santé du bétail : si le tison brûlant s’enflammait en premier, cela signifiait un bon avenir pour la santé de cet animal domestique, si par contre le tison s’éteignait tout de suite, la bête allait être malade.
Autres interdictions à la Saint-Thomas
Autres interdictions : personne ne pouvait marcher dans le village en portant un vêtement déchiré, personne ne pouvait arriver dans la maison vêtu de fourrure, rien n’était prêter de la maison pour personne. Ne pas respecter ces interdictions apportait le malheur.
Notes
1 Le saint patron du jour, saint Thomas, est décrit comme ayant un caractère réaliste et qui faisait parfois carrément preuve de scepticisme. Il est, de ce fait, l’apôtre célèbre pour avoir touché les plaies de Jésus pour croire en sa résurrection, Il aurait alors poussé un cri de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (Jacques de Voragine). C’est dans cette scène qu’il est le plus souvent représenté. Son attribut principal est une équerre, en allusion à la légende qui raconte qu’il aurait construit un palais aux Indes. Mais au 13e siècle il possédait un autre attribut qui était l’épée de son martyre. Au 15e siècle, selon une autre tradition, il porte la pique de son martyre.
2 Voir les fêtes de la Sainte-Catherine, de la Sainte-Lucie…
3 Le polaznik en singulier, les polaznici en pluriel, Polaznik dans la mythologie slave, est un personnage des fêtes du nouvel-an en tant que symbole de fécondité et de bonheur.
4 La chambre était nettoyée et blanchie pour le jour de la Saint-Thomas.
5 et encore pratiquée par endroit de nos jours même si les villages ont évolués et sont aujourd’hui aussi habités par des citadins venus « vivre à la campagne » et qui ne pratiquent donc plus l’élevage, la tradition est toujours respectée chez les villageois.
Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie
Sources
Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – OTTOVO NAKLADATELSTVI, 2009
Ľudová kultúra. Par Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama
Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003
Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004
U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007
Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004
Le monde mythologique russe. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2014
Les saints compagnons du Christ. Emile Mâle. Ed. Beauchesne. 1958
La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967
La fête au Moyen Âge. Gérard Lomenec‘h. Ed.Ouest-France. 2015
Le temps de Noël. Tradition wallonne. Ed. Traditions et Parlers populaires Wallonie-Bruxelles asbl. 1992
Voici la suite de notre article « Lucie, la fête d’hiver du 13 décembre ». Elle concerne les superstitions liées au jour de Sainte-Lucie, considéré, selon l’ancienne coutume, comme le jour fatal et le jour le plus important des « Jours de Sorcières ».
Superstition, interdictions et magie de l’amour
La superstition des Douze jours
Il s’agit de la période de douze jours qui commence le jour de Lucie et qui dure jusque la veille de Noël. Chaque matin, pendant ces douze jours, et selon la croyance populaire, les hommes fabriquaient des objets rituels ou exécutaient des rituels servant à repousser les sorcières ou servant à identifier les sorcières du village parmi les vieilles femmes suspectées de pratiques magiques néfastes. Au 19e siècle, en milieu rural slovaque et selon la croyance populaire, presque chaque village avait sa sorcière ou plusieurs. Autrement dit, les femmes ou surtout les sages-femmes qui avaient un don de clairvoyance et de prophétie, ou les guérisseuses âgées qui possédaient un pouvoir de guérison, étaient parfois suspectes car leur talent pouvait être utilisé à bon ou à mauvaise escient, pour ou contre les habitants du village.
Une remarque qui a son importance, les chasseurs de sorcières étaient toujours des hommes.
Dans toute la Slovaquie, un moyen efficace très populaire pour identifier une sorcière du village était le tabouret de Lucie –luciovy stolček.
Dans la région de Horehronie (haute vallée du Hron), notamment dans le village de Heľpa, d’après les témoignages ethnographiques, on y a enregistré de nombreux anciens petits tabourets de Lucie de même que des instructions de rituel pour découvrir les sorcières à la Veille de Noël.
Voici quelques exemples de ces superstitions :
– Lors de la fabrication des bardeaux, travail hivernal pour les hommes, il arrivait que lors du choix de la planchette qui allait être travaillée pour en faire un bardeau, il arrivait que celle-ci comporte un défaut majeur : un nœud. Dès lors cette planchette était écartée du lot (il s’agissait d’une planche en bois d’épicéa avec un trou où se trouvait un nœud isolé, de plus petit diamètre, et sélectionnée pendant le rabotage de bardeaux des toits). La planchette était récupérée pour servir de « lunette à sorcière ». Pour cela, on faisait tomber le nœud de cette planchette d’épicéa et dans le trou qui restait, chaque jour de la période de Douze jours (allant donc du jour de Lucie jusqu’à la veille de Noël), on agrandissait ce petit trou à l’aide d’une queue-de-cochon (d’une vrille), mais en tournant seulement une fois chaque jour. Son utilisation pour « découvrir » une sorcière sera la même que pour le tabouret de Lucie ;
– Pendant la période de Douze jours, on fabriquait un fouet en cuir (travail d’homme) et chaque jour on nouait UN nœud sur la tresse du fouet. Le fouet en cuir était terminé la Veille de Noël. Ce fouet servait à chasser les sorcières en le faisant claquer le soir de la veille de Noël ;
– Le jour de Lucie, le maître de la maison chassait un clou dans un coin de la maison. Pendant la période de Douze jours, chaque jour on enfonçait un peu plus ce clou en lui donnant UN coup de marteau. De cette manière, le soir de la veille de Noël, il devenait plus difficile à la sorcière de le retirer, surtout s’il était complètement enfoncé. Si la sorcière parvenait à enlever le clou en tirant dessus avec les mains, ce serait une année de malheur pour les habitants de la maison (maladie, perte d’argent, mortalité chez les humains mais aussi chez les animaux…) ;
– Le maître de maison allait dans l’étable la veille du jour de Lucie. Il introduisait un bâton sous le plancher en bois soulevant ainsi une première planche. Chaque jour de la période de Douze jours, il faisait avancer le bâton en le poussant un peu plus sous la planche suivante de façon à ce que le bâton soit contre la treizième planches le soir de la veille de Noël (avant minuit).
Dans d’autres régions on retrouve la fabrication d’objets pendant la période allant du jour de Lucie jusqu’à la veille de Noël et notamment le fouet en cuir tressé mais aussi une galette spéciale appelée « pagáč de Lucie » qui avaient la même fonction rituelle servant à chasser les sorcières
Dans la commune de Nová Baňa, (dans le district de Žarnovica, région de Banská Bystrica) la coutume était que de jeunes hommes clouaient chacun un clou dans le coin de leur maison chaque matin pendant la période de douze jours (du jour de Sainte-Lucie jusqu’à la veille de Noël). Selon la croyance populaire, le soir de la veille de Noël, les sorcières se rencontraient près de ce clou et malheur au garçon dont les sorcières retiraient le clou en tirant dessus avec les mains.
Le Tabouret de Lucie
Et que pensez de cet autre rituel qui était très populaire. Il s’agit du Tabouret de Lucie qui va servir à « découvrir » les sorcières. C’était une coutume très répandue partout en Slovaquie, selon la croyance populaire.
L’homme construit un tabouret à trois ou quatre pieds (voir la symbolique de ces nombres) en sapin, sans clou (de fer) qui s’appelle le stolček luciovy – le petit tabouret de Lucie.
Petit tabouret qu’il utilisera le soir de la veille de Noël, lorsqu’il se rendra à l’église pour la messe de minuit ou qu’il utilisera au carrefour, de croisement des chemins, afin de reconnaître la ou les sorcières.
Dans l’église, la Veille de Noël à la messe de minuit, l’homme s’installe afin d’apercevoir l’autel. A cet emplacement, sur le sol, il trace un cercle à la craie, il place le tabouret à l’intérieur de ce cercle et s’y assoit – le cercle étant une barrière contre les sorcières – ou, suivant la région, il se mettra à l’intérieur du cercle, et regardera par l’ouverture du siège du tabouret. S’il aperçoit une sorcière, il rentre de suite à la maison en semant du pavot derrière lui. Le pavot faisant office de protection contre la sorcière car celle-ci aurait pu le reconnaître et le suivre afin de lui jeter un sort.
Après son utilisation, le tabouret de Lucie sera brûlé, ou caché dans les combles, au grenier ou dans le cellier, et sur la dernière porte fermant ce local, on tracera « la marque de la sorcière » c’est-à-dire un pentagone barré d’un trait ! Symbole contre la sorcière et aussi symbole de protection de la maison. Par ce symbole, on lui interdit ainsi l’entrée de la maison.
Les petits enfants apprennent ce tracé dès leur plus jeune âge et ils le tracent à la craie sur l’asphalte, sur un tableau sans savoir pourquoi, ils l’apprendront plus tard.
Les interdictions superstitieuses du jour de Sainte-Lucie
Dans les ouvrages ethnographiques, on constate que encore au 19e siècle, le sentiment de volonté divine, du religieux, du magique, s’étend fortement à toute la réalité de la vie rurale quotidienne des paysans slovaques. Bien que la religion chrétienne officielle ait supprimé les dieux païens slaves, elle a suscité un certain de croyances populaires liées à la vénération de la nature et due au culte des morts, selon des ethnographes slovaques à partir d’études anciennes du 19e siècle, notamment par Pavol Dobšinský (1828 – 1885). Et les études récentes publiées par l’institut ethnographique slovaque SAV à Bratislava dès 1951, et aussi par les livres ethnographiques populaires : Emília Horváthová (1931-1996), Kliment Ondrejka (1929-2011), Rastislava Stoličná-Mikolajová, Zuzana Drugová, et d’autres, et un livre de Vojtech Majling, photo-documentariste du folklore slovaque.
Autrefois à Bánovce nad Ondavou (région de Zemplín), le jour de Lucie, les femmes ne préparaient pas une lessiveuse pour le lavage du linge à l’eau bouillante car la femme qui lessivait ce jour-là était précipitée dans le feu par la sorcière ; 3
L’autre superstition pour les femmes, au jour de Sainte-Lucie, il était interdit de cuire le pain, de laver la lessive, et déjà mentionné de filer le lin, sous peine de voir la sorcière Lucka se venger.
Dans le village de Rykynčice (district de Krupina, région de Banská Bystrica), on y raconte, que jadis, une femme du village cuisait son pain le matin de la Sainte-Lucie. Ce jour-là, chez cette femme, la sorcière Lucie (localement appelée en diminutif Lucka) se dévoilera sous l’apparition d’une fille réclamant un morceau de ce pain en chantant d’une formule :
« Ja som dievča pondelníča, pýtam kúštik podobníčka – Je suis la fille du lundi, je demande un morceau de ce pain ».
La fille du lundi – appelée pondelníča ou pondelča – (en slovaque, pondelok signifie lundi) était un esprit démoniaque qui apparaissait aux femmes si le lundi matin elle lessivait du linge ou cuisait du pain.4
Le podobník, podobníček, était aussi appelé le materák. C’était une galette composée de pâte de pain. A l’époque, c’était une offrande pour le cortège des Lucies (en diminutif les Lucky – prononcer loutsky) dans certaines régions de la Slovaquie.
Dans la région du Hont, si une femme étrangère arrivait à la maison le matin du 13 décembre, elle était tout de suite soupçonnée d’être une sorcière et on l’installait de force sur le dos d’une vache. 5
Quant à la visite d’un homme vêtu de fourrure le 13 décembre c’était un mauvais signe car le port de fourrure signifiait qu’il était porteur d’une maladie.
La prophétie d’amour du jour de Lucie, le 13 décembre
Autre croyance populaire et encore pratiquée de nos jours par les adolescentes en Slovaquie : la prophétie d’amour ou de futur mari.
Ainsi, dans la région de Liptov, selon une ancienne coutume, le 12 décembre au soir, les jeunes filles préparent 13 petits feuillets de papier. Sur 12 feuillets, elles écrivent le nom d’un homme célibataire et le 13e est vierge de nom. Elles froissent ces papiers ou les plient et, par après, chaque matin un feuillet est brûlé (le premier le 13 décembre). Le matin de la veille de la Noël, elles brûlent l’avant dernier feuillet. Le soir, elles ouvrent le dernier et découvrent le nom de celui qui sera leur futur mari. Cependant, si le dernier feuillet est vierge de nom, cela signifie qu’elles resteront encore un an, au moins, sans mari.
Cette prophétie d’amour qui commençait au jour de Sainte-Lucie était pratiquée de la même manière par la jeunesse, filles et même par des garçons de Nová Baňa.
Le jour de Lucie, dans le village de Svätý Anton, les filles à marier font la magie d’amour avec l’aide d’une étoile à six branches découpées dans du papier. A chaque pointe de l’étoile des noms masculins sont inscrits, autant il y a de jours de Lucie jusqu’à Noël, autant il y a de noms de garçons. Chaque jour, les jeunes filles déchirent un morceau de l’étoile sans connaître le nom et le brûlent. Le nom qui reste la veille de Noël est le nom du futur mari de la jeune fille.
Dans le village de Kysuca, dans la région ethnographique de Gemer, les filles à marier allait frapper avec une cuillère en bois sur le toit du poulailler. Si en retour le coq chantait ou coquelinait, la jeune fille serait mariée dans l’année qui commence, mais si c’était une poule qui caquetait elle allait rester célibataire.
Dans la commune de Horné Lefantovce (région de Nitra), les jeunes filles au jour de Sainte-Lucie s’imposent un jeûne volontaire afin de bien accomplir la magie d’amour le soir. Le soir venu, chaque fille à marier place un récipient rempli d’eau sous son lit puis, pendant la nuit, elle découvre, avec l’effet miroir de la surface de l’eau, le visage de son futur mari.
Dans la région de Trenčín, les filles à marier font aussi la prophétie de l’amour. La jeune fille cache un œuf pondu par une poule le jour de Sainte-Lucie. Puis, la Veille de Noël, et après un jeûne volontaire pendant ce-jour-là, le soir après le retour de l’église à la suite de la messe de minuit, elle découvre le métier de son futur époux dans le blanc d’œuf.
Dans la région du Hont, les filles à marier qui font la prophétie de l’amour claquent avec une cuillère en bois sur le toit du puits et selon l’écho du son, on découvre le métier du futur mari : si l’écho sonne comme un tir de fusil, ce sera un chasseur ; si l’écho sonne creux, ce sera un bûcheron…
Dans la Slovaquie occidentale, les filles à marier au jour de Sainte-Lucie, font la prophétie de l’amour très tôt le matin avant le lever du soleil. Elles vont se laver le visage au ruisseau en récitant une formule magique qui assure ou attire l’amour d’un homme.
Très populaire parmi les jeunes filles slovaques, autrefois, était la prophétie de l’amour accompli à l’aide d’une pomme. Chaque matin avant le lever du soleil la fille à marier croquait un petit morceau d’une même pomme et si cette pomme commençait à pourrir cela signifiait qu’elle resterait célibataire jusqu’à sa mort.
D’autres prophéties du jour de Sainte-Lucie
A la Sainte-Lucie il y avait aussi la coutume de mettre des rameaux d’arbre fruitier dans l’eau d’une cruche afin d’obtenir une floraison le jour de Noël. Ce jour-là, suivant l’abondance de fleurs au rameau fruitier on établissait une prédiction pour la prochaine récolte.
Il était aussi d’usage de mettre à germer du seigle. Ce rituel, appelé la pousse du seigle de Lucie, annonçait les prémices des moissons sous la forme du blé en herbe : s’il est bien vert, l’année sera riche, fertile. Ce rituel, très populaire, est encore accompli de nos jours et une assiette de seigle germé vert ornera la table du souper de la veille de Noël ou la crèche de Noël.
Dans les régions de Gemer et de Novohrad (Sud de la Slovaquie centrale), autrefois, la maîtresse de maison préparait pour le jour de Sainte-Lucie une galette, sous la forme d’une petite miche de pain, pour chaque membre de sa famille. Une petite plume était piquée dans chaque petite miche avant la cuisson, si elle brûlait dans le four pendant la cuisson, cela signifiait la mort dans l’année qui allait commencer.
Dans la région Horehronie, il existait une coutume qui agissait en prophétie d’accroissement du bétail. Dans un verre d’eau, on versait juste une goutte de lait de la traite matinale. Si la goutte de lait descendait jusqu’au fond du verre, la vache aurait un veau.
Notes
3 En ce temps-là, les lessiveuses électriques n’existaient pas et pour préparer l’eau chaude de la lessive, on remplissait un chaudron placé au-dessus d’un feu de bois, d’un brasero…
4 Selon les anciennes coutumes slaves préchrétiennes il existait des interdictions de travaux féminins domestiques pour certains jours de la semaine.
5 Il ne pouvait s’agir que d’une « sorcière » car les femmes du village et des alentours connaissaient l’interdiction liée à la superstition.
Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie
Sources
Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama
Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003
Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004
U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007
Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – Ottovo Nakladatelstvi, 2009
Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004
La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967
Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011
Reconnaître les saints. Symboles et attributs. B. Des Graviers et T. Jacomet. Ed. Massin. 2006
Le monde mythologique russe. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2014
Une autre Russie. Fêtes et rites traditionnels du peuple russe. Nadia Stangé-Zhirovova. Ed. Peeters.1998
En Slovaquie, le jour de Sainte-Lucie, était considéré, selon l’ancienne coutume, comme le jour fatal et le jour le plus important des « Jours de Sorcières », et ce bien avant le calendrier grégorien (introduit en Occident en 1582), car le 13 décembre était considéré comme le jour le plus court et la fête du solstice d’hiver.
Ce-jour-là et la veille au soir, les cortèges des Lucies symbolisant la lutte entre le Bien et le Mal ainsi que la lutte de la Magie blanche contre la Magie noire se déroulaient dans les villages. La population, superstitieuse, respectait certaines interdictions qui persistaient le jour de Sainte-Lucie et ce jusqu’au lendemain de la Seconde guerre mondiale, et même un peu plus loin. De nos jours ces traditions sont, pour la plupart, tombées en désuétude. Cependant, chaque année l’ancienne coutume du cortège des Lucies a repris vigueur, surtout grâce aux groupes folkloriques locaux slovaques. Quant à la coutume populaire de la magie d’amour de cette période, loin d’être tombée dans l’oubli, elle est toujours pratiquée de nos jours par la jeunesse slovaque, même s’il s’agit plus de curiosité et, parfois, un sujet d’amusement entre jeunes filles, tout comme les autres préventions rituelles à la maison contre la magie noire des sorcières.
Les prescriptions et les activités du jour des « Lucies »
Parmi les activités et interdictions, voici celles qui étaient les plus respectées.
– l’interdiction de la visite matinale des femmes et l’interdiction de certains travaux féminins, – les rituels de superstitions populaires, la magie d’amour, la magie blanche ou bienfaisante,
– les rituels de préventions contre la magie noire des sorcières,
– le cortège des Lucies,
– le cortège des bergers, chasseurs de sorcières.
Le cortège des Lucies, le jour de la magie blanche contre la magie noire
Dans toutes les régions slovaques, selon l’ancienne coutume, le jour de Sainte-Lucie est considéré comme le jour le plus favorable pour les enchantements des sorcières.
En contradiction avec la tradition chrétienne1, dans le milieu rural slovaque on croyait que Lucie était une puissante sorcière, et pour cela, il fallait la jeter dans le feu. Mais elle y allait survivre et continuer à exister.
Le 13 décembre était considéré, dans les campagnes slovaques, comme le jour le plus court de l’année et correspondait au solstice d’hiver, cette conviction allait encore persister dans la mémoire collective bien longtemps encore après l’introduction du calendrier grégorien en 1582 et c’est pour cela que les anciens croyaient au règne des puissances obscures et donc à la grande sorcière, Lucie.
Dans la tradition slave, que l’on retrouve donc aussi en Slovaquie, le 13 décembre est donc le jour de Lucie, créature mystérieuse et non pas, comme en Europe de l’Ouest, le jour où l’on fête sainte Lucie, croyance typiquement chrétienne. Là, la tradition slovaque présente Lucie comme la plus grande sorcière. La déesse Mokoš des anciens slaves pré-chrétiens était probablement la devancière de Lucie, cette dernière devant continuer d’assumer le caractère d’une créature féminine démoniaque. Mais nous allons voir ce qu’il en est.
Les 12 et 13 décembre
Le 13 décembre, c’est le jour de Lucie, et déjà à partir de la veille au soir, commence le combat de la magie blanche contre la magie noire.
Commençons par le 12 décembre, veille du jour de Lucie
Dans cette crainte des puissantes ténèbres, les gens prenaient plusieurs mesures contre la magie noire des sorcières. Ils utilisaient l’ail, l’oignon, l’eau bénite, la fumée de myrte (un arbre aromatique très abondant sur le littoral méditerranéen), la craie bénite, le cierge bénit, etc.
C’est ainsi que la veille au soir, donc le 12 décembre, et ce jusqu’à minuit, les gens mangeaient du pain à l’ail et, encore avec de l’ail, ils se traçaient une croix sur le front, sur les tempes, sur la bouche et les poignets. Toujours avec de l’ail, ils traçaient une croix au-dessus de la porte d’entrée de la maison et de la porte des étables ou ils enduisaient d’ail les poignées de portes…
Les brebis, vaches et chèvres recevaient aussi à manger de l’ail avec le pain, afin de protéger le lait du vol par les sorcières.
L’étable n’était pas oubliée et étaient donc aussi protégée. On plaçait, devant la porte fermée de l’étable, une gerbe de paille. La sorcière qui voulait entrer dans cette étable et nuire au bétail devait avant tout compter le nombre de paille contenue dans la gerbe. Opération difficile pour elle, parce qu’il y avait beaucoup de brins de paille et parce qu’elle devait avoir fini de compter avant le levé du jour… avant le retour de la lumière.
Toujours la veille, soit le 12 décembre au soir, les bergers ont une fonction importante dans le village. Ils jouent de la trompette et vont de maison en maison accompagnés de garçons qui agitent une crécelle… le but étant de faire du bruit afin d’effrayer les sorcières. Parfois, les bergers font claquer un fouet dans l’air. Ces tintamarres, piaillements, tapages, sonneries sont une forme archaïque de défense, contre les sorcières et contre la nuit obscure, des villageois pour leur village mais aussi pour la région, pour les champs, les prairies, les jardins.
Encore ce 12 décembre, après le couché du soleil, on ne peut donner ni offrir du lait à une femme étrangère à la maison ou que l’on ne connaît pas, car celle-ci pourrait être une sorcière. Ce serait un grand malheur, car la vache ne donnerait pas de lait durant toute l’année suivante – la croyance populaire affirmant que la disparation du lait des vaches tenait au fait qu’il avait été dérobé par les sorcières. Cette croyance était très répandue dans toute la Slovaquie.
Et le 13 décembre…
Le 13 décembre est aussi un jour où les femmes ne peuvent faire le ménage, ni coudre, ni filer le lin, ni préparer les plumes pour les édredons, ni couper du bois… bref exécuter toutes tâches ménagères, sauf… la cuisine, car cela porterait malheur.
Parmi les traditions conservées jusqu’à nos jours dans la population slovaque, le matin du 13 décembre, la visite matinale d’une femme étrangère à la maison est mal venu, cela porterait malheur car elle pourrait être une sorcière. Mais la visite matinale, en ce jour de Lucie, d’un homme est bien bénéfique, car cela va protéger la maison contre les sorcières.2
Le « Tour des Lucies » du 12 et 13 décembre est la tradition slovaque la plus typique
Les « Lucies » sont des femmes vêtues d’une cape blanche ou recouverte d’un drap de lit blanc. Leur tête est couverte d’un voile blanc faisant office de foulard. Leur visage est couvert d’abord de saindoux puis de farine blanche et parfois, elles ont dans la bouche, des dents faites de pomme de terre. Elles tiennent dans la main une aile d’oie.
Ces Lucies vont en groupe, composé le plus souvent de trois jeunes femmes et entrent dans les maisons du village, sans parler, l’une ayant un seau contenant de la chaux blanche, l’autre un pinceau, une autre une aile d’oie à la main, et symboliquement elles époussettent, blanchissent les murs, ramonent la cuisine, enlèvent les toiles d’araignée…
Ce jeu, répété dans chaque maison, doit se faire en silence afin que l’on ne puisse reconnaître l’une d’elles. Les Lucies symbolisent le fait de chasser « le mal, la mort » de la maison.
Les gens attentes avec impatience leur visite, et ce nettoyage symbolique se fait dans la bonne humeur et la plaisanterie, tout en essayant de deviner qui se cache sous ce masque.
Le cortège des Lucies dans les régions slovaques
Le cortège des Lucies diffère selon les régions slovaques. Souvent les femmes le soir de la veille de Sainte-Lucie se déguisent en Lucie ou Lucky (en diminutif – petites Lucies). Le déguisement était individuel mais selon les usages locaux elles appliquaient le principe de se masquer jusqu’à la taille en blanc et la tête couverte par un foulard blanc tombant jusqu’aux yeux, pour empêcher d’être reconnue.
Selon la coutume, les filles déguisées en Lucie, portaient des plumes d’oie, un balai et entraient en silence dans la maison. Là, symboliquement, elles balayaient le sol et époussetaient les coins et les murs pour les débarrasser des toiles d’araignées, et ressortaient de la maison toujours en silence. Ces personnages pratiquant ce rituel sont censés favoriser le bien-être de la communauté villageoise pour débarrasser les maisons des puissances malignes des démons et invoquer les bons esprits au milieu de l’hiver et des longues nuits.
En Slovaquie occidentale, il est attesté que la veille de la fête de Sainte-Lucie, la coutume du cortège des Lucies, des femmes déguisées avec des vêtements de toile blanche – le même que celui des Barborky – était bien respectée. Les Lucies avaient le visage barbouillé de farine, parfois elles portaient les dents faites de pommes de terre, pour menacer les enfants. Une Lucie munie d’un seau et d’une brosse à peindre à la chaux, une autre Lucie munie d’une aile d’oie pour dépoussiérer des pièces de maisons et débarrasser des toiles d’araignées. Habituellement, elles restaient silencieuses, pour ne pas être reconnues et, symboliquement, elles nettoyaient les demeures.
Dans les environs de la ville de Nitra, au soir du 12 au 13, les femmes se déguisaient en Lucies, localement appelées bohyne – déesses vêtues en blanc. Pour menacer les habitants du village, elles jetaient des chats par les fenêtres des maisons dans l’intérieur des chambres, et posaient sur les appuis des fenêtres des citrouilles creusées en forme de visage, éclairées de l’intérieur par une chandelle et dont le but était de faire une tête personnifiant la mort.
Dans le village de Čakajovce (district de Nitra), le personnage masqué en Lucie portait une croix et les enfants étaient obligés de réciter une prière.
Dans la région d’Orava, le cortège des Lucies était accompagné par une fille déguisée en Tsigane qui devait probablement tenir le rôle d’une mendiante !
Dans la région de Horehronie, dans l’ancienne ville minière de Brezno (région de Banská Bystrica), le personnage déguisé en Lucka donnait des friandises aux enfants. Dans d’autres localités de la vallée du Hron, à Závadka nad Hronom, les Lucies dansaient drôlement dans chaque cour de maisons du village. Dans le village de Polomka (district de Brezno), la Lucie menaçait les enfants de les punir avec une ceinture en cuir.
Dans le village de Hačava (région de Košice), le groupe des Lucky circulaient dans le village et présentaient leurs vœux de bonheur en forme de distique (couplet) récité afin de rendre féconde la volaille. On leur offrait des noix et noisettes.
Dans la commune de Žemberovce (district de Levice, région de Nitra) le groupe de jeunesse du village se rassemblait la veille du jour de Sainte-Lucie pour aller en cortège de Lucie, cortège appelé localement polazníci. Le groupe se rendait de maison en maison annonçant son arrivée et sa présence en faisant du bruit avec des cloches de vache, des chaînes en fer et par des claquements de fouet dans le but d’effrayer les habitants de la maison. Le groupe des polazníci présentait des vœux de bonheur, de bonne santé… et recevait des noix et des noisettes en récompense.
Dans le village de Cerovo (district de Krupina, région de Banská Bystrica), habité en majorité par des protestants, il y avait, le jour de Sainte-Lucie, un cortège de trois personnages féminins déguisés. L’une était vêtue de toile blanche et portait un « chapeau » réalisé en toile de tamis à farine couvrant entièrement sa tête maintenu en place par un foulard et serré au cou par un ruban. Une autre avait le visage fariné et la dernière le visage barbouillé de suie noir. Elles portaient une chaîne en fer qui leur permettait de faire du bruit annonçant ainsi leur présence dans le village, mais elles restaient silencieuses. Après leur arrivée dans la maison, elles commençaient par chasser les hommes et les garçons pour danser et pour les barbouiller de farine ou de suie de cheminée.
Les femmes déguisées en Lucies mais aux visages maquillés de suie noire étaient présentes aux environs des villages de Uhrovec et de Kšinná (région de Trenčín).
Dans le village de Sebechleby (district de Krupina, région de Banská Bystrica), la coutume du cortège des Lucies était pratiqué jusqu’au premier tiers du 20e siècle. Les femmes déguisées en Lucie entraient en silence dans la maison, chacune tenant une plume d’oie dans la main et elles époussetaient les coins de la chambre de la maison.
Le cortège des bergers au jour de Sainte-Lucie
Dans la majorité du territoire montagneux de la Slovaquie, très tôt le matin du jour de Sainte-Lucie, le cortège des bergers ou des jeunes hommes était organisé. Il se rendait de maison en maison dans le village. Les bergers s’arrêtaient devant chaque maison du village et ils commençaient à sonner fortement avec leurs trompes de berger dans le but de chasser les sorcières de la maison.
Dans les régions de la Slovaquie centrale, les sorcières étaient chassées par les jeunes hommes du village qui faisaient claquer leurs fouets, qui sifflaient soit avec un sifflet ou tout simplement avec leurs doigts en bouche, qui faisaient retentir leurs cornes de berger, qui agitaient les grosses sonnailles des vaches. Par exemple, dans le village montagnard de Vlkolínec, les garçons et les jeunes hommes munis de clochettes, de sonnailles de bétail, faisaient du vacarme autour du village le soir de Sainte-Lucie, dans le but de chasser les sorcières du village. Cette coutume est disparue lors des années de collectivisation dans les campagnes slovaques (après 1948), sous le dictat du régime socialiste.
Les vœux des quêtes
En Slovaquie, la coutume de venir quêter avec l’acier se perd dans les années 50 du 20e siècle. Généralement, cette ancienne coutume de la quête est disparue quand le régime socialiste s’est installé dans le pays slovaque.
En effet, dans toute la Slovaquie, il était jadis de coutume qu’un groupe composé de quelques petits garçons, de 6 à 8 ans, venait quêter tout en assurant le bonheur de la maison. Ces enfants étaient bien accueillis très tôt le matin, surtout s’ils avaient un outil en acier ou une chaîne en fer. Ils entraient dans la maison en prononçant une formule magique laquelle commençait avec les mêmes paraphrases partout dans le pays. Ils récoltaient des friandises et un peu d’argent.
Ainsi, cette coutume était pratiquée jusqu’à la moitié du 20e siècle dans la région de Liptov, pendant la période allant de la Sainte-Catherine jusqu’à la Veille de Noël, et surtout aux jours fériés notamment de Sainte-Catherine (25 novembre), de Sainte-Lucie (13 décembre) et la Veille de Noël (24 décembre). Ils obtenaient une petite récompense sous forme d’un peu d’argent et de fruits secs.
Le caractère jadis magique du chant est bien illustré sous la forme du distique récité par les garçons chanteurs du cortège avec l’acier. Le chant de cette formule magique est presque identique partout en Slovaquie, sans doute parfois répété dans le langage dialectal local, et commence par une phrase fixée : Je vous ai apporté de l’acier.
« Doniesol som vám oceli, aby sa vám hrnce, misky nebili, reťaze netrhali, sekery nelámali. Koľko máte v plote kolov, aby ste mali v maštali volov, koľko máte lyžičiek, aby ste mali toľko jalovičiek, koľko máte tanierov, aby vaša dievka mala toľko frajerov. »
« Je vous ai apporté de l’acier, Pour que vos marmites, pour que vos bols ne cassent pas, pour que les chaînes ne se brisent pas, pour que les haches ne se fracassent pas. Tant combien vous avez des échalas de clôture, tant vous aurez de bœufs dans l’étable, Tant combien vous avez de cuillères, tant vous aurez de petites génisses, Tant combien vous avez d’assiettes, tant vos filles auront de favoris (d’amoureux). »
Le cortège des garçons déguisés en Lucie
Le cortège du jour de Lucie était effectué aussi par des garçons déguisés avec un vêtement long et blanc, le visage dissimulé par du tissu. Ce cortège constituait un élément essentiel des jeux masqués de la tradition ancestrale.
Par exemple, autrefois, le soir du jour de Lucie dans le village de Svätý Anton près de Banská Štiavnica, le cortège des garçons déguisés en blanc comme les Lucies et le visage dissimulé par un tissu, passait de maison en maison, et pour de ne pas être reconnus, les garçons restaient silencieux. Mais ils visitaient surtout les maisons de leurs amis, où ils caressaient les propriétaires avec l’aile d’oie et leur donnaient l’ail, le maïs, des légumes… En revanche, les propriétaires offraient la boisson et les gâteaux.
Dans la région de Šariš, un autre groupe de participants au cortège de Sainte-Lucie est constitué dans le village de Kračúnovce (district de Svidník, région administrative de Prešov). Là, les jeunes hommes effectuaient le cortège dit luckovanie (de Lucka – prononcer loutska). Ils étaient déguisés avec des vêtements féminins traditionnels de la région de Šariš et ils marchaient en portant un mannequin figurant une Chèvre chargée de grelots et de sonnettes de bétail. Le jeu de la chèvre provoquait l’effroi auprès des petits enfants et les facéties amusaient les femmes timides du village. Aujourd’hui encore, dans le village de Kračúnovce, et surtout depuis 1979, les traditions populaires sont bien vivantes grâce au groupe folklorique Kračúnovčan.
Dans le village de Bystré (district de Vranov nad Topľou, région administrative de Prešov), le cortège des garçons de la veille de Sainte-Lucie allait effrayer les filles regroupées dans la pièce de la maison où elles étaient réunies pour filer le lin ensemble selon la tradition. Dans la rue, les garçons hantaient les filles avec de la poussière de suie noire et, pour cette raison, les filles fermaient à clé la porte de la maison. Anciennement les garçons remplissaient de suie une marmite en argile et la jetait dans la pièce où les filles étaient rassemblées pour filer le lin.
Au village de Bystré, depuis 1955, le groupe folklorique du village a continué à développer et présenter les traditions populaires de ses ancêtres de la région, et dès 1993, sous le nom de Bystrančan.
Dans le village de Čabradský Vrbovok (district de Krupina, région administrative de Banská Bystrica), la marche de la Sainte-Lucie était effectuée seulement par un garçon déguisé en Lucie.
Une autre coutume du cortège du jour de Sainte-Lucie dans le village de Hrochoť près de Banská Bystrica, un village marqué par la religion évangélique protestante, était le cortège des filles avec une figurine en chiffon appelée Lucka, en diminutif, la petite Lucie. Cette coutume a été enregistrée par des ethnographes du 20e siècle.
La grande poupée Lucka, vêtue du costume traditionnel féminin de la région ethnographique de Detva, la tête cachée par la jupe du costume était portée de maison de maison, surtout où les filles-fileuses étaient regroupées. Le cortège des filles avec la poupée Lucka parcourait le village en jouant, en chantant et en dansant. Les filles de Hrochoť chantaient que Lucka était belle mais paresseuse, etc., les filles chantaient un refrain ayant un sens de moralité par exemple : « elle (Lucka) n’aime pas travailler, mais elle aime dormir longtemps, elle aime les fioritures … »
Après le cortège, les filles du village organisaient un festin appelé Derele, un repas composé avec les récoltes obtenues par les visites dans les maisons où on leur donnait des pommes de terre, des haricots, de la farine, du lard… Les garçons étaient aussi invités avec la musique. Cet amusement de la jeunesse continuait jusqu’au matin dans un bal parodiant une forme de noce drôle. Le festin Derele de la coutume des filles de Hrochoť a été longtemps conservé dans les traditions locales encore après la Seconde guerre mondiale, puisque c’était une bonne occasion pour que les jeunes gens se rencontrent et trouvent une liaison d’amitié sérieuse.
Notes
1 Au sujet de sainte Lucie, la légende dorée ne rapporte pas de faits concernant ses yeux. Cette légende viendra après l’écriture, durant la deuxième moitié du 13e siècle, de « La légende dorée » par Jacques de Voragine.
Lire sainte Lucie dans la légende dorée :
www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome01/007.htm
et
http://balises.bpi.fr/arts/pourquoi-sainte-lucie-est-elle-representee-portant-ses-yeux-sur-un-pla
2 Dans « la visite tôt le matin ou matinale » il s’agit de la première personne qui vient en visite dans la maison. Si c’est un homme, ce sera bénéfique mais si la première personne est une femme, ce sera une année de malheurs. Parfois le « temps » s’étend jusqu’au moment où le cortège des « Lucies » est passé à la maison. Après il n’y a plus de problème.
Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie
Saint Nicolas était un personnage historique au 4e siècle, il fut évêque de Myre, en Lycie (Asie Mineure).
L’Église du 9e siècle a dédié la fête de saint Nicolas au 6 décembre. Les reliques de ce saint furent emportées de Myre à Bari (en Italie) par des marins en 1078, pour sauver ces reliques des Turcs. Son culte s’est développé rapidement – au cours du 13e jusqu’au 15e siècle – grâce aux récits légendaires et merveilleux, dont il était le héros, grâce à sa bonté et son sens de l’équité. C’est l’un des saints les plus vénérés aussi bien en Europe que dans l’Orient chrétien.
Les cortèges de Saint-Nicolas en Slovaquie
La coutume du cortège de Saint-Nicolas a eu une évolution très intéressante en Slovaquie.
Dans la coutume populaire slovaque (et dans son iconographie), le personnage de saint Nicolas est figuré comme un homme âgé mais vigoureux, à longue barbe blanche. Mais il possède aussi les traits d’une figure préchrétienne liée à la croyance en un esprit sylvestre chez les anciens slaves. Si la conception d’un esprit de la forêt est commune à tous les pays slaves, les noms de ces esprits diffèrent : léchi en russe, borowy en polonais ou schodi en slovaque, ce qui signifie « esprit de la forêt » ou Svätohor – le maître de montagnes, etc…1
La coutume la plus ancienne du cortège du jour de Saint-Nicolas est enregistrée dans la région de Kysuce (Slovaquie septentrionale), où les jeunes hommes effectuaient une marche avec une grande figurine d’environ 70 cm en étoffe, qui appelée Dietko, Dedko – le Vieux, Grand-père, Papy, l’homme âgé -. C’est un type de personnage allégorique où on est tenté de voir en lui l’ancêtre protecteur mythique du clan.
La forme plus archaïque était un cortège avec une chèvre et composé de trois hommes déguisés. Un dans le rôle de la Chèvre, le deuxième dans le rôle du conducteur de la chèvre et le troisième en « déguisement de hotte » avec une figurine féminine 2. Ils formaient un joyeux ensemble qui parcourait le village le jour de la Saint-Nicolas.
Une autre forme de cortège du jour de la Saint Nicolas en Slovaquie consiste en une marche d’un cortège appelé le « trio déguisé » qui comprend saint Nicolas, un Ange et un Diable.3
Le personnage déguisé en saint Nicolas tient dans la main droite une clochette et un panier rempli de friandises pour les enfants et dans la main gauche une crosse d’évêque. Il est habillé en costume d’évêque rouge, une mitre sur la tête et possède une longue barbe blanche. Le personnage masqué du Diable a le visage barbouillé de noir de fumée et porte des cornes rouges sur la tête. Il est habillé avec une fourrure avec une queue et porte à la main une chaîne et un panier de charbon.4 Le personnage d’Ange a la frimousse d’un homme jeune, il est maquillé avec des pommettes rouges, il a des cheveux bouclés dorés et une auréole sur la tête, il est habillé d’une longue chemise blanche et porte sur le dos deux grandes ailes de plumes blanches.
Cette coutume est encore bien vivante dans de nombreux villages et villes de la Slovaquie, et les sorties du trio de la Saint-Nicolas inaugurent le cycle des fêtes d’hiver.
En Slovaquie, la tradition du cortège de Saint-Nicolas comme nous la connaissons de nos jours est née dans le milieu urbain il y a très longtemps 5. Autrefois, le cortège du groupe des étudiants ou apprentis déguisés et rassemblés autour du personnage de saint Nicolas se rendait en ville de maison en maison, à la grande joie des enfants qu’ils interrogeaient sur leur connaissance du catéchisme et des prières.
La coutume du cortège du trio de saint Nicolas, de l’Ange et du Diable est apparue au 19e siècle. Mais, les accessoires et la créativité du trio se sont inspirés d’une plus ancienne tradition hivernale slave répandue en milieu rural, milieu où le calendrier cultuel traditionnel des fêtes de fin d’année a été conservé pendant longtemps. Les campagnes slovaques, marquées par les activités agricoles, ont respecté le rythme de la nature, tout en y intégrant des rites magiques. Même si les divinités païennes étaient disparues sous la christianisation, de nombreux éléments ont survécu dans les traditions populaires et les fêtes folkloriques.
Mais on sait que dans les campagnes slovaques, par exemple dans la région de Hont au Sud de la Slovaquie centrale, les campagnards nés avant 1900 ne connaissaient ni la tradition du cortège, ni les cadeaux de Saint-Nicolas.
Les jeux paysans de la Saint-Nicolas en Slovaquie
On enregistre une autre forme du cortège de la Saint-Nicolas en milieu rural et cela sous la forme de « jeux paysans de la Saint-Nicolas », qui inaugurent le cycle des fêtes hivernales de la communauté villageoise.
Au début du 20e siècle, dans la région de Považie, à Potvorice, village dans le district de Nové Mesto nad Váhom, le soir de la veille de la Saint-Nicolas, un cortège de quatre jeunes hommes visitaient le groupe des filles-fileuses du village regroupées dans la maison pour filer à la main et pour travailler ensemble selon la tradition rurale. Un membre du cortège portait un masque d’ours et un manteau de fourrure, un autre membre portait un masque de Maître de maison, et le dernier était déguisé en montreur d’ours. Un autre membre accompagnait aussi ce cortège. Cette tradition était un spectacle organisé par la jeunesse paysanne de l’époque. Le cortège des garçons et jeunes hommes formait une troupe de spectacle comportant un jeu d’ours et des chants.
Dans le village de Sudince, dans le district de Krupina, le jour de Saint-Nicolas, il existait un cortège de jeunes hommes accompagnés d’un vrai ours attaché avec des chaînes en fer et des cordes, mené par un montreur d’ours. Les jeunes hommes offraient des friandises aux filles qu’ils chérissaient pendant la visite chez les filles-fileuses regroupées dans une maison du village.
Dans le village viticole de Brhlovce, dans le district de Levice, est mentionné un ancien cortège de Saint-Nicolas. Ce cortège était composé de garçons du village déguisés en personnages effrayants. Ils rendaient visite aux filles regroupées dans la maison du village pour filer le lin. Arrivé là, ils les effrayaient avec l’aide d’un personnage masqué revêtu entièrement de fourrure, le visage maquillé de suie noire et faisant du bruit avec une grosse chaîne en fer et les grelots qu’il portait.
Dans le petit village de Horša, dans le district de Levice dans la région du Hont, à la veille de la Saint-Nicolas, existait un groupe de jeunes hommes déguisés. Un portait un déguisement de Curé et tenait un livre deux avaient un déguisement de servants d’église avec des sonnettes, deux portaient des déguisements de Diable, un était déguisé en ours avec une chaîne autour du cou. Ce cortège de mascarades marchait de porte en porte dans le village, et visitait surtout les maisons des fileuses.
Le spectacle commençait dans la pièce où les jeunes fileuses étaient regroupées autour de la table. Le personnage masqué en prêtre et ses deux servants étaient à genoux et en prière pendant que le personnage d’ours, caché sous la table qu’il soulevait par moment, attrapait les pieds des filles. Elles commençaient à le frapper pour ces impolitesses. Le personnage déguisé en prêtre leurs demandait si elles priaient tous les jours et mais elles lui répondaient en se moquant « Au nom de Dieu, un pied sur le four, l’autre sous le four, mais le troisième est le tien. Amen » ou encore par d’autres ironies. Si les filles ne répondaient pas, les personnages déguisés en servants agitaient leur clochette et les personnages déguisés en diables commençaient à taquiner les filles en essayant de leur maquiller le vissage avec du noir de fumée venant du foyer de la maison.
Dans d’autres régions slovaques, notamment aux environs de la ville de Žiar nad Hronom en Slovaquie centrale, cet ancien type de cortège de Saint-Nicolas était pratiqué jusqu’à l’Entre-deux-guerres. Au cours du cortège de la Saint-Nicolas, les jeunes filles à marier demandaient un bon mari au nom de saint Nicolas avec une « formule magique d’amour ».
Nous avons là une réminiscence des amusements et jeux qui étaient très populaires au Moyen Âge dans toute l’Europe avant le solstice d’hiver où dominaient les longues nuits noires. C’était un temps propice pour les activités autour des puissances obscures et ces cortèges de mascarades étaient la réaction des villageois qui se défendaient contre la magie noire pendant la période du solstice d’hiver.
Une autre phase de l’évolution du cortège des mascarades de Saint-Nicolas en milieu rural sous l’influence des coutumes urbaines, sera quand le trio des personnages déguisés, un saint Nicolas, un Ange et un Diable, s’installera dans les campagnes de presque toute la Slovaquie dès les années 30 du 20e siècle.
A Senohrad, près de la ville de Krupina, dans des années 40 du 20e siècle, il existait un cortège de Saint-Nicolas où le saint était accompagné de deux ou trois « Diables ».
La marche de Saint-Nicolas pour les enfants
La marche du cortège du trio déguisé : un Saint Nicolas, un Ange et un Diable, offrent un cadeau sucré et du pain d’épice pour les enfants sages et la « récompense du diable », une cuillère de bois, élément d’éducation des enfants difficiles, pour la fessée ; ou encore, un morceau de charbon, attribut du diable – car en enfer le feu est entretenu par le charbon -.
En attendant l’arrivée de saint Nicolas, les enfants chantonnaient : « Mikulášku dobrý strýčku, modlím sa ti modlitbičku, zlož tu svoju plnú nošku, daj nám z tvojich darov trošku, či koníčka medového, či koláča makového, veď ty strýčku Mikuláš, mnoho dobrých vecí máš… Petit Nicolas, cher oncle 6, je prie pour toi, dépose ici ta hotte remplie et donne-nous un peu de tes cadeaux, soit le petit cheval en pain d’épice, soit le gâteau au pavot, parce que, Petit Nicolas, cher oncle tu as beaucoup de bonnes chose ». En Slovaquie, cette chansonnette était et est toujours connues par les enfants.
En Slovaquie, aux temps de l’ancien régime socialiste, la tradition de la veille de Saint Nicolas persistait mais sous une forme légèrement modifiée ou innovée comme toujours selon la coutume familiale. Les petits enfants se préparaient à la fête de Saint Nicolas en nettoyant ou en cirant leurs chaussures ou leurs bottes – elles devaient être propres. Ils déposaient ensuite une chaussure ou une botte sur l’appui (l’allège) de la fenêtre, à l’intérieur de la maison, afin que sväty Mikuláš – saint Nicolas – puisse y déposer le cadeau sucré ou chocolaté.
Parallèlement a cette coutume familiale de cette époque, il existait, dans les villes industrielles, la fête de Nicolas – Mikuláš, comme on l’appelait sans le mot de saint qui était un tabou à l’époque communiste. Cette fête était organisée par le syndicat socialiste pour les enfants de l’école maternelle et de la crèche. Cette fête était appelée parfois la fête de Dedo Mráz – Papy le gelé – selon un modèle russe bolchevique. Le cortège comportait un personnage quasi comme saint Nicolas, habillé d’un vêtement rouge, une mitre sans aucun attribut religieux sur la tête, le visage masqué par une grande barbe blanche, et qui tenait une crosse et une hotte remplie de cadeaux sucrés pour les petits enfants des ouvriers.
Au siècle dernier, dans les environs de la ville de Bardejov en Slovaquie orientale, un cortège parcourait la ville le soir de la veille de Saint-Nicolas. Des adolescents formaient un groupe de garçons et de filles déguisés. Un des garçons déguisé était saint Nicolas, deux filles étaient déguisées en servantes d’église et d’autres garçons tenaient en main une verge tressée en paille de blé. Ils allaient de porte en porte des maisons en chantant une chanson glorifiant saint Nicolas, surtout devant les portes des maisons où se trouvaient de petits enfants. Quand ils étaient invités dans la maison, le personnage déguisé en saint Nicolas faisait la révérence au propriétaire, prenait place et cachait son visage derrière une croix ornée de rubans et de clous plantés, – les rubans avaient pour office de cacher son visage et les clous devaient décourager les curieux -. Les garçons commençaient, symboliquement et légèrement, à frapper les petits enfants avec les verges en paille, pour qu’ils deviennent de meilleurs enfants pour les parents. Les membres du cortège obtenaient une récompense sous la forme de fruits secs (pommes ou prunes sèches) et des noix ou des noisettes.
Dans certaines régions montagneuses, un cortège de bergers était organisé le jour de Saint-Nicolas. Dans le village de Hačava près de Turňa nad Bodvou dans le district de Košice, habité par de la population de rite gréco-catholique (Uniate). Les bergers valaques parcouraient le village et visitaient les propriétaires des bergeries. Leurs vœux étaient gages pour mener à bien le troupeau de moutons dans la bergerie afin qu’ils soient bien en sécurité contre les loups. Les bergers valaques récoltaient un peu d’argent qui allait servir à l’organisation d’un petit festin.
Jour de « sorcières » et superstition
Le jour de Saint-Nicolas était qualifié, comme d’autres jours de cette période, de « Journées de sorcières ». Cette ancienne forme de cortège de mascarades est contre les puissances obscures et les forces néfastes et surnaturelles, et est censée favoriser le bien-être de la communauté rurale.
Les femmes, si cela était possible, devaient rester le matin de ce jour à la maison, puisque la visite d’une femme, tôt le matin, était néfaste. Les femmes ne filaient pas, ne cousaient pas, ne préparaient pas les plumes pour les édredons, parce que ce travail pouvait être sous l’influence néfaste des sorcières.
Il existait aussi une interdiction superstitieuse pour les hommes. C’est ainsi que les bûcherons, ne pouvaient se rendre dans une forêt pour y travailler le bois afin d’éviter un malheur ou de provoquer une malédiction, peut-être même d’être écrasé sous un arbre ou tout autre accident ou maladie. Ce danger, probablement évoqué par le maléfice d’un esprit de la forêt 7 qui persistait dans la croyance populaire dans les régions montagneuses depuis les temps des Slaves préchrétiens.
La magie de l’amour à la Saint-Nicolas
Les jeunes filles de Zámutov dans la région de Haut Zemplín, ne recouraient pas à la « magie amoureuse » le jour de la Saint-André, elles la pratiquaient la veille du jour de Saint-Nicolas.
Les églises dédiées à saint Nicolas
En Slovaquie, plusieurs églises sont dédiées à saint Nicolas. Citons notamment l’église Saint-Nicolas dans la ville de Liptovský Mikuláš, la basilique Saint-Nicolas à Trnava, l’église Saint-Nicolas dans la partie de la Vieille Ville à Bratislava. Mais aussi dans la petite ville thermale de Sliač, à la ville de Bánovce nad Bebravou, à la ville de Stará Ľubovňa, à la commune de Borský Mikuláš, dans le village de Nemecká près de Brezno, dans le village de Višňové près de Žilina, à la commune de Podunajské Biskupice, à la ville de Senec…
Notes
1 Voir « Le monde mythologique russe » de Lise Gruel-Apert. Page 244
2 Voir Le livre des Masques. Michel Revelard, Guergana Kostadinova. Page 126
3 Voir notre photo du Musée de Čičmany
4 Dans la tradition slovaque, saint Nicolas offrait un morceau de charbon aux enfants qui n’avaient pas été « sages » pendant l’année. Mais comme c’est une fête de bonté, les enfants recevaient quand même des bonbons
5 Ce type de cortège existait déjà au Moyen Age en Europe. Voir La fête au Moyen Âge. Gérard Lomenec’h. Pages23 et 24
6 Chez les slaves, dans cette situation le terme « dobrý strýčku – cher oncle » ne se rapporte pas au lien familial mais à l’utilisation d’un diminutif hypocoristique (gentil, affectueux) pour appeler la personne
7 Probablement comme le « leshii » de la mythologie russe. Voir Mythes russes d’Elisabeth Warner. Page 65 et 66. En slovaque, « les » signifie bois.
Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie
Photos: Alice Hura et Charles Bugan
Sources
Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama
Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003
Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004
U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007
Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – OTTOVO NAKLADATELSTVI, 2009.
Le monde mythologique russe. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2014
Le livre des Masques. Michel Revelard, Guergana Kostadinova. Ed. La Renaissance du livre. 1998
La fête au Moyen Âge. Gérard Lomenec‘h. Ed.Ouest-France. 2015
La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967
Icônes et saints d’Orient. Alfredo Tradigo. Guide des Arts. Ed. Hazan. 2005
Mythologie du monde celte. Claude Sterckx. Ed. Marabout (Hachette livre). 2009
Mythes russes. Elizabeth Warner. Ed.du Seuil. 2005
Sainte Barbe – Barbora en slovaque, est fêtée le 4 décembre. Vierge et martyre, elle est la protectrice des mineurs, des artificiers, des artilleurs et des fondeurs. En Slovaquie elle était une sainte très vénérée et de nombreuses peintures ou sculptures ont été réalisées. Reconnaissable aisément par ses attributs que sont le glaive, un ciboire surmonté d’une hostie, une couronne, la palme de martyre et, le plus souvent, avec une tour à une, deux ou trois fenêtres (parfois sans) située près d’elle. Elle est représentée seule ou aux côtés de sainte Catherine d’Alexandrie, de sainte Marguerite d’Antioche et de sainte Dorothée.
Le jour de Sainte-Barbe est un autre jour de « sorcières » dans la croyance populaire slovaque, et la visite d’une femme, tôt le matin, est mal perçue. Par contre, la visite d’un homme est bénéfique, car il protégera la maison contre les sorcières. Cette croyance populaire était répandue dans une partie de la Slovaquie centrale.
En ce jour, autrefois, dans les campagnes slovaques, les femmes ne filaient pas, ne cousaient pas, ne préparaient pas les plumes pour les édredons, parce que ce travail pouvait être sous une influence néfaste des sorcières. C’était une interdiction superstitieuse de prévention contre les maladies du bétail à cornes, pour éviter qu’ils se blessent entre eux avec les cornes et aussi de prévention contre la perte de moutons dans la bergerie.
Une ancienne coutume slovaque, favorable pour les garçons, existait dans la vallée haute du Hron – région de Horehronie. Tôt le matin ils se regroupaient et formaient un cortège le jour de Sainte-Barbe. Ils allaient de porte en porte dans le village, avec un outil en acier ou en fer appelé oceľa ou ocieľka en main, cet outil en métal symbolisant la bonne santé. Alors, ils souhaitaient tout le bien et la bonne santé pour les habitants de la maison et en reconnaissance le maître de maison donnait quelques pièces de monnaies, car leurs visite était bénéfique, elle apportait la protection dans la maison contre les sorcières.
Une coutume un peu isolée dans le milieu rural des régions de Nitra et de Trenčín, était le cortège de Sainte-Barbe des filles ou jeunes femmes déguisées, appelées Barborky parfois accompagnées aussi par des garçons déguisés et vêtus d’une longue chemise blanche, le visage caché sous un voile. Les Barborky entraient dans les maisons du village avec le même rituel que le cortège des personnages déguisés, appelés Lucies le 13 décembre. Là, chaque Barborka – membre du cortège des Barborky, pourvue d’une aile d’oie1 ou d’une balayette composée de plumes d’oie qu’elles tiennent en main, elles vont, symboliquement, épousseter dans la maison. Le but de ce rituel est de chasser et de « nettoyer » le ménage qui pourrait être sous l’influence des puissances obscures néfastes.
Autre part, dans la région de Považie – région de la vallée du Váh, il y avait le cortège de quatre filles déguisées en Barborky. Le soir à la veille de la Sainte-Barbe, elles entraient dans la maison du village où étaient rassemblées des fileuses et si de jeunes hommes étaient présents, ils étaient frappés avec des cuillères en bois par les Barborky. Puis, elles dansaient en mesure rythmé sur les coups des cuillères en bois. Parfois il y avait un garçon portant un déguisement fait de gerbes de paille cousues (manches et jupon) qui dansait avec elles.
En milieu minier, sainte Barbe était une sainte très populaire. C’était la sainte patronne des mineurs, elle était/est invoquée contre le feu, la foudre et la mort subite.
Ce-jour-là, selon des traditions, les jeunes mineurs des environs de la ville minière de Banská Štiavnica, allaient de porte en porte dans les maisons du village minier en chantant des chants de Koleda, et invitaient les filles à chanter des cantiques de Noël.
Dans la commune de Radošiná – district de Topoľčany -, la veille du jour de Sainte-Barbe, de même qu’à la veille de la Saint-Nicolas et de la Sainte-Lucie, les garçons ou les jeunes hommes déguisés avec des masques allaient de porte en porte dans les maisons du village en silence, pour restent inconnus, et jouaient la mascarade. Dans les environs de Topoľčany, deux filles déguisées en Barborky, l’une tenant des plumes d’oie, la deuxième avec un balai entraient en silence dans la maison, balayaient le sol et époussetaient des coins et les murs pour les débarrasser des toiles d’araignées, et ressortaient toujours en silence.
Dans d’autre village, comme à Šurianky, dans le district de Nitra, le cortège de Sainte-Barbe des garçons déguisés et jouant la mascarade étaient accompagnés de la musique d’un accordéoniste et les jeunes hommes dansaient avec chaque personne rencontrée dans la rue du village.
La coutume de Bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe
Il est aussi d’usage, en ce jour de la Sainte-Barbe, de mettre un rameau d’arbre fruitier – soit un cerisier, soit un griottier, prunier ou pommier – dans une cruche contenant de l’eau afin d’obtenir des pousses et une floraison le jour de Noël. Si c’est le cas, l’année sera bonne pour l’agriculture et les arbres fruitiers.
Dans le village de Zámutov, dans le district de Vranov nad Topľou, une coutume du jour de la Sainte-Barbe est appelée la Plantation des cerisiers. Un membre de la famille de la maison coupe pour chaque membre de la famille un rameau de cerisier. Chaque rameau de cerisier est identifié avec chaque membre de la famille, et est marqué de son nom. Les rameaux de cerisier sont posés ensemble dans un vase sur un endroit chaud et on attend jusqu’à la Noël. Si une branche de cerisier fleurit avant la Noël, cela signifie une longue vie pour le membre de la famille dont le nom est inscrit.
Aujourd’hui, les anciennes coutumes des fêtes agraires et cultuelles sont présentées par les groupes folkloriques locaux et par les ensembles des danses et chants populaires slovaques surtout lors des festivals folkloriques. Par exemple, au village de Zámutov, où dès 1964, le groupe folklorique Zamutovčan, a continué à développer et présenter les traditions populaires de ses ancêtres de la région de Haut Zemplín.
Mais parmi les traditions conservées jusqu’à nos jours dans la population slovaque, la coutume la plus populaire et toujours en cours, bien que parfois adaptée à nos temps modernes, est la coutume de Bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe. C’est ainsi que dans la région de Liptov, dans le village montagnard de Vlkolínec2, la coutume est de faire bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe à partir du prunellier ou épine noire (Prunus spinosa), tandis qu’à 10 kilomètres, dans la ville de Ružomberok, ce sont des rameaux de forsythia.
C’est ainsi que ces rameaux fleuris sont devenus une partie décorative de Noël dans les maisons slovaques.
Dans la population plus âgée, pour la plupart, le rituel de manger de l’ail fait souvent appel à la vertu curative de celui-ci, mais sert aussi parfois de prévention contre des maléfices…
Mais, aujourd’hui, et comme en d’autres lieux, la mascarade des Barborky a subi l’influence du tourisme et se déroule le plus souvent à l’occasion de festival folklorique.
Dictons populaires pour la météo
Il y a aussi quelques pronostics slovaques de prévisions populaires météorologiques. On disait « Tel temps est au jour de la Sainte Barbe, tel temps sera jusqu’à Noël » ; cela signifie un temps stable pour les prochaines semaines ou : « sainte Barbe tire la luge dans la cour de la maison », cela signifie que les premières neiges arrivent sur les hauteurs de pays.
Notes
1 Une aile d’oie était un outil utilisé habituellement avant la cuisson de pains pour « dépoussiérer » le four à pain domestique. Des plumes d’oie assemblées et maintenues par une ficelle formant un pinceau était aussi utilisé comme pinceau de pâtisserie.
2 Vlkolinec est un village constitué de maisons en bois, situé près de la ville de Ružomberok et qui, en sa qualité de réserve historique d’architecture populaire, est inscrit au Patrimoine de l’UNESCO depuis décembre 1993.
Eglises dédiées à sainte Barbe en Slovaquie
L’église franciscaine (18e siècle) de Žilina est dédiée à sainte Barbe.
Dans la Chapelle de Sainte-Barbe de l’église gothique paroissiale de Banská Bystrica, ancienne ville minière, se trouve un autel-retable en bois de type armoire avec ailes mobiles qui provient de l’atelier de Maître Paul de Levoča (16e siècle). Le centre de l’armoire est rempli par un groupe de statues sculptées de la Vierge Marie, de Saint Hiéronyme (Jérôme) et de sainte Barbe. Les ailes du retable sont peintes avec des épisodes de la vie de Saint Hiéronyme et de Sainte Barbe.
Dans l’église gothique Saint-Égide à Bardejov, on y trouve un retable de 1460, dédié à sainte Barbe. Elle y est représentée en compagnie d’autres saintes : Catherine d’Alexandrie, Marguerite d’Antioche, Cunégonde et Lucie.
Dans le skanzen – Musée en plein-air du village de Liptov à Pribylina se trouve l’ancienne église dédiée à la Vierge Marie du village Svätá-Mara disparu sous les eaux du barrage de Liptovská Mara. A l’intérieur se trouve le retable des Quatre Vierges et Martyrs, daté de 1677. Sainte Barbe est accompagnée de sainte Élisabeth de Hongrie, sainte Catherine et sainte Marguerite d’Antioche.
Dans le village de Hervartov, se trouve l’église en bois classée de l’UNESCO, à l’intérieur se trouve le retable principal en bois peint de la Vierge Marie accompagnée de sainte Barbe et de sainte Catherine, daté de 1460-70.
Dans l’ancienne église gothique de Tous les Saints à Ludrová-Kút, de 2 km près de la ville de Ružomberok, on peut voir la fresque de sainte Barbe peinte sur l’intrados (début du 15e siècle).
Le Musée de Liptov (Liptovské múzeum) à Ružomberok, abri le retable principal en bois polychromé de cette église avec le panneau peint (vers 1527) où se trouve sainte Marguerite d’Antioche, sainte Catherine d’Alexandrie et sainte Barbe, avec ses attributs, le calice et l’hostie.
Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie
Photos: Alice Hura, Charles Bugan
Sources
Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama
Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003
Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004
U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradície. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007
Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Zuzana Drugová, 2008. Slovak-edition – Ottovo Nakladatelstvi. 2009
Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004
Kostol Všetkých svätých v Ludrovej-Kúte. Svedok stáročí. Mária Anderssonová, Branislav Močáry, Peter Svrček ml, Jozef Vandák. Ed. Branislav Močáry SOVA
Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011
Autels dans les collections des musées et des galeries en Slovaquie et en Bohême. Galerie Nationale Slovaque Bratislava. Ed. i+i print, Bratislava. 1991
La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967
Le livre des Masques. Michel Revelard, Guergana Kostadinova. Ed. La Renaissance du livre. 1998