Alice Hura – Charles Bugan
Pour les gréco-catholiques slovaques le 28 avril 1950, est un souvenir douloureux, et toujours présent dans leur mémoire, qui signifiait la fin de l’Église gréco-catholique.
Après le coup de force du 15 avril contre les monastères catholiques, le 28 avril 1950, marque la date de la ″liquidation″ totale de l’Église gréco-catholique par le gouvernement communiste tchécoslovaque. Après 300 années d’existence de l’Église gréco-catholique la dictature communiste supprime la religion ancestrale des Ruthènes slovaques.
Le parti communiste gouvernant la Tchécoslovaquie opte pour l’orthodoxie moscovite, et convoque une assemblée le 28 avril 1950 dans la ville de Prešov : ″Pour un retour à l’Orthodoxie russe″, en présence de 820 délégués dont 747 membres de comités communistes et 73 clercs gréco-catholiques. Cette assemblée proclame l’élimination de l’institution historique de l’Église gréco-catholique ou Uniate, installée depuis 1646, et historiquement connue sous le nom d’Union d’Oujgorod.
Pour rappel, c’est en 1596 que par l’Union de Brest-Litovsk (en Biélorussie aujourd’hui), une partie des orthodoxes ukrainiens se rallient à Rome, tout en conservant leur rite ; ils constituent ainsi la première communauté « Uniate » de l’orthodoxie.
En 1645, le prince de Transylvanie, Georges Ier Rakóczi prend la tête du soulèvement anti-habsbourgeois en Hongrie royale, et ce seigneur, protestant, va imposer la foi réformée aux orthodoxes slovaques et ruthènes, par la devise ″cuius regio, eius religio″. Le 24 avril 1646, 63 prêtres orthodoxes du pays slovaque oriental s’unissent avec l’Église catholique contre l’expansion du protestantisme du prince Rakóczi, et pour faire admettre l’utilisation de la langue liturgique slave ancestrale et une discipline religieuse orthodoxe. Cela aboutira à la mise en place de l’uniatisme. Le premier évêque uniate, gréco-catholique, Peter Parthenij Petrovič, ancien prêtre orthodoxe serbe, sera nommé en 1651.
L’église gréco-catholique – Uniate, sous l’aile de l’Empire habsbourgeois, sera officiellement confirmée le 14 mai 1648 par archevêque Lippay, Primat hongrois d’Esztergom, et par le synode épiscopal de Trnava (Nagyszombat en hongrois) en septembre de la même année.
Après la fondation de la République tchécoslovaque en 1918, une forte position avait le courant ruthène est soutenu par le clergé de l’Église gréco-catholique. Mais ensuite, entre les deux guerres, une orientation ruthène en Slovaquie se caractérisée peu à peu en trois tendances ethniques : pro-russe, ruthène et pro-ukrainienne. Cette dernière tendance ayant pour ambition l’influence sur l’évolution de la culture ruthène. Après 1945, un Conseil national ukrainien est créé en Slovaquie. Il va devenir l’organisme politique et national des Ruthènes de la Slovaquie orientale, dans le but d’améliorer le niveau de vie tant du point de vue politique, économique, social et culturel, mais avec une orientation russophile pour les Ruthènes slovaques.
Après le 28 avril1950, les temples et les biens de l’Église gréco-catholique sont transférés aux mains des orthodoxes soumis à Moscou. Des 328 prêtres gréco-catholiques, seulement 23 vont se convertir à l’orthodoxie russe. Les deux évêques gréco-catholiques sont emprisonnés, où l’un d’eux, Pavel Peter Gojdič va y décéder, en 1960, à l’âgé 72 ans. Quant aux familles des prêtres désobéissants, elles sont expulsées par la force dans ce qui était la région des Sudètes avant la deuxième guerre mondiale, au nord de la Bohême, à plus de 700 kilomètres de la région ruthène de Slovaquie.
En 1950, l’église gréco-catholique de Slovaquie comptait environ trois cents milles croyants ruthènes et slovaques, mais après 1991, seulement 16937 personnes proclament leur confession gréco-catholique.
L’évêque orthodoxe Alexeï de l’Éparchie de Prešov (1950-1955), de son nom d’origine Alexandre P. Dechterev, ancien officier russe et ex-agent de la police secrète du MVD – le Ministère des affaires intérieures à l’époque soviétique – va suivre une formation à Kiev grâce à laquelle il sera installé ensuite au poste d’évêque orthodoxe pour les Slovaques, il est ainsi à la tête de l’Église orthodoxe en Slovaquie sous le gouvernement communiste staliniste.
En 1968, lors du Printemps de Prague, l’état tchécoslovaque va permettre le rétablissement de l’Église gréco-catholique. Les interlocuteurs ruthènes slovaques refusent en public une orientation ukrainienne dans la linguistique ruthénienne et demandent une reconnaissance de la minorité ethnique des Ruthènes en Slovaquie avec le rétablissement de l’Église gréco-catholique. Après 1989, la question de l’identité ruthénienne est de nouveau ouverte.
Dès 1990, après la Révolution de velours, l’état tchécoslovaque va, par la loi de restitution, remettre les biens et les temples occupés par les orthodoxes russes depuis 1950 aux gréco-catholiques. Cela ne se fera pas sans heurts, et de nombreux incidents vont opposer les habitants des villages des deux obédiences.
La culture ruthène en Slovaquie
Cette culture ruthène montre un ensemble d’églises en bois avec des icônes, et constitue, en outre, le folklore ruthène avec des chansons rituelles et le rite calendaire de Pâques, de Noël, etc…, mais aussi avec des chansons de mariage, et de danse, des berceuses, des ballades et des contes populaires. Les Ruthènes slovaques se divisent en deux groupes dialectiques : un est le groupe occidental des Lemkos dans la région de Veľký Lipník jusqu’à Vyšná Jablonka ; l’autre est le groupe oriental des Boïkos aussi appelés Pujdaci, situé géographiquement des environs de la vallée de la petite rivière Pčolinka et de la région en amont de la rivière de Cirocha, jusqu’au cours supérieurs de la Latorica et de l’Už – Uh en slovaque et Ouj en francais.
Signalons encore que trois églises en bois Gréco-catholiques – Uniates sont reprises au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2008. Il s’agit des églises Saint-Nicolas à Bodružal, de l’Archange Saint-Michel à Ladomirová et Saint-Nicolas à Ruská Bystrá.
PS : pour les besoins de notre exposition photos dont le thème était ″Les églises en bois de Slovaquie″, nous avons visité un grand nombre de ces églises uniates de l’est de la Slovaquie et nous pouvons vous garantir que les églises visitées étaient du plus haut intérêt, et nous pensons notamment à celles des villages de Ladomirová, d’Uličské Krivé, de Miroľa, de Brežany…
Inconvénient, la visite de l’intérieur de ces églises en bois n’est pas toujours facilement accessible et il est très souvent interdit de photographier.
Liens
http://vaheurope.eu/?p=125 : L’église en bois de Matysová
http://vaheurope.eu/?p=104 : Le village d’Inovce et l’église en bois de l’Archange Saint Michel
Sources
Dejiny Slovenska a slovákov. Milan S. Ďurica. Slovenské Pedagogické nakladateľstvo. 1995
Encyklopedia ľudovej kultúry Slovenska 1 – 2. Ed. VEDA Slovenskej akademie vied. 1995
Drevené kostoly. Miloš Dudáš, Ivan Gojdič, Margita Šukajlova. Dajama. 2007
2000 ans de chrétientés ; Gérard Chaliand – Sophie Mousset ; Ed Odile Jacob, janvier 2000
Les Uniates. Jean-Claude Roberti. Ed. du Cerf. 1992
Document UNESCO : http://whc.unesco.org/fr/list/1273