L’église romano-gothique de Kyjatice

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Par la Gotická cesta – la Route Gothique, dans le circuit de Rimava – Rimavsky okruh, nous avons découvert l’église Sainte-Cécile dans le village de Kyjatice. Disons tout de suite que cette église fait, depuis 1694, partie de l’Eglise évangélique (Luthérienne). Elle possède une précieuse décoration de fresques datant du 14e et du 15e siècle, des fonts baptismaux en pierre du gothique primitif, un autel Renaissance, une chaire de prédication baroque et un plafond en bois peint du 17e siècle.

Mais aussi une exceptionnelle fenêtre d’axe, de surprenantes représentations de saintes et surtout, surtout, un Jugement dernier hors du commun.

A proximité du village de Kyjatice, se trouve une localité archéologique de l’Age du Bronze, la nécropole de l’incinération du groupe des champs d’urnes – de la culture de Kyjatice, datant 1100 – 700 avant notre ère. Nous reviendrons sur ce site plus tard.

Les sources historiques connues mentionnent pour la première fois du village de Kyjatice en 1413.

L’église du gothique primitif est édifiée sur une butte au sud-ouest du petit village de Kyjatice. Elle est, encore aujourd’hui, entourée par un mur de défense à l’état de fragments. Elle est située à proximité de l’ancienne école du 19e siècle, qui à ce jour, sert pour le Work-chope estival, ″Les Jouets de Kyjatice″, destiné à la maîtrise de l’industrie des jouets en bois du type populaire slovaque.

En remontant le cours du temps, depuis le haut du Moyen Age, dans la vallée de la rivière de Rimava, aux alluvions aurifères des Monts métallifères, les orpailleurs étrangers lavaient l’or pour de hauts seigneurs locaux. Ceci répond à la question : pourquoi sur un pays montagneux et isolé, une église ornée de fresques médiévales fut édifiée à l’époque moyenâgeuse ?

L’appellation de Kyjatice, en hongrois Kiéte, provient peut-être du mot slovaque kyj, kyjanica, qui désigne un outil ou une arme en bois, une masse (comme outil, pilon) ou une batte. Il signifie peut-être aussi un lieu pour broyer le minerai ou le lieu de concassage de pierre avec un outil manuel en bois. Le mot se prononce kiyatitse.

L’église de Kyjatice dans l’histoire et ses curieuses peintures murales

Erigée à partir d’une forme simple, typique des petites églises de campagnes slovaques, elle a une nef unique et un prebytére carré, et, par conséquent, un chevet plat, surmonté d’une simple voûte en berceau.

Une première campagne de travaux eut lieu pendant la première moitié du 14e siècle. Pendant cette campagne, les peintures murales, type fresque al secco, sont réalisées dans l’intérieur du presbytère et sur l’arc triomphal. Mais à la moitié du 15e siècle, l’arc du presbytère (1) s’écroule et il sera reconstruit très peu de temps après.

Le chevet plat est orné d’un apôtre et de quatre saintes. Selon les historiens slovaques Vladimir Plekanec et Tomáš Haviar (Gotický Gemer a Malohont, page 122), il s’agit des saintes Barbe – Barbora, Ursule, d’une étonnante Maria-Magdalena pénitente et de Marie Salomé (très rarement représentée !).

Le soubassement du presbytère est décoré, sur tout le pourtour, par un décor de rideaux comme on en retrouve, par exemple, à Martinček (village dans la région de Liptov), à Poniky (village près de la ville de Banská Bystrica)…

L’arc triomphal

L’intérieur de l’arc triomphal comporte la parabole des Vierges sages et des Vierges folles (Matthieu 25, 1-13). Les cinq Vierges folles sont au nord, les sages au sud. Sur les piédroits, nous avons au sud, en partie cachée, sainte Elisabeth de Hongrie et au nord un saint, peut-être Martin ou un prophète ! Nous proposons saint Martin.

La nef

Côté nef, la partie supérieure de l’arc triomphal est décoré par :

côté nord, l’Arrestation de Jésus et le baiser de Judas, immédiatement suivi de la comparution devant Pilate qui se lave les mains.

côté sud, le Portement de la croix.

Dans la partie inférieure, nous avons la Crucifixion au nord et les Lamentations (Pièta) au sud.

Une deuxième campagne de travaux se déroulera entre les années 60 et 70 du 15e siècle, c’est alors qu’est construite une sacristie sur le mur nord du presbytère ainsi qu’un nouveau portail ogival qui est ajouté au sud de l’édifice. Les fenêtres sont changées, ce sont celles que nous voyons aujourd’hui. Et la table d’autel en pierre est placée légèrement en retrait par rapport à l’arc triomphal.

Finalement toute l’église sera recouverte d’un enduit de mortier recouvrant ainsi la première couche de fresques de l’arc triomphal et du presbytère. Mortier qui sera ensuite recouvert d’une épaisse couche de badigeon de chaux. Et c’est à cette période que la seconde campagne des peintures murales aurait été exécutée. Elle comporte notamment la curieuse – par sa forme circulaire – scène du Jugement dernier sur le mur nord de la nef et probablement les saintes du mur du chevet. Comme il se doit, après les travaux de rénovations, l’église fut à nouveau consacrée, comme en témoignent les trois crois de consécrations dans l’église de la nef mur nord, sud…, deux de celles-ci sont gravées et peintes dans la couche de mortier (laquelle, ne l’oublions pas, recouvre les fresques de la première campagne de travaux du 14e siècle).

La fresque en cercle du Jugement dernier du 15e siècle

L’église de Kyjatice est devenue célèbre surtout par sa fresque unique du Jugement dernier peinte sur une grande surface au mur nord de la nef. Il s’agit d’une scène polysémique et qui est composée de nombreux symboles. Ce Jugement dernier est probablement inspiré par l’œuvre d’Hildegarde de Bingen (*1098 – † 1179).

Ici, la composition se trouve dans un double cercle dont le plus grand mesure 5 m de diamètre environ. Entre ces deux cercles, dans une bande de près de 50 cm de large, l’espace est divisé en neuf parties de couleurs différentes. Là nous voyons des figures d’anges. Cet espace symbolise les neuf chœurs angéliques du ciel.

Dans la partie supérieure du cercle interne et au centre, un Christ montrant ses plaies dans une mandorle. A ses côtés, des anges portent des outils du martyre du Christ ou sonnent de la trompette. Au-dessous des anges, un groupe de saintes et de prophètes, symbolisent l’Eglise victorieuse.

Dans la partie inférieure en-dessous de tombes ouvertes et de corps prêt au jugement – c’est la résurrection des corps – puis nous avons, à gauche, un groupe d’âmes sauvées suivi par l’archange Michel devant la porte du ciel. A l’opposé de cette scène se trouve un groupe de damnés relié entre eux et emmené par des diables vers la gueule du Léviathan, le démon des enfers, peint hors du cercle et très peu visible aujourd’hui. On remarquera dans la partie intérieure, un crapaud entraînant le corps d’un damné.

Dans la partie centrale, on trouve deux groupes difficilement identifiables. Nous proposons : à gauche des vierges-martyres, vierges-religieuses et à droite des saints et/ou des martyrs. Cette peinture murale est datée de 1426, mais d’autres dates sont aussi proposées par des experts : 1446 ou même 1486 !

En 1560, le village de Kyjatice est pillé par les Turcs ottomans.

Une autre campagne de travaux commence au 17e siècle

Pendant la Réforme (début du XVIIe siècle), le bâtiment est utilisé pendant un certain temps par les évangéliques. Ils blanchissent les murs, couvrant ainsi les fresques, et ils construisent le plafond à caissons de la nef en bois d’épicéa qui sera peint à la Renaissance (1637). La galerie sculptée, aussi en bois d’épicéa, et supportée par des colonnes torses est construite en 1641, c’est là qu’est placé le petit orgue d’origine. On remarquera aussi la chaise à haut dossier peint de 1637.

Mais en 1688, suite à la recatholisation, l’église de Kyjatice est mentionnée comme édifice catholique sous le patronage de Sainte-Cécile, jusqu’en 1694, date où l’église revient, définitivement, aux mains des Luthériens.

Une fenêtre d’axe exceptionnelle

La tour, à l’est, sera ajoutée plus tard, au tournant du XVIII au XIXe siècle de même qu’un vestibule d’entrée au sud qui couvre l’entrée d’origine en arc ogival.

Cette tour couvre la remarquable fenêtre d’axe circulaire d’origine, marquée dans son intérieur par un triscèle en pierre.

Le pourtour de cette fenêtre est décoré d’une fresque rare représentant saint Louis de Toulouse (Louis d’Anjou * 1274 – † 1297), fils de Charles II d’Anjou et de Marie de Hongrie. Nous le voyons ici auréolé et tenant une couronne royale dans chaque main (3).

L’église possède aussi un retable en bois de tilleul sculpté, polychromé et doré (1678) et une chaire en bois de tilleul sculptée, polychromée et dorée du premier quart du 18e siècle.

L’édifice est couvert d’un toit en bardeaux en bois.

La redécouverte des fresques médiévales

Les peintures murales de l’église de Kyjatice furent partiellement redécouvertes en 1894 par Istvan Groh (publication en 1895). Mais ces peintures sont nouveau recouverte d’un badigeon.

Mais de nouveaux travaux de restauration des peintures murales, qui se prolongèrent de 1980 à 1985 et au cours des années 1986 – 1989, sont dirigées par J. Josefík et L.Székely en coopération avec l’Atelier de restaurateurs de l’État de Levoča. Et toutes les questions concernant les peintures murales sont étudiées par Vlasta Dvořaková et Milan Tonger, historiens d’art. Les données archéologiques des années 80 du 20e siècle, confirment l’attribution vers 1250 des fondations d’une église primitive. C’est sur elles qu’on rehaussa l’édifice de l’église médiévale de Kyjatice tel que nous le voyons aujourd’hui.

NB : il semblerait que l’ordre franciscain était très présent dans la région, ce qui pourrait, peut-être, expliquer le choix des représentations des saintes du chevet et de saint Louis de Toulouse notamment.

Notes :

1 Presbytère – Presbytérium (du grec presbuterion, conseil des anciens). Dans un sens général, il s’agit de l’habitation du curé d’une paroisse. Au Moyen Âge, il s’agit aussi de l’espace cérémoniel souvent surélevé et réservé au prêtre. En Slovaquie, ce terme est toujours utilisé dans ce sens de nos jours.

2 Nous avons aussi trouvé cette Annonciation avec homoncule à moins de 5km, à Kraskovo ainsi qu’à Koceľovce et Ochtina, à +/- 65 km de Kyjatice ! Ces églises du sud de la Slovaquie, semble indiquer que la question de la représentation de l’Incarnation était un sujet qui préoccupait les membres du clergé de la région à cette période (à l’instigation des Franciscains ?). Le concile de Trente (1545 – 1563) y mettra fin.

3 Fresque rare car Saint Louis de Toulouse n’est pas représenté en évêque (ce qui est presque toujours le cas). L’explication vient du fait qu’il a renoncé aux deux couronnes – roi de Naples et roi de Hongrie – pour se consacrer à la vie religieuse qu’il avait choisie sous la bure franciscaine.

Sources

Středověká nástěnná malba na Slovensku (les peintures murales médiévales de la Slovaquie). Vlasta Dvořáková, Josef Krása, Karel Stejskal. Odeon – Tatran. 1978

Gotický Gemer a Malohont. Italianizmy v stredovekej nástennej maľbe (les régions gothiques de Gemer et de Malohont). Vladimir Plekanec – Tomáš Haviar. Ed. Matice slovenska & Arte Libris. 2010

Gotické kostoly – vidiek (les églises gothiques de campagne). Štefan Podolinský. Éditeur : Daniel Kollár. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama

Anjouovci. Princovia s kvetmi ľalie. Jaroslav Perniš. Ed. Ikar. 2016

Les Princes angevins du XIIIe au XVe siècle. Un destin européen. Actes des journées d’étude 15 et 16 juin 2001. Ed. Presse universitaire de Rennes. 2003

L’image à l’époque romane. Jean Wirth. Les Éditions du Cerf. 2008

Hortus Deliciarum – Le jardin des délices. Herrade de Hohenbourg. Jean-Claude Wey. Ed. Le Verger. 2016-2022

Le Jugement dernier. Entre Orient et Occident. Collectif sous la direction de Valentino Pace. Ed. du Cerf. 2007

Les justices de l’au-delà. Les représentations de l’enfer en France et en Italie (XIIe-XVe siècle). Jérôme Baschet. Ecole française de Rome. 2014

Homoncule : à ce sujet, lire Le retable de l’Annonciation d’Aix. Christian Heck. Ed. Faton. 2023

Bestiaire du Moyen Âge » Images de la réalité et réalités de l’imaginaire. René Cintré. Ed. Ouest-France. 2022

Bestiaire du Moyen Âge. Michel Pastoureau. Ed. du Seuil. 2011-2020

La Synagogue – musée de la ville de Lučenec

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

La synagogue de Lučenec, un superbe édifice de style Art nouveau, est considérée comme la plus grande synagogue de la Slovaquie. Classée Monument culturel national de la Slovaquie le 4 septembre 2016.

Cette Synagogue de style Art nouveau avec une synthèse d’influences mauresque et byzantine, fut bâtie suivant le projet d’architecture de Léopold Baumhorn (*1860 – †1932) de Budapest, entre le 31 mars 1924 et le 8 septembre 1925.

Le bâtiment a été constitué selon le modèle de la synagogue du judaïsme Néologue, un courant réformé répandu dès le 19e siècle en Hongrie. En fait, il remplaçait un ancien édifice judaïque de 1863, alors détruit.

Le dôme domine la haute structure d’une hauteur de 31 mètres. Sa coupole est haute de 19,5 mètres et à un diamètre de 10,5 m. Il y a, de chaque côté du dôme principal, deux petites tours coiffées de coupoles plus petites. Sur le front occidental, représentatif de l’édifice, est ajouté un portail monumental. La structure la plus basse est en béton armé et supportée par quatre piliers.

L’édifice est construit à l’aide de matériaux de construction différents, comme pierres et briques.

L’édifice a été utilisé comme lieu du culte jusqu’en 1944, puis l’intérieur de la synagogue a été pillé. Après la guerre, en décembre 1948 cet édifice est vendu par la communauté juive locale à la ville de Lučenec et il va alors servir en qualité de dépôt de la ville et d’autres, jusqu’aux années 80 du siècle passé.

Le 22 novembre 1985, la Synagogue de Lučenec est inscrite sur la Liste des monuments culturels slovaques.

Une rénovation heureuse

Deux campagnes pour des travaux de rénovation seront entreprises.

La première, du 1er juin 2015 au 31 décembre 2015, et la plus importante, comprend aussi les fenêtres à vitraux rénovés selon un projet d’origine archivé. Les jolis vitraux sont fabriqués par les artistes verriers avec la technique de verrerie ″Glass Fusing″.

La seconde campagne de rénovation commence au début de 2016 jusqu’ au mois de mai 2016, et comprend les travaux d’aménagement intérieur à l’aspect en valeur actuellement, ainsi que la restauration des structures décoratives historiques de l’édifice.

La reconstruction de la Synagogue de Lučenec est évaluée pour une somme de 2,5 millions € dont 2,4 millions € sont financés par des Fonds européens.

Dès 2015, la synagogue est placée sous la gestion de LUKUS, organisation budgétaire de la ville de Lučenec.

Le 13 mai 2016, la Synagogue de Lučenec a retrouvé sa beauté et est ouverte au public et elle va servir d’espace multiculturel ou de salle de concert.

Sur le côté droit de la Synagogue, depuis 2020 on peut voir l’œuvre artistique de la sculptrice slovaque Jaroslava Šicková-Fabrici (*1950), composée de dix panneaux évoquant les Dix Paroles du Dieu (transmises, selon la tradition biblique, de Dieu à Moïse au mont Sinaï). Sur ces panneaux de béton, les visiteurs ont pu accrocher leur propre court texte écrit, pour demander pardon, présenter ses excuses, être désolé ou avoir regret, etc. On y peut y lire, par exemple, ″Pardonne-moi…, Je suis désolé…, Excusez-moi…″

Visites :

Visites guidées ; lundi fermé. En semaine en été (juillet-août) : mercredi – samedi de 11 à 18 h et dimanche de 14 à 16 h.

Possibilité de visites hors période touristique en semaine. S’adresser au Musée municipale de Lučenec, une seule visite le samedi et le dimanche de 14 à 16 h.

Droit d’entrée modique et réduit pour les enfants.

Le Château de Halič

Alice Hura – Charles Bugan

Le beau château de Halič se trouve dans un cadre somptueux avec un remarquable parc. Ce château qui date du 17e siècle était, jadis, l’ancienne résidence des seigneurs Forgacs. Ce château a été complètement restauré, aménagé et modernisé de 2009 au 2019. Il abrite aujourd’hui un hôtel, le Galicia Nueva et n’est donc plus visitable comme lieu de culture.

Un peu d’histoire du château de Halič (en hongrois Gács)

Ce château témoigne d’une évolution architecturale complexe.
Fondé bien siècle avant de 1321 par les seigneurs de la ville de Lučenec, les comtes Losonci. Les sources écrites ne sont pas conservées, mais les historiens proposent l’hypothèse de la construction du château par le Palatin Dionysos Tomay, ancêtre de la famille des comtes Losonci – Lossonczy.

Ensuite, des évènements entre le puisant seigneur Mathé Csàk de Trenčín et le jeune roi angevin Charles-Robert (roi 1308-1342), le ruinèrent complètement avant 1321. En 1386, le château de Halič venait d’être remanié par son propriétaire Stephan Lossonczy, avec l’autorisation de la reine de Hongrie, Marie Ire d’Anjou (*1371 – † 1395), épouse de Sigismond de Luxembourg.

Puis au cours des siècles…

De 1450 à 1451, le château de Halič est occupé par Jan Jiskra de Brandys, un partisan des Habsbourg. Le château sera rasé sur ordre de Jean Hunyadi (1408-1456), alors Gouverneur du pays (entre 1446 et 1452), en conséquence d’une bataille prés de Lučenec, le 7 septembre 1451, où Jean Hunyadi a subi une défaite par l’armée de Jan Jiskra de Brandys.

Le château à peine remanié, mais clandestinement, au début du 16e siècle, est de nouveau détruit par ordre impérial en 1544 (sous Ferdinand Ier Habsbourg), suite à des insurrections contre les Habsbourg.

Pendant des guerres contre les Turcs ottomans, le château de Halič a été occupé par les Turcs entre 1554 et 1594.

Finalement, en 1601 c’est le nouveau propriétaire, comte Sigismond Forgách (?1557- † 1621), qui a obtenu en 1612 l’autorisation royale pour y bâtir sa résidence sur l’emplacement de l’ancien château médiéval, car depuis son mariage avec Anna Lossonczy († 1595), il est devenu le propriétaire du château. Et selon une plaque commémorative de 1612, le château devint une résidence Renaissance représentative des comtes Forgách jusqu’à 1948.

En 1682, le château de Halič qui appartient au comte Adam Forgách (1663-1764), fidèle impérial de Léopold Ier, est occupé par l’armée rebelle de l’opposant impérial Imre Tököly.

Plus tard, au cours des insurrections de François II Rakóczi contre les Habsbourg en 1703, le château de Halič est occupé par l’armée rebelle de Rakóczi. Puis, lors de la bataille de 1709, l’armée du général impérial Heister, vainqueur, met le feu au château. Donc, le château est de nouveau détruit par un incendie.

L’ancien édifice du château de Halič, sera remanié selon le style baroque des années 1736 jusqu’à 1750, par les seigneurs Forgách. L’intérieur en 1762, il est aménagé selon le style baroque, comme en témoigne la fresque trompe-l’œil au plafond de la grande salle par l’architecte A. Meyerhoffer.

En 1897 est terminé une autre reconstruction du château selon un projet de François Wenckheimer, gendre, membre de la famille des Forgách.

Les derniers membres de la famille des comtes Forgách, propriétaires du château de Halič, sont les frères Anton (1869-1931) et Jean (1870-1935).

En 1944, pendant la guerre secondaire le château de Halič est devenu le lieu d’un état-major allemand, et va subir des endommagements.

Après la guerre, il est étatisé et va servir de dépôt. Puis il va abriter un musée de 1957 jusqu’à 1965, puis il devient un établissement social jusqu’en 1993.

Sources

Histoire des tchèques et des slovaques. Antoine Mares. Ed Perrin. 2005

Novohrad z neba – Novohrad from heaven. Milan Paprčka, Richard Šlacký, Adriana Drugová. Ed. CBS spol. 2016.

Slovenský biografický slovník II. Matica Slovenská Martin 1987

Od hradu k hradu. 2.Diel Daniel Kollár, Ján Lacika. Dajama. 2018

Žinčica, un aliment au lait de brebis

Alice Hura – Charles Bugan

La boisson du lait de brebis, Žinčica est l’un des produits les plus typiques des salaš -les bergeries slovaques. Jadis cette boisson laitière était un repas principal quotidien des bergers dans les montagnes slovaques. Aujourd’hui, dans les fermes de brebis slovaques, le lait de brebis sert à la fabrication de fromages, de yaourts, de boissons – Žinčica – et des kéfirs.
La boisson, Žinčica est un lait caillé de brebis préparée lors du processus de fabrication du fromage de brebis.

Le terme Žinčica, est un mot des bergers de l’espace carpatique introduit aux dialectes slovaques dès le 16e siècle par des colons valaques, une ethnie de nomades éleveurs de brebis des montagnes carpatiques, quand ils s’établissent durablement dans les monts des Tatras de la Slovaquie actuelle. Une partie de ces montagnards carpatiques slovaques, les Gorals, gardent encore leur identité culturelle. Le mot roumain jintita, qui est apparenté au vieux slave žeti, signifie à presser ou à serrer quelque chose. Le terme d’origine signifiant pour en extraire un liquide du fromage frais de brebis.

Depuis l’époque médiévale jusqu’à nos jours, le lait de brebis servait à préparer des fromages de brebis, comme le Bryndza par exemple, le Žinčica étant un sous-produit liquide de la fabrication du fromage de brebis.

C’est une excellente boisson très désaltérante qui possède aussi des vertus curatives, car il a un puissant effet antioxydant. Le Žinčica régule la tension artérielle et le taux de cholestérol et est très bon pour l’intestin – il serait efficace pour la prévention du cancer du gros intestin – et pour les problèmes d’estomac. Les vertus médicinales du Žinčica étaient aussi reconnues, et recherchées, comme remède employé lors du traitement de certaines maladies pulmonaires et de l’estomac.

Sources

Encyklopédia Ľudovej kultúry Slovenska. 1 et 2. Ed. Slovenskej akadémie vied.1995

Gorali. Matica slovenská. 2013

Histoire de la Transylvanie. Jan De Maere. Ed. Avant-Propos. 2017

La cuisine gauloise continue. Anne Flouest, Jean-Paul Romac. Ed . Bibracte & Bleu autour, seconde édition. 2009 (page 23 et 236)

Les caves vinicoles de Sebechleby-Stará Hora

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le hameau vinicole de Stará Hora est situé à l’ouest 3 km près de la commune Sebechleby et au sud-ouest de la ville de Krupina. C’est là que se déroule annuellement une festivité qui met en valeur les vignerons du hameau et la gastronomie populaire.

Les vignerons du hameau de Stará Hora offrent la possibilité de visiter une ou plusieurs caves vinicoles ouvertes au public, souvent pendant la grande festivité annuelle Oberačka po sebechlebsky – Vendange à la façon de Sebechleby, un festival vinicole et de la gastronomie populaire, mais aussi du tourisme et des groupes folkloriques.

Le hameau des caves vinicoles à Stará Hora (la vieille montagne), classée le 21 janvier 1981 Réserve du monument de l’architecture populaire, compte 115 caves et maisonnettes vinicoles du 18e et du 19e siècle, du type régional de la région du Hont. Tous ces édifices vinicoles sont occupés par leurs propriétaires, des vignerons de Sebechleby. Les caves vinicoles étaient creusées à la main dans le sous-sol du tuf volcanique, elles datent de 1704,1721 et 1764 pour les plus anciennes, et cette localité vinicole est occupée depuis le 13e siècle par des vignerons de Sebechleby.

Un petit musée du hameau de Stará Hora possède une collection d’objets traditionnels de la culture populaire locale de Hont. Une vidéo permet d’appréhender la vie de ce hameau. La petite chapelle rurale Saint-Urbain, de style baroque, édifiée en 1732 au milieu du hameau, attire l’attention pendant le mois de mai, lors de la fête patronale (le 25 mai).

Hors de la festivité, il existe aussi la possibilité de visiter le hameau de Stará Hora et certaines caves avec dégustation et achats de vins blancs et rouges au goût particulier du cépage Concordia sur demande à des périodes différentes.

Le cépage Concordia, est connu pour sa résistance au gel dans les régions froides et sa fertilité, il est peu exigeant sur l’emplacement et convient aux sols sablonneux.

Pour visiter la région de Hont, ses caves vinicoles et ses lieux accessibles d’une autre manière il est proposé une randonnée à vélo. Le circuit cyclo-touristique appelé Greenway, d’une distance de 29 km, passant par neuf communes vinicoles de la région de Hont, est destiné aux cyclistes expérimentés.

https://www.starahora.sk

Le Burčiak est servi

Alice Hura – Charles Bugan

En Slovaquie, la saison du Burčiak a commencé avec la fin du mois d’août. C‘est une boisson que les slovaques aiment et qui, pendant dix semaines, leur sera proposée.

Le Burčiak est un phénomène propre à la Moravie et dans le massif montagneux Malé Karpaty – les Petites Carpates de la Slovaquie de l’ouest et ne se produit pas dans d’autres pays. Rien qu’en Slovaquie 300.000 litres environ sont produits.

C’est un produit intermédiaire dans la production de vin, avec une teneur en alcool allant jusqu’à six pour cent, qui est créé quelques jours après le début de la fermentation du moût clarifié. Les œnologues en parlent comme une sorte de vin blanc nouveau, un vin qui n’a pas totalement fermenté et qui se conservera doux dans le tonneau durant une semaine.

Un Burčiak sans impuretés et sans pesticides doit avoir une couleur claire, laiteuse, cela signifie alors qu’il est de très bonne qualité, par contre, un Burčiak brun foncé est l’indicateur d’une piètre qualité car trop fermenté.

Cette année, et ce déjà depuis le 15 août, il est possible de déguster cette boisson élaborée à partir de raisins purs avec une teneur en alcool d’environ 5 à 7 % en volume et du sucre résiduel au goût.

Le terme Burčiak vient du verbe de l’ancien slave buriti qui signifie mouvementé, agité, remuer vivement en divers sens.

On dit que…

Certaines personnes affirment que vous devez boire autant de Burčiak qu’il y a de sang circulant dans vos veines (cela fait quand même environ 5 litres !) et une superstition populaire dit qu’après en avoir bu cinq litres, le sang dans le corps semble changer ! Mais selon les experts, bu en grande quantité, cela nuira plutôt à l’organisme alors qu’il serait sain à petites doses.

N’oublions pas que c’est de l’alcool et que, comme toujours, c’est l’abus qui est nocif.

Il faut se méfier de la contrefaçon vendue ʺà la sauvetteʺ, ce n’est qu’un vin blanc de piètre qualité auquel on a ajouté du sucre…

NB : le Burčiak étant un vin toujours en fermentation, le récipient le contenant doit toujours avoir une petite ouverture afin que le gaz puisse s’échapper librement.

Šibeničky et Juraj Jánošík

Alice Hura – Charles Bugan

Šibeničky signifie « les petits gibets ». C’est aujourd’hui un site de mémoire qui témoigne de l’exécution du héros populaire slovaque Juraj Jánošík en 1713, inauguré l’été 2021.

Topographiquement, ce site se situe aux limites de territoires anciens, à l’est de la ville de Liptovský Mikuláš. Un territoire, Vrbica, appartenait à cette époque au domaine du château de Hradok (aujourd’hui Liptovský Hrádok) et un autre territoire qui appartenait alors au village d’Okoličné. Aujourd’hui, Vrbica et Okoličné sont des quartiers de la ville de Liptovský Mikuláš.

Le 17 mars 1713, Juraj Jánošík personnage vivant hors la loi, y a été exécuté après deux jours passés dans la prison du manoir de Vranovo (Paludza), situé à l’ouest de Liptovský Mikuláš, et après une série de questions posées afin de connaître la vérité (en fait il fut torturé). Apparemment, Jánošík n’aurait commis aucun crime, ce qui ne semble pas avoir été le cas de ses congénères. Le court délai entre la condamnation et l’exécution de la sentence se justifie par le fait que la Justice voulait que ce soit un exemple !

Juraj Jánošík, devenu chef de malfaiteurs, a donc été jugé et condamné à mort par l’autorité de justice régionale de Liptovský Mikuláš. Il est possible que sa condamnation à mort ait été proclamée en ce lieu, là où il sera suspendu à un crochet placé sous ses côtes du côté gauche jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Les historiens identifient ce lieu comme approximatif, mais dans le passé ce lieu d’exécution était marqué par trois arbres. Ces arbres survivants jusqu’aux années 50 du 20e siècle. Ce lieu en tant que place d’exécution a servi encore au début du 19e siècle.

En 2018, après 305 années, le maire de la ville de Liptovský Mikuláš et le maire de Terchová, le village natal de Juraj Jánošík, ont signé un décret signifiant la paix symbolique afin d’éliminer une tache historique et la responsabilité pour la mort de celui qui est devenu un héros populaire.

Juraj Jánošík (1688-1713), originaire de Terchová, fut un militaire engagé dans la révolte anti-habsbourgeoise du prince transylvanien François II Rakóczi. Il sera ensuite un soldat volontaire de l’armée impériale qu’il désertera pour devenir membre, et capitaine d’un groupe de bandits dans les montagnes slovaques. Les faits de banditisme feront qu’il sera recherché, arrêté et condamné à mort publiquement le 17 mars 1713.

Juraj Jánošík, personnage venu du peuple, sorte de Robin des Bois de ces temps, celui qui prenait aux riches pour donner aux pauvres, va devenir un héros légendaire slovaque dont on retrouve constamment la trace dans l’art populaire slovaque depuis le 18e siècle.

Voir aussi notre article : Jánošík, rebelle d’honneur et héros légendaire populaire slovaque

http://vaheurope.eu/?p=996

100 ans de Krásy Slovenska

Alice Hura – Charles Bugan

Maintenant que nous apercevons la sortie du tunnel Covid 19, ils nous semblent bon de reprendre nos articles et nous commençons avec une revue qui fête son centenaire et qui présente les beautés de la Slovaquie.

Le centième anniversaire du magazine slovaque Krásy Slovenska – Beautés de la Slovaquie.

C’est en 1921 que le magazine slovaque Krásy Slovenskales beautés de la Slovaquie, commence son existence en montrant les particularités de la nature et de la culture de la Slovaquie.

Le magazine périodique Krásy SlovenskaLes beautés de la Slovaquie propose, depuis son début, des informations pour découvrir les endroits remarquables, souvent des hautes montagnes.

Le premier numéro de cette publication illustré slovaque, sorti en janvier 1921, offrait les informations nécessaires dans l’intention de découverte du tourisme de montagne et de séjours dans les Hautes Tatras et dans la région de Liptov. Ainsi, à partir de son début, le magazine est devenu un guide de la découverte de la Slovaquie.

Dès le nouveau millénaire, et ce à partir de 2004, c’est un nouvel éditeur du magazine slovaque Krásy Slovenska, le groupe slovaque Dajama, qui sort un nouveau projet de cette publication. Divisé en deux sections l’une destinée à la nature et à la culture slovaque : l’édition Prírodné krásy Slovenskale patrimoine naturel de la Slovaquie et l’autre, l’édition Kultúrne krásy Slovenskale patrimoine culturel de la Slovaquie. Les publications, publiées aussi en anglais, sont rédigées par des spécialistes et propose de découvrir les grands sites de la Slovaquie, riche de son passé, de ses beautés naturelles et d’autres découvertes.

L’édition Prírodné krásy Slovenska – le patrimoine naturel de la Slovaquie

Les publications thématiques montrant les particularités de la nature slovaque, sortent les titres comme : les plus belles montagnes, les plus belles vallées, les plus hautes montagnes, les parcs nationaux, les paysages protégés, d’eaux, d’arbres remarquables, les sites de rochers remarquables, les grottes, les lacs de montagnes, la faune et flore, etc. Cette édition livrée au patrimoine naturel de la Slovaquie, inspirée des recherches conduites récemment dans l’intention de faire découvrir l’environnement et les paysages où vit la population slovaque.

Son premier titre : Les plus belles montagnes de la Slovaquie (édité en 2007), est une sélection de 33 montagnes des Carpates slovaques, où le magazine présente leurs beautés et raconte leurs légendes. Sans aucun doute, c’est le mont Kriváň (2494 m) qui est considéré comme le plus beau mont et comme symbole national de la Slovaquie. Dans l’histoire du magazine, ce mont garde sa première place à l’échelle de la popularité lors du concours organisé pour les lecteurs du magazine.  

L’édition Kultúrne krásy Slovenska – le patrimoine culturel de la Slovaquie

L’édition montrant l’héritage culturel de la Slovaquie est publié en de nombreux titres. Parmi eux, on trouve : les églises en bois, le patrimoine mondial de l’UNESCO en Slovaquie, les châteaux et manoirs, les castels, les plus beaux châteaux en ruines, les églises romanes, les églises gothiques de campagne, les parcs et jardins magnifiques, la culture populaire, l’architecture populaire, l’archéologie en Slovaquie, les musées en plein air – les écomusées, les monuments techniques exceptionnels, les plus belles villes, les synagogues, les forteresses et fortifications, les musées régionaux, les musées de toute la Slovaquie, les habitats fortifiés slaves de la Grande Moravie, etc…

Les publications proposent des ballades à la rencontre des vestiges culturels, des traditions populaires, des sites archéologiques et des sites visitables exceptionnels de la Slovaquie. 

Depuis cent ans, le magazine illustré Krásy Slovenska présentant presque toutes les beautés de la nature slovaque et les découvertes du patrimoine culturel de la Slovaquie, a le plaisir de remercier et formule des souhaits de bonheur à tous ceux qui ont bien voulu les aider dans la réalisation de ce magazine.  

http://www.krasy-slovenska.eu/

https://dajamabooks.sk/produkt/krasy-slovenska-2021-1-2/

28 avril 1950, la fin de l’Église gréco-catholique

Alice Hura – Charles Bugan

Pour les gréco-catholiques slovaques le 28 avril 1950, est un souvenir douloureux, et toujours présent dans leur mémoire, qui signifiait la fin de l’Église gréco-catholique.
Après le coup de force du 15 avril contre les monastères catholiques, le 28 avril 1950, marque la date de la ″liquidation″ totale de l’Église gréco-catholique par le gouvernement communiste tchécoslovaque. Après 300 années d’existence de l’Église gréco-catholique la dictature communiste supprime la religion ancestrale des Ruthènes slovaques.

Le parti communiste gouvernant la Tchécoslovaquie opte pour l’orthodoxie moscovite, et convoque une assemblée le 28 avril 1950 dans la ville de Prešov : ″Pour un retour à l’Orthodoxie russe″, en présence de 820 délégués dont 747 membres de comités communistes et 73 clercs gréco-catholiques. Cette assemblée proclame l’élimination de l’institution historique de l’Église gréco-catholique ou Uniate, installée depuis 1646, et historiquement connue sous le nom d’Union d’Oujgorod.

Pour rappel, c’est en 1596 que par l’Union de Brest-Litovsk (en Biélorussie aujourd’hui), une partie des orthodoxes ukrainiens se rallient à Rome, tout en conservant leur rite ; ils constituent ainsi la première communauté « Uniate » de l’orthodoxie.

En 1645, le prince de Transylvanie, Georges Ier Rakóczi prend la tête du soulèvement anti-habsbourgeois en Hongrie royale, et ce seigneur, protestant, va imposer la foi réformée aux orthodoxes slovaques et ruthènes, par la devise ″cuius regio, eius religio″. Le 24 avril 1646, 63 prêtres orthodoxes du pays slovaque oriental s’unissent avec l’Église catholique contre l’expansion du protestantisme du prince Rakóczi, et pour faire admettre l’utilisation de la langue liturgique slave ancestrale et une discipline religieuse orthodoxe. Cela aboutira à la mise en place de l’uniatisme. Le premier évêque uniate, gréco-catholique, Peter Parthenij Petrovič, ancien prêtre orthodoxe serbe, sera nommé en 1651.
L’église gréco-catholique – Uniate, sous l’aile de l’Empire habsbourgeois, sera officiellement confirmée le 14 mai 1648 par archevêque Lippay, Primat hongrois d’Esztergom, et par le synode épiscopal de Trnava (Nagyszombat en hongrois) en septembre de la même année.

Après la fondation de la République tchécoslovaque en 1918, une forte position avait le courant ruthène est soutenu par le clergé de l’Église gréco-catholique. Mais ensuite, entre les deux guerres, une orientation ruthène en Slovaquie se caractérisée peu à peu en trois tendances ethniques : pro-russe, ruthène et pro-ukrainienne. Cette dernière tendance ayant pour ambition l’influence sur l’évolution de la culture ruthène. Après 1945, un Conseil national ukrainien est créé en Slovaquie. Il va devenir l’organisme politique et national des Ruthènes de la Slovaquie orientale, dans le but d’améliorer le niveau de vie tant du point de vue politique, économique, social et culturel, mais avec une orientation russophile pour les Ruthènes slovaques.

Après le 28 avril1950, les temples et les biens de l’Église gréco-catholique sont transférés aux mains des orthodoxes soumis à Moscou. Des 328 prêtres gréco-catholiques, seulement 23 vont se convertir à l’orthodoxie russe. Les deux évêques gréco-catholiques sont emprisonnés, où l’un d’eux, Pavel Peter Gojdič va y décéder, en 1960, à l’âgé 72 ans. Quant aux familles des prêtres désobéissants, elles sont expulsées par la force dans ce qui était la région des Sudètes avant la deuxième guerre mondiale, au nord de la Bohême, à plus de 700 kilomètres de la région ruthène de Slovaquie.

En 1950, l’église gréco-catholique de Slovaquie comptait environ trois cents milles croyants ruthènes et slovaques, mais après 1991, seulement 16937 personnes proclament leur confession gréco-catholique.

L’évêque orthodoxe Alexeï de l’Éparchie de Prešov (1950-1955), de son nom d’origine Alexandre P. Dechterev, ancien officier russe et ex-agent de la police secrète du MVD – le Ministère des affaires intérieures à l’époque soviétique – va suivre une formation à Kiev grâce à laquelle il sera installé ensuite au poste d’évêque orthodoxe pour les Slovaques, il est ainsi à la tête de l’Église orthodoxe en Slovaquie sous le gouvernement communiste staliniste.

En 1968, lors du Printemps de Prague, l’état tchécoslovaque va permettre le rétablissement de l’Église gréco-catholique. Les interlocuteurs ruthènes slovaques refusent en public une orientation ukrainienne dans la linguistique ruthénienne et demandent une reconnaissance de la minorité ethnique des Ruthènes en Slovaquie avec le rétablissement de l’Église gréco-catholique. Après 1989, la question de l’identité ruthénienne est de nouveau ouverte.

Dès 1990, après la Révolution de velours, l’état tchécoslovaque va, par la loi de restitution, remettre les biens et les temples occupés par les orthodoxes russes depuis 1950 aux gréco-catholiques. Cela ne se fera pas sans heurts, et de nombreux incidents vont opposer les habitants des villages des deux obédiences.

La culture ruthène en Slovaquie

Cette culture ruthène montre un ensemble d’églises en bois avec des icônes, et constitue, en outre, le folklore ruthène avec des chansons rituelles et le rite calendaire de Pâques, de Noël, etc…, mais aussi avec des chansons de mariage, et de danse, des berceuses, des ballades et des contes populaires. Les Ruthènes slovaques se divisent en deux groupes dialectiques : un est le groupe occidental des Lemkos dans la région de Veľký Lipník jusqu’à Vyšná Jablonka ; l’autre est le groupe oriental des Boïkos aussi appelés Pujdaci, situé géographiquement des environs de la vallée de la petite rivière Pčolinka et de la région en amont de la rivière de Cirocha, jusqu’au cours supérieurs de la Latorica et de l’Už – Uh en slovaque et Ouj en francais.

Signalons encore que trois églises en bois Gréco-catholiques – Uniates sont reprises au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2008. Il s’agit des églises Saint-Nicolas à Bodružal, de l’Archange Saint-Michel à Ladomirová et Saint-Nicolas à Ruská Bystrá.

PS : pour les besoins de notre exposition photos dont le thème était ″Les églises en bois de Slovaquie″, nous avons visité un grand nombre de ces églises uniates de l’est de la Slovaquie et nous pouvons vous garantir que les églises visitées étaient du plus haut intérêt, et nous pensons notamment à celles des villages de Ladomirová, d’Uličské Krivé, de Miroľa, de Brežany…

Inconvénient, la visite de l’intérieur de ces églises en bois n’est pas toujours facilement accessible et il est très souvent interdit de photographier.

Liens

http://vaheurope.eu/?p=125 : L’église en bois de Matysová

http://vaheurope.eu/?p=104 : Le village d’Inovce et l’église en bois de l’Archange Saint Michel

Sources

Dejiny Slovenska a slovákov. Milan S. Ďurica. Slovenské Pedagogické nakladateľstvo. 1995

Encyklopedia ľudovej kultúry Slovenska 1 – 2. Ed. VEDA Slovenskej akademie vied. 1995

Drevené kostoly. Miloš Dudáš, Ivan Gojdič, Margita Šukajlova. Dajama. 2007

2000 ans de chrétientés ; Gérard Chaliand – Sophie Mousset ; Ed Odile Jacob, janvier 2000

Les Uniates. Jean-Claude Roberti. Ed. du Cerf. 1992

Document UNESCO : http://whc.unesco.org/fr/list/1273

La vénération de saint Georges dans la culture populaire slovaque

Alice Hura – Charles Bugan

Les Slovaques, comme d’autres peuples slaves et européens, célèbrent la Saint-Georges. Cette fête est liée à l’accueil du printemps du culte rendu au feu purificateur et du soleil des anciennes divinités slaves.

Malgré la lutte acharnée de l’Église contre les vestiges des rites païens slaves, la vénération pré-chrétienne des forces de la nature continua dans les campagnes slovaques et ne disparaîtra qu’aux environs des années 50 du 20e siècle.

La figure de saint Georges, dans la mythologie chrétienne, retient surtout un cavalier sur son cheval blanc et qui pourfend un dragon. Il est fêté au printemps, le 24 avril.
Il est le saint patron des paysans, mineurs, selliers, maréchal-forgerons, tonneliers, voyageurs, orphelins, soldats, cavaliers et du bétail (chevaux et bestiaux). La légende du martyre de saint Georges s’est répandue dès le XIIe siècle.
Il est le saint patron de l’Angleterre et de l’ordre Teutonique.
Il fait partie des quatorze saints auxiliateurs et est invoqué contre les maux de tête, les maladies contagieuses et dartreuses.

Dans la tradition populaire slovaque, il était lié au début du printemps, à l’agriculture et, surtout, à la première sortie du bétail vers les pâturages. C’est un tournant entre l’hiver et l’été, et ce jour était lié à de nombreuses pratiques magiques, rituelles et imaginations populaires.

Cependant, les jours avant la fête de la Saint-Georges sont marqués comme défavorables, comme certains dictions slovaques le montre : un grondement de tonnerre avant cette fête signifie une année de récolte déficitaire, ou encore, jusqu’au jour de la Saint-Georges, rien ne pousse si on le tire avec la force de pince de fer mais après cette fête ″tout pousse fortement même si on le bat avec un marteau″. Mais la Saint-Georges est la figure d’accueil du printemps, c’est lui qui ouvre la terre pour l’année agricole : saint Georges viendra ouvrir le champ ou saint Georges se réveille pour ouvrir avec une clef la terre ; quand saint Georges arrive, il apporte l’été.

Certains animaux visibles et des plantes trouvées avant la Saint-Georges avaient une puissance magique. C’est le cas du trèfle à quatre feuilles, du Tussilage aussi appelé pas d’âne, du Populage des marais ou Caltha des marais ou encore Souci d’eau, du serpent, de la grenouille et du lézard. Tous avaient une vertu bénéfique qui se liait aussi à la magie de l’amour et du mariage, le mariage étant un sujet de prédilection pour les jeunes filles. Par exemple, voir un serpent avant la Saint Georges avait une importance spéciale dans la croyance populaire, il était considéré comme un gardien de trésor. Le trèfle à quatre feuilles apportait le bonheur s’il était cueilli avec les dents par un homme.

Le bétail

La première sortie du bétail au pâturage était le début officiel de la sortie commun du bétail au printemps après l’hiver et il était célébré avec solennité.

C’était surtout le cas pour les bergers de montagnes. Cette première sortie de troupeaux de moutons vers les bergeries éloignées signifiaient un changement des manières de leur vie dans les montagnes. C’était aussi le jour de la première sortie du bétail et cela recouvrait des traditions ancestrales liées avec de nombreuses pratiques de magie blanche devant assurer la prospérité et la fécondité du bétail.
Quelques exemples : pour l’élimination des forces néfastes, pour que les sorcières ne tètent pas le lait de vaches, le berger devait assurer son séjour avec le troupeau de vaches hors du village par un feu et d’autres rituels magiques. Pour cela, il recourait à un vieux rituel magique de protection de troupeaux contre les malheurs et il devait encenser le bétail ou déposer une chaîne en fer le long du chemin parcouru par le bétail, le but était d’assurer cohésion du troupeau et ne pas avoir des animaux éparpillés. On retrouve ce symbole de la chaîne dans le rituel de la Noël, sous la table du repas, pour l’union de la famille.

Le même rituel prophylactique était utilisé par les bergers dans les montagnes slovaques. C’est ainsi que chaque année, quand le berger montait avec son troupeau de brebis vers la bergerie de montagne, il devait assurer son troupeau de brebis par un rituel archaïque du feu vivant et un encensement purifiant. Le chef berger, le bača, passait trois fois autour de la bergerie et enfumait les brebis avec une fumée sortie d’un récipient en bois rempli de charbons ardents dans lequel se consumaient des herbes, des restes de cierges de Pâques, des morceaux de bâtonnet de craie qui avait servi à l’écriture des lettres des initiales des noms des Rois mages au-dessus de la porte des habitations, de la myrrhe (utilisée pour l’encens dans l’église). Puis, ce récipient était enterré à proximité de la cabane du berger et l’endroit était marqué à l’aide d’un tuteur en bois comportant un trou dans lequel on introduisait des plantes médicinales.

Les réjouissances de la jeunesse du village la nuit de la Saint-Georges

C’est une démonstration de joie, une pétulance printanière des jeunes gaillards, les jeunes hommes du village. Il représente un symbole printanier, incarné au masculin, amant de la Terre.

Une croyance veut que saint Georges marche dans le champ et fasse naître le blé. La semaine ou 10 jours après Pâques étaient des jours de sorcières, et pour les contrer, à la nuit ou à la veille de la fête de Saint-Georges, on allume un grand feu et les jeunes hommes du village sautaient par-dessus. Cette coutume va persister jusqu’au premier tiers du 20e siècle.

Mais aussi, la nuit de la Saint-Georges, les garçons du village déplaçaient les outils et objets agricoles, ils les démontaient et allaient les placer sur les toits des granges ou dans des hauteurs (arbres par ex). Cette activité espiègle était une persistance archaïque de l’idée de se protéger contre les forces maléfiques de sorcières. Autre exemple, les dents de fer des outils coupants agricoles étaient placés devant les granges et avaient une fonction de défense contre les sorcières, elles pouvaient se blesser. Ce qui pouvait permettre, le lendemain, de découvrir les ensorceleuses du village ! Cet humour et cette activité ludique des garçons étaient toléré par la commune.

Pour assurer une belle moisson, au jour de Saint Georges la jeunesse se roulent sur les pousses de blé d’hiver au champ.

Les jeux de divination traditionnels des jeunes filles

Le jour de la Saint-Georges, les jeunes filles du village chantent des chants rituels mais surtout des chants d’amour et elles tressent des couronnes de verdure ou de fleurs pour s’assurer d’un bon mariage. La couronne était jetée par la jeune fille sur certains arbres de la forêt et si la couronne restait suspendue, elle serait mariée avant la fin de l’année. Par contre si la couronne retombait par terre, la jeune fille allait rester célibataire. Pour remplir son désir à se marier avec son amoureux, la jeune fille tressait une couronne avec neuf branches de verdure avant le levé du soleil le jour de la Saint-Georges tout en prononçant des formules magiques.

L’appel du soleil par des enfants

En ce jour de Saint-Georges, dans les près et pâturages, les enfants se divertissaient en célébrant l’arrivé du printemps et du soleil par des jeux. Ces jeux rappellent l’appel du printemps des rites archaïques slaves. De nos jours, ces jeux enfantins passent par une modification stylisée et sont intégrés par les groupes folkloriques.

La tradition de la vénération de la Saint-Georges a été très intense dans les régions de la Slovaque méridionale et occidentale.

De nos jours, se sont les groupes folkloriques en Slovaquie qui assurent la mémoire des coutumes populaires.

Les représentations de saint Georges

Dans l’église Saint-Jacques de la ville de Levoča, on peut voir la statue équestre de saint Georges terrassant le dragon dont Maître Pavol (* vers 1470 – † vers 1542) serait l’auteur (une copie, plus accessible, se trouve dans le musée Dom Majstra Pavla à Levoča.

Vénéré aussi bien à l’occident qu’à l’orient, on retrouve de nombreuses icônes orthodoxes et gréco-catholiques ainsi que des représentations du saint dans l’art de l’Église catholique.

Pour terminer, signalons qu’en Belgique, le dimanche de la Trinité, lors de la ″Ducasse de Mons″ se déroule sur la Grand place, le combat du Lumeçon, le combat de saint Georges contre le dragon. C’est l’occasion de grandes réjouissances dans cette ville du Hainaut.

Sources

Encyklopedia ľudovej kultúry Slovenska 1 – 2. Ed. VEDA Slovenskej akademie vied. 1995

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

Une autre Russie. Fêtes et rites traditionnels du peuple russe. Nadia Stangé-Zhirovova. Ed. Peeters.1998

De la paysanne à la tsarine. La Russie traditionnelle côté femmes. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2007

Le monde mythologique russe. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2014

Petit dictionnaire de mythologie populaire roumaine. Ion Talos. Ed. Ellug, Université Stehdhal Grenoble. 2002

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967

Saints guérisseurs de Wallonie et Ardennes. Daniel-Charles Luytens. Ed. Noir dessin production. 2003

Reconnaître les saints. Symboles et attributs. B. Des Graviers et T. Jacomet. Ed. Massin. 2006