L’église romano-gothique de Kyjatice

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Par la Gotická cesta – la Route Gothique, dans le circuit de Rimava – Rimavsky okruh, nous avons découvert l’église Sainte-Cécile dans le village de Kyjatice. Disons tout de suite que cette église fait, depuis 1694, partie de l’Eglise évangélique (Luthérienne). Elle possède une précieuse décoration de fresques datant du 14e et du 15e siècle, des fonts baptismaux en pierre du gothique primitif, un autel Renaissance, une chaire de prédication baroque et un plafond en bois peint du 17e siècle.

Mais aussi une exceptionnelle fenêtre d’axe, de surprenantes représentations de saintes et surtout, surtout, un Jugement dernier hors du commun.

A proximité du village de Kyjatice, se trouve une localité archéologique de l’Age du Bronze, la nécropole de l’incinération du groupe des champs d’urnes – de la culture de Kyjatice, datant 1100 – 700 avant notre ère. Nous reviendrons sur ce site plus tard.

Les sources historiques connues mentionnent pour la première fois du village de Kyjatice en 1413.

L’église du gothique primitif est édifiée sur une butte au sud-ouest du petit village de Kyjatice. Elle est, encore aujourd’hui, entourée par un mur de défense à l’état de fragments. Elle est située à proximité de l’ancienne école du 19e siècle, qui à ce jour, sert pour le Work-chope estival, ″Les Jouets de Kyjatice″, destiné à la maîtrise de l’industrie des jouets en bois du type populaire slovaque.

En remontant le cours du temps, depuis le haut du Moyen Age, dans la vallée de la rivière de Rimava, aux alluvions aurifères des Monts métallifères, les orpailleurs étrangers lavaient l’or pour de hauts seigneurs locaux. Ceci répond à la question : pourquoi sur un pays montagneux et isolé, une église ornée de fresques médiévales fut édifiée à l’époque moyenâgeuse ?

L’appellation de Kyjatice, en hongrois Kiéte, provient peut-être du mot slovaque kyj, kyjanica, qui désigne un outil ou une arme en bois, une masse (comme outil, pilon) ou une batte. Il signifie peut-être aussi un lieu pour broyer le minerai ou le lieu de concassage de pierre avec un outil manuel en bois. Le mot se prononce kiyatitse.

L’église de Kyjatice dans l’histoire et ses curieuses peintures murales

Erigée à partir d’une forme simple, typique des petites églises de campagnes slovaques, elle a une nef unique et un prebytére carré, et, par conséquent, un chevet plat, surmonté d’une simple voûte en berceau.

Une première campagne de travaux eut lieu pendant la première moitié du 14e siècle. Pendant cette campagne, les peintures murales, type fresque al secco, sont réalisées dans l’intérieur du presbytère et sur l’arc triomphal. Mais à la moitié du 15e siècle, l’arc du presbytère (1) s’écroule et il sera reconstruit très peu de temps après.

Le chevet plat est orné d’un apôtre et de quatre saintes. Selon les historiens slovaques Vladimir Plekanec et Tomáš Haviar (Gotický Gemer a Malohont, page 122), il s’agit des saintes Barbe – Barbora, Ursule, d’une étonnante Maria-Magdalena pénitente et de Marie Salomé (très rarement représentée !).

Le soubassement du presbytère est décoré, sur tout le pourtour, par un décor de rideaux comme on en retrouve, par exemple, à Martinček (village dans la région de Liptov), à Poniky (village près de la ville de Banská Bystrica)…

L’arc triomphal

L’intérieur de l’arc triomphal comporte la parabole des Vierges sages et des Vierges folles (Matthieu 25, 1-13). Les cinq Vierges folles sont au nord, les sages au sud. Sur les piédroits, nous avons au sud, en partie cachée, sainte Elisabeth de Hongrie et au nord un saint, peut-être Martin ou un prophète ! Nous proposons saint Martin.

La nef

Côté nef, la partie supérieure de l’arc triomphal est décoré par :

côté nord, l’Arrestation de Jésus et le baiser de Judas, immédiatement suivi de la comparution devant Pilate qui se lave les mains.

côté sud, le Portement de la croix.

Dans la partie inférieure, nous avons la Crucifixion au nord et les Lamentations (Pièta) au sud.

Une deuxième campagne de travaux se déroulera entre les années 60 et 70 du 15e siècle, c’est alors qu’est construite une sacristie sur le mur nord du presbytère ainsi qu’un nouveau portail ogival qui est ajouté au sud de l’édifice. Les fenêtres sont changées, ce sont celles que nous voyons aujourd’hui. Et la table d’autel en pierre est placée légèrement en retrait par rapport à l’arc triomphal.

Finalement toute l’église sera recouverte d’un enduit de mortier recouvrant ainsi la première couche de fresques de l’arc triomphal et du presbytère. Mortier qui sera ensuite recouvert d’une épaisse couche de badigeon de chaux. Et c’est à cette période que la seconde campagne des peintures murales aurait été exécutée. Elle comporte notamment la curieuse – par sa forme circulaire – scène du Jugement dernier sur le mur nord de la nef et probablement les saintes du mur du chevet. Comme il se doit, après les travaux de rénovations, l’église fut à nouveau consacrée, comme en témoignent les trois crois de consécrations dans l’église de la nef mur nord, sud…, deux de celles-ci sont gravées et peintes dans la couche de mortier (laquelle, ne l’oublions pas, recouvre les fresques de la première campagne de travaux du 14e siècle).

La fresque en cercle du Jugement dernier du 15e siècle

L’église de Kyjatice est devenue célèbre surtout par sa fresque unique du Jugement dernier peinte sur une grande surface au mur nord de la nef. Il s’agit d’une scène polysémique et qui est composée de nombreux symboles. Ce Jugement dernier est probablement inspiré par l’œuvre d’Hildegarde de Bingen (*1098 – † 1179).

Ici, la composition se trouve dans un double cercle dont le plus grand mesure 5 m de diamètre environ. Entre ces deux cercles, dans une bande de près de 50 cm de large, l’espace est divisé en neuf parties de couleurs différentes. Là nous voyons des figures d’anges. Cet espace symbolise les neuf chœurs angéliques du ciel.

Dans la partie supérieure du cercle interne et au centre, un Christ montrant ses plaies dans une mandorle. A ses côtés, des anges portent des outils du martyre du Christ ou sonnent de la trompette. Au-dessous des anges, un groupe de saintes et de prophètes, symbolisent l’Eglise victorieuse.

Dans la partie inférieure en-dessous de tombes ouvertes et de corps prêt au jugement – c’est la résurrection des corps – puis nous avons, à gauche, un groupe d’âmes sauvées suivi par l’archange Michel devant la porte du ciel. A l’opposé de cette scène se trouve un groupe de damnés relié entre eux et emmené par des diables vers la gueule du Léviathan, le démon des enfers, peint hors du cercle et très peu visible aujourd’hui. On remarquera dans la partie intérieure, un crapaud entraînant le corps d’un damné.

Dans la partie centrale, on trouve deux groupes difficilement identifiables. Nous proposons : à gauche des vierges-martyres, vierges-religieuses et à droite des saints et/ou des martyrs. Cette peinture murale est datée de 1426, mais d’autres dates sont aussi proposées par des experts : 1446 ou même 1486 !

En 1560, le village de Kyjatice est pillé par les Turcs ottomans.

Une autre campagne de travaux commence au 17e siècle

Pendant la Réforme (début du XVIIe siècle), le bâtiment est utilisé pendant un certain temps par les évangéliques. Ils blanchissent les murs, couvrant ainsi les fresques, et ils construisent le plafond à caissons de la nef en bois d’épicéa qui sera peint à la Renaissance (1637). La galerie sculptée, aussi en bois d’épicéa, et supportée par des colonnes torses est construite en 1641, c’est là qu’est placé le petit orgue d’origine. On remarquera aussi la chaise à haut dossier peint de 1637.

Mais en 1688, suite à la recatholisation, l’église de Kyjatice est mentionnée comme édifice catholique sous le patronage de Sainte-Cécile, jusqu’en 1694, date où l’église revient, définitivement, aux mains des Luthériens.

Une fenêtre d’axe exceptionnelle

La tour, à l’est, sera ajoutée plus tard, au tournant du XVIII au XIXe siècle de même qu’un vestibule d’entrée au sud qui couvre l’entrée d’origine en arc ogival.

Cette tour couvre la remarquable fenêtre d’axe circulaire d’origine, marquée dans son intérieur par un triscèle en pierre.

Le pourtour de cette fenêtre est décoré d’une fresque rare représentant saint Louis de Toulouse (Louis d’Anjou * 1274 – † 1297), fils de Charles II d’Anjou et de Marie de Hongrie. Nous le voyons ici auréolé et tenant une couronne royale dans chaque main (3).

L’église possède aussi un retable en bois de tilleul sculpté, polychromé et doré (1678) et une chaire en bois de tilleul sculptée, polychromée et dorée du premier quart du 18e siècle.

L’édifice est couvert d’un toit en bardeaux en bois.

La redécouverte des fresques médiévales

Les peintures murales de l’église de Kyjatice furent partiellement redécouvertes en 1894 par Istvan Groh (publication en 1895). Mais ces peintures sont nouveau recouverte d’un badigeon.

Mais de nouveaux travaux de restauration des peintures murales, qui se prolongèrent de 1980 à 1985 et au cours des années 1986 – 1989, sont dirigées par J. Josefík et L.Székely en coopération avec l’Atelier de restaurateurs de l’État de Levoča. Et toutes les questions concernant les peintures murales sont étudiées par Vlasta Dvořaková et Milan Tonger, historiens d’art. Les données archéologiques des années 80 du 20e siècle, confirment l’attribution vers 1250 des fondations d’une église primitive. C’est sur elles qu’on rehaussa l’édifice de l’église médiévale de Kyjatice tel que nous le voyons aujourd’hui.

NB : il semblerait que l’ordre franciscain était très présent dans la région, ce qui pourrait, peut-être, expliquer le choix des représentations des saintes du chevet et de saint Louis de Toulouse notamment.

Notes :

1 Presbytère – Presbytérium (du grec presbuterion, conseil des anciens). Dans un sens général, il s’agit de l’habitation du curé d’une paroisse. Au Moyen Âge, il s’agit aussi de l’espace cérémoniel souvent surélevé et réservé au prêtre. En Slovaquie, ce terme est toujours utilisé dans ce sens de nos jours.

2 Nous avons aussi trouvé cette Annonciation avec homoncule à moins de 5km, à Kraskovo ainsi qu’à Koceľovce et Ochtina, à +/- 65 km de Kyjatice ! Ces églises du sud de la Slovaquie, semble indiquer que la question de la représentation de l’Incarnation était un sujet qui préoccupait les membres du clergé de la région à cette période (à l’instigation des Franciscains ?). Le concile de Trente (1545 – 1563) y mettra fin.

3 Fresque rare car Saint Louis de Toulouse n’est pas représenté en évêque (ce qui est presque toujours le cas). L’explication vient du fait qu’il a renoncé aux deux couronnes – roi de Naples et roi de Hongrie – pour se consacrer à la vie religieuse qu’il avait choisie sous la bure franciscaine.

Sources

Středověká nástěnná malba na Slovensku (les peintures murales médiévales de la Slovaquie). Vlasta Dvořáková, Josef Krása, Karel Stejskal. Odeon – Tatran. 1978

Gotický Gemer a Malohont. Italianizmy v stredovekej nástennej maľbe (les régions gothiques de Gemer et de Malohont). Vladimir Plekanec – Tomáš Haviar. Ed. Matice slovenska & Arte Libris. 2010

Gotické kostoly – vidiek (les églises gothiques de campagne). Štefan Podolinský. Éditeur : Daniel Kollár. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama

Anjouovci. Princovia s kvetmi ľalie. Jaroslav Perniš. Ed. Ikar. 2016

Les Princes angevins du XIIIe au XVe siècle. Un destin européen. Actes des journées d’étude 15 et 16 juin 2001. Ed. Presse universitaire de Rennes. 2003

L’image à l’époque romane. Jean Wirth. Les Éditions du Cerf. 2008

Hortus Deliciarum – Le jardin des délices. Herrade de Hohenbourg. Jean-Claude Wey. Ed. Le Verger. 2016-2022

Le Jugement dernier. Entre Orient et Occident. Collectif sous la direction de Valentino Pace. Ed. du Cerf. 2007

Les justices de l’au-delà. Les représentations de l’enfer en France et en Italie (XIIe-XVe siècle). Jérôme Baschet. Ecole française de Rome. 2014

Homoncule : à ce sujet, lire Le retable de l’Annonciation d’Aix. Christian Heck. Ed. Faton. 2023

Bestiaire du Moyen Âge » Images de la réalité et réalités de l’imaginaire. René Cintré. Ed. Ouest-France. 2022

Bestiaire du Moyen Âge. Michel Pastoureau. Ed. du Seuil. 2011-2020

La Synagogue – musée de la ville de Lučenec

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

La synagogue de Lučenec, un superbe édifice de style Art nouveau, est considérée comme la plus grande synagogue de la Slovaquie. Classée Monument culturel national de la Slovaquie le 4 septembre 2016.

Cette Synagogue de style Art nouveau avec une synthèse d’influences mauresque et byzantine, fut bâtie suivant le projet d’architecture de Léopold Baumhorn (*1860 – †1932) de Budapest, entre le 31 mars 1924 et le 8 septembre 1925.

Le bâtiment a été constitué selon le modèle de la synagogue du judaïsme Néologue, un courant réformé répandu dès le 19e siècle en Hongrie. En fait, il remplaçait un ancien édifice judaïque de 1863, alors détruit.

Le dôme domine la haute structure d’une hauteur de 31 mètres. Sa coupole est haute de 19,5 mètres et à un diamètre de 10,5 m. Il y a, de chaque côté du dôme principal, deux petites tours coiffées de coupoles plus petites. Sur le front occidental, représentatif de l’édifice, est ajouté un portail monumental. La structure la plus basse est en béton armé et supportée par quatre piliers.

L’édifice est construit à l’aide de matériaux de construction différents, comme pierres et briques.

L’édifice a été utilisé comme lieu du culte jusqu’en 1944, puis l’intérieur de la synagogue a été pillé. Après la guerre, en décembre 1948 cet édifice est vendu par la communauté juive locale à la ville de Lučenec et il va alors servir en qualité de dépôt de la ville et d’autres, jusqu’aux années 80 du siècle passé.

Le 22 novembre 1985, la Synagogue de Lučenec est inscrite sur la Liste des monuments culturels slovaques.

Une rénovation heureuse

Deux campagnes pour des travaux de rénovation seront entreprises.

La première, du 1er juin 2015 au 31 décembre 2015, et la plus importante, comprend aussi les fenêtres à vitraux rénovés selon un projet d’origine archivé. Les jolis vitraux sont fabriqués par les artistes verriers avec la technique de verrerie ″Glass Fusing″.

La seconde campagne de rénovation commence au début de 2016 jusqu’ au mois de mai 2016, et comprend les travaux d’aménagement intérieur à l’aspect en valeur actuellement, ainsi que la restauration des structures décoratives historiques de l’édifice.

La reconstruction de la Synagogue de Lučenec est évaluée pour une somme de 2,5 millions € dont 2,4 millions € sont financés par des Fonds européens.

Dès 2015, la synagogue est placée sous la gestion de LUKUS, organisation budgétaire de la ville de Lučenec.

Le 13 mai 2016, la Synagogue de Lučenec a retrouvé sa beauté et est ouverte au public et elle va servir d’espace multiculturel ou de salle de concert.

Sur le côté droit de la Synagogue, depuis 2020 on peut voir l’œuvre artistique de la sculptrice slovaque Jaroslava Šicková-Fabrici (*1950), composée de dix panneaux évoquant les Dix Paroles du Dieu (transmises, selon la tradition biblique, de Dieu à Moïse au mont Sinaï). Sur ces panneaux de béton, les visiteurs ont pu accrocher leur propre court texte écrit, pour demander pardon, présenter ses excuses, être désolé ou avoir regret, etc. On y peut y lire, par exemple, ″Pardonne-moi…, Je suis désolé…, Excusez-moi…″

Visites :

Visites guidées ; lundi fermé. En semaine en été (juillet-août) : mercredi – samedi de 11 à 18 h et dimanche de 14 à 16 h.

Possibilité de visites hors période touristique en semaine. S’adresser au Musée municipale de Lučenec, une seule visite le samedi et le dimanche de 14 à 16 h.

Droit d’entrée modique et réduit pour les enfants.

Le Château de Halič

Alice Hura – Charles Bugan

Le beau château de Halič se trouve dans un cadre somptueux avec un remarquable parc. Ce château qui date du 17e siècle était, jadis, l’ancienne résidence des seigneurs Forgacs. Ce château a été complètement restauré, aménagé et modernisé de 2009 au 2019. Il abrite aujourd’hui un hôtel, le Galicia Nueva et n’est donc plus visitable comme lieu de culture.

Un peu d’histoire du château de Halič (en hongrois Gács)

Ce château témoigne d’une évolution architecturale complexe.
Fondé bien siècle avant de 1321 par les seigneurs de la ville de Lučenec, les comtes Losonci. Les sources écrites ne sont pas conservées, mais les historiens proposent l’hypothèse de la construction du château par le Palatin Dionysos Tomay, ancêtre de la famille des comtes Losonci – Lossonczy.

Ensuite, des évènements entre le puisant seigneur Mathé Csàk de Trenčín et le jeune roi angevin Charles-Robert (roi 1308-1342), le ruinèrent complètement avant 1321. En 1386, le château de Halič venait d’être remanié par son propriétaire Stephan Lossonczy, avec l’autorisation de la reine de Hongrie, Marie Ire d’Anjou (*1371 – † 1395), épouse de Sigismond de Luxembourg.

Puis au cours des siècles…

De 1450 à 1451, le château de Halič est occupé par Jan Jiskra de Brandys, un partisan des Habsbourg. Le château sera rasé sur ordre de Jean Hunyadi (1408-1456), alors Gouverneur du pays (entre 1446 et 1452), en conséquence d’une bataille prés de Lučenec, le 7 septembre 1451, où Jean Hunyadi a subi une défaite par l’armée de Jan Jiskra de Brandys.

Le château à peine remanié, mais clandestinement, au début du 16e siècle, est de nouveau détruit par ordre impérial en 1544 (sous Ferdinand Ier Habsbourg), suite à des insurrections contre les Habsbourg.

Pendant des guerres contre les Turcs ottomans, le château de Halič a été occupé par les Turcs entre 1554 et 1594.

Finalement, en 1601 c’est le nouveau propriétaire, comte Sigismond Forgách (?1557- † 1621), qui a obtenu en 1612 l’autorisation royale pour y bâtir sa résidence sur l’emplacement de l’ancien château médiéval, car depuis son mariage avec Anna Lossonczy († 1595), il est devenu le propriétaire du château. Et selon une plaque commémorative de 1612, le château devint une résidence Renaissance représentative des comtes Forgách jusqu’à 1948.

En 1682, le château de Halič qui appartient au comte Adam Forgách (1663-1764), fidèle impérial de Léopold Ier, est occupé par l’armée rebelle de l’opposant impérial Imre Tököly.

Plus tard, au cours des insurrections de François II Rakóczi contre les Habsbourg en 1703, le château de Halič est occupé par l’armée rebelle de Rakóczi. Puis, lors de la bataille de 1709, l’armée du général impérial Heister, vainqueur, met le feu au château. Donc, le château est de nouveau détruit par un incendie.

L’ancien édifice du château de Halič, sera remanié selon le style baroque des années 1736 jusqu’à 1750, par les seigneurs Forgách. L’intérieur en 1762, il est aménagé selon le style baroque, comme en témoigne la fresque trompe-l’œil au plafond de la grande salle par l’architecte A. Meyerhoffer.

En 1897 est terminé une autre reconstruction du château selon un projet de François Wenckheimer, gendre, membre de la famille des Forgách.

Les derniers membres de la famille des comtes Forgách, propriétaires du château de Halič, sont les frères Anton (1869-1931) et Jean (1870-1935).

En 1944, pendant la guerre secondaire le château de Halič est devenu le lieu d’un état-major allemand, et va subir des endommagements.

Après la guerre, il est étatisé et va servir de dépôt. Puis il va abriter un musée de 1957 jusqu’à 1965, puis il devient un établissement social jusqu’en 1993.

Sources

Histoire des tchèques et des slovaques. Antoine Mares. Ed Perrin. 2005

Novohrad z neba – Novohrad from heaven. Milan Paprčka, Richard Šlacký, Adriana Drugová. Ed. CBS spol. 2016.

Slovenský biografický slovník II. Matica Slovenská Martin 1987

Od hradu k hradu. 2.Diel Daniel Kollár, Ján Lacika. Dajama. 2018

Podolinec, l’église de l’Assomption

Alice Hura – Charles Bugan

Bâtie au XIIIe siècle, l’église Nanebovzatia Panny Márie – de l’Assomption de la Vierge Marie – domine la place centrale de la ville de Podolinec et se trouve sur la route des chemins de pèlerinage dont celui de Saint-Jacques de Compostelle. Elle comporte dans son chœur de très jolies peintures murales du moyen âge très intéressantes avec une longue fresque de l’Adoration des Rois mages de toute beauté. A visiter absolument.

La ville de Podolinec est située dans la région historique de Spiš. La première référence écrite date de l’année 1244.

Cette église gothique a été construite, à l’origine, selon le schéma traditionnel : une nef et un chœur à chevet polygonal. L’entrée se fait par l’ouest où se trouve une tour-clocher. Des nefs latérales ont été ajoutées dès la première moitié du XVIIIe siècle, de même qu’une sacristie dans le sanctuaire, côté nord.

Histoire

Une église se trouvait à l’origine sur le site de l’église d’aujourd’hui et est mentionnée dans la charte papale du pape Grégoire IX du 7 janvier 1235, qui est également la plus ancienne mention écrite de l’église du Haut Spiš et une des plus anciennes mentions écrites de la ville.

Cette église a été incendiée par les Tatars en 1285 et en 1287.

L’église actuelle était encore en construction en 1298, quand l’archevêque du Basile de Jérusalem de rite arménien écrit à l’évêque de Cracovie, Ján Muskat, qu’il fera tout pour aider à l’achèvement de l’église de l’Assomption et que, pour l’exécution des autels de saint Nicolas et de sainte Marguerite, des indulgences seront accordées.

Cette église a été achevée à la fin du XIIIe siècle. Elle sera encore reconstruite en partie et voûtée dans la seconde moitié du XIVe siècle.

En 1404, l’église a brûlé. Mais la tour, la nef principale avec le presbytère et la sacristie ont été préservées du bâtiment d’origine.

Les éléments architecturaux les plus anciens du bâtiment comprennent les portails (entrées) avec des portes gothiques, des voûtes croisées faites de nervures qui s’insèrent dans des consoles à tête humaine, la clef de voûte qui est ornée du visage du Christ, et les fenêtres. Dans le chœur se trouvent trois sièges gothiques en pierre qui étaient destinés au clergé et le pastophorium avec une grille en fer qui devait contenir les hosties dans l’église médiévale. Autre élément des plus anciens, l’arc triomphal.

L’église va encore subir des travaux et transformations au cours des années qui suivent, après le tremblement de terre vers 1662, un nouvel incendie en 1671, et il est probable qu’en 1684, un autre incendie ait touché l’église. La Renaissance va aussi apporter son lot de nouveaux éléments, comme le clocher qui se trouve devant l’église.

Dans la première moitié du XVIIIe siècle, la recatholisation va apporter son empreinte par l’art qui va la caractériser dans le pays : le baroque. L’église sera agrandie par une première nef latérale, la nef de sainte Anne de Metercie au nord (1), puis avec la nef de sainte Cunégonde (* 1234 – † 1293) en 1718, au sud. (2)

Sous la nef de sainte Cunégonde et sous la nef principale se trouvent des cryptes qui contiennent un grand nombre de squelettes humains. Les cryptes ont été découvertes par hasard lors de travaux au XXe siècle, lorsque l’ancien étage de l’église s’est effondré, entraînant dans sa chute un garçon qui aidait aux travaux. Sous le choc, le sol de la nef de sainte Cunégonde s’est écroulé permettant ainsi la découverte des cryptes.

Par la suite, un récipient en cuivre a été placé dans la crypte avec un document décrivant qui et quand s’y trouvait, ensuite l’ouverture a été murée.

L’entrée d’origine de la crypte principale devait probablement être située devant l’entrée principale de l’église sous un treillis forgé.

Autour de l’église se trouvait également un cimetière.

Derrière l’église on aperçoit le clocher de l’église du monastère baroque fondé par l’Ordre des Piaristes de 1647 à 1651. Ils l’occuperont jusqu’en 1919. Le monastère est aujourd’hui occupé par les Rédemptoristes.

Les fresques du chœur

L’ensemble du chœur est recouvert de rares fresques médiévales datées des années 1360 – 1430 en plusieurs couches, ce qui signifie que sur les peintures originales un nouvel enduit a été appliqué et qu’ensuite elles ont été repeintes avec de nouvelles scènes. Cela expliquerait, peut-être, que l’on retrouve une scène d’un évangile apocryphe sur l’arc triomphal.

Les peintures actuelles ont été découvertes entre 1910 et 1920 par le restaurateur L. Táry.

Les fresques sont conservées sur les murs et les voûtes du chœur et sur l’arc triomphal. Il est possible que les murs de la nef aient été décorés mais la construction des nefs latérales les a fait disparaître.

Les fresques sur les murs sont disposées en trois registres et les scènes sont séparées par un cadre en ocre. Les peintures les mieux conservées sont sur les murs nord et sud. Celles derrière le retable n’étaient plus visibles pour la plupart lors de notre visite en septembre 2019. Un enduit y était déposé, est-ce dans l’attente d’une restauration profonde ? Nous n’avons pas reçu l’information.

Les fresques murales représentent un cycle christologique dans un certain désordre.

Sur le mur nord

Le registre inférieur est entièrement dévolu à l’Adoration des Rois. Enfin presque car une petite scène, étroite, située juste derrière Marie interrompt le mouvement de l’Adoration. C’est incontestablement la plus jolie et la plus précieuse fresque. Nous proposerons notre étude de la représentation et de la scène qui la suit dans un autre article.

Le registre du milieu présente l’arrestation de Jésus et le baiser de Judas, Jésus devant Pilate, le déshabillage de Jésus, sa flagellation et sa présentation devant le grand prêtre Caïphe curieusement représenté avec une couronne sur la tête !

Le registre supérieur est composé de l’Entrée dans Jérusalem, la Cène.

Au-dessus, dans un médaillon, saint Luc représenté par son symbole, le taureau.

Dans l’abside

N’étaient plus visibles que :

Registre supérieur, le Lavement des pieds
Registre du milieu, la Pose de la Couronne d’épines et le port de la croix.
Registre inférieur, la Mise en croix de Jésus et la Crucifixion.

Sur le mur sud

On ne voit plus que trois scènes du registre inférieur. La Résurrection, l’Apparition à Marie-Madeleine et la Pentecôte.
Une fenêtre plus récente que les peintures a été percée.
Au-dessus, dans un médaillon, saint Marc représenté par son symbole, le lion.

Dans les voûtains du plafond, on retrouve la Vierge à l’Enfant, le sein d’Abraham, le Christ bénissant, des anges dans des médaillons et des anges musiciens, le tout dans un décor floral.

L’arc triomphal

Dans l’intrados, nous retrouvons des prophètes. Sur le piédroit côté sud, saint Nicolas Évêque. (3)
Du côté nord, la chaire est fixée sur le piédroit, il n’est donc plus possible de voir la peinture qui s’y trouve.

Coté chœur, sur le nord, l’Apparition à Thomas et côté sud, une représentation très rare de la Vierge Marie et de Jésus enfant, qui a une attitude anormale, voyons cela.
Marie, main gauche levée, s’adresse à un homme qui a sa main droite sur le cœur (un geste que l’on voit souvent aujourd’hui, lors de l’exécution des hymnes nationaux, mais qui ici à une autre signification !). Marie tient son Fils enfant par la main droite. Celui-ci se détourne de la scène et porte un panier dans la main droite, panier dans lequel on peut distinguer une fleur à 4 pétales, en forme de quadrilobe. La tunique de l’Enfant est ornée d’un motif de cinq fois trois points.
Selon la littérature (4), il s’agirait d’un homme qui instruisait la jeunesse, comme on peut le lire dans les textes apocryphes de l’Évangile de l’enfance chapitres XLVIII et XLIX et dans l’Évangile du Pseudo-Matthieu, chapitres XXXVIII, XXXIX ou XXV. Ce maître-enseignant devrait être Zachée ou Lévi !

La voûte du chœur

La voûte au-dessus du chœur est, comme c’était la coutume dans les églises médiévales, décorée de figures et de symboles des représentants du ciel. Les médaillons de la décoration en arc, qui sont entourés par un ornement composé de feuilles et de fleurs, représentent les figures des représentants du ciel en partie selon l’iconographie byzantine à savoir Marie Orante au nord, la Sainte Trinité au sud, le sein d’Abraham à l’ouest. Ces trois représentations sont entourées de deux médaillons représentant des anges. Quant au quatrième médaillon, celui de l’est, il représente le Christ avec le livre de vie et autour de lui, deux médaillons représentant chacun un évangéliste sous la forme du tétramorphe, à savoir d’un côté l’aigle de Jean, de l’autre, l’ange de Matthieu.

La clef de voûte est ornée d’une fleur.

Les arêtes sont ornées d’un motif en forme de triangles et de chevrons.

Quant à la décoration de la voûte de l’abside, elle comporte des anges avec des instruments de musique et côté sud, une fenêtre ronde au-dessus d’une fenêtre classique en demi-cercle percée plus tard endommageant ainsi une partie des fresques, comme c’est le cas de la fenêtre du mur sud !

Au-dessus du retable, la clef de voûte comporte deux clefs croisées, les clefs de saint Pierre, qui pourrait être le symbole de la papauté.

La chaire à prêcher

Elle est placée contre le piédroit de l’arc de triomphal côté nord.
C’est une sculpture sur bois polychrome et marbrée datée vers 1723. Le dais de la chaire est surmonté d’un Agneau de Dieu. Un nuage avec une colombe dans un halo, symbole du Saint-Esprit est peint sur le plafond du dais. Sur la partie verticale on remarque le blason de la famille Lubomir, le même que sur le retable principal au-dessus de la Vierge, ce qui permet de dater la chaire de la même période.

Les fonts baptismaux

Sous la chaire à prêcher près de l’arc triomphal, sur un socle circulaire en pierre, se dresse les fonts baptismaux en bronze gothique, très probablement des années 1660. Il a été fabriqué par un atelier de la ville de Spišská Nová Ves. Il pourrait s’agir d’une œuvre du plus célèbre fabricant de cloches, Maître Konrad. Le pourtour du manteau est décoré de reliefs du Calvaire avec la Vierge Marie et l’apôtre Jean. A différents endroits, on peut distinguer, dans des médaillons, des reliefs d’oiseaux, d’anges, de l’Annonciation et des décors de végétal. La représentation de l’ange dans les reliefs des fonts baptismaux est identique au médaillon en cuivre trouvé à Vyšehrad près d’Esztergom lorsque Maître Konrad a coulé la plus grande cloche connue de l’Europe médiévale en l’honneur de Louis Ier, roi de Hongrie, de la famille Anjou (*1326 – † 1382).
Un couvercle en cuivre rouge repoussé, surmonté d’une croix, vient se poser sur le pourtour orné de deux têtes. Les commanditaires, les auteurs ? Les dimensions des fonts baptismaux sont : 100 cm de haut et 63 cm de diamètre. Le couvercle est surmonté d’une croix.
Au Moyen Age, le baptistère était situé à l’extrémité de la nef à l’entrée ouest de l’église. Cet emplacement du baptême symbolisait le fait qu’un nouveau-né ne pouvait entrer dans l’église que par le premier sacrement : le baptême.

Le pastophorium

Situé comme il se doit sur le côté nord, cette niche en pierre est du gothique tardif à été ajoutée après la peinture de la fresque de l’Adoration des Rois. Ce lieu où étaient stockées les hosties dans l’église médiévale, est fermé par une grille en fer. Une peinture donnant l’illusion d’un dais entoure la majeure partie du pastophorium, semblant rappeler ainsi le Saint des Saints (Ex 26, 7-14 et 26, 31-35 et Hébreux 9, 1-7) ou la Tente de la Rencontre.

Notes :

1 Sainte Anne de Metercie est une peinture baroque du XVIIe siècle, qui représente sainte Anne, la Vierge Marie et Jésus enfant et qui se trouve à Rožňava. Cette peinture est remarquable car à l’arrière-plan, on peut y voir des scènes du travail d’extraction manuelle du minerai par les mineurs dans la région de Gemer vers 1513, date de la réalisation de la peinture qui est, ainsi, un mélange d’art sacré et d’art profane.

2 Cunégonde est la fille du roi Béla IV de Hongrie, la nièce de sainte Élisabeth de Hongrie et la sœur de sainte Marguerite de Hongrie. Quand son mari, le roi de Pologne Boleslas meurt en 1279, elle va rejoindre le monastère des Clarisses de Starý Sacz. Béatifiée en 1690 par le pape Alexandre VIII, elle ne sera canonisée qu’en 1999. La peinture centrale de l’autel la représente en habits de Clarisse.

3 Difficilement identifiable car ne possédant pas d’attribut permettant sa reconnaissance, nous pensons qu’il faut recourir au courrier du Basile de Jérusalem, cité plus haut, pour proposer le nom de saint Nicolas. Une autre possibilité était la représentation de saint Martin, très populaire à l’époque dans la région, mais nous retenons saint Nicolas, comme le pense aussi Monsieur Mgr Hudáček, curé de la paroisse.

4 Středoveka nástenna malba na Slovensku, page 129 et Stredoveká nástenná maľba na Spiši page 247

Visite : l’église est fermée hors heures des offices, il est donc préférable de prendre contact pour une éventuelle visite.

Mgr. Štefan Hudáček, farár
052/43 912 04

Nous le remercions pour sa disponibilité et son aide précieuse.

Liens utiles :

https://www.dokostola.sk/farnost/podolinec

https://farnostpodolinec.webnode.sk

Info : www.vaheurope.eu

Mail : vaheurope@gmail.com

PS : nous reviendrons avec deux articles. L’un sera consacré à la fresque de l’Adoration des Rois. Nous essayerons de décrypter cette scène qui est, ici, très intéressante. L’autre présentera les autels.

Sources :

Středoveka nástenna malba na Slovensku, page 129

Stredoveká nástenná maľba na Spiši, page 247

Les Évangiles apocryphes

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali

Ottova praktrická Encyklopédia Slovensko.

https://www.podolinec.eu/historia-klastora-piaristov/

Le village de Slatvina et son église gothique

Alice Hura – Charles Bugan

Le village de Slatvina

Un peu plus loin que le château-fort de Spiš, vers l’est dans la vallée de la rivière Hornád, au pied de la montagne de Branisko et sous la colline de Sľubica (1129 m), se trouve l’humble village de Slatvina que nous découvrons un peu par hasard.

C’est vers 1246 qu’est connue la première mention écrit du village sous le nom de Zek ou Szék. L’appellation actuel du village de Slatvina (à l’ancienne époque en hongrois Szlatvin) est d’origine slave et signifie un lieu de marécage, un marais près d’une source minérale.

Au lointain des années ce village dépendait des seigneurs de la famille noble des Zek jusqu’à leur extinction en 1525, puis ce village est devenu une partie du domaine du château-fort de Spiš, alors sous les Zápolya, puis des Thurzo, peu de temps sous d’André Báthory et enfin des Csáky dès 1638 jusqu’à l’abolition du servage en 1848.

Le développement du domaine agraire de Slatvina dès sa fondation du XIIe au XIIIe siècle (12. stor – 13. stor) jusqu’à l’abolition du servage n’était pas marqué, mais une augmentation de la population locale du XIXe au XXe siècle (19. stor – 20. stor) va provoquer une migration des villageois vers les USA et le Canada.

Le caractère exceptionnel de l’eau minérale de Slatvina est un ensemble d’éléments minéraux, surtout de lithium.

Le développement du village au XIXe siècle (19. stor)

La nouvelle époque du développement du village commence au milieu du XIXe siècle (19. stor), quand le comte Csáky va ériger au-dessus de la source minérale un pavillon de la petite station thermale et commencer à exploiter les vertus curatives d’eau minérale de Slatvina.
C’est l’entrepreneur Gédéon Majunke de Spišské Vlachy, qui peut être considéré comme le développeur de la petite station thermale de Slatvina, et le distributeur des bouteilles remplies de l’eau de source minérale. Les bouteilles d’eau minérale de la source Anna de Slatvina ont été distribuées sous la marque Szlatvini dans toute la monarchie habsbourgeoise lors du XIXe siècle (19. stor).
La source de l’eau minérale de Slatvina destinée à la cure, était fournie en boisson à la buvette et était/est recommandée contre les maladies gastriques et des voies respiratoires, mais surtout contre les maladies des reins et aussi pour l’hydrothérapie au bain chaud (par chauffage d’eau minérale).

La source minérale ″Anna″ et les Bains thermaux disparus de Slatvina

Dans le village de Slatvina on y trouve la source minérale Anna, dès le XIXe siècle (19. stor) nommée en l’honneur de la comtesse Anna Csáky, l’épouse du propriétaire terrien à cette époque.
Depuis longtemps, les villageois appelaient cette source d’eau minérale ″kvašna voda″ en patois local slovaque que l’on peut traduire par ″eau pétillante″. Ils utilisaient l’eau minérale à boire pour se rafraîchir et pour la préparation d’un ferment pour la cuisson des gâteaux traditionnels au levain.

L’utilisation d’eau minérale de Slatvina dans un but thérapeutique commence à la fin du XIXe siècle (19. stor), quand Gédéon Majunke fait bâtir une première maison en pierres pour les curistes. La maison des bains était entourée d’un petit parc mais il est détruit pendant la Seconde guerre. Pour l’amusement des curistes, on y trouvait une salle de danse et une salle de jeu de quilles. Pendant la République tchécoslovaque, la petite station thermale de Slatvina, accueillait une centaine de curistes par an. Elle fut laissée à l’abandon pendant les années 30 du XXe siècle (20. stor), éliminée par la forte concurrence des stations thermales tchèques (c’est l’État tchécoslovaque, qui dirigeait la conception politique du développement du thermalisme surtout dans le pays tchèque).
En 1953, la ligne d’embouteillage d’eau minérale naturelle de Slatvina et leur répartition sur le réseau de vente est terminée.

Caractéristiques de la source d’eau minérale Anna

Elle se distingue par une teneur déterminée en un élément en lithium.
La source de l’eau minérale de Slatvina au débit de 4,5 litres par minute est froide à la température de 9,0°C et d’une acidité pH 6,1. Elle est légèrement minéralisée avec un contenu de hydrogénocarbonate-chloruré (HCO3, Cl), calcique-sodique-magnésienne (Ca, Na, Mg), naturellement carbonique, riche en sels minéraux, exceptionnellement en lithium (Li) entre 3,28 mg/l et 6,5 mg/l. Le composition minérale contenu est entre 3206,96 mg et 3466,55 par litre, plus haut niveau élevé de cabrons de l’hydrogène (HCO-3) 1586,0 mg/l, de calcium (Ca+2) 261,32 mg/l, de magnésium (Mg+2) 14,10 mg/l, de fer (Fe) 11,61 mg/l, de teneur en sodium (Na+) 424,0 mg/l, en potassium (K) 42,6 mg/l, en SO4 est 102,87 mg/l, SO2 est 19,71 mg/l. Index selon des analyses publiées de 1968 et 1978.

L’église Nanebevzatia Panny Márie – de l’Assomption Vierge Marie de Slatvina

L’église Nanebevzatia Panny Márie – de l’Assomption de la Vierge Marie de Slatvina est située sur la Route gothique de Spiš laquelle continue à l’est vers la région de Šariš et au sud vers la région de Gemer. La Route gothique est un circuit d’excursion de l’architecture rurale des églises gothiques en Slovaquie, répandues dans les régions en raison du grand nombre de petits gisements de minerai de fer et de cuivre ainsi que quelques mines d’or et d’argent. Ces mines furent fortement exploitées durant l’époque médiévale.

L’église de Slatvina bâtie à la seconde moitie du XIIIe siècle (13. stor) sur une petite colline au-dessus du village est dédiée à l’Assomption de la Vierge Marie, dominant ainsi le village. Elle fut construite à l’origine en style gothique primitif, avec un chevet plat. Le cimetière, très proche, se trouve sur le côté nord. La crypte de l’église comprend les tombeaux des seigneurs locaux, les Petróczy de Vojkovce (en hongrois Vojkócz), inhumés au XVIIIe siècle (18. stor).

Sous les Thurzo, de 1531 à 1636, l’église de Slatvina est passée dans le giron du rite évangélique. Après 1636 (1666 pour d’autres documents), elle sera restituée au culte catholique romain. N’oublions pas que l’Édit de Restitution fut promulgué le 25 mars 1629 par Ferdinand II de Habsbourg, en pleine guerre de Trente ans.

A l’extérieur, sur le côté sud, on peut voir le portail gothique qui formait l’entrée dans la nef avant que la tour-clocher soit bâtie sur le côté ouest. Cette tour clocher daterait du XVIIe siècle (17. stor) au plus tôt.

A l’origine, le toit était en bardeaux de bois. De nos jours, le toit est en plaques métalliques.

La tour n’étant pas encore élevée, un clocher séparé du bâtiment se trouvait à coté de l’église.

La paroisse du 18e siècle remplaçant une ancienne détruite après un incendie en 1782. L’église à l’origine, a servi comme église paroissiale pour les villages environnants.

La Madone de Slatvina vers 1360

Du mobilier de l’église de Slatvina de l’ancienne époque a été conservée une plastique en bois de tilleul de la Madone de Slatvina, chef-œuvre dit du Maître de Slatvina, son atelier a travaillé dans la région de Spis entre les années 60 et 70 du XIVe siècle (14. stor). Selon des historiens allemands d’art, cette madone est artistiquement semblable avec la statue de la Vierge Marie du Mont Marial à Levoča.
Les autres plastiques en bois de Slatvina, une statue de saint Jean-Baptiste (1500-1510), une statue de saint Nicolas (1480-1490) et une autre Madone (sculptée vers 1480), ont été déplacées avant 1918 dans le Musée des beaux-arts et dans la Galerie nationale de Budapest en Hongrie.

Le chœur et les peintures murales

On y trouve des fonts baptismaux en pierre du XIVe siècle (14. stor).

Les peintures murales du 14e siècle ont été retrouvées lors d’un sondage effectué par le Maître de conférences Vladimir Plekanec, restaurateur d’art, en 2013. De 2013 jusqu’à 2016, les peintures murales de l’église ont été restaurées.

C’est ainsi que le chœur et le mur nord de la nef ont révélé des peintures murales très bien conservées, proches des peintures du premier tiers du XVe siècle (15. stor) à Žehra et à Bijacovce. Leur auteur était apparemment l’élève du Maître du presbytère d’Ochtina, comme en témoigne l’exécution de plusieurs scènes, comme par exemple, la Mise au tombeau.

Le niveau inférieur du chœur est constitué de peintures semblables à un drapé représentant des tentures sur les trois côtés qui en constituent le pourtour.

Quant aux fresques proprement dites, elles se trouvent sur trois registres au-dessus de ce décor et sont essentiellement consacrées au cycle christologique de la Passion.

Le registre inférieur

Il est composé de représentations d’apôtres sur tout le pourtour du chœur.

Sur le mur nord, on retrouve quatre apôtres, deux de part et d’autre de la porte gothique de la sacristie. Puis, après le quatrième apôtre, un pastoforium, avec sa grille en fer d’origine, est surmonté d’un Christ. Ce n’est pas un Christ de douleur ou de pitié. Ici, Il nous montre de sa main gauche sa plaie au côté d’où s’écoule son sang vers un calice, symbole de la communion lors de la Cène (Matthieu 26, 27-28).

Sur le chevet, un plus grand ″panneau″ montre sainte Élisabeth de Hongrie offrant un pain à deux personnages. Cependant, ce ne sont pas des ″pauvres″ comme on devrait le voir habituellement suivant l’iconographie attribuée à cette sainte. Ce sont probablement le donateur et son fils. Viennent ensuite trois apôtres.

Sur le mur sud, on peut voir quatre apôtres, un cinquième a probablement été supprimé lors de l’agrandissement de la fenêtre.

Le registre du milieu

Sur le mur nord, le registre est découpé en quatre scènes. La Cène, l’Arrestation de Jésus, la pose de la couronne d’épines et le Portement de croix.

Sur le chevet, à gauche de la fenêtre axiale, la Mise en croix et à droite, la Crucifixion.

Sur le mur sud, la Descente de croix, la Mise au tombeau, la Résurrection et la Descente de Jésus aux Enfers.

Le registre supérieur

Sur le mur nord, une seule représentation : l’Entrée de Jésus dans Jérusalem.

Sur le chevet, Jésus au Mont des oliviers priant à droite alors qu’à gauche se trouvent les apôtres qui dorment. Au-dessus de la fenêtre axiale, on Dieu le Père et un calice. C’est vers eux qu’est dirigé Jésus en prière.

Sur le mur sud, Jésus devant Pilate et la Flagellation. Entre ces deux représentations, au-dessus de l’ancienne fenêtre gothique transformée, un Mandylion.

Le plafond du chœur

En croisée d’ogives, chaque voûtain est décoré par des peintures dans un médaillon.

Au nord, la Vierge Orante, sur cette représentation, on ne voit seulement la partie supérieure. Jésus, bénissant est sur sa poitrine. Un détail, le Christ est barbu, il n’est plus un enfant comme on peut le voir habituellement et notamment sur l’icône du XIIIe siècle (13. stor) de Yaroslav et sur l’icône du XIIe siècle (12. stor) qui se trouve dans la cathédrale Sainte-Sophie de Novgorod en Russie. Dans les deux médaillons plus petits, un évangéliste, Luc, sous la forme symbolique du taureau et un ange qui semble indiquer du doigt le sein d’Abraham.

A l’est, les peintures sont effacées. On devait probablement y trouver un Christ ou autre hypothèse peut plausible, une scène du Jugement dernier. Les deux autres éléments du tétramorphe de la vision d’Ézéchiel, l’aigle – Jean et l’homme – Matthieu devaient s’insérer dans les médaillons.

Au sud, une représentation assez rare : Dieu et son fils sur la poitrine. Dans les deux médaillons plus petits, un évangéliste, Marc, sous la forme symbolique du lion, à gauche et d’un ange, à droite, qui semble aussi pointer du doigt vers le sein d’Abraham.

A l’ouest, face au membre du clergé qui officie, le sein d’Abraham est mis en évidence. Deux médaillons de part et d’autres avec un ange complète ce voûtain.

L’arc triomphal

L’arc triomphal côté nef n’est pas peint. Peut-être sous la couche blanche, mais cela ne semble pas avoir été mis en évidence lors de la redécouverte des fresques ! Du côté chœur, ce sont des motifs ornementaux. Le contour de l’arc triomphal est marqué par des dents d’engrenage ou plisses en accordéon.

L’intrados comporte six prophètes dans des médaillons reliés entre eux par un contour en forme de huit, formant ainsi un lien de continuité entre eux.

Sur les piédroits de l’intrados, deux saints dynastiques, Štefan-Étienne et Ladislav-Ladislas, tout deux furent roi de Hongrie. Chaque piédroit à une croix de consécration.

La nef

La chaire baroque située côté nord, date du XVIIIe siècle (18. stor).

A l’origine, la nef était surmontée par un plafond plat en bois. Mais une reconstruction importante en 1800 a changé l’aspect intérieur de l’église. Les fenêtres gothiques d’origine ont été démolies et remplacées par des fenêtres agrandies de forme baroque et le plafond en bois a été remplacé par un plafond en plâtre.

Les fresques de la nef ne sont pas bien conservées et restent sous une couche de peinture du XXe siècle (20. stor), mais elles sont toujours visibles dans les combles.

Une tribune d’orgue termine la nef côté ouest.

Remerciements

Nous remercions Monsieur Vladislav Vrábeľ, Maire de Slatvina pour son accueil, sa disponibilité et son aide précieuse lors de notre visite ainsi que la personne qui nous a ouvert les portes de l’église.

http://www.slatvina.eu/atrakcie

Sources

Stredoveká nástenná maľba na Spiši. Milan Togner – Vladimir Plekanec. Arte Libris. 2012

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011
Reconnaître les saints. Symboles et attributs. B. Des Graviers et T. Jacomet. Ed. Massin. 2006

Slatvina, na pozadí dejín. 1246-2006. Ondrej Fábry. Obecný úrad Slatvina. 2006

Les trésors de la Slovaquie à l’UNESCO

Alice Hura – Charles Bugan

Faire partie  du patrimoine culturel et naturel de l’UNESCO est une reconnaissance qui montre au public des sites, des villes, des traditions, bref des éléments qui font partie de l’Histoire d’une région, d’un pays et ces éléments incitent à la découverte.

Le label de l’UNESCO et son patronage, invite les visiteurs à mieux les connaître. Voici, à ce jour, la liste des monuments culturels et naturels. Peut-être cela vous incitera-t-il à leur rendre visite et découvrir ainsi la Slovaquie.

Les monuments culturels et naturels slovaques inscrits sur les listes représentatives du patrimoine mondial de l’UNESCO

1. Vlkolínec (1993) – village montagnard avec une architecture rurale en bois
2. Bardejov (2000) – place de la ville médiévale
3. Spišský hrad (1993) – château-fort en ruines et sa cité médiévale de Spišské Podhradie au pied du château
4. Spišská Kapitula (1993) – cité épiscopale médiévale, siège de l’évêché de Spiš
5. Žehra (1993) – petite église médiévale du Saint-Esprit
6. Levoča (2009) – place de la ville médiévale et cité du Maître Paul de Levoča
7. Kežmarok (2008) – église, dite articulaire, évangélique en bois, édifiée en 1717
8. Leštiny (2008) – église, dite articulaire, évangélique en bois
9. Tvrdošín (2008) – église catholique en bois
10. Hronsek (2008) – église, dite articulaire, évangélique en bois
11. Banská Štiavnica (1993) – ville médiévale et ses mines d’or et d’argent
12. Hervartov (2008) – église catholique en bois
13. Bodružal (2008) – église gréco-catholique en bois
14. Ladomirová (2008) – église gréco-catholique en bois
15. Ruská Bystrá (2008) – église gréco-catholique en bois
16. Vihorlatské vrchy (2007) – Montagne de Vihorlat, vestiges de l’ancienne activité volcanique
17. Bukovské pralesy (2007) – « Forêt vierge » de hêtres dans les Carpates
18. Dobšinská ľadová jaskyňa – grotte de glace de Dobšiná (2000)
19. Ochtinská aragonitová jaskyňa – grotte d’aragonite d’Ochtiná (1995) dans le Parc national du Karst slovaque
20. Gombasecká jaskyňa – grotte de Gombasek (1995) dans le Parc national du Karst slovaque
21. Domica jaskyňa – grotte de Domica (1995) dans le Parc national du Karst slovaque
22. Krásnohorská jaskyňa – grotte Krásnohorská (1995) dans le Parc national du Karst slovaque
23. Jasovská jaskyňa – grotte de Jasov (1995)

Le chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel slovaque inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO

1. Fujara, instrument traditionnel à vent de la musique pastorale (2005)
2. Terchovská muzika – Musique traditionnelle de Terchová (2013)
3. Gajdy – Cornemuse slovaque (2015)

Voici quelques photos de ces endroits.

Photos : Alice Hura – Charles Bugan

PS : Si vous souhaitez des renseignements sur ces sites, n’hésitez pas, un mail et une réponse vous parviendra dans les 48 heures

L’église Saint-Martin à Martinček

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le village de Martinček, Petit Martin en français, est situé à 5 km au nord-est de la ville de Ružomberok. Là, dans ce petit village paisible, se trouve une petite église de campagne, construite en 1260, remarquable par ses peintures murales datées de 1300.

Saint Martin est fêté le 11 novembre. Dans l’ancien calendrier, la croyance veut qu’il symbolise l’arrivée de l’hiver, tel saint Martin sur son cheval blanc. En Slovaquie, pays de montagnes, à cette date correspond normalement, la chute de la première neige et les derniers bergers rentrent au village.

http://vaheurope.eu/wp-admin/post.php?post=296&action=edit

1 Histoire du village de Martinček

La petite agglomération de Martinček et son ancienne église ornent les premiers contreforts du massif de Choč dans la région de Liptov en Slovaquie septentrionale. Ancienne église seigneuriale du château-fort de Likava, déjà connue en 1332 sous le nom de Sanctus Martinus de Liptovia. Située au point culminant du versant est de la montagne chauve Mních (Moine en français) laquelle est occupée depuis l’âge du Bronze.

Au XVe siècle, il n’y avait pas de maisons paysannes connues. A la fin du XVIe siècle, le terrain où se trouve l’église appartenait alors à un cadastre parcellaire (aménagement du territoire) du village de Likavka, situé sous le château de Likava et un prêtre servait pour les habitants de ce village.

Le village de Martinček fut fondé après 1600. Dans le cadastre du domaine de Likava en 1625, le village de Sväty Martin – Saint-Martin y est mentionné. Les habitants étaient surtout des agriculteurs et étaient dépendants du château de Likava. Ils étaient obligés de ramener au château 6 chars de la récolte d’oignons.

Plus tard, le village s’est élargi sur les pentes de la colline Mních – Moine, sur les hauteurs du village et sur le versant est que domine l’église catholique romaine de Saint-Martin évêque.

Aujourd’hui, le village de Martinček, situé à l’altitude de 580 m, compte 390 habitants.

On aperçoit l’église sur la route principale reliant les villes de Ružomberok à Liptovský Mikuláš (anciennement Liptovský Sväty Mikuláš – Saint-Nicolas de Liptov).

Le village de Martinček, fondé après 1600 sur le domaine royal d’un terrain du village de Likavka, entoure l’église de Saint Martin qui donne son nom à ce petit village dans sa forme de diminutif : Martinček – Petit Martin.

2 L’église Saint-Martin

La fondation de cette église est datée vers 1260 sous le règne du roi Béla IV (1206 – † 1270 et, selon la légende, est attribuée à l’ordre des Templiers dits les Chevaliers rouges surnommés ainsi selon la croix pattée rouge sur le manteau qui les couvrait.

Les dernières découvertes de 1999, lors de travaux de restauration, permettent d’affirmer que les peintures murales à l’intérieur de cette église, parfaitement conservées en majorité, peuvent être datées au plus tard de 1300/1320. Lors de la Réforme au XVIIe siècle, ces peintures murales ont été couvertes sous des couches d’enduit de chaux lorsque l’église a été aux mains de l’Église évangélique luthérienne (probablement en 1610 ou en1669, selon des dates signées sur le mur oriental du sanctuaire).
À l’époque, les puissants seigneurs protestants Illésházy gouvernent la région du comitat de Liptov et de Trenčín.
Légende ou réalité ?

La colline Mnich doit l’appellation de ce lieu à une ancienne légende qui raconte qu’au début du XIIIe siècle, un ermitage ou une commanderie templière y était construite. Cette légende a donné l’appellation topographique Mnich, qui signifie Moine en français, à cette colline.

A ce jour, en l’absence d’écrits l’attestant, nous ne pouvons affirmer cette présence mais, sans écarter complètement cette hypothèse, nous pensons qu’il est plus que possible que l’église était la propriété du château de Likava.

Extérieur de l’église

Le bâtiment est composé d’une nef rectangulaire couverte par un plafond plat, d’un chœur à chevet plat, d’une sacristie et d’une tour-clocher à l’ouest accessible par l’intérieur de l’église.
Le toit est couvert de bardeaux.

Sur le chevet, une remarquable fresque de la Crucifixion. Détail particulier de cette Crucifixion, les anges qui se trouvent aux extrémités de la partie horizontale de la croix tiennent d’une main l’avant-bras du Christ.

Intérieur de l’église

Le sanctuaire

Le sanctuaire/chœur plus étroit que termine une abside plate, est percé d’origine de deux étroites fenêtres orientées pour une à l’est, la fenêtre d’axe et l’autre une fenêtre au sud qui sera élargie pendant la deuxième moitié du XIXe siècle.

Le sanctuaire, construit sur un plan carré, est couvert par une voûte sur croisée d’ogives avec des nervures lourdes chanfreinées reposant chacune sur un culot et qui converge au sommet sur une clef de voûte garnie d’un disque orné d’une rosette à huit pétales avec un bouton central.

Dans la seconde moitié du XIVe siècle une sacristie, accessible par le sanctuaire, est ajoutée à la façade du nord.

La fenêtre d’axe romano-gothique est entourée d’une riche polychromie d’origine avec en-dessous d’elle une des trois de croix de consécration qui se trouvent dans le sanctuaire.

Dans le mur du nord, un pastophorium d’origine gothique est encore visible. On remarquera que sur la partie horizontale supérieure, des triangles, pointes vers le bas ont été sculptés. On peut y voir aussi une croix de consécration.

Les fresques du sanctuaire

C’est surtout dans le sanctuaire que des figures peintes en bon état ont été découvertes. Les fresques s’étalent sur trois registres. Le registre inférieur est orné par un « drapé » sur tout le pourtour du sanctuaire. Cinq sur le côté Nord, huit sur l’abside et dix (dont un est coupé par un pastophorium) sur le mur Sud. Ce qui fait un total de 23 « drapés ».
Je pense que ces drapés ne sont pas des peintures de « remplissage », le peintre-artiste roman (et gothique) utilise les symboles comme on pourra le voir notamment aussi pour l’intrados de l’arc triomphal. Peut-être un 24e drapé a-t-il disparu lors de travaux ? Aurions-nous là alors la représentation « symbolique » des 24 Vieillards qui font face à Dieu dans l’Apocalypse de Jean ? (1) Apocalypse 4 : 4 « Autour du trône je vis vingt-quatre trônes, et sur ces trônes vingt-quatre vieillards assis, revêtus de vêtements blancs, et sur leurs têtes des couronnes d’or ».

Au plafond

Sur la voûte Est du plafond, le Christ bénissant et la Vierge Marie qui montre de la main droite la main gauche par laquelle on peut lire la double nature du Christ (trois doigts « libres » et deux collés l’un à l’autre).

Dans les trois autres voûtains, une suite d’anges habillés dans des habits de diacre, semblent accompagner le Christ et la Madonne.

Les fresques murales du mur Nord

Au registre inférieur, les « drapés » suivent la porte romane de la sacristie. A hauteur, le pastophorium avec la grille et la croix de consécration.

Au registre central, quatre personnages, probablement quatre apôtres. Quatre personnages se retrouvent sur l’abside et quatre sur le mur Sud. Ce qui nous fait un total de douze personnages, il s’agit donc très probablement des douze apôtres.

Quant au registre supérieur, on peut y voir le « Sein d’Abraham ». (2)

Abraham est entouré de deux autres figures de l’Ancien Testament, David et Salomon qui tiennent chacun une lyre.

Sur le mur de l’abside

Sur le mur Est, outre la fenêtre d’axe et une croix de consécration, quatre personnages, des apôtres se trouvent au registre central. Dans le registre supérieur, sous le Christ et la Madonne, deux personnages, des rois ? avec des instruments de musique.

Sur le mur sud

Au registre inférieur, le « drapé », un pastophorium et une croix de consécration sous la fenêtre.
Au registre central quatre personnages (apôtres ?) et au registre supérieur, deux personnages, des rois ?, avec des instruments de musique. Celui de gauche est en partie détruit par la baie de la fenêtre créée au XIXe siècle, quand l’église était encore sous le badigeon de chaux.

L’arc triomphal

On ne retrouve pas de peintures sur l’intrados de l’arc triomphal. Cela ne signifie pourtant pas qu’il n’y en avait pas à l’origine. Cependant, on peut remarquer la présence, de part et d’autre de l’intrados, d’une rangée de petits triangles sculptés.

Il pourrait s’agir de la représentation symbolique de la nature divine du Christ et de sa nature humaine (3), de la Mort et de la Régénération (4). Comme dit précédemment, des triangles, pointe vers le bas sculptés se trouvent sur le pastophorium du sanctuaire.

Les fresques de l’arc triomphal

A gauche, deux personnages ont été découverts. Le premier est un homme d’apparence jeune. Il s’agit certainement de saint Martin de Tours, représenté en tenue d’évêque. Il tient sa crosse de la main gauche et il bénit de la droite.

Le deuxième semble être saint Jean Baptiste. Il bénit de la main droite et tient dans la main gauche un nimbe crucifère comportant un agneau tourné vers la gauche et tenant dans sa patte repliée une oriflamme (5) symbole de la Résurrection.
Certains pensent qu’il s’agit de la représentation du Christ comme le Bon Pasteur (6).

Au dessus de ces personnages a été découvert un motif connu, l’image de saint Martin sur son cheval qui partage sa cape avec un mendiant qui s’appuie sur des béquilles près d’une porte étroite. La fresque est hélas presque effacée, on distingue à peine le cheval blanc et le mendiant.

Au centre

Dans la partie centrale de l’arc triomphal, à gauche, se trouve la représentation de la Jérusalem céleste et, à droite, un ange qui doit être rattaché à la représentation du Christ dans la mandorle qui se trouve à droite.

A droite

Sur le mur de droite, Le Christ dans une mandorle entourée par des anges qui volent. A gauche, un ange avec un livre et un ange avec une croix, à droite, un duo d’anges avec une torche flamboyante.

C’est le Christ de l’Apocalypse, (Apocalypse de jean I 16). Il est assis sur un arc représentant les cieux, les pieds posant sur un autre arc, plus petit, représentant la terre. Avec les deux épées qui sortent de sa bouche. C’est le jugement dernier. On peut d’ailleurs voir, en dessous de la mandorle, deux groupes de personnes. A droite ces personnes sont enchaînées, ce sont les damnés et à gauche un groupe d’élus.

La nef

Dans la nef de l’église, 9 croix de consécration d’origine ont été découvertes mais peu de fresques ont été retrouvées.

Le plafond plat est en bois et rénové récemment.

Sur le mur Sud, une peinture à l’huile, de la fin du XVIIIe siècle, élément de l’autel baroque, représentant saint Martin coupant son manteau pour l’offrir à un pauvre.

Sur ce mur Sud, deux fenêtres sont percées au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle (la fenêtre du côté sud du sanctuaire sera élargie en même temps) et un carrelage est posé au sol qui a pour effet de remonter le niveau du sol.

Sur le mur nord des peintures ont été découvertes sous deux couches de crépi. Mais ces peintures ne semblent pas avoir été créées en même temps.
Dans un cadre peint se trouve le visage jeune d’une personne qui est accompagnée de deux anges. Comme les autres parties du personnage ne sont plus visibles, on suppose qu’il s’agit de l’archange Michel qui pèse des âmes. (7)

Dans le cadre accolé à gauche, un personnage de profil se penche vers la représentation de droite, mais excepté l’architecture d’un baldaquin, il est impossible d’avoir plus de détails.

A côté de cette fresque, se trouve un fragment de peinture murale réalisé sur une couche plus jeune. Le fragment est partiel et difficilement indentifiable.

Le style de peinture révèle un artiste du XIVe siècle proche des peintures murales de l’église de Liptovské Sliače.

Il est possible qu’il s’agisse du groupe des femmes saintes. La figure d’une femme à droite avec un foulard sur la tête ressemble à une composition de figure de sainte Hélène dans l’église de Liptovské Sliače.

La paire de silhouettes à gauche peut représenter deux des quatre saintes connues, la première pourrait être sainte Barbe (son attribut est une tour) et l’autre pourrait être sainte Marguerite ?

Il reste encore un fragment de fresque.

Sur le pourtour de la nef, se trouvent des peintures représentant le chemin de croix et 9 croix de consécration.

Enfin, sur la partie Ouest de la nef se trouve la porte qui mène vers l’escalier de la tour-clocher et à la tribune d’orgue.

La tribune d’orgue

Sur la balustrade de la tribune, on peut voir des représentations, récentes, des évangélistes entre lesquels est intercalé un ange (Jean et Luc à droite ; Marc et Matthieu à gauche ainsi qu’une représentation de l’Agnus Dei).

Au mur Ouest de la tribune, une inscription datée du 16e siècle.

La tour-clocher

La tour-clocher à l’ouest est seulement accessible par l’intérieur de l’église et comporte une remarquable fenêtre gothique sur son côté ouest. Le meneau d’origine est disparu et est remplacé par une pierre. Au-dessus de cette fenêtre, une fenêtre plus étroite et plus haut, dans le clocher proprement dit, deux autres fenêtres étroites sur les quatre côtés de la tour.

Trois cloches se trouvent dans la tour : la première date de 1594, une autre de 1763 et la troisième de 1842.

La cloche de 1594 comporte l’inscription latine « VERBUM DOMINI MANET IN ETERNUM A : D : 1594 ».

Celle de 1763 coulée par Ján Juraj Knobloch à Banská Bystrica comporte l’inscription latine « GEORG KNOBLOCH NEOSOLII 1763 ».

Et la troisième cloche de 1842, coulée par Vojtech Littman de Banská Bystrica et qui comporte l’inscription latine « MARIAE IN HONORE SANCTAE » et « REFUSA PER ADALBERTUM LITTMAN NEOSOLII 1842. »

Sur la colline

Sur le côté Sud de la colline on peut remarquer de petites constructions en bois en forme de toit apportant un caractère mystérieux à l’environnement de l’église Saint-Martin.
Les habitants les appellent « Daskal » (de l’allemand dach qui signifie toit). Il s’agit en fait de petites couvertures de puits profonds d’environ 3 à 5 m et qui servent de stockage pour les pommes de terre et les légumes pour l’hiver.

Notes

1 Je n’ai pas trouvé de renseignements pouvant m’orienter ou me renseigner sur la signification de ces « drapés ». Je me permets donc d’émettre une hypothèse concernant cette représentation. On retrouve aussi ce type de « drapé » (mais plus nombreux) au registre inférieur du sanctuaire de l’église Saint François d’Assise dans le village de Poniky près de Banská Bystrica.

2 Le thème du Sein d’Abraham était souvent représenté au milieu du Moyen Age pour connaître son déclin au cours du XVe siècle. Disparition probablement due à l’apparition du Purgatoire. Le Sein d’Abraham représente le Patriarche accueillant les élus entre ses bras (représentation courante au XIe siècle), soit dans un pan de son vêtement.

3 Dictionnaire des symboles. J Chevalier et A Gheerbrant. Ed. Robert Laffont. 2002

4 Selon Marija Gimbutas, « pareilles rangées de triangles sont l’ornement typique des crochets ainsi que des plaques de pierre à l’image de la déesse de la Mort et de la Régénération déposées dans des tombes mégalithiques du Portugal. »
Le langage de la déesse. Marija Gimbutas. Col. Des femmes Antoinette Fouque. Dumas-Titoulet Imprimeurs 2005
A Catal Hüyük (Turquie aujourd’hui), dans le sanctuaire du niveau VII, on a découvert des triangles peints en rouge et noir, avec plus bas, un relief en plâtre d’une déesse enceinte.

5 « Voici l’agneau de Dieu » dit Jean Baptiste (évangile de Jean I, 29). Au vu de son attitude (bénissant) et du symbole que le personnage tient dans la main gauche, je pense qu’il s’agit bien de saint Jean-Baptiste.

6 Mária Novotná et Juraj Maták Ranogotický Kostol sv. Martina v Martinčeku

Comment y aller ?

Le village de Martinček – Petit Martin est situé à 5 km au nord-est de la ville de Ružomberok.

A partir de la ville de Ružomberok, prendre la direction de Dolný Kubin. Après 1 km environ, prendre à droite vers le village de Martinček.

A voir aussi : http://www.apsida.sk/c/326/martincek

PS: pour visiter l’intérieur de cette belle église, un panneau d’information se trouve au-dessus du sentier qui conduit du village vers l’église. Ce panneau renseigne la personne de contact où l’on peut s’adresser (attention, étant donné qu’il s’agit souvent d’un(e) bénévole, la visite de l’intérieur de l’église dépend de la disponibilité). Le site et l’entrée de l’église est gratuit.
Nous vous conseillons de garer votre voiture sur le parking, gratuit, qui se trouve devant la mairie, Obecný úrad en slovaque.

Si vous avez un peu de temps, une petite promenade vous fera apercevoir, au Nord-Est, les ruines du château de Likava et au sud, près de la nouvelle chapelle et au bord de la colline vous avez une très belle vue panoramique avec au loin (sur le côté gauche d‘une cheminée) l’église romane de Tous les Saints de Ludrova-Kút. Sur la route menant de Ružomberok vers Banská Bystrica, le village de Vlkolinec (musée ethnographique en plein air habité, classé au Patrimoine de l’UESCO) est à découvrir. Ces visites sont payantes

Références

Národné kúlturne pamiatky na Slovenska. Okres Ružomberok. Ed Slovart 2008

Gotické kostoly vidiek. Štefan Podolinský. Zostavil : Daniel Kollár. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

55 Najkrajších Gotických pamiatok Slovenska. Stano Bellan, Alexander Vojček. Ed. Vydavateľstvo Priroda. 2009

Ranogotický kostol sv.Martina v Martinčeku. Mária Novotná, Juraj Maták

Dictionnaire d’iconographie romane. Marc Thoumieu. Ed. Zodiaque.

La fresque romane. Paul-Henri Michel. Ed. Gallimard. 1961

Art roman. Norbert Wolf. Ed. Taschen. 2007

L’art roman, architecture, sculpture, peinture. Sous la direction de Rolf Toman. Ed. H.F ? Ullmann. 2004/2007

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Dictionnaire d’Architecture. Mathilde Lavenu, Victorine Mataouchek. Ed. Jean-Paul Gisserot. Gisserot patrimoine. 1999

Dictionnaire des symboles. J Chevalier et A Gheerbrant. Ed. Robert Laffont. 2002

La Sainte Bible. Par Louis Segond. La Société Biblique Canadienne. 1910

Apocalypse de Jean (texte du cours). Jean Hadot. Octobre 1994

Autoatlas Slovenská Republika Supertouring. Freytag et berndt. 12/2011

L’église de Tous les Saints à Ludrova – Kút

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

La vieille église romano – gothique, catholique romaine, de Tous les Saints de Ludrova – Kút (550 m) dans la région de Liptov, est proche de la ville de Ružomberok (env. 1 km). Cette église est située sur la route entre le village de Ludrová et Ružomberok, à un endroit appelé Kút.

L’église de Tous les Saints est un monument historique classé et fait partie du patrimoine culturel slovaque.

Cette église romano – gothique présente un type d’église de village de la période féodale, qui est typique dans la région de Liptov.

L’église de Ludrová, dans le hameau de Kút a environ 700 ans et, selon une hypothèse, elle fut fondée au XIIIe siècle (13.storočia). Il se peut qu’elle ait été construite à l’endroit d’un bâtiment sacré beaucoup plus ancien, selon des fragments de céramiques découvertes datant du Xe – XIe siècle (10 – 11.storočia)

Le terme Kút, signifie, en slovaque Coin, mais je pense que le terme slovaque n’est pas le bon pour cet endroit, car auparavant, la langue officielle, et parlée par la noblesse, était le hongrois, or en hongrois Kút signifie Puits. Il est donc bien probable que cette église fut construite sur un ancien lieu sacré où l’eau avait son importance et que les chrétiens ont donné une nouvelle réaffectation à ces lieux, comme à de nombreux endroits.

Sur le territoire de Ludrová, se trouve la colline Borovnisko comprenant la côte de Strana (630 m) et la côte de Pancova (686 m), où, selon une recherche archéologique réalisée dans le plan du cadastre d’habitations de Ludrová, on y a découvert un lieu fortifié daté de l’âge du bronze et un lieu celte daté du IIIe siècle av JC, période de La Tène.

Un élément surprenant est que cette église se trouve hors du village de Ludrová et était essentiellement fréquentée par la noblesse des environs.

Nous savons aussi qu’au Moyen Âge, à proximité de l’église, se trouvait un chemin utilisé par les marchands. Chemin qui allait de la Hongrie vers la mer Baltique.

Des composants architecturaux particuliers, comme la fenêtre axiale de style roman qui se trouve dans le choeur, peuvent nous faire croire, en effet, que l’église existe depuis le XIIIe siècle (13.storočia).

L’intérieur du sanctuaire est d’une rare beauté avec ses fresques peintes par un artiste inconnu, vers l’an 1420. Les fresques représentent un cycle christologique en 34 épisodes et constituent le plus vaste cycle de la vie de Jésus de Nazareth en Slovaquie.

La construction de l’église est, à l’origine, simple. Elle comporte une nef centrale, un chœur carré comportant une voûte costale et est orientée Est – Ouest.

Au XVe siècle (15.Storočia), on va y adosser une sacristie au Nord ; une nef latérale, avec deux fenêtres de style gothique tardif et la porte d’entrée que nous connaissons aujourd’hui, dans la partie Sud ainsi qu’une tour à l’Ouest. La nef latérale comportera aussi un étage en bois tout comme celui de la nef principale, mais il sera démonté dans les années 1960 au vu de son état de délabrement.
L’église aura son aspect définitif au 17e siècle par la transformation de la tour d’église et la décoration de graffiti en style renaissance.

Le terrain qui entoure l’église est clôturé, pour sa défense, par une muraille de pierre couverte de bardeaux, et comportait comme seules ouvertures des regards dans les murs pour les archers (aujourd’hui rebouchées) et une entrée avec une porte en style classique comportant les monogrammes des nobles Pierre et Morris de la famille Rakovsky.

La famille Rakovsky de Rakovo avait le patronage de cette église et était la propriétaire du village de Štiavnica à Liptov. Un membre éminent de la famille Rakovsky est inhumé dans le sous-sol de l’église. Sur le mur Ouest, on peut voir des stèles épitaphes.

Quelques détails d’architecture de l’église

La nef et l’étage en bois, datant du XVIIe siècle (17.storočia).
Les peintures dans le sanctuaire et sur l’arc de triomphe datent elles du XVe siècle (15.storočia) et sont de style gothique de l’âge d’or.
Dans les années 40 du XIXe siècle (19.storočia), l’église et les fresques ont été restaurées.
Au tournant des XIXe et XXe siècles, les peintures de l’église sont restaurées par le peintre Josef Hanula, puis dans les années 1960 à 1970, par Mikulas Štalmach, restaurateur d’art, qui découvre sur le mur nord de la nef, la plus vieille peinture, un triptyque datant des années 1400-1420.
En 2015 une nouvelle restauration des peintures est effectuée par l’Atelier de restauration de Levoča.

Le plus vaste cycle christologique de Slovaquie datant de 1420

Sur le mur du sanctuaire, un peintre inconnu a, vers l’an 1420, créé un Cycle christologique. En tout, 34 épisodes de la vie de Jésus Christ sont représentés..

Sur la voûte du sanctuaire, nous avons comme décoration dominante : une composition du Jugement dernier à l’Est, le Couronnement de la Vierge Marie à l’Ouest et côté Nord, six apôtres tout comme le côté Sud. On peut aussi remarquer que le Couronnement de la Vierge Marie est surmonté d’un aigle, symbole de saint Jean.

Le mur de l’arc de triomphe est décoré par les figures de quatre saintes – Catherine, Marguerite, Barbe et Dorothée, sur les angles du chœur. Nous y voyons aussi la parabole de l’évangile des vierges folles et des vierges sages (1). Les « vierges sages », par opposition aux « vierges folles » sont celles qui gardent leur lampe allumée dans l’attente de l’époux, c’est-à-dire le Christ. Ici, les « vierges sages » sont reconnaissables car elles portent leur lampe droite alors que les « vierges folles » en sont dépourvues (Mt 25,1-13).

Sur le mur Nord, nous voyons La Cène, en deux versions. L’artiste a subtilement travaillé pour nous les représenter, il utilise la table du repas pour séparer les deux scènes. La première, au-dessus de la table, selon les évangiles de Mathias (Matthieu), Marc et Lucas (Luc), le Christ est à table avec les apôtres. La deuxième, en-dessous de la table, selon l’évangile de Jean, où le Christ lave les pieds des apôtres.

Autre fresque extraordinaire, et représentation rare, sur le mur Sud du chœur, l’épisode de la Pendaison de Jude (Judas).

Sur l’autel, de style gothique postérieure, se trouve la sculpture du Couronnement de la Vierge Marie, datant des années 1510 – 1520. Cependant, aujourd’hui, cet autel se trouve au Musée Liptovske de Ružomberok – Musée de la Région de Liptov, car il fait partie des collections de ce musée depuis 1969.

Dans la nef, sur le mur Nord, nous pouvons découvrir une autre représentation rare et ce qui est probablement les fresques les plus anciennes : le triptyque de la Madone Protectrice, le Christ de Douleur et saint Jean Baptiste, datant des années 1400 – 1420, ainsi que quatre croix de consécration. L’on peut encore apercevoir un reste de deux croix sous la peinture plus jeune sur l’intérieur du mur de l’arc de triomphe.

Quant à l’orgue, daté de 1694, suite à des actes de vandalisme, il fut retiré de l’église. Il se trouve aujourd’hui, en dépôt, au Musée Lipovske de Ružomberok, attendant une restauration.

Les offices se terminèrent en 1953, l’église désacralisée et placée dans le patrimoine du Musée de Liptov de Ružomberok.

A l’extérieur, outre le reste de la fresque représentant saint Christophe sur le mur Est, se trouve un très vieux tilleul, âgé de 400 ans qui, s’il pouvait parler, nous révèlerait beaucoup d’histoires de ce lieu. On trouve aussi quelques vieilles tombes autour de ce vénérable tilleul.

Autour de la fenêtre de la nef latérale, côté Sud, on peut apercevoir quelques fragments de peinture ornementale qui pourrait laisser croire que la façade, ou tout au moins le tour de cette fenêtre, était peint.

Notes

1 Il n’y a ici que trois vierges sages et trois vierges folles alors que dans Mt 25,1-13 il est question de deux groupes de cinq.

Liptovske Museum à Ružomberok : http://www.liptovskemuzeum.sk

Sources

Kostol Všetkých svätých v Ludrovej-Kúte. Svedok stáročí. Mária Anderssonová, Branislav Močáry, Peter Svrček ml, Jozef Vandák. Ed. Branislav Močáry SOVA

Národné kúlturne pamiatky na Slovenska. Okres Ružomberok. Ed Slovart 2008

NB : Les prix indiqués sur la photo sont indicatifs et susceptibles d’être changés.

Skanzen, musée en plein air en Slovaquie

Charles Bugan

Le mot skanzen est un terme qui peut être traduit par musée en plein air et qui nous vient de Suède. C’est dans ce pays, près de Stockholm, qu’est né le premier skanzen, en 1891, dont le concept était de présenter la Suède d’autrefois.

En Slovaquie, plusieurs musées en plein air ont vu le jour au cours du 20e siècle. Ils sont « l’image » ethnographique d’une période passée, pas si lointaine. Ces institutions scientifiques spécialisées ont pour but de préserver la culture populaire sous la forme d’un musée reprenant les bâtiments dans lesquels les habitants du village vivaient leur vie familiale mais aussi la partie professionnelle, sociale, cultuelle et culturelle qui rythmait leur vie.

Ces bâtiments sont issus de l’architecture populaire, cette architecture qui ne connaissait pas d’architecte et encore moins d’urbaniste mais qui était pleine de bon sens, réalisée par de simples gens, ouvriers habiles, ayant une bonne connaissance du matériau disponible dans leur région : le bois. C’est avec ce matériau noble que les menuisiers charpentiers de ces régions ont conçus des bâtisses orientées vers leur usage quotidien pour l’homme mais pour aussi son environnement naturel qui devait lui permettre de subsister dans une nature pas toujours clémente. (1)

Chaque skanzen slovaque à ses particularités, notamment au point de vue ethnique, on peut, dans tel skanzen, découvrir la culture ruthène, dans tel autre la culture de la région d’Orava… de même que l’on peut y découvrir, durant la saison d’ouverture, des activités folkloriques et artisanales le plus souvent avec des personnes en tenues traditionnelles qui pratiquent devant vous les métiers ou travaux d’antan.

Quelques musées en plein air en Slovaquie

Le skanzen de Zuberec

L’architecture populaire est bien représentée dans les musées en plein air. Les visites de ces musées s’accompagnent souvent d’animations organisées durant la saison touristique. Le musée de plein air de Zuberec n’échappe pas à cette règle.
On peut y admirer un ensemble d’une cinquantaine de bâtiments de l’architecture rurale répartis en des zones caractéristiques pour les collections d’habitat ancien de la région d’Orava.

Múzeum oravskej dediny, Zuberec – Brestová

Le skanzen de Stará Ľubovňa

Musée de l’architecture populaire traditionnelle en plein air de Stará Ľubovňa, situé sous le château de Stará Ľubovňa « Ľubovniansky hrad » élevé sur un piton rocheux haut de 711 m, permet de se plonger quelques instants dans les habitations de la région du siècle dernier et par là de se laisser aller à imaginer la vie de ses habitants et c’est toujours avec une certaine émotion que l’on pénètre ainsi dans l’intimité de la vie passée.
De la remarquable église uniate dédiée à saint Michel archange jusqu’au moulin, en passant par la naissance d’un enfant, le mariage, la fête de Noël et… la mort, ce skanzen nous fait revivre les moments forts qui rythmaient la vie des habitants de la région de Spiš, au nord de la Slovaquie.

http://www.hradlubovna.sk/sk/home

Le skanzen – Šarišské múzeum à Bardejovské kúpele

Dans la station thermale de Bardejovské kúpele, 5 km près de la ville de Bardejov, se situe le Musée de l’architecture de la culture populaire de la région de Šariš, cette exposition représente la culture et l’architecture populaire des deux groupes ethniques slaves habités les Carpates orientales en Slovaquie du nord-est : les Ruthènes et les Slovaques.
On peut y voir deux très belles églises en bois de rite gréco-catholique (uniate).

http://www.muzeumbardejov.sk/expozic/skanzen.htm

Le skanzen de Martin

Outre l’intéressant musée ethnographique, la ville de Martin propose un musée en plein air qui offre un regard sur le type d’habitat du siècle dernier dans les régions d’Orava, Turiec, Liptov, Kysuce – Podjavorinské
143 bâtiments, dont 22 sont accessibles, se retrouvent sur une aire de 15,5 ha.
On peut aussi y découvrir l’ancienne église catholique romaine en bois du village de Rudno avec son autel et sa chaire à prêcher.

http://www.skanzenmartin.sk

Le skanzen de Pribylina

Situé sur la route qui mène aux Hautes Tatras – Vysoké Tatry, outre les bâtiments habituels d’architecture populaire, ce skanzen propose la visite d’un manoir du 14e – 16e siècle ; l’église gothique Notre-Dame avec ses fragments de peintures murales originales des 14e et 15e siècles, dont on peut toujours voir aujourd’hui la tour d’origine de cette église près du skanzen archéologique d’Havránok – Liptovská Mara ; une école et dans la partie supérieure une exposition concernant l’exploitation forestière et leur chemin de fer.

http://www.liptovskemuzeum.sk/expozicie/muzeum-liptovskej-dediny-pribylina/

Le skanzen archéologique d’Havránok (Liptovská Mara)

Situé près du lac de barrage de Liptovská Mara, l’archéoskanzen d’Havránok est situé sur un important site de la culture de Puchov. Il propose la reconstruction d’habitats et d’une ancienne fortification de même qu’un sanctuaire avec des traces de rituels religieux celtiques.

http://www.liptovskemuzeum.sk/expozicie/archeologicke-muzeum-v-prirode-liptovska-mara-havranok/

Le skanzen de Svidnik

Situé à l’entrée de la ville de Svidnik, le skanzen est dédié à la culture des Ruthènes et Ukrainiens de Slovaquie.
On peut y voir la très belle église en bois qui se trouvait dans le village de Nová Polianka et construite en 1766.

http://www.svidnik.sk/navstevnik/skanzen

Sites web d’autres skanzens

http://www.kysuckemuzeum.sk/muzeum-kysuckej-dediny

http://www.muzeumhumenne.sk/skanzen.html

http://spmnitra.sk/expozicie-a-skanzen/skanzen

http://www.staratura.sk/gazdovsky-dvor-myjava-tura-luka

http://www.banskyskanzen.sk

http://www.lesy.sk/showdoc.do?docid=6432

Notes

1 Lire notre article sur les constructions en bois de Slovaquie : http://vaheurope.eu/?p=563

Sources

Skanzeny. Iveta Zuskinová. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama. 2008

Gerulata, le site romain

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Nous voici plongé dans le monde de la Rome antique. Le castel militaire romain de Gerulata, qui était situé sur le bord nord de la province de Pannonie, à l’extrémité septentrionale de l’Empire romain était intégré dans le système de fortification du limes romain danubien.

Ce site de Gerulata était composé d’un important camp militaire auxiliaire et d’un village civil où se trouvaient artisans et commerçants.

A proximité du camp militaire de Gerulata se trouvait probablement un gué du Danube et un quai de débarquement, mais les parties du port sur la rivière n’ont pas encore été découvertes.

L’archéosite de Gerulata abrite aussi le Musée de l’antiquité romaine et est sous la gestion du Musée de la ville de Bratislava. Situé à 12 km du centre de Bratislava, dans la rue Gerulatska, dans l’ancienne commune de Rusovce qui, en 1972, est devenue une partie urbaine de la capitale Bratislava.

Depuis 1963, le site archéologique – castel (castellum) militaire romain de Gerulata – est classé Monument culturel national slovaque.

En 2012, le site antique de Gerulata est nominé, avec le vestige du camp militaire romain Kelemantia ou Celamantia d’Iža, près de la ville de Komárno en Slovaquie, dans le projet européen Limes Danubien les frontières de l’Empire Romain (avec la participation de 8 pays européens) pour le titre de patrimoine mondial culturel de l’UNESCO.

Introduction

Pendant près de quatre siècles, les Romains vont ériger, à leurs frontières, des moyens de défense afin de protéger leur vaste empire contre les attaques de leurs adversaires. Le mur d’Hadrien et le mur d’Antonin en Grande-Bretagne. En Europe continentale, la frontière entre l’Empire et les Barbares coïncidait avec le Rhin et le Danube.

Situé précisément sur le moyen Danube, dans la plaine danubienne, sur le bord nord de la province de Pannonie, à l’extrémité septentrionale de l’Empire romain, a moins de 30 km du site important de Carnuntum en Autriche. Le Castellum Gerulata était un de ces moyens de défense construit sur le limes danubien.

A proximité du camp militaire de Gerulata se trouvait probablement un gué du Danube et un quai de débarquement, mais les parties du port sur la rivière n’ont pas encore été découvertes.
Le nom de Gerulata a probablement été pris par les romains aux Celtes y habitant (mentionné aussi comme Gerolota, Gerolate, Gerularis, Gerulara, Gerulatorum).

Ce site d’architecture romaine est le mieux conservé de la Slovaquie. Presque toute l’agglomération antique de Gerulata se trouve sous la zone urbaine médiévale et moderne de la commune actuelle de Rusovce.

Gerulata dans le limes Romain du Danube moyen

Le territoire slovaque actuel, a été peuplé depuis le 1er siècle jusqu’au 4ème siècle par des tribus germaniques et celtiques. Les régions du nord du Danube, en Slovaquie occidentale aujourd’hui, situées dans le voisinage immédiat de l’Empire romain, étaient habitées par les Marcomans et les Quades, tribus germaniques. Sous le règne de Marc-Aurèle et de Valentinien Ier, les légionnaires romains pénétraient profondément jusqu’au Nord, dans la vallée du Váh centrale et dans la vallée du Hron. En 179-180, pendant les Guerres contre les Marcomans, les légionnaires romains hivernaient dans le camp de Laugaricio – aujourd’hui Trenčín. Un texte gravé dans la pierre sous le château de Trenčin le rappelle.

La frontière du Nord de l’Empire romain – de la province de Pannonie – a été formée par le Danube – comme une barrière naturelle fluviale. Le long du parcours du fleuve du Danube, les Romains ont progressivement construit un vaste système de fortifications, les Limes Romanus danubiens, une série de places fortes reliées par une voie de rocade suivant le cours du Danube, jusqu’à son embouchure.

L’incorporation du territoire slovaque à l’empire romain faisait partie du bassin du Danube et dans la commune actuelle de Rusovce, se trouvait l’un des points forts de la frontière romaine danubienne – le site de Gerulata, un important camp militaire auxiliaire ainsi qu’une partie civile avec un arrière-plan économique regroupant artisans et commerçants.

Le castellum de Gerulata est connu par les sources antiques romaines : ltinerarium Antonini Augusti (un guide de voyage, qui recense les villes de l’Empire romain) et Notitia dignitatum imperii romanum (un document administratif romain de l’extrême fin du 4e siècle et début du 5e siècle, où sous le chapitre XXXIV. Dux Pannoniae primae, est mentionné Equites sagittarii, Gerolate (Gerulata). Ce site est aussi mentionné dans la Tabula Peutingeriana, la carte de l’humaniste Conrad Peutinger (1465 – 1547), où l’on retrouve nommée Gerulata, ou Gerulatorum, comme la ville de la Basse Pannonie du 4e siècle après J-C.

L’établissement du camp romain de Gerulata a été mis sur pied pendant le gouvernement de la dynastie d’empereurs romains des Flaviens (de 69 à 96 apr. J-C) et faisait partie du système de défense romain des Limes Romanus du Danube.

La ligne du limes Romain du Danube moyen partait des camps de légionnaires de Carnuntum (Bad Deutch Altenburg et Petronell en Autriche), et se terminait à Ad Flexum (Moson-magyaróvár en Hongrie). Le castel militaire romain Gerulata se situe à environ 28 km de Carnuntum, capitale de la province de Pannonie Superior.

Quatre étapes de la construction du camp militaire romain de Gerulata, du 1e au 4e siècle, ont été identifiées

Première étape

Sous l’ère de la dynastie romaine des Flaviens, de 69 à 96, (surtout pendant un long règne de l’empereur Domitien, de 81 à 96 apr. J-C) jusqu’aux années 70 du 2e siècle.

C’est sous Domitien – Domitianus (81 – 96) que les troupes légionnaires de Carnuntum (légions X, XIV et XV) ont construits le castel militaire Gerulata. Vers la fin du 1er siècle, le site de Gerulata eu une garnison permanente. De cette époque, les restes des bâtiments, peut-être de caractère militaire, ont été préservés. On y a trouvé en effet des briques rouges et des tuiles de construction estampillées du nom des légions romaines qui ont occupés, quelque temps, la localité du camp romain de Gerulata. En 1964, une fortification composée de doubles fossés et de remparts réalisés en terre et en bois a été partiellement identifiée pendant les premières fouilles archéologiques à l’endroit appelé Bergl à Rusovce. Un autre fossé, long de 27 mètres et le coin du camp militaire exposé au sud, sont situés actuellement dans la rue Madarská, derrière l’église évangélique de Rusovce.

Deuxième étape

Vers 170, sous le gouvernement de la dynastie des Antonins et jusqu’à l’empereur Aurélien dans les années 90 du 3e siècle.

Au début du 2e siècle apr. J-C, dans le camp de légionnaires à Gerulata, s’installa la troupe d’élite de cavalerie, l’aile – A la Prima Cananefatum qui comptait environ 500 hommes et était dirigée par un préfet d’ordre équestre. Elle était constituée par les Cananefates, hommes de la tribu germanique vivant dans le delta du Rhin. Ces hommes formaient plusieurs unités auxiliaires dans l’armée romaine. Cette aide permettait d’acquérir, en fin de service, le prestigieux titre de citoyen romain.

L’aile militaire de cavalerie des Cananefates fut établie dans la province de Pannonie après son temps au campement romain de Lopodunum, aujourd’hui Ladenburg en Allemagne.

On trouve aussi la présence d’autres unités comme la IIe légion, la cohorte XVIIIe des volontaires, la Ve cohorte Lucensium Callaecorum, et la Première cohorte d’archers Aelia Sigittariorum.

La deuxième étape de la construction du camp en pierre n’est pas bien connue actuellement, mais sa surface de 150 à 170 mètres dépassait le premier camp romain qui a été construit en terre et en bois. La maçonnerie en pierre de la construction intérieure du camp créait un bâtiment à la fondation carrée avec l’épaisseur d’un mur de 45 à 60 cm. L’un des murs, avec une longueur allant jusque 25 mètres est exposé à l’extérieur du musée d’antiquité de Gerulata.
Plus tard, la partie nord-est du castel et du camp a été détruite par les crues du Danube, mais une partie du mur périphérique est visible au musée. Près du grenier paroissial, la partie de la ligne sud-ouest du mur défensif périphérique, construite en pierre, est large de 2,4 m et profonde de 3,2 m.

Le camp militaire, avec ses quatre portes et quatre tours d’angle, était entouré par les fossés défensifs et les remparts avec des palissades en bois, par les murs avec un système défensif dit « les fosses abattis ».

La porte principale – Porta praetoria était orientée vers l’est (vers l’ennemi), le réseau des voies inférieurs avec le système de canalisation se trouvait sous l’angle droit. La route principale – Via principalis se croisait avec la route – Via praetoria au centre du camp avant le quartier général.

Troisième étape

Elle commence à la fin du 3e siècle (les 30 dernières années du 3e siècle) et jusqu’au 375 ou 380, c’est une période pendant laquelle la reconstruction du camp romain de Gerulata était très fréquente, elle est représentée par le Castel militaire à la fondation presque carrée entouré par un mur d’enceinte en pierre. Le camp militaire était d’une surface de 200 m². Selon une supposition, le mur n° 11 (en direction du nord-ouest) qui est exposé dans l’aire du musée, bordait le port fluvial. Une preuve appréciable archéologique, exposée au musée, est un vestige d’une porte au commencement de la Via Carnuntiana – alors la voie romane reliant le camp de Gerulata avec le camp de Carnuntum (en Autriche).
Dans les 30 dernières années du 4e siècle, sous l’empereur Valentinien, les travaux de fortifications du limes danubien sont conduits par l’officier romain Tempsonius Ursicinus, son nom a été découvert aussi sur les débris de briques estampillées à Gerulata.

Quatrième étape

Après 375 – 380, c’est la période de la construction d’un fort auxiliaire, le castellum, avec des tours (turris) de guet, pendant l’antiquité tardive. L’activité principale des travaux de reconstruction, a été de bâtir un castel au coin nord du camp militaire de Gerulata. La surface totale du castel militaire a été nettement réduite.

Les vestiges de l’architecture romaine sont présentés au Musée d’antiquité de Gerulata, grâce aux résultats des fouilles. Un bâtiment de coin de 29 à 30 mètres a été identifié, situé au nord du fort militaire romain du 4e siècle, et à l’intérieur 12 colonnes en pierre entourent l’atrium avec un puits en pierre ou un bassin situé asymétriquement en son centre. Les colonnes avaient un soubassement maçonné de 3 à 4 mètres, de même que les murs périphériques avec leur épaisseur de 240 cm composant le fort auxiliaire de Gerulata. Cela fait penser qu’il s’agissait d’une structure à trois étages.
Pour la construction de cette fortification, des pierres sculptées (pierres tombales, stèles, etc. aujourd’hui exposées dans le lapidaire du musée) ont été utilisées secondairement.

La zone civile – le vicus

Il semble que sur le site de Gerulata, l’agglomération civile, le vicus, avait dans son épanouissement, une population que l’on peut estimer à environ 3000 habitants.

Le vicus entourait le camp militaire de trois côtés. Le quatrième côté « decumate » était situé vers la rivière.

Fin du site antique de Gerulata

Il semble, que le site de Gerulata, l’ancien camp militaire (castellum) et la partie civile (vicus) ont été abandonnés par ses habitants après la chute de la puissance romaine et à la suite d’invasion barbares. Les fédérâtes romains Goths se sont installés dans l’aire de Gerulata (le cimetière lombardien découvert a livré plus de 166 tombes datant du 5e au 6e siècle), puis le site sera occupé par les Slaves au 7e siècle. Ils vont s’y installer et repeupler ce site et lui donner un nouveau nom : Rusovce.

Les Fouilles

L’ancien site de Gerulata comprenait, selon les découvertes :

– le Castel militaire romain et le camp militaire ;
– les tours de guet et de signalisation ;
– le quai sur le Danube ;
– les hameaux romains civils (Vicus) ;
– les nécropoles romaines situées extra pommerium – aux bords des routes en limite des agglomérations ;
– les fermes agricoles ;
– les maisons de campagne luxueuses du type la Villa Rustica, les vestiges étaient situés à Čuňovo, ils furent découverts pendant la construction de l’autoroute D2 (autoroute qui va de la frontière tchèque à Bratislava vers la Hongrie) au sud près de Rusovce ;
– le site de campagne antique et la villa rustiqua de l’époque des Sévères de 193 à 235 – qui font partie de l’ancien environnement agricole de Gerulata.

Les fouilles dans le temps

Les premiers sondages archéologiques à Rusovce commencèrent à la fin du 19e siècle, en 1888, sous Agost Sötter, archéologue hongrois. Quelques trouvailles sont exposées au musée hongrois à Mosonmagyaróvár.

Après 1947, les archéologues slovaques commencent fouiller à Rusovce.

Quand en 1961, sur le lieu dit Bergl, une petite colline derrière l’église de Sainte Magdalena à Rusovce, pendant des travaux de construction, on découvre, par hasard, les vestiges de l’aire du bourg avec un double fossé défensif romain. Ce site a été assuré par des fouilles préventives. Mais la trouvaille exceptionnelle d’une pierre épigraphique avec le nom en latin Gervlata (Gerulata), confirmait l’existence d’un camp militaire romain et donnait une impulsion pour la fondation d’un musée archéologique in situ. Ces vestiges d’antiquité reviennent alors sous le patrimoine archéologique slovaque.

Depuis 1964, des fouilles sont programmées à Rusovce sous Jan Dekan (de 1965 au 1972) et de 1976 au 1987 sous Ladislav Snopko.

En 1998 et en 2000, les fouilles permettent la découverte du coin du camp romain à l’orientation sud-est et la ligne du double fossé défensif dans un périmètre de 27 m de long sur la rue Maďarská à Rusovce. A l’intérieur de ce camp romain, les casernes et les baraques des hommes ont aussi été fouillées.

En 1965, à Rusovce, 3 cimetières de l’époque romaine ont été découverts ainsi que des tombeaux d’inhumation, et d’incarnation. Les tombes les plus anciennes datent de la seconde moitié du 1er siècle, la plus jeune de la fin du 4ème siècle.
Selon les résultats des fouilles archéologiques réalisées dans les années 1990 – 2002 à Rusovce, les vestiges du camp militaire romain de Gerulata et le noyau d’une agglomération résidentielle civile de l’époque romaine, se trouvaient pratiquement sur tout le territoire de l’actuelle commune de Rusovce.

Dans la partie du vicus, l’agglomération civil romaine, près de la voie romaine, allant vers Carnuntum, capitale de la province Pannonie Supérieure. Selon les dernières fouilles, là ont été trouvées des bâtiments en briques crues mais aussi des vestiges d’architectures en pierres avec les fragments de riches peintures murales intérieures, des canalisations et des pièces particulièrement bien conservées ayant été chauffées par hypocauste.

Pour l’instant 5 cimetières antiques situés extra pommerium – derrière les remparts, ont été retrouvés. On y trouve des tombeaux de type d’incinération, d’inhumation, et combinés. Les tombes les plus anciennes ont été retrouvées sur le cimetière n° II. Les tombeaux sont en forme de fosse simple, de cryptes en briques, de sarcophages, de cryptes en pierres. La combinaison d’inhumation et d’incinération des morts sur les nécropoles de Gerulata, est typique pour l’époque du Haut Empire Romain.

Une coexistence de la population romanisée et des Germains est documentée dans la nécropole n° III, actuellement sur la rue Kovacsova, en direction du sud du cimetière actuel de Rusovce.

En 2003, une nécropole de l’époque de l’invasion barbare a été fouillée dans le cadastre territorial, dans la localité de Pieskový hon, de Rusovce. Parmi les 166 tombeaux, probablement Lombards ou germains, on découvrit aussi des tombes de chiens et de chevaux.

Des noms latins

Quelques noms de citoyens romains et de militaires ont été découverts à Gerulata (34 noms sont publiés). Ils appartenaient à l’unité auxiliaire – Ala Prima Cannanefatium – constituée de la cavalerie et de l’archerie romaine :

Marius Firmus – praefectus alae – préfet d’aile
P.Gavius Balbus – préfet
L.Crepius Paulus – préfet
Aelius Tutor – stator de l’Ala Prima Cannanefatium
Marcus Antonius Iulianus – stator de l’Ala Prima Cannanefatium de Gordiannus
Maximus – praefectum statorum de l’Ala Prima Cannanefatium
Titus Flavius Surillo – praefectum statorum de l’Ala Prima Cannanefatium
Titus Magnis – praefectum statorum de l’Ala Prima Cannanefatium de Sévère
Flavius Attius – buccinatore (trompettiste) musicien
Adiutor – nom sur la stèle d’un cavalier, tombé à l’âge de 42 ans. Il était au service des troupes auxiliaires pannoniennes participantes à la guerre contre les Maures dans la province romaine de la Maurétanie Césarienne sous Antonin le Pieux (règne de 138 à 161).

Le musée de l’antiquité romaine

Le musée de l’antiquité romaine Gerulata de Bratislava-Rusovce, présente les pièces les plus spectaculaires découvertes in situ lors des prospections et des fouilles systématiques qui y sont conduites depuis 1964.
Ces découvertes révèlent le passé romain de Gerulata. De l’imposante architecture antique, en passant par des objets de la vie quotidienne et des objets de la religion romaine et des cultes orientaux. Les fragments de statues et de reliefs romains, les chapiteaux et les fragments de colonnes, les fragments épigraphiques en pierre, les pierres tombales, les stèles, les autels votifs, les amphores, les lampes, les armes, les pièces de monnaies sont exposées dans le musée. On y retrouve, par exemple, un denier d’argent à la mémoire de la XIXe légion massacrée par les germains pendant la bataille de la forêt de Teutoburg en l’an 9 apr. J.-C.

Les artefacts archéologiques romains du 1er au 3e siècle apr. J-C, découverts à Gerulata

Le fragment du récipient aux serpents est considéré comme une preuve de l’existence d’un culte d’Orient du dieu perse de la lumière et du soleil, le dieu Mithra, dans le camp militaire romain Gerulata.

Les fragments des autels de la religion romaine : les autels de dédicace en latin de Jupiter Dolichenus, des fragments d’autel avec inscription votive.

Les autels dédiés au culte impérial de Salus Augusta – Salut d’Auguste, introduit après la mort d’Auguste en 14 apr. J-C. Le Sénat lui accorda l’apothéose et le plaça au rang des dieux. Les habitants dans les provinces rendaient un culte à la déesse Roma, désormais ils offrirent des sacrifices à Rome et à Auguste.

L’autel consacré à la triade divine de Jupiter, Junon et Minerve.

Le fragment d’autel de dédicace en latin de Silvanus, le dieu Silvain. Dans la mythologie romaine, il est le dieu tutélaire des forêts et des arbres, gouvernant les frontières entre le monde sauvage et celui des humains : Silvano Deo Sancto Viatori – Silvanus, dieu protecteur des voies.

Les fragments d’autel du culte d’Orient consacré à la déesse Cybèle. Culte de la Grande Mère des dieux, Matri Magnae Deum. (1)

La pierre tombale comportant un relief du dieu Attis, le dieu phrygien de la végétation dont le culte était inséparable de celui de Cybèle (2).

Un fragment d’autel du culte d’Isis, déesse de la fertilité d’origine égyptienne. (3)

Le motif des personnages mythiques Dédale et Icare.

Un relief monumental polychromé d’une pierre tombale – une pierre calcaire de 103 x 90 x 22 cm – datant de la fin du 1e siècle et du début du 2e siècle, découvert dans les ruines du site antique de Gerulata, représente le symbole mors immatura, mort d’un jeune ou le symbole d’un destin tragique.

Un récipient anthropoforme. Il s’agit d’un objet cultuel de Clotho ou de la parque Nona, en latin Neuna Fata, la fileuse de la destinée humaine, l’une des trois parques dans la religion romaine.

Les motifs d’animaux, représentés sur des reliefs : cheval, lion, taureau, aigle, dauphin, hippocampe et griffons (animaux mythologiques) ainsi que d’autres motifs végétaux comme l’acanthe, le lierre, la vigne, la pomme de pin, la grenade…

Notes

1 La déesse anatolienne Cybèle arrive à Rome vers 204 avant J-C.

2 le culte d’Attis était répandu à Rome au 3e siècle.

3 Les mystères d’Isis exercèrent une grande influence dans la Rome antique (l’empereur Caligula s’intéresse au culte d’Isis au 1ère siècle) : Isidi Magnae Matri Deum Sarapidi, Isis, la grande déesse des dieux et Sarapis.

Références

Rímske kamenné pamiatky Gerulata. Metské muzeum v Bratislave. Archeologický ústav SAV. Jaroslava Schmidtová, Jitka Jezná, Anita Kozubová, Venované pamiatke prof. PhDr. Radislava Hošeka, Csc. Bratislava – Nitra 2005

Rímsky Vojensý Tábor Gerulata, Bratilava Rusovce

Frontières de l’Empire Romain. David J Breeze, Sonja Jilek, Andreas Thiel. Published by Historic Scotland, UK and Deutsche Limes kommission, Germany Edinburgh – Esslingen – Wien 2005

Dunajský limes na Slovensu – Rímske antické pamiatky na strednom Dunaji. Rímsky vojensý kastel Gerulata v Bratislave-Rusovciach. Schmidtová J., Gáfriková O., Pinčíková Ľ. Pamiatkovy úrad Slovenskej republiky. www.pamiatky.sk

Carnuntum, c’était il y a 2000 ans. Archäologischer Park Carnuntum Betriebsges, mbH

Le Limes, les frontières de l’Empire romain. Bertrand Borie. Histoire Antique et Médiévale n° 65 janvier/février 2013. Editions FATON

PS : L’archéosite Gerulata abrite le Musée de l’antiquité et est sous la gestion du Musée de la ville de Bratislava (Bratislava City Museum) :

http://www.muzeum.bratislava.sk

http://www.muzeum.bratislava.sk/anticka-gerulata-rusovce/d-1019

Chaque année au début du mois septembre, dans le musée de l’antiquité de Gerulata, se déroule l’animation « Jeux romains » (Rímske hry) un spectacle qui, depuis 1999, est une représentation de la vie dans une ville romaine. Ce spectacle est assuré par des étudiants en arts dramatiques de Bratislava.