Mgr Alice Hura – Charles Bugan
Situation
Le village est situé à l’Est de la Slovaquie sur la partie nord du massif de Popričné (1024 m d’altitude) des Beskydes, dans le vallon érosif d’un cours d’eau des monts de Vihorlat. Le territoire du village se trouve entre 360 et 984 m d’altitude et il s’étend sur une superficie de 1059 ha. Nous sommes à 2 km environ de la frontière avec l’Ukraine occidentale et à 530 km de la capitale slovaque Bratislava.
Histoire
Bien que le village existât (1) avant la première mention écrite connue du village d’Inovce date de l’année 1555, lorsqu’il avait pour nom Inoc. Le village fut fondé par les colons valaques (ruthènes) au service des nobles de la ville de Humenné (en hongrois Hommona). Le village fut la propriété d’une famille noble de Humenné, les Drugeth du comté de Zemplin (Georg III Drugeth, 1583 – 1620, était le mari de Catherine Nádasdy, fille d’Elisabeth Bathory). Les Drugeth étaient alors une des familles les plus riches de la Hongrie royale. Mais, à l’époque la région était difficilement accessible, c’est pourquoi ce village jamais compté beaucoup d’habitants. Puis, au 18e siècle, son propriétaire était la famille lbranyi et au 19e siècle, la famille Izépi.
(1) Selon la tradition, le village existait bien avant 1500 et il aurait été composé de 200 maisons et environ 2000 habitants à l’époque (bûcherons, bergers, éleveurs, fruiticulteurs).
En 1700, le choléra a frappé le village et donc aussi les habitants. Par conséquent, en 1715, il n’y avait plus que 14 ménages.
En 1787, le village était composé de 27 ménages et 163 habitants. En 1828, 34 maisons et 251 habitants. Les habitants du village vivaient de l’élevage de bestiaux, de la culture des arbres fruitiers et travaillaient en qualité de bucherons.
Le 31 décembre 2005, il y avait 234 habitants.
Dans le village, sur la pente au-dessus du village d’où s’ouvre une vue magnifique sur la campagne, il y a une remarquable église en bois consacrée à l’archange Saint Michel construite en 1836 et qui est aujourd’hui classée monument culturel national slovaque.
Le personnage célèbre du village est sans conteste Móric Ballagi (18 mars 1815 – 1er septembre 1891). Originaire d ‘lnovce, il fut pédagogue, rédacteur et publiciste.
L’église de l’Archange Saint Michel
Il s’agit d’une église de rite gréco-catholique (uniate) qui est classée monument culturel national. Les offices s’y déroulent toujours de nos jours.
A l’origine, cette église en bois se trouvait, selon les documents de la commune, dans le village de Baškovce. L‘église a été démontée et transférée en 1836 du village de Baškovce au village d‘Inovce, où elle a été rebâtie sur le sommet d’une colline, mais elle fut encore démontée et transférée sur son site actuel.
Comme on le verra, l’ensemble de l‘église est un exemple type de construction avec une influence byzantine mélangée avec l’art et surtout la peinture baroque et classique du début du IXXe siècle.
Extérieur de l’église
C’est une construction en bois érigée en 1836 et réalisée avec des madriers, de type « triple espace » comprenant sanctuaire – nef – babinec (2), avec un plan carré, un espace fermé sous la haute tour – le babinec (pièce d’entrée) – et un chevet polygonal.
(2) Babinec,est une expression issue du mot slave « baba » – femme, qui indique l’endroit qui leur était réservé. C’est là où les femmes « âgées » allaient s’asseoir pendant l’office.
L’art du travail des charpentiers, visible, est remarquable car les madriers sont assemblés en queue d’aronde ou chevillés, mais jamais cloués. (3)
(3) Dans les constructions d’églises en bois en Slovaquie, il n’est pas fait usage de parties métalliques dans l’assemblage des éléments en bois par respect de la symbolique qui fait référence aux clous en fer qui ont servi à la crucifixion du Christ.
Les fondations sont en pierres. (4)
(4) Les pierres sont utilisées pour isoler la structure en bois du sol (humidité) mais elles permettent aussi de construire l’édifice sur un plan horizontal correct.
Le toit en croupe (débordant), est couvert de bardeaux. Il descend si bas que la fenêtre de la nef située sur le côté sud est insérée comme une niche dans le versant du toit.
Une caractéristique intéressante se retrouve dans la conception de la construction de l’édifice : cette église à deux tours. (5)
La plus haute est située sur le babinec, le porche d’entrée de l’église. Bien qu’elle soit renforcée par des soutiens en bois, elle ne comporte pas de cloche (6). L’autre, plus petite, est située au-dessus du sanctuaire. Ces deux tours sont en forme de bulbe de pavot et chacune est surmontée par une croix à trois branches.
(5) On retrouve cette caractéristique sur d’autres églises uniates en bois de l’Est de la Slovaquie comme à Ruská Bystrá, Uličské Krivé, Ruský Potok, Topoľa, Hrabová Roztoka. En général, on retrouve 3 tours sur les églises de rite orthodoxe ou gréco-catholique.
(6) Une photo en noir/blanc probablement antérieure à la restauration de 1960 montre sur cette haute tour des abat-sons ce qui voudrait dire qu’auparavant cette tour était bien un clocher. Des problèmes de stabilité de l’édifice sont certainement à l’origine de l’enlèvement de la cloche et de son placement dans le clocher extérieur. On peut voir aussi que la porte d’entrée n’est pas celle d’aujourd’hui.
L’église a été partiellement réparée dans les années 1990. Lors de la restauration quelques poutres ont été changées ainsi que des bardeaux du toit.
A côte de l’église, on trouve outre un clocher en bois de construction plus récente et considéré comme une composition populaire, un calvaire en pierre face à l’entrée de l’église et sur le côté Nord, le cimetière. L’aire est terminée par des tilleuls (arbre sacré des slaves) imposants.
Intérieur de l’église
Le babinec
L’entrée de l’église est créée par une seule porte battante avec une garniture en fer originale (lire plus bas « en sortant… »). Elle ouvre directement dans la pièce d’entrée, le babinec. Là, on peut y voir un appareil bizarre, il s’agit d’un « rapkač » (photo 15) – une grande crécelle sur pied (en 2013, il a plus de 100 ans). Ce rapkač est utilisé avant Pâques, car les cloches sont « muettes », dès lors, on appelle les fidèles pour l’office en actionnant le rapkač.
La nef
La nef a un plafond plat composé de planches maintenues par des lattes.
La lumière naturelle pénètre dans la nef par une petite fenêtre située côté Sud.
Comme souvent, ce qui frappe le visiteur est l’iconostase et ici, on remarquera rapidement que la porte royale ne se trouve pas au centre de l’iconostase, elle est légèrement décalée vers la droite. En raison de contrainte d’espace l’iconostase ne possède qu’une seule issue – la « porte » diaconale qui permet d’accéder au sanctuaire.
Sur le mur du nord (gauche), on peut voir une croix et une bannière de procession.
L’iconostase
En raison du manque d’espace dans l’église l’iconostase a été créé incomplet, il manque la partie supérieure de l’iconostase, le registre des prophètes et le Calvaire. On remarquera que les icônes sont affectées par l’impact de la peinture occidentale, ce ne sont donc pas des icônes classiques.
Cette iconostase est une richesse d’art populaire de style néobaroque qui date de la construction de l’église (1836). Les auteurs des icônes sont anonymes mais les œuvres qu’ils ont laissées sont de toute beauté.
Les petites dimensions – largeur et hauteur – du mur oriental de la nef ayant empêché le développement de l’iconostase et donc de l’iconographie au grand complet. Cela donne une originalité rare de l’iconostase incomplet (trois registres seulement) et asymétrique.
L’iconographie et l’autel ont une architecture polychrome en bois avec une porte royale – du Tsar – de la moitié du XIXe siècle.
La porte royale
La porte royale, en blanc et or, est sculptée et comporte 6 médaillons (2 x 3). Sur les deux médaillons supérieurs nous avons l’Annonciation avec, à gauche, la Vierge Marie et à droite, l’archange Gabriel. Les quatre évangélistes sont représentés sur les quatre autres médaillons.
La porte royale ou porte du tsar est réservée aux prêtres (popes) ou au tsar pour se rendre dans le sanctuaire.
Premier registre
A droite de la porte royale, l’icône du Christ Pantocrator qui date de 1760 – 1780. Puis, l’icône de l’archange saint Michel, peinture à l’huile (80 X 70.cm) de 1842
A gauche, une Vierge à l’enfant de type Hodigitria puis, après la « porte » diaconale, saint Nicolas évêque.
Deuxième registre
Il est consacré aux grandes fêtes liturgiques et comporte en son centre et donc presque au-dessus de la porte royale, la représentation de la Cène.
Troisième registre
Le troisième registre comprend en son centre le Christ en Grand Prêtre entouré d’apôtres et martyrs.
Cette série termine l’iconostase.
On retiendra que toutes les icônes sont marquées par l’influence de la peinture occidentale qui donne une approche classique du travail de l’icône significativement différente de la tradition iconographique, style que l’on retrouve également dans le sanctuaire avec l’icône de la Piéta et la scène de la crucifixion sur le table de liturgie eucharistique.
Le sanctuaire
On trouve dans le sanctuaire un autel et une table liturgique.
L’icône sur l’autel est une Pietà datée de 1842 dont l’auteur est le peintre Michal Mankovič, ancien élève de l’Académie de Vienne (Kunstakademie).
Côté Sud se trouve une peinture sur bois (de 70 cm sur 80 cm) du Christ Pantocrator, qui est l’un des plus anciens tableaux, il s’agit d’une icône peinte par un auteur inconnu entre les années 1760 et 1780.
Au-dessus de l’autel s’élève la deuxième tour
La lumière pénètre dans le sanctuaire au travers de deux très petites fenêtres percées sur les murs du sud et du nord-est.
En sortant de l’église, ne manquez pas de remarquer la poignée de la porte d’entrée : elle est en forme de poisson, un des premiers symboles chrétiens. Quant à la porte, elle symbolise le soleil, la lumière alors que l’on se trouve à l’ouest, soleil couchant. Le soleil est en forme de losange !