Sainte Barbe, le 4 décembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Sainte Barbe – Barbora en slovaque, est fêtée le 4 décembre. Vierge et martyre, elle est la protectrice des mineurs, des artificiers, des artilleurs et des fondeurs. En Slovaquie elle était une sainte très vénérée et de nombreuses peintures ou sculptures ont été réalisées. Reconnaissable aisément par ses attributs que sont le glaive, un ciboire surmonté d’une hostie, une couronne, la palme de martyre et, le plus souvent, avec une tour à une, deux ou trois fenêtres (parfois sans) située près d’elle. Elle est représentée seule ou aux côtés de sainte Catherine d’Alexandrie, de sainte Marguerite d’Antioche et de sainte Dorothée.

Le jour de Sainte-Barbe est un autre jour de « sorcières » dans la croyance populaire slovaque, et la visite d’une femme, tôt le matin, est mal perçue. Par contre, la visite d’un homme est bénéfique, car il protégera la maison contre les sorcières. Cette croyance populaire était répandue dans une partie de la Slovaquie centrale.

En ce jour, autrefois, dans les campagnes slovaques, les femmes ne filaient pas, ne cousaient pas, ne préparaient pas les plumes pour les édredons, parce que ce travail pouvait être sous une influence néfaste des sorcières. C’était une interdiction superstitieuse de prévention contre les maladies du bétail à cornes, pour éviter qu’ils se blessent entre eux avec les cornes et aussi de prévention contre la perte de moutons dans la bergerie.

Une ancienne coutume slovaque, favorable pour les garçons, existait dans la vallée haute du Hron – région de Horehronie. Tôt le matin ils se regroupaient et formaient un cortège le jour de Sainte-Barbe. Ils allaient de porte en porte dans le village, avec un outil en acier ou en fer appelé oceľa ou ocieľka en main, cet outil en métal symbolisant la bonne santé. Alors, ils souhaitaient tout le bien et la bonne santé pour les habitants de la maison et en reconnaissance le maître de maison donnait quelques pièces de monnaies, car leurs visite était bénéfique, elle apportait la protection dans la maison contre les sorcières.

Une coutume un peu isolée dans le milieu rural des régions de Nitra et de Trenčín, était le cortège de Sainte-Barbe des filles ou jeunes femmes déguisées, appelées Barborky parfois accompagnées aussi par des garçons déguisés et vêtus d’une longue chemise blanche, le visage caché sous un voile. Les Barborky entraient dans les maisons du village avec le même rituel que le cortège des personnages déguisés, appelés Lucies le 13 décembre. Là, chaque Barborka – membre du cortège des Barborky, pourvue d’une aile d’oie1 ou d’une balayette composée de plumes d’oie qu’elles tiennent en main, elles vont, symboliquement, épousseter dans la maison. Le but de ce rituel est de chasser et de « nettoyer » le ménage qui pourrait être sous l’influence des puissances obscures néfastes.

Autre part, dans la région de Považie – région de la vallée du Váh, il y avait le cortège de quatre filles déguisées en Barborky. Le soir à la veille de la Sainte-Barbe, elles entraient dans la maison du village où étaient rassemblées des fileuses et si de jeunes hommes étaient présents, ils étaient frappés avec des cuillères en bois par les Barborky. Puis, elles dansaient en mesure rythmé sur les coups des cuillères en bois. Parfois il y avait un garçon portant un déguisement fait de gerbes de paille cousues (manches et jupon) qui dansait avec elles.

En milieu minier, sainte Barbe était une sainte très populaire. C’était la sainte patronne des mineurs, elle était/est invoquée contre le feu, la foudre et la mort subite.

Ce-jour-là, selon des traditions, les jeunes mineurs des environs de la ville minière de Banská Štiavnica, allaient de porte en porte dans les maisons du village minier en chantant des chants de Koleda, et invitaient les filles à chanter des cantiques de Noël.

Dans la commune de Radošiná – district de Topoľčany -, la veille du jour de Sainte-Barbe, de même qu’à la veille de la Saint-Nicolas et de la Sainte-Lucie, les garçons ou les jeunes hommes déguisés avec des masques allaient de porte en porte dans les maisons du village en silence, pour restent inconnus, et jouaient la mascarade. Dans les environs de Topoľčany, deux filles déguisées en Barborky, l’une tenant des plumes d’oie, la deuxième avec un balai entraient en silence dans la maison, balayaient le sol et époussetaient des coins et les murs pour les débarrasser des toiles d’araignées, et ressortaient toujours en silence.

Dans d’autre village, comme à Šurianky, dans le district de Nitra, le cortège de Sainte-Barbe des garçons déguisés et jouant la mascarade étaient accompagnés de la musique d’un accordéoniste et les jeunes hommes dansaient avec chaque personne rencontrée dans la rue du village.

La coutume de Bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe

Il est aussi d’usage, en ce jour de la Sainte-Barbe, de mettre un rameau d’arbre fruitier – soit un cerisier, soit un griottier, prunier ou pommier – dans une cruche contenant de l’eau afin d’obtenir des pousses et une floraison le jour de Noël. Si c’est le cas, l’année sera bonne pour l’agriculture et les arbres fruitiers.

Dans le village de Zámutov, dans le district de Vranov nad Topľou, une coutume du jour de la Sainte-Barbe est appelée la Plantation des cerisiers. Un membre de la famille de la maison coupe pour chaque membre de la famille un rameau de cerisier. Chaque rameau de cerisier est identifié avec chaque membre de la famille, et est marqué de son nom. Les rameaux de cerisier sont posés ensemble dans un vase sur un endroit chaud et on attend jusqu’à la Noël. Si une branche de cerisier fleurit avant la Noël, cela signifie une longue vie pour le membre de la famille dont le nom est inscrit.

Aujourd’hui, les anciennes coutumes des fêtes agraires et cultuelles sont présentées par les groupes folkloriques locaux et par les ensembles des danses et chants populaires slovaques surtout lors des festivals folkloriques. Par exemple, au village de Zámutov, où dès 1964, le groupe folklorique Zamutovčan, a continué à développer et présenter les traditions populaires de ses ancêtres de la région de Haut Zemplín.

Mais parmi les traditions conservées jusqu’à nos jours dans la population slovaque, la coutume la plus populaire et toujours en cours, bien que parfois adaptée à nos temps modernes, est la coutume de Bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe. C’est ainsi que dans la région de Liptov, dans le village montagnard de Vlkolínec2, la coutume est de faire bourgeonner des rameaux de Sainte-Barbe à partir du prunellier ou épine noire (Prunus spinosa), tandis qu’à 10 kilomètres, dans la ville de Ružomberok, ce sont des rameaux de forsythia.

C’est ainsi que ces rameaux fleuris sont devenus une partie décorative de Noël dans les maisons slovaques.

Dans la population plus âgée, pour la plupart, le rituel de manger de l’ail fait souvent appel à la vertu curative de celui-ci, mais sert aussi parfois de prévention contre des maléfices…

Mais, aujourd’hui, et comme en d’autres lieux, la mascarade des Barborky a subi l’influence du tourisme et se déroule le plus souvent à l’occasion de festival folklorique.

Dictons populaires pour la météo

Il y a aussi quelques pronostics slovaques de prévisions populaires météorologiques. On disait « Tel temps est au jour de la Sainte Barbe, tel temps sera jusqu’à Noël » ; cela signifie un temps stable pour les prochaines semaines ou : « sainte Barbe tire la luge dans la cour de la maison », cela signifie que les premières neiges arrivent sur les hauteurs de pays.

Notes

1 Une aile d’oie était un outil utilisé habituellement avant la cuisson de pains pour « dépoussiérer » le four à pain domestique. Des plumes d’oie assemblées et maintenues par une ficelle formant un pinceau était aussi utilisé comme pinceau de pâtisserie.

2 Vlkolinec est un village constitué de maisons en bois, situé près de la ville de Ružomberok et qui, en sa qualité de réserve historique d’architecture populaire, est inscrit au Patrimoine de l’UNESCO depuis décembre 1993.

Eglises dédiées à sainte Barbe en Slovaquie

L’église franciscaine (18e siècle) de Žilina est dédiée à sainte Barbe.
Dans la Chapelle de Sainte-Barbe de l’église gothique paroissiale de Banská Bystrica, ancienne ville minière, se trouve un autel-retable en bois de type armoire avec ailes mobiles qui provient de l’atelier de Maître Paul de Levoča (16e siècle). Le centre de l’armoire est rempli par un groupe de statues sculptées de la Vierge Marie, de Saint Hiéronyme (Jérôme) et de sainte Barbe. Les ailes du retable sont peintes avec des épisodes de la vie de Saint Hiéronyme et de Sainte Barbe.
Dans l’église gothique Saint-Égide à Bardejov, on y trouve un retable de 1460, dédié à sainte Barbe. Elle y est représentée en compagnie d’autres saintes : Catherine d’Alexandrie, Marguerite d’Antioche, Cunégonde et Lucie.
Dans le skanzen – Musée en plein-air du village de Liptov à Pribylina se trouve l’ancienne église dédiée à la Vierge Marie du village Svätá-Mara disparu sous les eaux du barrage de Liptovská Mara. A l’intérieur se trouve le retable des Quatre Vierges et Martyrs, daté de 1677. Sainte Barbe est accompagnée de sainte Élisabeth de Hongrie, sainte Catherine et sainte Marguerite d’Antioche.
Dans le village de Hervartov, se trouve l’église en bois classée de l’UNESCO, à l’intérieur se trouve le retable principal en bois peint de la Vierge Marie accompagnée de sainte Barbe et de sainte Catherine, daté de 1460-70.
Dans l’ancienne église gothique de Tous les Saints à Ludrová-Kút, de 2 km près de la ville de Ružomberok, on peut voir la fresque de sainte Barbe peinte sur l’intrados (début du 15e siècle).
Le Musée de Liptov (Liptovské múzeum) à Ružomberok, abri le retable principal en bois polychromé de cette église avec le panneau peint (vers 1527) où se trouve sainte Marguerite d’Antioche, sainte Catherine d’Alexandrie et sainte Barbe, avec ses attributs, le calice et l’hostie.

Voir :

www.liptovskemuzeum.sk/expozicie/muzeum-liptovskej-dediny-pribylina

www.vlkolinec.sk

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Photos: Alice Hura, Charles Bugan

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradície. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Zuzana Drugová, 2008. Slovak-edition – Ottovo Nakladatelstvi. 2009

Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004

Kostol Všetkých svätých v Ludrovej-Kúte. Svedok stáročí. Mária Anderssonová, Branislav Močáry, Peter Svrček ml, Jozef Vandák. Ed. Branislav Močáry SOVA

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Autels dans les collections des musées et des galeries en Slovaquie et en Bohême. Galerie Nationale Slovaque Bratislava. Ed. i+i print, Bratislava. 1991

La légende dorée. Jacques de Voragine. Ed GF Flammarion. 1967

Le livre des Masques. Michel Revelard, Guergana Kostadinova. Ed. La Renaissance du livre. 1998

Saint André, le 30 novembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le jour de la Saint-André, le 30 novembre, nous sommes entrés depuis peu dans la période dite « jours des sorcières » lesquels sont aussi perçus comme « jours magiques ». Lire notre article de la Sainte-Catherine, qui est le premier de ces jours fascinants de la superstition populaire slovaque.

Des siècles de misères, de souffrances et de peurs ont amenés les famines, les épidémies de pestes et les guerres, lot quotidien de la population, d’où un immense besoin de protection. L’apport de la spiritualité chrétienne médiéval, avec le culte des saints, des reliques…va intégrer, remplacer les coutumes archaïques, les superstitions populaires sans toutefois les supprimer complètement. La magie bienfaisante est donc une réponse à une situation d’insécurité et de peur dans le milieu rural à l’époque féodale et dans les temps qui vont suivre car la plupart de ces rites étaient encore très vivaces jusqu’à la seconde guerre mondiale. Par après, elles vont se dissiper pour ne plus être, de nos jours, que des occasions de faire la fête, quoique…

Les interdictions superstitieuses

Jadis, le jour de Saint-André, les femmes du village ne pouvaient pas filer. Cette superstition était en vigueur dans toute la Slovaquie. On croyait qu’enfreindre cette règle provoquerai la maladie de tournis chez les moutons ou l’arrivée d’un loup dans le troupeau de moutons.

Le jour de la Saint-André les gens évitaient de prêter quelque chose de la maison où habitait un homme portant le prénom André. On croyait qu’enfreindre cet usage allait provoquer un désastre dans leurs biens.

Dans la région de Horehronie – la vallée haute du Hron, les filles brisaient de vieilles marmites en argile sur la porte de la maison où habitait une personne prénommée André.

Dans la région d’Orava, les filles jouaient de mauvais tours amusant en guise de revanche vis-à-vis des jeunes hommes après la Sainte-Catherine.1

Le jour de la Saint-André, on observait d’anciens rituels des bergers, typiques pour les campagnes que l’on retrouvera aussi pendant les autres jours important en Slovaquie, notamment dans la région de Liptov. Les bergers visitaient les maisons du village et offraient une vergette d’une botte d’osiers pour chaque maitresse de maison qui aussitôt fouettait légèrement les jambes des bergers en exprimant des souhaits de bonne santé et de rester agile pendant la garde des moutons.

Dans le Hont au sud de la Slovaquie centrale, ils organisaient le cortège des pasteurs du village appelé la Koleda2. Cette marche était pratiquée aussi par les vachers et les porchers. A cette occasion, le pasteur avait une grande trousse de toile en brins dans laquelle il déposait les offrandes (du pain, un sachet de blé et de petits sachets de légumineuses). Les maitresses recevaient une vergette pour accomplir le rituel déjà mentionné. Cette vergette était conservée jusqu’au printemps, jusqu’au premier pâturage, et était alors utilisée pour fouetter, symboliquement, le bétail en leur souhaitant de garder une bonne santé toute l’année.

Dans la vallée du Hron, une coutume répandue et pratiquée très tôt le matin le jour de la Saint-André, était la marche d’un cortège de petits garçons du village. Ils tenaient en mains un objet en fer ou un outil en acier appelé oceľa ou ocieľka et visitaient les maisons du village en exprimant des souhaits de bonne et forte santé comme le fer en récitant de petites formules magiques.

Dans la région d’Orava, les hommes visitaient les maisons du village très tôt le matin pour éviter la première visite mal perçue d’une femme à la maison3. Dans le village de Babín, un cortège des hommes du village se déplaçait en exprimant des souhaits de bonne santé, de bonheur et de bénédiction divine, et aussi de bonne récolte et l’amour pour tous les habitants et qu’ils vivent en bonne intelligence et en sincérité dans la maison. Puis, ceux qui prononçaient les mots de ces souhaits pour l’année suivante, effectuaient une gambade sur un pied, déposait un baiser sur la table et continuaient en récitant des mots de souhaits de subsister comme cette table.

Dictons météorologiques populaires de la Saint-André

La neige qui tombe à la Saint-André dure longtemps et reste jusque la Saint-Grégoire, le 12 mars, puis elle se fond dans les ruisseaux.

Tel temps à la Saint-André, tel temps pour tout l’hiver

La neige de la Saint-André n’est pas bonne pour le seigle

La neige de la Saint-André mange le pain de seigle

Dans le Sud de la Slovaquie, on dit : « Si le jour de Saint-André est sous le grondement du tonnerre (de l’orage), la récolte prochaine des noix sera mauvaise » ou « si les arbres fruitiers sont sous la pluie le jour de Saint-André, il y aura moins de fruits ».

La Prophétie amoureuse du jour de Saint-André

Mais ce jour est aussi un jour de la « magie de l’amour » pour les jeunes filles à marier, et ce par la prophétie d’avoir un mari. En effet, dans la tradition populaire slovaque, saint André est considéré comme le patron des fiançailles.

Un rituel traditionnel consiste en une préparation culinaire dans la région de la vallée du Hron de même que dans la région de Nitra, de Spiš, de Liptov et d’Orava. On ébouillante des halušky (sorte de gnocchis) à l’intérieur duquel est dissimulée une petite feuille de papier sur laquelle est inscrit le nom d’un homme libre, potentiel futur mari. On ouvre le premier haluška remonté à la surface de l’eau bouillante, on l’ouvre et on lit le nom, ce sera celui … du futur mari.

Autre rituel de cette magie d’amour, et toujours pour la prévision du futur mari et du mariage.
La prophétie se déroule, cette fois, avec une fonderie au plomb dans les régions de Turiec, de Spiš, de Hont. On coule du plomb en fusion au travers d’une anse de clé et au-dessus d’un récipient contenant de l’eau en prononçant la formule magique suivante : « Ondreju, Ondreju, na teba olovo lejú, daj mi v noci znať, s kým ja budem pri oltári stáť ! – André, André, en ton nom je coule du plomb, tu découvriras pour moi cette nuit, qui se placera avec moi à l’autel » (pour la noce).

D’après la forme du plomb refroidi, les filles devinent la profession du futur mari.

Une autre superstition slovaque de la Saint-André dans la région de Horehronie est le semis des graines de chanvre par des filles. Les filles jettent par la fenêtre d’une maison où habite un André des graines de chanvre à textile, le jour de la Saint-André en récitant des formules magiques destinées à remplir ses souhaits de mariage : « André, André, je te sème du chanvre, Dieu laisse-nous savoir si l’on se mariera ».
Si les habitants étaient favorables aux filles faisant ce rituel, c’est-à-dire les invitaient à la maison ou leur souhaitaient bientôt un mariage, cela signifiait pour elles une chance de se marier rapidement.
La même version de ce rituel existait aussi pour les hommes célibataires du village. Les filles du village jetaient les graines de chanvre par la fenêtre d’une maison où habite un jeune homme célibataire.

Et encore, dans la région de Turiec, le jour de la Saint-André, la jeune fille verse des grains de chanvre sous son coussin en prononçant cette formule magique : « En ce jour en ton nom, André, je sème des graines de chanvre, mais je ne les sème pas pour qu’il pousse, mais pour que mon amoureux vienne à moi ». Puis elle plaçait un pantalon d’homme sous la tête ou sous l’oreiller avant de s’endormir et attendait de quel jeune homme du village elle allait rêver.

Au plus les rituels étaient compliqués le jour de la Saint-André, au plus le résultat devait être certain. Pour cela, de nombreuses jeunes filles ne mangeaient pas durant la journée de Saint-André et elles sortaient le soir dans la cour de la maison en prenant une poignée de graines de lin. Elles les versaient autour d’un billot pour fendre le bois en prononçant la formule magique à chaque jetée de graines : « Je sème des graines de lin autour du billot, André, laisse-moi savoir avec qui je dormirai lors de la nuit de noces dans un an ». Des coutumes similaires de semis de chanvre ont été enregistrées dans d’autres régions slovaques : Šariš, Zemplín, Hont, Novohrad.

Dans les régions de la Slovaquie centrale, les filles secouaient les clôtures en bois en prononçant les formules magiques destinées à réaliser ses souhaits de mariage.

Dans le nord de la région du Hont, où la clôture en bois était dialectalement appelée lesa, les filles devaient aller le soir à la clôture de la maison où habitait une personne célibataire prénommée André. Les filles secouaient la clôture en bois en prononçant la formule magique : « Je secoue, je secoue la clôture, d’où aboie le chien, là se trouve aujourd’hui mon mari prédestiné »

Dans la région d’Orava, à Tvrdošín, la fille allait secouer le poteau de la clôture de la maison où elle souhaitait se marier.
Une autre coutume consistait à compter les poteaux d’une clôture, de frapper sur l’étable pour voir si le cochon grognait, d’arracher de la paille de la chaumière, de jeter des tabliers sur le toit en bois, de secouer un prunier comme dans le sud du Hont en disant : « Prunier, je te secoue, Saint-André je t’en supplie, laisse-moi rêver avec qui j’irai à l’autel ».
Une autre coutume consistait à écouter les aboiements des chiens afin de déterminer de quel côté les jappements arrivent car c’est de ce côté que la jeune fille trouvera son futur mari.

Près de Banská-Bystrica, les filles se mettaient des pantalons d’homme sous le coussin la nuit de la Saint-André mais ne devaient en parler à personne. L’homme dont elles rêvaient devait devenir leur mari.

Encore dans la région du Hont, les filles allaient frapper sur le puits en bois avec une cuillère en bois (celle qu’elles utilisaient pour sortir les halušky de l’eau bouillante) en disant « Je toque, je toque aujourd’hui, pour qu’où se trouve mon amoureux aboie un chien ». Elles devaient se marier du côté du village où un chien aboyait.

Dans les environs de Trenčín, les filles mettaient un anneau de fiancé sous le coussin pour espérer rêver de l’homme qu’elles devaient marier. Ce rituel était pratiqué avec un anneau qu’une femme avait déjà utilisé lors de son mariage.

A Bánovce nad Ondavou (région de Zemplín), le soir, les filles allaient au puits et criaient « André, André, donne-moi un bon mari ». Il arrivait que des jeunes hommes cachés derrière le puits répondent « J’ai donné le diable à une, et j’en ai donné deux à une autre ! »

Notes

1 Voir notre article sur la Sainte-Catherine : http://vaheurope.eu/?p=355

2 La koleda est un cortège qui se déplace dans le village de porte en porte où là les membres qui la compose récitent ou chantent les formules souhaitant la bonne santé et le bonheur pour les habitants et de fertilité pour le bétail et les champs…

3 Par crainte que ce ne soit une sorcière.

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

On trouve des églises dédiées à saint André à Ružomberok, à Komárno, à Pečovská Nová Ves, à Kremnica l’église-rotonde et l’ancienne église à Sebeslavce sous le château-fort de Blatnica.

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – Ottovo Nakladatelstvi, 2009

Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Sainte Catherine, le 25 novembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le 25 novembre, jour de la Sainte-Catherine, est en Slovaquie, le symbole de la jeunesse, de la musique et de la danse. Le bal de la Sainte-Catherine est toujours populaire à ce jour.

La sainte patronne du jour, sainte Catherine d’Alexandrie, qui subit le supplice de la roue, devint de bonne heure la patronne de tous les métiers utilisateurs ou fabricants de roues, à commencer par les meuniers et les charrons.

Le jour de la Sainte-Catherine, c’est le jour du règne des femmes, elles organisent et dirigent les réjouissances et dansent au bal, elles invitent les hommes à danser et payent la musique. Quant aux hommes, ils ne peuvent consommer d’alcool jusque minuit mais après… les femmes permettent aux hommes de boire de l’alcool.

C’est une coutume, très ancienne, répandue dans le milieu rural et même dans le milieu urbain, qu’est la soirée dansante de la Sainte-Catherine – le Bal de Catherine. C’est le dernier jour avant la période qui précède la Noël, où pendant quatre semaines il est interdit de danser, de jouer de la musique, et même les mariages. Cette interdiction résulte d’une décision du synode de l’Église à Aachen(Allemagne) en 922. L’introduction de l’Avent par l’Église était ciblée contre les nombreux festins, amusements et jeux qui étaient très populaire au Moyen Âge dans toute l’Europe avant le solstice d’hiver. Une part, certes modeste, reste du temps de ceux-ci, c’est le bal de Sainte-Catherine – Bal de Katarina.

Dans la région d’Orava, on y s’amuse bien. Au Bal de Katarina, les jeunes hommes sont déguisés avec des masques de femmes et jouent des parodies.

La nuit de la Sainte-Catherine appartient aux jeunes gens. Encore dans la région d’Orava, une coutume bizarre de la nuit de la Sainte-Catherine était pratiquée par les jeunes hommes. Secrètement ils déplacent et cachent les outils de travail des filles du village. Mais la veille de Sainte-Catherine, les filles elles-mêmes cachent leurs outils de travail. Néanmoins, même si elles ont bien cachés leurs outils, les jeunes hommes les cherchent et les trouvent. Ils bâtissent alors une pyramide avec ces outils à proximité d’un ruisseau, et bien sûr les outils tombent dans l’eau… Ou ils bâtissent avec ces outils une couronne au sommet d’un arbre ou ils les placent sous le toit des maisons. Ailleurs, les jeunes hommes démontent et déplacent la porte d’entrée de la basse-cour de maison et la remontent plus loin (dans un champ, une prairie…), ou ils déplacent le char à foin à un endroit difficilement accessible ou encore, ils accumulent un tas de bois devant l’entrée de la maison ou des latrines du voisin.

Et le matin de la Sainte-Catherine, quand les filles courent et cherchent leurs outils dans le village, elles deviennent la cible de moquerie puisque les habitants du village disent par dérision : « elles volent comme les sorcières ».

Dans la région de Banská Bystrica, la jeunesse du village de Priechod organise le jour de la Sainte-Catherine la marche de Katrena (Katarina en patois local). Les filles et des garçons déguisés marchent de porte en porte des maisons du village, en groupes de cinq ou six. Ils font du bruit avec les cloches de bétail, frappent sur les fenêtres et effraient les enfants et leurs demandent s’ils disent bien leurs prières et s’ils respectent bien leurs ses parents.

Il était aussi habituel de manger de l’ail et de tracer des croix avec l’ail sur les portes des maisons pour se protéger contre la magie noire des sorcières. Cette fête de Sainte-Catherine est pour ceux qui aiment la musique et la danse, la dernière chance de s’amuser avant les jours d’abstinence de l’avent.

Et puis commence l’avent – quatre semaines avant la Noël – période calme. Il va régner une rigide interdiction de danser, c’est la sainte quarantaine. Mais, après le jour de la Saint-Etienne, le 26 décembre, il sera permis de danser à nouveau, ce sera la réunion dansante de la Saint-Etienne.

Selon le calendrier du paganisme slave ancien, le 25 novembre est le jour de l’arrivée de la déesse Morena, symbole de l’hiver et de la mort et c’est le premier jour des Jours de sorcières selon les us et coutumes populaires en Slovaquie. Du 25 novembre, jour de la Sainte- Catherine jusqu’au 21 décembre, jour de la Saint-Thomas, ce sont les Jours des sorcières : ils comportent les jours magiques de la fête de sainte Catherine, de saint André, de sainte Barbe, de saint Nicolas, de sainte Lucie et de saint Thomas.

Les Jours des sorcières, car ce sont des jours très courts, où la dominante est la nuit noire. C’est un temps propice pour les activités des puissances obscures et de la magie noire. Les superstitions donnent une influence néfaste aux sorcières. Des sorcières qui vont nuire au bétail et aux gens.

Les villageois superstitieux se défendront contre la magie noire en utilisant, comme support éprouvé : l’ail, l’oignon, l’eau bénite, la fumée de myrte… et le symbole de la croix.

Dans les recueils de contes et légendes slovaques rassemblés par le pasteur protestant Pavol Dobšinský (1828-1885), grand collectionneur et éditeur des contes populaires slovaques au 19e siècle, on trouve l’enregistrement d’un usuel ancien des bergers de Liptov. La veille du jour de Sainte-Catherine, les bergers du village sonnent de la trompe bergère et marquent avec l’ail d’un signe de croix les portes, les serrures et les loquets des étables et des écuries pour les protéger contre les sorcières, et par sécurité les chevaux ne sortent pas, de même on ne promène pas les vaches par crainte que le lait ne soit volé par des sorcières.

Mais d’autres superstitions existent, en voici des exemples.

Le 25 novembre – jour de la Sainte-Catherine, la visite d’une femme, tôt le matin, est mal perçue. En effet, la superstition fait que si la maison reçoit la visite matinale d’une femme, les habitants croient que, toute l’année, la poterie se brisera et que bien d’autres malheurs arriveront. Par contre, la visite d’un homme est bénéfique, car il protégera la maison contre les sorcières.

Dans la région de Gemer (sud-est de la Slovaquie centrale), les petits garçons visitaient tôt le matin (avant l’aurore) des maisons du village et ils souhaitaient du bien en récitant de petites formules magiques : « Les Catherine, les Catherine, nous vous souhaitons que vos marmites ne se brisent pas et que vos poules pondent bien ! ». Cette superstition du jour de Sainte-Catherine persistera dans le milieu rural jusqu’à la moitié du 20e siècle.

Parmi autres superstitions slovaques liés avec le jour de la Sainte-Catherine, on peut citer aussi ainsi le bris des marmites en argile sur la porte de la maison, cet acte avait pour but de rassurer les maitresses de maison, les poules vont bien pondre et il y aura beaucoup de petits poulets dans le poulailler.

Un autre comportement curieux très répandu avait encore cours avant la Première guerre mondiale à Vikartovce, village dans la région de Šariš en Slovaquie orientale. Les mères de familles demandaient aux enfants, le soir de la Sainte-Catherine, de gratter et de prendre en mains de la terre au-dessous du lit, les sols de maisons pauvres à cette époque étaient en argile lissé. Si dans cette terre grattée par les enfants on trouvait un petit coléoptère, on disait que l’année suivante l’élevage des cochons se porterait bien.

Mais encore, jadis, le jour de la Sante-Catherine, les femmes du village ne pouvaient pas filer sur le rouet, ni faire de la couture1. Si une femme pratiquait un tel travail, l’été de l’année suivante au cours des travaux des champs, ses doigts allaient devenir purulents.

Autre superstition ce même jour. Les âmes des morts cheminent hors du royaume des morts et errent pour quelques temps parmi les vivants. En chemin, les morts peuvent rencontrer les vivants à un carrefour, endroit redoutable pour les vivants, c’est pourquoi l’on dresse une croix à cet embranchement ! La croyance chrétienne conjuguée à un élément du paganisme villageois est ainsi appliquée contre les démons et les revenants.

La Prophétie amoureuse des jeunes gens en Slovaquie

Autrefois, le jour de la Sainte-Catherine était le premier des jours de la magie amoureuse des jeunes gens en Slovaquie. Les autres jours seront le jour de Saint-André, 30 novembre très favorable pour la pratique de la prophétie de mariage par les filles comme le jour de la Sainte-Lucie (13 décembre).

Par exemple, les filles de la vallée de Hornád (rivière en Slovaquie orientale) se rencontrent au soir de la Sainte Catherine et préparent ensemble les halušky (espèce de gnocchis) traditionnels. Pour réaliser la prophétie amoureuse, la farine pour les halušky, la planche en bois à découper et la cuillère en bois devaient être volées et l’eau de cuisson devait être apportée du ruisseau dans la bouche par les filles. Dans chaque haluška préparé mais pas encore cuit, elles cachent un petit papier sur lequel est écrit le nom des jeunes hommes favoris et tout de suite les halušky sont cuits à l’eau bouillante. Le premier des halušky qui remonte à la surface de l’eau bouillante, la fille se mariera avec le jeune homme qui porte ce nom.

Une autre prophétie amoureuse, qui provient de Kravany, un village de la région de Zemplín (en Slovaquie orientale), les filles y font un oracle avec les aiguilles. Quand la fille parvient de la première fois à piquer une aiguille dans l’écorce d’un saule, elle se mariera au courant de l’année. Mais si l’aiguille se brise, elle restera à la maison chez les parents. Dans le village de Hranovnica près de Poprad, dans la région de Spiš, les filles amoureuses font un chemin parsemé de sciure de bois, qui va de la maison de son amoureux jusqu’à chez elle afin d’assurer sa liaison amoureuse à demeure.

Sous le château-fort de Muráň, le jour de Sainte-Catherine, lorsque les cloches de l’église sonnent à midi, les filles du village jetaient ensemble des couronnes composées de feuilles de plantes dans le ruisseau. Si la couronne de la fille flotte une certaine distance et ne reste pas bloquée, cette fille se mariera encore cette année.

En milieu urbain, une autre prophétie amoureuse était aussi connue au jour de la Sainte-Catherine : il s’agit de bourgeonner des rameaux. Cet acte s’était aussi répandu en milieu rural mais pendant les derniers siècles. Ce jour, les filles coupent un rameau divers à partir de n’importe quel arbre fruitier et des brindilles d’arbrisseaux. Chaque branche symbolise un souhait de la fille. La première branche qui bourgeonnera ou fleurira le jour de la veille de Noël (Štedrý deň ou Vigila suivant la région de Slovaquie), le 24 décembre, ce souhait s’accomplira lors de la nouvelle année.
Ailleurs, on croit que l’arbre fruitier duquel la branche bourgeonne annonce une bonne récolte de fruits l’année suivante. Où encore, les filles plantent de petites branches de cerisier dans un pot rempli de sable et chaque jour, au début de la matinée, elles arrosent ces branches avec l’eau apportée du ruisseau dans la bouche. Si la branche fleurit le jour de la Veille de la Noël, la fille croit qu’elle se mariera au cours de l’année.

En Slovaquie, dans les régions viticoles situées aux pieds des Petites Carpates, les vignerons locaux invitent à la dégustation de leur nouveau vin au jour de la Sainte-Catherine, le 25 novembre. L’ouverture des caves à vin dans les vignobles lors de la fête de Sainte-Catherine, une nouvelle habitude ou bien une coutume oubliée, est en tout cas bien établie dans les domaines viticoles de Modra, de Skalica et autres situés entre Bratislava jusqu’à Trnava.

Des dictons pour le jour de la Sainte-Catherine :

« Na svätú Katarínu skrývame sa pod perinu » – « à Sainte-Catherine, nous serons bien au chaud sous les plumes »2

« Katarína na ľade a Vianoce na blate » – « à Sainte-Catherine sous la glace et Noël dans la boue ».

« Katarina zaviera muziky, berie hudcom husle » – « sainte Catherine arrête la musique, les musiciens rangent leur violon ».

Notes

1 Dans la mythologie slave, les sorcières se transforment en aiguille, pelote, sac, botte de foin.

2 Dans l’expression « sous les plumes », les « plumes » sont l’édredon en duvet d’oie.

En Slovaquie, les églises de Kremnica, de Dolný Kubín, de Kysak, de Hrboltová près de Ružomberok, de Jánovce, de Kluknava, de Hertník sont dédiées à sainte Catherine.

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Sources

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – OTTOVO NAKLADATELSTVI, 2009

Ľudová kultúra. Par Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004

Le monde mythologique russe. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2014

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Icônes et saints d’Orient. Alfredo Tradigo. Guide des Arts. Ed. Hazan. 2005

Reconnaître les saints. Symboles et attributs. B. Des Graviers et T. Jacomet. Ed. Massin. 2006

Saint Martin, le 11 novembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le 11 novembre est le jour de la Saint Martin. En Slovaquie, dans l’ancien calendrier, la croyance veut qu’il symbolise l’arrivée de l’hiver, tel saint Martin sur son cheval blanc (1). En Slovaquie, pays de montagnes, normalement à cette date correspond, plus ou moins, la chute de la première neige et les derniers bergers rentrent au village.

Les villageois slovaques préparent alors le festin de la Saint Martin avec comme plat principal, l’oie rôtie (2), et comme friandise une pâtisserie en forme de fer à cheval farcie au pavot ou à la confiture ou encore de pâte de noix,. Ce repas symbolise les attributs de saint Martin : une oie, un fer à cheval (blanc). Ce festin et l’organisation d’un marché sont toujours très populaires de nos jours en Slovaquie.

C’est aussi à la Saint Martin que, selon la tradition populaire, l’ours se retire pour hiberner, ou tout au moins au début du mois de novembre.

(1) Saint Martin et son cheval blanc signifie que la neige ne tombe plus seulement dans la montagne, mais qu’elle arrive aussi dans les plaines.

(2) Selon une légende, des oies auraient perturbés saint Martin lors de ses sermons. Comme punition elles seront mangées et passeront auparavant au feu de la rôtissoire (de l’enfer ?).

En Slovaquie, plusieurs églises sont dédiées à saint Martin. Citons notamment la cathédrale de Bratislava (14e-15e siècle), l’église romano-gothique du village de Martinček (13e siècle), l’église rotonde de Jalšové (12e-13e siècle), l’église de Hontianske Nemce (13e siècle)…

NB: Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Vous souhaitez poser une question, demander une info, écrivez à  vaheurope@gmail.com

Les traditions de Noël en Slovaquie

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

La sagesse populaire s’est formée au gré des saisons grâce au rappel que la nature nous envoie régulièrement et, à ce sujet, il est bon de nous souvenir que la vie active dans les villes a estompé petit à petit notre sensibilité aux choses de la nature. Ainsi on peut se poser quelques questions comme « de nos jours, qui observent le ciel lorsque la nuit est tombée ? Quelques amoureux, quelques astrologues en herbe ou confirmés » ou encore « qui peut reconnaître un oiseau par son chant ? Par son aspect même ? »

L’époque moderne – après la deuxième guerre mondiale – a apporté une nouvelle ère nous faisant entrer dans la « modernité ». Le réfrigérateur, la lessiveuse, la télévision, le pc, le gsm… ont bouleversés les habitudes et, imperceptiblement mais d’une manière exorable, les traditions « archaïques » sont passées au second plan et nous nous sommes éloignés de ces coutumes. Si l’on retrouve encore quelques traditions aujourd’hui dans les villages, on peut affirmer que dans les villes, ces coutumes ont disparus ou alors elles sont encore perpétuées par quelques amoureux ou nostalgiques, de ces traditions.

Aujourd’hui il nous arrive d’oublier que, dans des temps pas si anciens, l’année était organisée sur la base d’une succession de fêtes. Des fêtes qui rythmaient le temps et les travaux agricoles et ce dans l’ensemble du monde rural européen.
Les traditions populaires perpétuées dans les villages, qu’ils soient belges, allemands, italiens, bulgares, slovaques… en sont la preuve et si besoin, ils existent encore et toujours pour nous le rappeler, même si hélas, des éléments se perdent.

C’est une des raisons qui fait que l’existence de groupes folkloriques, de musées ethnologiques, de musées en plein air garde toute son importance pour la mémoire collective des hommes.

Mais revenons à notre sujet qui se rapporte aux traditions et rites de fin d’année, et plus particulièrement aux traditions d’un pays qui m’est cher, la Slovaquie.

En Slovaquie, les traditions populaires du solstice d’hiver, et donc de la Noël, du nouvel an, mais aussi des jours qui précèdent et suivent, sont des traditions de fêtes païennes des anciens slaves, (ou des celtes) interpénétrées par le christianisme, tout comme chez nous en Europe occidentale.

Avant la fête de Noël, les anciens slovaques des villages se préparaient pour l’arrivée de l’hiver, le froid et les longues nuits passées dans l’obscurité avec toutes les craintes que ces ténèbres font naître dans l’imaginaire des gens. Imaginaire peuplé d’êtres étranges, de sorcières… Les travaux des champs étaient finis et les hommes et les femmes se consacraient aux travaux domestiques, au bricolage, au filage du lin et du chanvre, au travail de tisserand, à la couture de vêtements et du trousseau, à la préparation (déchirer) des plumes pour édredon, etc…

Les articles qui vont relater les « traditions de Noël en Slovaquie » vont couvrir la période qui court à partir du 11 novembre jusqu’à l’Épiphanie, le 6 janvier. Ils se dérouleront suivant le schéma suivant :

– le 11 novembre, jour de la Saint Martin
– le 25 novembre, jour de la Sainte Catherine
– le 30 novembre, jour de la Saint André
– Le 4 décembre, jour de Sainte Barbe – Barbora
– Le 6 décembre, jour de la Saint Nicolas
– Le 13 décembre, jour de Lucie, ou le jour de la magie blanche contre la magie noire
– Le 21 décembre, jour de Saint Thomas
– Štedrý deň, la veille de Noël, le 24 décembre
– Le Jour de Noël, le 25 décembre
– Le 26 décembre, jour de la Saint Etienne
– Le 28 décembre, jour des Mládatka (bébé innocents)
– Le 29 décembre, jour de Kolyada
– Le 31 décembre, la nuit de la Saint Sylvestre
– Le 1ier janvier, jour du Nouvel An
– Le 6 janvier, jour de l’Épiphanie

Textes extraits de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Vous souhaitez poser une question, demander une info, écrivez-nous à  vaheurope@gmail.com

 

Le monument de Strečno

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

A la gloire éternelle des fils de la France – Na večnú slávu synom Francúzska…

8 mai, 9 mai, deux dates de la commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale. En Slovaquie, un monument rappelle ce moment tragique que fut cette guerre. Dans cette Slovaquie acquise à l’époque aux idéaux des nazis, des hommes et des femmes ont combattus contre eux. Des résistants slovaques, mais aussi étrangers ont pris part à ce combat. Le monument de Strečno est là pour le rappeler.

Sur la route menant de Žilina à Martin-Vrútky on aperçoit le Monument aux combattants français situé sur la colline Zvonica (Clocher) tout près du village de Strečno en Slovaquie du Nord.

Dans la crypte située sous le monument de travertin, gisent les corps de 24 partisans français morts lors des combats de la libération de la Slovaquie. Des combattants français tombés au champ de bataille dans la vallée du Váh aux environs de Strečno (la bataille du Défilé de Strečno se déroula du 31 août au 3 septembre 1944).

Sous le commandement du capitaine Georges De Lannurien, le bataillon Foch des 155 partisans français combattent au sein de la brigade Štefanik des partisans slovaques contre les nazis.

Le 29 août 1956 a été inauguré le monument commémoratif, créé dans du travertin de Spiš, à la mémoire des morts aux champs de batailles pendant la Seconde Guerre mondiale et de la résistance slovaque contre les fascistes.

Pour rappel, c’est le 29 août 1944 que le Soulèvement National Slovaque S.N.P. (Slovenské Národné Povstanie) a été proclamé à Banská Bystrica, en Slovaquie centrale. Face à la puissance de l’occupant nazi, l’armée régulière et la résistance se sont repliées dans les montagnes slovaques avant de repartir à l’assaut contre eux.

La vue du défilé de Strečno donne un panorama imposant de la vallée de Váh, des montagnes de Malá Fatra (Petite Fatra), de la rivière Váh qui s’écoule paisiblement dans la vallée et des ruines du château-fort Strečno du 14ième siècle sur son rocher escarpé. Cette vue met en évidence l’importance du site lors des combats qui s’y déroulèrent.

Le Soulèvement National Slovaque mérite d’autant plus d’être mieux connu en France que 250 maquisards français y participèrent et que les Slovaques ne l’ont pas oublié. Ce monument érigé à Strečno, entre Žilina et Martin, au nord-ouest du pays, rappelle le sacrifice des maquisards français.
Ces maquisards étaient commandés par un Breton, Georges Barazer de Lannurien fils d’un général, lui-même Saint-Cyrien et officier de cavalerie, qui fut fait prisonnier en 1940, mais réussit s’évader de son camp en Silésie et à gagner les montagnes slovaques. Il regroupa et entraîna d’autres évadés français des camps de prisonnier allemands et son unité de partisans joua un rôle important dans les Carpates aux côtés des partisans slovaques. Georges Barazer de Lannurien devait être cité à l’ordre de l’armée par le général De Gaulle. Une stèle à Roscoff et une plaque commémorative à Saint-Malo rappellent le souvenir de ce Breton audacieux et courageux.

Lire notre article: « Célestin Joubier, porté disparu ».

Célestin Joubier, porté disparu

http://www.souvenirfrancais-issy.com/article-11681517.html

http://www.parolesdhommesetdefemmes.fr/maurice-simon-partisan-francais-execute-par-les-nazis-en-slovaquie-article00445.html

http://www.freebelgians.net/pages/sujet.php?id=resistance&su=240
info@vaheurope.eu

PS: Un état nominatif de la légion des combattants français en Slovaquie, dressé à la date du 29 septembre 1944, renseigne encore trois autres Belges, mais il n’existe au service des prisonniers de guerre aucun dossier à leur nom.

Il s’agit peut-être de travailleurs déportés, évadés également en Hongrie. Ce sont:

-DE MAERTELAERE Robert, né à Montigny-sur-Sambre le 13 octobre 1920 (tué à Strečno);

-PIRSON Louis, né à Bruxelles le 27 octobre 1912;

-VAN DER HEYDEN Roger, né à Thuillies le 20 janvier 1912, sergent.

Quant à Hubrechts, il donne le nom d’un autre Belge inscrit avec lui à la légion des combattants en Slovaquie. Il s’agit de

-FROIDURE Albert, né à Bouffioulx le 19 octobre 1921, soldat au 2ème régiment de chasseurs à pied, probablement travailleur déporté en Allemagne et évadé en Hongrie.

(Article pages 187 à 194 du livre de Georges Hautecler : Evasions réussies)

 

La Dame blanche de Levoča

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le mystère de la Dame blanche de Levoča enfin révélé ? Des recherches récentes semblent lever le voile de l’énigme. A la découverte de l’une de ces Dames blanches qui font partie de bien de légendes dans de nombreux endroits du monde.

La Dame blanche de Levoča, alias Juliana Korponay, a son portrait fictif peint sur la porte en bois dans la salle de l’ancien Hôtel de ville, édifice historique de Levoča.
Peinte sous l’influence du roman « La Dame blanche de Levoča », en hongrois « A Löcsei fehér asszony », écrit par le romancier hongrois Mór Jókai (1825-1904) en 1884. Ce roman, est une histoire d’amour et de venin, de trahison et de fidélité à l’époque de la guerre d’indépendance du prince François II Rakoczy en 1705 en lutte contre les Habsbourg.
L’héroïne du roman, la belle Juliana, qui a pour aspiration le bonheur de son fils, veut récupérer les biens héréditaires confisqués. Pour cela, elle va devenir une espionne impériale. Elle est envoyée dans la ville libre royale de Levoča alors assiégée par l’armée impériale car les patriciens protestants apportaient leur soutien aux rebelles de Rakoczy contre le gouvernement absolu des Habsbourg.
La belle Juliana va simuler de tomber amoureuse d’Etienne Andrassy, commandant des Kurucs, l’armée des rebelles de Rakoczy. Une nuit, elle dérobe les clefs d’une des portes de la ville, clefs qui se trouvaient sous l’oreiller d’Andrassy. Elle se rend à cette porte, l’ouvre et fait entrer les soldats impériaux dans la ville.
En réalité, Juliana Korponay (vers 1689 – 1714), était la fille de Sigismond Géczy, un gentilhomme d’Ožďany (en hongrois Osgyan). Il était colonel de la garde rapprochée d’Imre Thököly, un noble rebelle contre les Habsbourg. Juliana était l’épouse de Jan Korponay, conseiller municipal impérial, mais qui a déserté chez les Kurucs pour embrasser la cause des rebelles.
Selon la légende, en 1712, elle reçu des lettres des rebelles Kurucs émigrés en Pologne, lettres de conspiration qui appelaient à la révolte. Par ce geste elle perdit la confiance de l’empereur Charles III roi de Hongrie.
En 1714, pour sa trahison, elle est exécutée dans la ville hongroise de Györ, comme la première, et unique, femme ayant trahi sa patrie dans l’histoire du Royaume de Hongrie.
Selon de nouvelles recherches récentes conduites par les historiennes slovaques Dáša Uharčeková-Pavúková, Zuzana Lisoňová et Silvia Lörinčiková, les nouveaux faits collectés sur des lieux liés à l’histoire de Juliana Korponay comme Ožďany, son village natal, le château de Červeny Kameň, le château de Betliar et dans des archives des villes de Bratislava, Budapest, Györ et Mukačevo (Ukraine aujourd’hui), apportent une autre vision du mystère de La Dame blanche, Juliana Korponay. En fait, elle aurait été victime d’une erreur judiciaire.
Ces nouveaux éléments ont été présentés lors de l’exposition « Levočská biela pani – La Dame blanche de Levoča », de novembre 2010 à mai 2011 au château de Betliar et au Musée de Spiš à Levoča.
Selon ces historiennes, qui travaillèrent pendant trois ans sur ce sujet, la ville de Levoča n’a pas été prise par traîtrise par les soldats impériaux. En réalité, elle s’est rendue sans livrer bataille. Toujours selon leurs recherches, le bourgmestre et les conseillers de Levoča avaient négocié la capitulation de la ville avec le général impérial Löffelhoz et l’ouverture des portes aux Labans, les soldats des Habsbourg le 9 février 1710. Ainsi, la légende de Juliana est démentie.
La « nouvelle histoire » découverte de Juliana Korponay reconstruit son destin et dit que non seulement elle était une bonne fille mais aussi une épouse fidèle, une mère plein d’abnégation et une dame cultivée. Hélas, elle fut victime des intrigues de cette époque et accusée « d’avoir aidé la nouvelle vague de révoltes contre les Habsbourg ».
Les historiennes slovaques, ont aussi examiné un tombeau sous l’église d’Ožďany, village près de Rimavská Sobota dans la Slovaquie du sud, tombeau ou se trouvait le cercueil de Juliana Korponay. Mais la recherche anthropologique dirigée par Alena Šefčáková, du Musée National Slovaque de Bratislava, a démenti cette hypothèse.
Selon des documents d’archives d’Eglise de la ville de Györ, elle aurait été décapitée publiquement le 25 septembre 1714 à 11h00 sur la place, puis, avec d’autres exécutés, elle aurait été enterrée dans le cimetière près de la cathédrale de Györ. Le service funèbre fut assuré par le vicaire allemand François Kopscinay.
Le peintre de La Dame blanche de Levoča, peinture que l’on peut voir sur la porte en bois dans la salle de l’ancienne mairie à Levoča, est Wiliam Forberger (1848 – 1928), peintre paysagiste des Tatras et des architectures historiques. Certains de ses tableaux sont exposés dans le palais d’arts Albertina à Vienne. Il est né à Kežmarok et était originaire de la communauté allemande de Spiš (membre du groupe Karpathenverein, groupe touristique des Carpates), il a étudié la théologie à Prešov, puis les arts plastiques à Budapest, et comme instituteur débutant à Levoča, il a créé le tableau « Le mythe de la Dame blanche de Levoča ».

Références

Document de l’exposition « Levočská biela pani – La Dame blanche de Levoča », de novembre 2010 à mai 2011 au château de Betliar et au Musée de Spiš à Levoča.

 

29 août, jour du Soulèvement National slovaque SNP

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le 29 août est la date anniversaire du Soulèvement National slovaque contre le fascisme. En ce jour, la Slovaquie commémore cet événement de son histoire moderne.

Le Conseil national slovaque créé en 1943 et composé des différents partis politiques acquis à la résistance, va négocier avec des responsables de l’armée slovaque afin qu’ils se rallient avec eux pour provoquer un soulèvement contre le pouvoir officiel slovaque et les occupants allemands. Le 29 août 1944 à Banská Bystrica, au coeur de la Slovaquie, le mouvement démarre. Sous les ordres des généraux Ján Golian et Rudolf Viest 60.000 soldats vont se joindre à 18.000 partisans pour libérer la Slovaquie du fascisme.

Car depuis le 14 mars 1939, une République slovaque, dirigée par Jozef Tiso un évêque catholique, a été proclamée par la volonté d’Hitler qui démembra ainsi la Tchécoslovaquie par l’annexion des sudètes d’abord en 1938 et la création d’un protectorat allemand en 1939 en Bohême – Moravie.

Hélas, faute d’une coordination efficace et le peu d’aide de l’armée soviétique qui avaient d’autres plans, cette action, précipitée pour certain, sera vouée dans un premier temps à l’échec. Les troupes allemandes, mieux équipées et plus expérimentées vont riposter et, dans un premier temps, vaincre les partisans. Cela ne se fera pas sans représailles, Golian et Viest seront arrêtés et envoyés en Allemagne où ils seront exécutés.

Les partisans slovaques vont se réfugier dans les montagnes d’où ils mèneront une guerre d’escarmouches. Ils devront attendre le printemps 1945 pour se joindre aux troupes tchécoslovaques et soviétiques et enfin libérer le pays.

Cette résistance dans les montagnes amènera de nombreuses représailles de la part des troupes SS contre la population, comme dans les villages de Nemecká, Kalište…

On évalue à 15.000 morts, avec les représailles, les pertes slovaques.

Un fait remarquable est la présence du bataillon Foch composé de combattants volontaires français en Slovaquie, sous le commandement du lieutenant Georges Barazer de Lannurien, qui vont se joindre aux résistants slovaques. Lire notre article: Célestin Joubier, porté disparu.

http://vaheurope.eu/?cat=13

Le musée SNP de Banská Bystrica est entièrement dédié à l’histoire de ce soulèvement (les photos qui illustrent l’article viennent de ce musée).

http://www.muzeumsnp.sk

Besoin d’infos : www.vaheurope@gmail.com

Célestin Joubier, porté disparu

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Durant le conflit de la Deuxième guerre mondiale, des hommes et des femmes se sont engagés dans le combat contre le fascisme. L’histoire gardent de nombreux récits de leur combat, parfois loin de chez eux. Certains sont revenus, d’autres ont été portés disparu. C’est le cas de Célestin Joubier.

Son nom figure sur le Monument commémoratif des partisans français de Strečno en Slovaquie. A la demande de la famille, nous sommes allés à la recherche des éléments historiques qui expliquent pourquoi Célestin Joubier, un breton, a été « porté disparu », loin de chez lui – un peu plus de 2000 km – en Slovaquie.

Voici les résultats de l’enquête menée par Vaheurope

Célestin Joubier est né le 1er mai 1916 à La Baule-Escoublac (Loire-Atlantique, France). Ses parents, Yves Marie Joubier et Marie Joseph Hervoche auront 9 enfants. Célestin comptera ainsi 5 frères et 3 sœurs.

Après ses études, CEP et CAP, Célestin Joubier va exercer la profession de menuisier charpentier. Il accomplira son service militaire en 1936 au 2e Chasse R.C.T. de Tours.

Il sera, comme beaucoup d’autres, entraîné malgré lui dans la tourmente de la deuxième guerre mondiale. Respectant ses convictions et son désir d’être un homme épris de liberté il va s’engager dans le combat contre le fascisme.

Comment est-il arrivé en Slovaquie ?

En tant que membre du 32e régiment d’infanterie de l’armée française il est fait prisonnier au cours de la guerre contre l’Allemagne fasciste et se retrouve au camp de prisonniers XVII B à Gneixendorf (Autriche) dont il a finalement réussi à s’échapper vers la Hongrie où il sera repris et interné dans un camps disciplinaire d’où il s’évadera à nouveau le 15 août 1944 vers la Slovaquie (1). Là, il s’engage dans le « Groupe de Combattants français en Tchécoslovaquie » où il va combattre comme volontaire dans l’unité française du Capitaine Georges de Lannurien. Dénommée la Compagnie Française puis Bataillon Foch, cette unité composée d’évadés français a été créée par le capitaine de Lannurien.

(1) La République slovaque est un état indépendant qui résulte du démantèlement de la Tchécoslovaquie lors des accords de Munich (30 septembre 1938). Créée le 14 mars 1939, la République slovaque est dirigée par un prêtre catholique, Monseigneur Jozef Tiso est alors le premier ministre du gouvernement slovaque. Cependant, sa souveraineté, depuis son commencement était limitée par les relations avec l’Allemagne nazie dans le contexte du Pacte tripartite et la République slovaque est devenue un état satellite de l’Allemagne nazie. Après la guerre, le territoire de la Slovaquie a été incorporé dans la renouvelle république Tchécoslovaque le 9 mai 1945.

Son engagement et sa disparition

Célestin Joubier a été deux fois grièvement blessé. La première fois, il a été soigné à l’hôpital de Zvolen, du 6 au 8 Septembre 1944, pour une blessure à la jambe gauche et la deuxième fois, le 19 octobre 1944, pour une blessure par balle à l’épaule droite. (réf.1). Un document du Gouvernement militaire de Paris, daté du 27 septembre 1945 évoque : « blessé à la jambe (blessure légère) le 19 octobre 1944 à Nemce (Slovaquie). Hospitalisé du 19 octobre 1944 au 25 octobre 1944 à Sliac (Slovaquie). Evacué par avion soviétique vers la Russie le 25 octobre 1944. Départ : aérodrome de Triduby (district Zvolen en Slovaquie). Arrivée probable Kiew ou Lwow (URSS) ». Problème de date ! Nous retenons cependant la première car c’est ce qui figure dans les archives du musée SNP de Banská Bystrica. De plus le terme « arrivée probable » laisse aussi planer un doute sur l’exactitude du document français (lire la suite de nos recherches ci-dessous).

Le 23 octobre, quatre français, dont le lieutenant Jean-Luc Lehmann (30 ans, blessé à la cuisse lors des combats de Senohrad, près de Krupina, petite ville slovaque), le caporal Maurice Lerouge, (26 ans, blessé à Krupina) le soldat Célestin Joubier (28 ans, blessé lors des combats près de Senohrad), le soldat Jean Paul Cossard (20 ans, blessé près du village de Senohrad), sont évacués en avion vers l’URSS. L’avion Li-2 n°30 du capitaine Goubine (du 1er régiment d’aviation de Briansk) décolle de l’aéroport militaire slovaque Tri Duby – Trois Chênes (aujourd’hui aéroport militaire de Sliač) près de la ville Zvolen (Slovaquie) vers l’aéroport de Lviv d’où ils doivent être dirigés par un autre transport vers l’hôpital de Kiev en Ukraine.

L’avion soviétique Li-2 est attaqué dans la zone aérienne de Poprad à 22h15 à 3200m d’altitude par un chasseur allemand nocturne venant de la base aérienne de Mielec (en Pologne).

Le Li-2 est atteint au tableau de bord et au réservoir de kérosène gauche par de multiples balles des mitrailleuses frontales du chasseur allemand. Les flammes ont instantanément jailli du réservoir et se sont propagées le long de l’aile jusqu’à englober le cockpit. Le chasseur allemand continue de tirer sur l’avion en flammes, atteignant les passagers. Le pilote, le capitaine Goubine, n’arrive pas à remonter l’avion de sa chute. Puisque les deux réservoirs sont enflammés, l’explosion de l’avion peut survenir à tout moment. Le capitaine Goubine ordonne donc à l’équipage de sortir immédiatement de l’avion. Le premier à quitter l’appareil est l’opérateur radio S.P. Domachenko, et après lui, le tireur de bord O.S Chvedine. Le navigateur et lieutenant L. F. Kotlarevski va mourir de ses blessures après son atterrissage dans le bois de Kovaľová près de la commune de Ľubica (prononcez loubitsa). Les derniers à quitter l’avion sont le capitaine Goubine et le mécanicien de bord – le lieutenant S. N. Outkine, avec un parachute seulement car celui de Goubine est inutilisable, il est partiellement brûlé. Avant que l’avion n’explose, il se brise et la partie arrière où se trouvent les soldats insurgés blessés et partisans français gravement blessés, tombent d’une grande hauteur.

De ces blessés militaires transportés par l’avion soviétique, seul Anton Koprda a survécu : il a été propulsé dans la queue de l’avion par le souffle de l’explosion et cette partie s’est ensuite détachée du reste de l’avion et a lentement chuté dans un mouvement circulaire avant de tomber sur des branches de grands arbres. Dans l’explosion de l’avion, deux autres membres de l’équipage sont morts : le deuxième pilote et le lieutenant Y. N. Chichkine et le navigateur – le lieutenant A. Tagaï.

Les débris de l’avion sont tombés dans la chaîne de montagnes Levočské vrchy – les collines de Levoča dans la région slovaque de Spiš, plus particulièrement dans les bois près du petit village slovaque de Torysky (810 m d’altitude). Des pièces de l’épave sont aussi tombées sur le point géographique Javorinka – Petit Érable (1074 m d’altitude).

Dans l’attaque de l’avion et la chute qui s’en est suivie, des membres de la 2e brigade parachutiste tchécoslovaque : le lieutenant J. Hronský, le soldat J. Siksa, un para-brigadiste non-identifié ; et quatre français : le lieutenant Jean-Luc Lehmann, le caporal Maurice Lerouge, le soldat Célestin Joubier, le soldat Jean Cossard et une infirmière slovaque Alice Braun-Rutkay ont été tués.

Ils ont été enterrés après la guerre dans le cimetière de la ville de Levoča. En 1956, les restes des soldats français ont été déplacés dans la tombe commune sous le Monument commémoratif aux partisans français sur le sommet de la colline Zvonica – Campanile près de Strečno, un village avec un château-fort médiéval de la région de Žilina. Strečno, situé dans la vallée du Váh, fut le lieu d’âpres combats.

Le Monument fut inauguré le 29 Août 1956 devant le Ministre français Tanguy-Prigent, en présence des familles françaises.

L’après en France

Sa maman, Madame veuve Yves Joubier née Marie Joseph Hervoche, recevra un courrier daté du 22 novembre 1945 de la part du Capitaine De Lannurien, nous citons : « Ayant été le Commandant du Groupe des Combattants Français en Tchécoslovaquie, j’ai le douloureux devoir de vous faire savoir que toutes les recherches entreprises pour obtenir une certitude sur le sort de Joubier Célestin sont demeurées vaines ; lors de mon récent voyage en Tchécoslovaquie, j’ai procédé moi-même à des recherches inutiles. J’avais chargé la Croix-Rouge Internationale et la Mission de Rapatriement de Prague d’enquêtes qui n’ont donné aucun résultat. Dans ces conditions, étant obligé de régulariser la situation de Joubier Célestin vis-à-vis de l’Armée Française, je suis dans la triste obligation de le porter disparu au cours des opérations ».

Célestin Joubier, 2ème classe du « Groupe des Combattants français en Tchécoslovaquie » sera honoré par des décorations à titre posthume de la République française :

– La médaille militaire avec attribution de la croix de guerre avec palme. 21 mai 1946
– La médaille des évadés. Par décret du 5 mai 1950

Le contexte des Groupes de Partisans Français en Slovaquie

Les quelques 200 Français engagés en Slovaquie, pendant les affrontements de 1944-45, ont perdu au combat 55 tués et 42 blessés. Ceux qui ont survécu entrent en contact avec l’Armée rouge en janvier 1945. Regroupés à Odessa avec leurs anciens camarades restés en Hongrie et d’autres prisonniers libérés par les soldats soviétiques de la Prusse orientale, au nord, à la Styrie autrichienne au sud, à la fin du printemps 1945. Ils seront rapatriés avec 2000 autres compatriotes par le bateau Bergen Fjord qui arrive à Marseille le 8 avril 1945.

Des Résistants français vinrent en Slovaquie avant l’Insurrection national slovaque (SNP- de 29 août 1944 à 28 octobre 1944), des le début du mois d’août 1944.

En premier lieu, il s’agissait de soldats, sous-officiers et officiers de l’armée française qui, lors des combats contre l’armée allemande attaquant la France, avait été faits prisonniers et emmenés dans des camps – oflags ou stalags en Allemagne. Certains audacieux, après des tentatives d’évasions manquées et parfois des sanctions en camp disciplinaire, parvinrent à gagner la Hongrie, où la situation faite aux Français était relativement supportable (2). Mais le but de ces hommes, en traversant des pays d’Europe centrale, était de rejoindre les Forces Françaises Libres qui combattaient les armées de l’Allemagne nazie. Se heurtant à des impossibilités de passage (en Croatie par exemple), un groupe s’est alors tourné vers la Slovaquie après avoir été informé de l’insurrection qui se préparait en Slovaquie.

(2) Du fait de la neutralité vis-à-vis de la France de Vichy, la Hongrie accorde aux évadés français le statut d’internés, selon l’article 47 de la Convention de Genève. Cela changera après l’entrée des troupes nazies en Hongrie, le 19 mars 1944 et le parti des « Croix fléchées » porté au pouvoir par eux. Le gouvernement Salaszi va lancer contre les « internés » français un ordre d’internement général.

D’autres Français qui, réquisitionnés par le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) pour les allemands, avaient été déportés dans l’usine Škoda à Dubnica nad Váhom en Slovaquie dans une usine d’armement allemande en juillet 1944 (du 6 juillet jusqu’au 19 août 1944, 488 Français y étaient déportés). Ces jeunes Français s’évadèrent début septembre pour rejoindre le groupe venu de Hongrie commandé par le Capitaine Georges de Lannurien.

Cette unité combattante – une Compagnie Française – s’est formée et s’est organisée dans la vallée de Turiec à partir de la deuxième quinzaine d’août 1944.

Les premières missions militaires dans la région, entre Vrútky et Žilina, dans la vallée étroite du Váh (3), donnent lieu à des affrontements très durs qui se dérouleront dans le Défilé de Strečno (Strečnianska tiesňava) depuis le 31 août jusqu’au 4 septembre 1944, et sur le village de Priekopa (actuel. Vrútky-Priekopa) du 6 et du 9 septembre 1944. Après ces combats, les hommes passent quelques jours de repos (du 13 jusqu’au 19 septembre 1944) dans la station thermale de Sliač (près de Zvolen), puis ils participent à d’autres combats à Nemecké Pravno (actuel. Slovenské Pravno) le 20 septembre 1944, à Čremošné, à Svätý Kríž na Hronom (actuel. Žiar nad Hronom) du 21 jusqu’au 24 septembre 1944 et à Jánova Lehota le 25 septembre 1944.

(3) Ce passage par la vallée est très étroit. Creusé par la rivière Váh entre les montagnes Fatras (massifs de Grande Fatra et de Petite Fatra dans les Carpates occidentales) ce défilé est accessible seulement par la voie d’eau jusqu’à la fin du 19e siècle quand une grande ligne de communication sera construite (une voie ferrée avec des tunnels et une route nationale, reliant l’est avec l’ouest du pays par cette ligne septentrionale. A Vrútky-Priekopa, se trouve un nœud ferroviaire et un carrefour routier reliant est-ouest et nord-sud du pays, d’où l’importance des combats en ce lieu.

Après un repos dans la ville de Detva afin de permettre la réorganisation des unités de combat début octobre, le groupe repart au combat pour la défense du Sud-ouest du front où elle a soutenu des engagements très dur à Krupina du 13 au 18 octobre 1944, à Prenčov du 10 jusqu’au 11 octobre 1944, à Hontianske Nemce du 16 jusqu’au 19 octobre 1944, à Svätý Anton et enfin à Senohrad, le 20 octobre. Revenue à Detva, la Compagnie va poursuivre son périple jusqu’aux montagnes de la vallée du Hron (région Pohronie) et au village de Jasenie plus particulièrement, village situé sur les pentes méridionales des Basses Tatras.
Enfin, le troisième volet de la guerre de partisans se déroule lors de la répression du Soulèvement par les troupes nazies qui envahissent la Slovaquie. Les éléments de la Compagnie qui a éclaté en plusieurs petites formations plus ou moins nombreuses dont une équipe autour du Capitaine Georges de Lannurien (1915-1988), une autre avec le lieutenant et aumônier militaire Jean-Pierre Geyssely (1911-1999), de novembre 1944 à février 1945 (rencontre avec les unités de libération du front d’Ukraine), se réfugient dans les montagnes pour mener leurs raids.

Un grand merci

Nous remercions vivement les familles Clairet – Joubier et Ponchon qui nous ont transmis de nombreux documents et photos de famille et le musée SNP à Banská Bystrica.

Références

1 Francúzi v Slovenskom národnom povstaní (Les Français dans l’Insurrection Nationale Slovaque). Dušan Halaj, Ľubomir Moncoľ, Ján Stanislav. Grafické štúdio Ing. Petra Jurigu Banská Bystrica 2003. ISBN 80-89112-02-1

2 Musée SNP (Soulèvement National Slovaque) à Banská Bystrica en Slovaque.

3 Fašistické represálie na Slovensku (Druhé doplnené a rozšírené vydanie). Stanislav Mičev, Ján Stanislav, Jozef Rodák, Dušan Halaj. Vydavateľstvo Obzor, Bratislava 1990. ISBN 80-
215-0063-8

4 Slovensko – Dejiny. Ján Tibenský & collect. Vydavateľstvo Obzor, Bratislava. 1971

5 Dejiny Slovenska a Slovákov. Milan S. Ďurica. Slovenské Pedagogické Nakladateľstvo, 1996. ISBN 80-08-01427-X

6 La Résistance et les Français. Lutte armée et maquis. Actes du colloque international de Besançon – 15-17 juin 1995 publiés sous la direction de François Marcot. Des Français dans des maquis étrangers, par Yves Durand. Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté. 1996. ISBN 2.251.60617.3

7 Les résistants de la dernière chance ; des français dans les maquis slovaques. Bohuš Chňoupek. Ed. Jacques Grancher. 1986. Avec l’accord de Slovenska Literarna Agentura (L.I.T.A.) Bratislava

8 Histoire des pays tchèques et slovaque. Antoine Mares. Ed Hatier. 1995

Sur le web :

http://www.muzeumsnp.sk/

http://gw.geneanet.org/duvgen?lang=fr;m=NOTES;f=Stalag (stalag XVII B)

http://www.unser-gneixendorf.at/le-camp-de-prisonniers-de-guerre-stalag-xvii-b/

Besoin d’infos, écrivez-nous : www.vaheurope@gmail.com

 

 

L’église en bois de Matysová

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Une des curiosités de l’exposition en plein air du Skansen de Stará Ľubovna est l’église uniate (gréco-catholique) en bois, dédiée à saint Michel archange, construite en 1833. Cette église fait partie des monuments importants de l’architecture sacrale en Slovaquie de l’Est. C’est un bâtiment à une nef, construit avec des rondins, contenant un chevet polygonal et une antichambre, le babinec, au-dessus de laquelle se trouve une haute tour-clocher.

L’intérieur de l’église est décoré par 1’iconostase avec une architecture classique décorative à cinq registres et datant de la première moitié du 18e siècle.

L’église a été transférée au musée en plein air de Stará Ľubovňa en 1979 et elle a été de nouveau consacrée en 1991. Depuis, la liturgie s’y tient depuis lors des fêtes religieuses importantes, les mariages… et l’office se déroule en slavon (vieux slave).

Situation

Stará Ľubovna et son skanzen – le musée en plein air se trouve au nord-est de la Slovaquie, dans la région de Špiš, à 375 km de Bratislava et à 14 km environ de la frontière polonaise.

Histoire de l’église

Cette église à l’origine se trouvait dans le village de Matysová, village situé à environ 8 km au nord-est de la ville de Stará Ľubovňa, proche de la frontière entre la Slovaquie et la Pologne.

Matysová, est un ancien village montagnard typique avec des maisons regroupées et bordant la rue, avec ses fondements bâtis tout autour de la rue principale. Ce village était mentionné pour la première fois dans les sources d’archives en 1408. Il a appartenu initialement au comte Imrich Perényi, qui l’avait reçu en don du roi de Hongrie Sigismond de Luxembourg. Plus tard, le village a appartenu à la famille noble Palocsay-Horváth.

L’église se trouvait à l’origine sur une petite colline de moyenne élévation au milieu du village, là où autrefois se dressait une église en bois encore plus ancienne. Les Maîtres charpentiers ont construit cette « nouvelle » église en bois d’épicéa en 1833.

Depuis le 19e siècle, et comme en témoignent les documents de ses rénovations, entre 1937 et 1938 a été réalisée une restauration générale et une reconstruction partielle de l’église. Au cours de ces travaux, au point de vue plan, l’église est modifiée par l’extension de la nef et par l’insertion d’une nouvelles galerie, l’adaptation de la partie sous le clocher (la tour) et la création de la nouvelle entrée.

En 1968, les habitants de Matysová construisent une nouvelle église, maçonnée en pierre, et décident de vendre leur église en bois au musée de Stará Ľubovňa. L’édifice y sera transféré en 1979.

Extérieur de l’église

L’édifice en bois est une construction en poutres (madriers) recouverts à l’extérieur de bardeaux. Il est identifié comme église ruthène du type local des Lemkos, un petit groupe ethnolinguistique ruthène des Carpates orientales pratiquant le rite chrétien orthodoxe.

Cependant, au point de vue architectural, les trois parties typiques de cet édifice ne se retrouvent pas clairement exprimé dans la forme principale du bâtiment. Le Sanctuaire est à chevet polygonal, la nef rectangulaire comprenant le babinec et le couloir extérieur d’entrée, ne font qu’une seule unité.

Seuls le toit avec la tour-clocher et deux petites tourelles situées au-dessus de la nef et du sanctuaire, révèlent un édifice en trois parties à l’origine typique des édifices de rite byzantin.

La remarquable grande tour-clocher, située à l’ouest et qui contient trois cloches, a été bâtie à partir d’un plan de forme carrée à sa base terminée par un toit baroque caractéristique et ornée d’une croix décorative en fer forgé.

On remarquera aussi les fenêtres à arc segmentaire qui sont un des éléments très intéressant de l’architecture de cette église.

Sur la droite et avant l’entrée de l’église, une croix en bois est érigée (copie de 1912), on peut y voir sur ces faces en relief sculpté les symboles du martyre du Christ.

Intérieur de l’église

– Le babinec

Dès la première porte passée on se trouve dans un court babinec. A droite, une échelle de type « meunier » permet d’accéder à la tribune (cet accès était interdit lors de notre visite) bâtie, en partie, au-dessus du babinec et de la tour-clocher.

– La nef

Après le passage de la deuxième porte, massive, comportant une représentation symbolique du soleil sur la face externe, on entre dans l’espace intérieur de l’édifice sous un plafond plat bas, tribune oblige, réalisé avec des poutres en bois.

Après la tribune, on entre dans la nef à proprement parlé. Là, on remarque un plafond bas divisé axialement en croix dont les quatre parties sont lattées donnant ainsi un effet de losanges multiples. Face à nous, l’iconostase de la première moitié du 18e siècle et devant cette iconostase, la cloche de saint Michel archange est posée sur un socle.

Au centre de la nef se trouve un objet rond accroché au plafond. Son origine est liée à une légende qui existe toujours au village de Matysová. Pendant de nombreuses années, il a été présenté comme un lustre alors que la légende raconte que c’est pendant l’épidémie de choléra de 1633, alors que de nombreux villageois mourraient, que cet objet fut créé après la vision lors d’un rêve. En fait, il s’agit d’une représentation de l’espace symbolique du trône de Dieu selon la Bible (la vision du prophète Ezéchiel – EZ1; EZ10 – et l’Apocalypse de Jean – Ap 4,2 à 10; AP7, 11).

A l’Est, l’iconostase et le sanctuaire

– Le sanctuaire

Situé derrière l’iconostase, cet endroit, réservé au prêtre, n’est pas, dans cette église, accessible. On ne pourra donc qu’essayer d’apercevoir le mobilier qui s’y trouve. On peut juste y voir une fenêtre de chaque côté.

Sur l’autel du sanctuaire de l’église de Matysová se trouve une icône qui représente la Descente de la Croix. Une plus petite icône qui se trouve sur la table de service du sanctuaire représente la Mère de Dieu.

– L’iconostase

C’est l’élément remarquable qui attire souvent le premier regard lorsque l’on pénètre dans une église de rite orthodoxe ou gréco-catholique. Dès l’entrée dans la nef, votre regard est attiré, comme la limaille de fer par un aimant, dans cette direction.

Une grande partie de la décoration de l’église est fixée sur l’iconostase à quatre registres datant de la première moitié du 18e siècle (1763), comportant une architecture décorative en bois dorée sur fond noir, dans un style de l’art traditionnel du baroque tardif de la région.

La partie inférieure ne possède pas de représentation.

Au niveau du 1er registre, le registre principal, l’iconostase comporte les icônes locales sur une rangée avec la Porte royale et la Porte diaconal, une icône de saint Nicolas, une icône de la Mère de Dieu, une icône du Christ Pantocrator et une icône de l’Archange Michael, patron de l’église.
Sur cette icône de saint Michel archange de la rangée principale, sont aussi représentés, en plus du saint, deux plus petites figures agenouillées : un homme et une femme en costumes folkloriques traditionnels. Ce sont très vraisemblablement les mécènes de cette église.

Le deuxième registre contient 12 petites icônes de fêtes avec au milieu un Mandylion

Le troisième registre est une Déisis. Au milieu, la Mère de Dieu et saint Jean-Baptiste entoure le Christ et de chaque côté on retrouve les icônes de six apôtres.

Le quatrième registre termine l’iconostase et comprend des médaillons avec demi-figures des prophètes de l’Ancien Testament et, au centre, l’icône du Calvaire incorporée au sommet de l’iconostase qui est la plus ancienne de l’ensemble, elle est datée de 1711.

L’auteur de l’iconostase est probablement Piotr Perehrymskij.

La porte royale dorée est décorée par six médaillons, dont quatre représentent les évangélistes, saint Jean et saint Luc à gauche, saint Marc et saint Matthieu à droite. Sur le dessus, deux médaillons plus petits représentent l’Annonciation avec l’archange Gabriel à gauche et la Vierge Marie à droite. L’ensemble de la porte royale comporte un motif stylisé de vignes avec des raisins et des feuilles d’acanthe. La porte royale est surmontée d’une croix.

Sur le mur nord

A gauche de l’iconostase, sur le mur nord, un autel latéral baroque comprend l’icône de la Transfiguration. Elle est datée de la fin du 17e – début du 18e siècle. Elle exprime l’événement par lequel le Christ a révélé à ses disciples sa nature divine.

Vers le fond de l’église, l’icône du Pantocrator domine. C’est une tempera sur bois du 17e siècle.

Le Christ est assis sur un trône massif en forme de banc. Derrière lui, sur le dossier, dans des tons bleus, la représentation de la puissance céleste avec les Chérubins et les Séraphins. Il tient de la main gauche l’Evangile et de sa main droite il bénit. Le Christ à une expression souriante. Il faut remarquer que le Christ n’a pas un regard convergent. Son œil gauche est comme l’œil droit, il a été reproduit à l’identique. Car selon la croyance de l’époque, la justice divine ne peut avoir un mauvais regard. Une superstition locale attribuait une mauvaise vision à l’œil gauche. 1

Sur le mur sud

En partant de l’iconostase, quatre icônes garnissent le mur sud (droit).

La première icône, du milieu du 17e siècle, représente la Crucifixion.

Le centre de l’icône est dominé par la croix portant le corps du Christ stylisé. Il porte une couronne d’épines et les pieds sont cloués seulement avec un clou (alors que chaque pied est cloué individuellement dans la tradition de l’iconographie orthodoxe). Cette icône date de l’unification de l’Eglise d’Orient à Rome durant la période de l646. L’icône combine le schéma iconographique oriental et la vision chrétienne occidentale. Ce mélange de style est typique dans les icônes qui vont être créées ultérieurement dans cette région et dans cette église « uniate » gréco-catholique.

La deuxième icône est située sous l’icône de la Crucifixion. Il s’agit du Mandylion ou La Sainte Face. Datée du milieu du 17e siècle. En-dessous, l’inscription en cyrillique « image non faite de main d’homme de Notre Seigneur jésus Christ ».

La troisième icône représente le saint patron de l’église : saint Michel archange. Cette icône du 17e siècle (1640), est une détrempe sur bois de 130 cm x 120 cm. Elle représente au centre l’archange saint Michel en jeune homme vêtu d’une armure tenant une épée levée dans sa main droite. Il est debout, les deux pieds posés sur un serpent. Tout autour de lui, dix scènes hagiographiques sont placées sur le pourtour de l’icône. Cette icône est un don fait par un bienfaiteur du nom de Štephan Soltys Matysovský en 1640.

La quatrième icône suspendue est l’image de la Résurrection. La composition est dominée par la figure du Christ ressuscité qui sort de la tombe tenant dans sa main droite la bannière de la Résurrection. Deux soldats sont effrayés par la scène tandis qu’un troisième dort, le visage posé contre son poing droit.

Sous la tribune on découvre des icônes et une croix de procession. Parmi celles-ci, sur la cloison sud et à côté de la fenêtre, l’icône qui est certainement la plus précieuse de cet ensemble représente sainte Barbe (Barbara – Barbora). Sainte Barbe se trouve devant la tour où elle fut enfermée et tient, de la main droite un ciboire et de la main gauche l’épée de son martyre (elle fut décapitée par son père). Sur la cloison ouest, l’icône de saint Michel archange.

Signalons en passant que, souvent, ces deux icônes sont aussi utilisées, et invoquées, pour protéger les habitations de la foudre.

A gauche de l’icône de saint Michel, une icône de sainte Anne et à droite une icône de la Crucifixion. Elles sont toutes deux du 19e siècle

Dans ce « coin », on peut aussi voir un petit bijou, une très jolie chaise en bois à dossier sculpté en forme de trèfle. C’est un travail d’art « populaire » de la moitié du 19e siècle.

A l’ouest

Sur le parapet du chœur, est installée l’icône de la Déisis (l’Intercession) datée de 1640.

Au centre, on voit le Christ bénissant et tenant le Livre assis sur un trône. Il est entouré de la Mère de Dieu d’une part et de saint Jean-Baptiste, qui se tournent vers lui dans un geste de demande d’intercession. Ils sont suivis par les apôtres.

A gauche, derrière la Mère de Dieu, Pierre facilement reconnaissable par sa clef, Matthieu, Marc, Simon, Bartholomé et Philippe.

A droite, derrière Jean-Baptiste, Paul, Luc, Jean, Jacques, André et Thomas.

NB : La plupart des icônes individuelles qui ornent les murs de l’église appartiennent à un groupe appelé « icônes de Mušínský » (Pavol Mušínský) des environs de la 2e moitié du XVIIe siècle. Elles faisaient partie du substrat de l’iconostase de l’église plus ancienne en bois de Matysová.

1 Le regard du Christ Pantocrator ne se dirige pas directement vers le visiteur, il pose son regard « au-delà de tout ce qui est ». L’intensité du regard surprend et fascine souvent l’observateur.

Références :

Documents du skanzen de Stará Ľubovna : Chrám sv. Michala Archanjela z Matysovej

Drevené kostoly. Miloš Dudáš, Ivan Gojdič, Margita Šukajlova. Dajama. 2007

Ikony. 17. Storočia na východnom slovensku. Vladislav Grešlik. Prešov 2002

Ikony Šarišského muzea v Bardejov. Vladislav Grešlik. Ars Monument. Bratislava 1994

L’icône ukrainienne XIe – XVIIIe s. Des sources byzantines au Baroque. Lioudmila Miliaeva. Parkstone Aurora 1996

Icônes et saints d’Orient. Alfredo Tradigo. Guide des Arts. Ed. Hazan. 2005

L’icône, fenêtre sur le Royaume. Michel Quenot. Les Editions du Cerf. 2001

Drevené kostoly, chrámu zvonice na Slovensku. Miloš Dudaš, Alexander Jiroušek. Realizované s finančnou podporou Ministerstva kultúry Slovenskej republiky. JES. 2013

Besoin d’infos, écrivez-nous : www.vaheurope@gmail.com