Mgr Alice Hura – Charles Bugan
Le jour de la Saint-André, le 30 novembre, nous sommes entrés depuis peu dans la période dite « jours des sorcières » lesquels sont aussi perçus comme « jours magiques ». Lire notre article de la Sainte-Catherine, qui est le premier de ces jours fascinants de la superstition populaire slovaque.
Des siècles de misères, de souffrances et de peurs ont amenés les famines, les épidémies de pestes et les guerres, lot quotidien de la population, d’où un immense besoin de protection. L’apport de la spiritualité chrétienne médiéval, avec le culte des saints, des reliques…va intégrer, remplacer les coutumes archaïques, les superstitions populaires sans toutefois les supprimer complètement. La magie bienfaisante est donc une réponse à une situation d’insécurité et de peur dans le milieu rural à l’époque féodale et dans les temps qui vont suivre car la plupart de ces rites étaient encore très vivaces jusqu’à la seconde guerre mondiale. Par après, elles vont se dissiper pour ne plus être, de nos jours, que des occasions de faire la fête, quoique…
Les interdictions superstitieuses
Jadis, le jour de Saint-André, les femmes du village ne pouvaient pas filer. Cette superstition était en vigueur dans toute la Slovaquie. On croyait qu’enfreindre cette règle provoquerai la maladie de tournis chez les moutons ou l’arrivée d’un loup dans le troupeau de moutons.
Le jour de la Saint-André les gens évitaient de prêter quelque chose de la maison où habitait un homme portant le prénom André. On croyait qu’enfreindre cet usage allait provoquer un désastre dans leurs biens.
Dans la région de Horehronie – la vallée haute du Hron, les filles brisaient de vieilles marmites en argile sur la porte de la maison où habitait une personne prénommée André.
Dans la région d’Orava, les filles jouaient de mauvais tours amusant en guise de revanche vis-à-vis des jeunes hommes après la Sainte-Catherine.1
Le jour de la Saint-André, on observait d’anciens rituels des bergers, typiques pour les campagnes que l’on retrouvera aussi pendant les autres jours important en Slovaquie, notamment dans la région de Liptov. Les bergers visitaient les maisons du village et offraient une vergette d’une botte d’osiers pour chaque maitresse de maison qui aussitôt fouettait légèrement les jambes des bergers en exprimant des souhaits de bonne santé et de rester agile pendant la garde des moutons.
Dans le Hont au sud de la Slovaquie centrale, ils organisaient le cortège des pasteurs du village appelé la Koleda2. Cette marche était pratiquée aussi par les vachers et les porchers. A cette occasion, le pasteur avait une grande trousse de toile en brins dans laquelle il déposait les offrandes (du pain, un sachet de blé et de petits sachets de légumineuses). Les maitresses recevaient une vergette pour accomplir le rituel déjà mentionné. Cette vergette était conservée jusqu’au printemps, jusqu’au premier pâturage, et était alors utilisée pour fouetter, symboliquement, le bétail en leur souhaitant de garder une bonne santé toute l’année.
Dans la vallée du Hron, une coutume répandue et pratiquée très tôt le matin le jour de la Saint-André, était la marche d’un cortège de petits garçons du village. Ils tenaient en mains un objet en fer ou un outil en acier appelé oceľa ou ocieľka et visitaient les maisons du village en exprimant des souhaits de bonne et forte santé comme le fer en récitant de petites formules magiques.
Dans la région d’Orava, les hommes visitaient les maisons du village très tôt le matin pour éviter la première visite mal perçue d’une femme à la maison3. Dans le village de Babín, un cortège des hommes du village se déplaçait en exprimant des souhaits de bonne santé, de bonheur et de bénédiction divine, et aussi de bonne récolte et l’amour pour tous les habitants et qu’ils vivent en bonne intelligence et en sincérité dans la maison. Puis, ceux qui prononçaient les mots de ces souhaits pour l’année suivante, effectuaient une gambade sur un pied, déposait un baiser sur la table et continuaient en récitant des mots de souhaits de subsister comme cette table.
Dictons météorologiques populaires de la Saint-André
La neige qui tombe à la Saint-André dure longtemps et reste jusque la Saint-Grégoire, le 12 mars, puis elle se fond dans les ruisseaux.
Tel temps à la Saint-André, tel temps pour tout l’hiver
La neige de la Saint-André n’est pas bonne pour le seigle
La neige de la Saint-André mange le pain de seigle
Dans le Sud de la Slovaquie, on dit : « Si le jour de Saint-André est sous le grondement du tonnerre (de l’orage), la récolte prochaine des noix sera mauvaise » ou « si les arbres fruitiers sont sous la pluie le jour de Saint-André, il y aura moins de fruits ».
La Prophétie amoureuse du jour de Saint-André
Mais ce jour est aussi un jour de la « magie de l’amour » pour les jeunes filles à marier, et ce par la prophétie d’avoir un mari. En effet, dans la tradition populaire slovaque, saint André est considéré comme le patron des fiançailles.
Un rituel traditionnel consiste en une préparation culinaire dans la région de la vallée du Hron de même que dans la région de Nitra, de Spiš, de Liptov et d’Orava. On ébouillante des halušky (sorte de gnocchis) à l’intérieur duquel est dissimulée une petite feuille de papier sur laquelle est inscrit le nom d’un homme libre, potentiel futur mari. On ouvre le premier haluška remonté à la surface de l’eau bouillante, on l’ouvre et on lit le nom, ce sera celui … du futur mari.
Autre rituel de cette magie d’amour, et toujours pour la prévision du futur mari et du mariage.
La prophétie se déroule, cette fois, avec une fonderie au plomb dans les régions de Turiec, de Spiš, de Hont. On coule du plomb en fusion au travers d’une anse de clé et au-dessus d’un récipient contenant de l’eau en prononçant la formule magique suivante : « Ondreju, Ondreju, na teba olovo lejú, daj mi v noci znať, s kým ja budem pri oltári stáť ! – André, André, en ton nom je coule du plomb, tu découvriras pour moi cette nuit, qui se placera avec moi à l’autel » (pour la noce).
D’après la forme du plomb refroidi, les filles devinent la profession du futur mari.
Une autre superstition slovaque de la Saint-André dans la région de Horehronie est le semis des graines de chanvre par des filles. Les filles jettent par la fenêtre d’une maison où habite un André des graines de chanvre à textile, le jour de la Saint-André en récitant des formules magiques destinées à remplir ses souhaits de mariage : « André, André, je te sème du chanvre, Dieu laisse-nous savoir si l’on se mariera ».
Si les habitants étaient favorables aux filles faisant ce rituel, c’est-à-dire les invitaient à la maison ou leur souhaitaient bientôt un mariage, cela signifiait pour elles une chance de se marier rapidement.
La même version de ce rituel existait aussi pour les hommes célibataires du village. Les filles du village jetaient les graines de chanvre par la fenêtre d’une maison où habite un jeune homme célibataire.
Et encore, dans la région de Turiec, le jour de la Saint-André, la jeune fille verse des grains de chanvre sous son coussin en prononçant cette formule magique : « En ce jour en ton nom, André, je sème des graines de chanvre, mais je ne les sème pas pour qu’il pousse, mais pour que mon amoureux vienne à moi ». Puis elle plaçait un pantalon d’homme sous la tête ou sous l’oreiller avant de s’endormir et attendait de quel jeune homme du village elle allait rêver.
Au plus les rituels étaient compliqués le jour de la Saint-André, au plus le résultat devait être certain. Pour cela, de nombreuses jeunes filles ne mangeaient pas durant la journée de Saint-André et elles sortaient le soir dans la cour de la maison en prenant une poignée de graines de lin. Elles les versaient autour d’un billot pour fendre le bois en prononçant la formule magique à chaque jetée de graines : « Je sème des graines de lin autour du billot, André, laisse-moi savoir avec qui je dormirai lors de la nuit de noces dans un an ». Des coutumes similaires de semis de chanvre ont été enregistrées dans d’autres régions slovaques : Šariš, Zemplín, Hont, Novohrad.
Dans les régions de la Slovaquie centrale, les filles secouaient les clôtures en bois en prononçant les formules magiques destinées à réaliser ses souhaits de mariage.
Dans le nord de la région du Hont, où la clôture en bois était dialectalement appelée lesa, les filles devaient aller le soir à la clôture de la maison où habitait une personne célibataire prénommée André. Les filles secouaient la clôture en bois en prononçant la formule magique : « Je secoue, je secoue la clôture, d’où aboie le chien, là se trouve aujourd’hui mon mari prédestiné »
Dans la région d’Orava, à Tvrdošín, la fille allait secouer le poteau de la clôture de la maison où elle souhaitait se marier.
Une autre coutume consistait à compter les poteaux d’une clôture, de frapper sur l’étable pour voir si le cochon grognait, d’arracher de la paille de la chaumière, de jeter des tabliers sur le toit en bois, de secouer un prunier comme dans le sud du Hont en disant : « Prunier, je te secoue, Saint-André je t’en supplie, laisse-moi rêver avec qui j’irai à l’autel ».
Une autre coutume consistait à écouter les aboiements des chiens afin de déterminer de quel côté les jappements arrivent car c’est de ce côté que la jeune fille trouvera son futur mari.
Près de Banská-Bystrica, les filles se mettaient des pantalons d’homme sous le coussin la nuit de la Saint-André mais ne devaient en parler à personne. L’homme dont elles rêvaient devait devenir leur mari.
Encore dans la région du Hont, les filles allaient frapper sur le puits en bois avec une cuillère en bois (celle qu’elles utilisaient pour sortir les halušky de l’eau bouillante) en disant « Je toque, je toque aujourd’hui, pour qu’où se trouve mon amoureux aboie un chien ». Elles devaient se marier du côté du village où un chien aboyait.
Dans les environs de Trenčín, les filles mettaient un anneau de fiancé sous le coussin pour espérer rêver de l’homme qu’elles devaient marier. Ce rituel était pratiqué avec un anneau qu’une femme avait déjà utilisé lors de son mariage.
A Bánovce nad Ondavou (région de Zemplín), le soir, les filles allaient au puits et criaient « André, André, donne-moi un bon mari ». Il arrivait que des jeunes hommes cachés derrière le puits répondent « J’ai donné le diable à une, et j’en ai donné deux à une autre ! »
Notes
1 Voir notre article sur la Sainte-Catherine : http://vaheurope.eu/?p=355
2 La koleda est un cortège qui se déplace dans le village de porte en porte où là les membres qui la compose récitent ou chantent les formules souhaitant la bonne santé et le bonheur pour les habitants et de fertilité pour le bétail et les champs…
3 Par crainte que ce ne soit une sorcière.
Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie
On trouve des églises dédiées à saint André à Ružomberok, à Komárno, à Pečovská Nová Ves, à Kremnica l’église-rotonde et l’ancienne église à Sebeslavce sous le château-fort de Blatnica.
Sources
Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama
Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003
Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004
U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007
Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – Ottovo Nakladatelstvi, 2009
Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004
Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011