L’église en bois de Matysová

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Une des curiosités de l’exposition en plein air du Skansen de Stará Ľubovna est l’église uniate (gréco-catholique) en bois, dédiée à saint Michel archange, construite en 1833. Cette église fait partie des monuments importants de l’architecture sacrale en Slovaquie de l’Est. C’est un bâtiment à une nef, construit avec des rondins, contenant un chevet polygonal et une antichambre, le babinec, au-dessus de laquelle se trouve une haute tour-clocher.

L’intérieur de l’église est décoré par 1’iconostase avec une architecture classique décorative à cinq registres et datant de la première moitié du 18e siècle.

L’église a été transférée au musée en plein air de Stará Ľubovňa en 1979 et elle a été de nouveau consacrée en 1991. Depuis, la liturgie s’y tient depuis lors des fêtes religieuses importantes, les mariages… et l’office se déroule en slavon (vieux slave).

Situation

Stará Ľubovna et son skanzen – le musée en plein air se trouve au nord-est de la Slovaquie, dans la région de Špiš, à 375 km de Bratislava et à 14 km environ de la frontière polonaise.

Histoire de l’église

Cette église à l’origine se trouvait dans le village de Matysová, village situé à environ 8 km au nord-est de la ville de Stará Ľubovňa, proche de la frontière entre la Slovaquie et la Pologne.

Matysová, est un ancien village montagnard typique avec des maisons regroupées et bordant la rue, avec ses fondements bâtis tout autour de la rue principale. Ce village était mentionné pour la première fois dans les sources d’archives en 1408. Il a appartenu initialement au comte Imrich Perényi, qui l’avait reçu en don du roi de Hongrie Sigismond de Luxembourg. Plus tard, le village a appartenu à la famille noble Palocsay-Horváth.

L’église se trouvait à l’origine sur une petite colline de moyenne élévation au milieu du village, là où autrefois se dressait une église en bois encore plus ancienne. Les Maîtres charpentiers ont construit cette « nouvelle » église en bois d’épicéa en 1833.

Depuis le 19e siècle, et comme en témoignent les documents de ses rénovations, entre 1937 et 1938 a été réalisée une restauration générale et une reconstruction partielle de l’église. Au cours de ces travaux, au point de vue plan, l’église est modifiée par l’extension de la nef et par l’insertion d’une nouvelles galerie, l’adaptation de la partie sous le clocher (la tour) et la création de la nouvelle entrée.

En 1968, les habitants de Matysová construisent une nouvelle église, maçonnée en pierre, et décident de vendre leur église en bois au musée de Stará Ľubovňa. L’édifice y sera transféré en 1979.

Extérieur de l’église

L’édifice en bois est une construction en poutres (madriers) recouverts à l’extérieur de bardeaux. Il est identifié comme église ruthène du type local des Lemkos, un petit groupe ethnolinguistique ruthène des Carpates orientales pratiquant le rite chrétien orthodoxe.

Cependant, au point de vue architectural, les trois parties typiques de cet édifice ne se retrouvent pas clairement exprimé dans la forme principale du bâtiment. Le Sanctuaire est à chevet polygonal, la nef rectangulaire comprenant le babinec et le couloir extérieur d’entrée, ne font qu’une seule unité.

Seuls le toit avec la tour-clocher et deux petites tourelles situées au-dessus de la nef et du sanctuaire, révèlent un édifice en trois parties à l’origine typique des édifices de rite byzantin.

La remarquable grande tour-clocher, située à l’ouest et qui contient trois cloches, a été bâtie à partir d’un plan de forme carrée à sa base terminée par un toit baroque caractéristique et ornée d’une croix décorative en fer forgé.

On remarquera aussi les fenêtres à arc segmentaire qui sont un des éléments très intéressant de l’architecture de cette église.

Sur la droite et avant l’entrée de l’église, une croix en bois est érigée (copie de 1912), on peut y voir sur ces faces en relief sculpté les symboles du martyre du Christ.

Intérieur de l’église

– Le babinec

Dès la première porte passée on se trouve dans un court babinec. A droite, une échelle de type « meunier » permet d’accéder à la tribune (cet accès était interdit lors de notre visite) bâtie, en partie, au-dessus du babinec et de la tour-clocher.

– La nef

Après le passage de la deuxième porte, massive, comportant une représentation symbolique du soleil sur la face externe, on entre dans l’espace intérieur de l’édifice sous un plafond plat bas, tribune oblige, réalisé avec des poutres en bois.

Après la tribune, on entre dans la nef à proprement parlé. Là, on remarque un plafond bas divisé axialement en croix dont les quatre parties sont lattées donnant ainsi un effet de losanges multiples. Face à nous, l’iconostase de la première moitié du 18e siècle et devant cette iconostase, la cloche de saint Michel archange est posée sur un socle.

Au centre de la nef se trouve un objet rond accroché au plafond. Son origine est liée à une légende qui existe toujours au village de Matysová. Pendant de nombreuses années, il a été présenté comme un lustre alors que la légende raconte que c’est pendant l’épidémie de choléra de 1633, alors que de nombreux villageois mourraient, que cet objet fut créé après la vision lors d’un rêve. En fait, il s’agit d’une représentation de l’espace symbolique du trône de Dieu selon la Bible (la vision du prophète Ezéchiel – EZ1; EZ10 – et l’Apocalypse de Jean – Ap 4,2 à 10; AP7, 11).

A l’Est, l’iconostase et le sanctuaire

– Le sanctuaire

Situé derrière l’iconostase, cet endroit, réservé au prêtre, n’est pas, dans cette église, accessible. On ne pourra donc qu’essayer d’apercevoir le mobilier qui s’y trouve. On peut juste y voir une fenêtre de chaque côté.

Sur l’autel du sanctuaire de l’église de Matysová se trouve une icône qui représente la Descente de la Croix. Une plus petite icône qui se trouve sur la table de service du sanctuaire représente la Mère de Dieu.

– L’iconostase

C’est l’élément remarquable qui attire souvent le premier regard lorsque l’on pénètre dans une église de rite orthodoxe ou gréco-catholique. Dès l’entrée dans la nef, votre regard est attiré, comme la limaille de fer par un aimant, dans cette direction.

Une grande partie de la décoration de l’église est fixée sur l’iconostase à quatre registres datant de la première moitié du 18e siècle (1763), comportant une architecture décorative en bois dorée sur fond noir, dans un style de l’art traditionnel du baroque tardif de la région.

La partie inférieure ne possède pas de représentation.

Au niveau du 1er registre, le registre principal, l’iconostase comporte les icônes locales sur une rangée avec la Porte royale et la Porte diaconal, une icône de saint Nicolas, une icône de la Mère de Dieu, une icône du Christ Pantocrator et une icône de l’Archange Michael, patron de l’église.
Sur cette icône de saint Michel archange de la rangée principale, sont aussi représentés, en plus du saint, deux plus petites figures agenouillées : un homme et une femme en costumes folkloriques traditionnels. Ce sont très vraisemblablement les mécènes de cette église.

Le deuxième registre contient 12 petites icônes de fêtes avec au milieu un Mandylion

Le troisième registre est une Déisis. Au milieu, la Mère de Dieu et saint Jean-Baptiste entoure le Christ et de chaque côté on retrouve les icônes de six apôtres.

Le quatrième registre termine l’iconostase et comprend des médaillons avec demi-figures des prophètes de l’Ancien Testament et, au centre, l’icône du Calvaire incorporée au sommet de l’iconostase qui est la plus ancienne de l’ensemble, elle est datée de 1711.

L’auteur de l’iconostase est probablement Piotr Perehrymskij.

La porte royale dorée est décorée par six médaillons, dont quatre représentent les évangélistes, saint Jean et saint Luc à gauche, saint Marc et saint Matthieu à droite. Sur le dessus, deux médaillons plus petits représentent l’Annonciation avec l’archange Gabriel à gauche et la Vierge Marie à droite. L’ensemble de la porte royale comporte un motif stylisé de vignes avec des raisins et des feuilles d’acanthe. La porte royale est surmontée d’une croix.

Sur le mur nord

A gauche de l’iconostase, sur le mur nord, un autel latéral baroque comprend l’icône de la Transfiguration. Elle est datée de la fin du 17e – début du 18e siècle. Elle exprime l’événement par lequel le Christ a révélé à ses disciples sa nature divine.

Vers le fond de l’église, l’icône du Pantocrator domine. C’est une tempera sur bois du 17e siècle.

Le Christ est assis sur un trône massif en forme de banc. Derrière lui, sur le dossier, dans des tons bleus, la représentation de la puissance céleste avec les Chérubins et les Séraphins. Il tient de la main gauche l’Evangile et de sa main droite il bénit. Le Christ à une expression souriante. Il faut remarquer que le Christ n’a pas un regard convergent. Son œil gauche est comme l’œil droit, il a été reproduit à l’identique. Car selon la croyance de l’époque, la justice divine ne peut avoir un mauvais regard. Une superstition locale attribuait une mauvaise vision à l’œil gauche. 1

Sur le mur sud

En partant de l’iconostase, quatre icônes garnissent le mur sud (droit).

La première icône, du milieu du 17e siècle, représente la Crucifixion.

Le centre de l’icône est dominé par la croix portant le corps du Christ stylisé. Il porte une couronne d’épines et les pieds sont cloués seulement avec un clou (alors que chaque pied est cloué individuellement dans la tradition de l’iconographie orthodoxe). Cette icône date de l’unification de l’Eglise d’Orient à Rome durant la période de l646. L’icône combine le schéma iconographique oriental et la vision chrétienne occidentale. Ce mélange de style est typique dans les icônes qui vont être créées ultérieurement dans cette région et dans cette église « uniate » gréco-catholique.

La deuxième icône est située sous l’icône de la Crucifixion. Il s’agit du Mandylion ou La Sainte Face. Datée du milieu du 17e siècle. En-dessous, l’inscription en cyrillique « image non faite de main d’homme de Notre Seigneur jésus Christ ».

La troisième icône représente le saint patron de l’église : saint Michel archange. Cette icône du 17e siècle (1640), est une détrempe sur bois de 130 cm x 120 cm. Elle représente au centre l’archange saint Michel en jeune homme vêtu d’une armure tenant une épée levée dans sa main droite. Il est debout, les deux pieds posés sur un serpent. Tout autour de lui, dix scènes hagiographiques sont placées sur le pourtour de l’icône. Cette icône est un don fait par un bienfaiteur du nom de Štephan Soltys Matysovský en 1640.

La quatrième icône suspendue est l’image de la Résurrection. La composition est dominée par la figure du Christ ressuscité qui sort de la tombe tenant dans sa main droite la bannière de la Résurrection. Deux soldats sont effrayés par la scène tandis qu’un troisième dort, le visage posé contre son poing droit.

Sous la tribune on découvre des icônes et une croix de procession. Parmi celles-ci, sur la cloison sud et à côté de la fenêtre, l’icône qui est certainement la plus précieuse de cet ensemble représente sainte Barbe (Barbara – Barbora). Sainte Barbe se trouve devant la tour où elle fut enfermée et tient, de la main droite un ciboire et de la main gauche l’épée de son martyre (elle fut décapitée par son père). Sur la cloison ouest, l’icône de saint Michel archange.

Signalons en passant que, souvent, ces deux icônes sont aussi utilisées, et invoquées, pour protéger les habitations de la foudre.

A gauche de l’icône de saint Michel, une icône de sainte Anne et à droite une icône de la Crucifixion. Elles sont toutes deux du 19e siècle

Dans ce « coin », on peut aussi voir un petit bijou, une très jolie chaise en bois à dossier sculpté en forme de trèfle. C’est un travail d’art « populaire » de la moitié du 19e siècle.

A l’ouest

Sur le parapet du chœur, est installée l’icône de la Déisis (l’Intercession) datée de 1640.

Au centre, on voit le Christ bénissant et tenant le Livre assis sur un trône. Il est entouré de la Mère de Dieu d’une part et de saint Jean-Baptiste, qui se tournent vers lui dans un geste de demande d’intercession. Ils sont suivis par les apôtres.

A gauche, derrière la Mère de Dieu, Pierre facilement reconnaissable par sa clef, Matthieu, Marc, Simon, Bartholomé et Philippe.

A droite, derrière Jean-Baptiste, Paul, Luc, Jean, Jacques, André et Thomas.

NB : La plupart des icônes individuelles qui ornent les murs de l’église appartiennent à un groupe appelé « icônes de Mušínský » (Pavol Mušínský) des environs de la 2e moitié du XVIIe siècle. Elles faisaient partie du substrat de l’iconostase de l’église plus ancienne en bois de Matysová.

1 Le regard du Christ Pantocrator ne se dirige pas directement vers le visiteur, il pose son regard « au-delà de tout ce qui est ». L’intensité du regard surprend et fascine souvent l’observateur.

Références :

Documents du skanzen de Stará Ľubovna : Chrám sv. Michala Archanjela z Matysovej

Drevené kostoly. Miloš Dudáš, Ivan Gojdič, Margita Šukajlova. Dajama. 2007

Ikony. 17. Storočia na východnom slovensku. Vladislav Grešlik. Prešov 2002

Ikony Šarišského muzea v Bardejov. Vladislav Grešlik. Ars Monument. Bratislava 1994

L’icône ukrainienne XIe – XVIIIe s. Des sources byzantines au Baroque. Lioudmila Miliaeva. Parkstone Aurora 1996

Icônes et saints d’Orient. Alfredo Tradigo. Guide des Arts. Ed. Hazan. 2005

L’icône, fenêtre sur le Royaume. Michel Quenot. Les Editions du Cerf. 2001

Drevené kostoly, chrámu zvonice na Slovensku. Miloš Dudaš, Alexander Jiroušek. Realizované s finančnou podporou Ministerstva kultúry Slovenskej republiky. JES. 2013

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