La veille du Nouvel an en Slovaquie

Alice Hura – Charles Bugan

Le jour de la Saint-Sylvestre jour du réveillon de l’an nouveau, est appelé Journée de Sylvestre dans la culture populaire slovaque.
Les coutumes traditionnelles pratiquées le jour de la Saint Sylvestre en Slovaquie ressemblent en majorité avec les coutumes de la Veille de Noël cependant, elles n’atteignent pas la même intensité ni la même ritualisation.

Les prophéties agraires et les superstitions

Dans la croyance populaire slovaque les prophéties agricoles étaient pratiquées le dernier jour de l’année, à la Saint-Sylvestre, pour assurer la bonne prospérité économique dans la ferme, la fertilité des champs et la fécondité du bétail. Par exemple un rite concernant l’étable bien peuplée de vaches et de brebis, était pratiqué dans le village de Ždiar dans les Tatras. Là, la maitresse de maison ficelait en faisceau des cuillères en bois afin d’assurer la subsistance du troupeau de bétail domestique.

Comme pendant les fêtes de Noël, on respectait de nombreuses superstitions fixées à ce jour : rien n’était prêté de la maison, et le non-respect de cette interdiction allait signifier une diminution des volailles.
De même que la visite d’une femme, tôt le matin, était mal perçue donc, si c’était possible les femmes restaient le matin de ce jour à la maison. Pour rompre cette malédiction il était pratiqué tôt le matin un cortège des vœux de polazníci composé de jeunes hommes qui circulaient de porte en porte aux maisons du village en souhaitant tout le bonheur. Leurs vœux protégeaient la maison.

D’autres coutumes :

Le maître de la maison essayait depuis le matin de casser la coquille d’une noix avec son majeur. S’il réussissait, cela devait apporter la paix et l’amour à la famille.

La maîtresse de maison, frottait avec de l’ail les portes de la maison et de l’étable pour empêcher l’entrée des puissances néfastes. Quant au maître de maison, il frottait la robe des chevaux avec la plus belle pomme pour qu’ils deviennent plus beaux.

Parfois, jadis, après le repas du réveillon, des noisettes et un morceau de pomme étaient jetés dans le puits pour assurer une eau de bonne qualité et la bonne santé.

Les vœux

Dans la région ethnographique de Zamagurie (nord de la région de Spiš) le cortège des garçons circulaient tôt le matin dans le village et ils offraient des bâtons de noisetier à chaque maison visitée.

Dans les régions de Liptov, de Spiš, de Horehronie et d’Orava, autrefois, la jeunesse attendait l’arrivée du Nouvel An dans une maison du village où se rassemblaient les fileuses pour travailler ensemble ou dans l’auberge du village.

Dans la région de Hont, les jeunes hommes chantaient les chants traditionnels sous les fenêtres des maisons du village.
Dans les environs de la ville de Rožňava, les garçons allaient chanter à minuit sur la tour de l’église.
Dans la région ethnographique de Kysuce, le cortège des polazníci circulaient de maison en maison dans le village.
Dans la région de la Haute Nitra, les filles jetaient sur les portes de maisons où habitaient les garçons des marmites en argile remplies de pommes et de noix. Ces marmites les filles les appelaient « nouvelles années ».

Les jeux déguisés et masqués Babinovanie et Kurinovanie

Babinovanie est un spectacle joué par un groupe déguisé et/ou masqué à la Saint-Silvestre dans les environs de la ville de Považská Bystrica (région de la vallée du Váh). Ce spectacle est enrichi par des éléments constitutifs d’un métier traditionnel de la région, pratiqué par un artisan le drotár qui pratique un artisanat particulier avec du fil de fer.

Dans la microrégion d’Uhrovská dolina (dans quelques localités autour du château-fort d’Uhrovec, dans le district de Bánovce nad Bebravou), on appelait le dernier jour de l’année « babí deň – jour de baba » et il y avait un cortège des vœux appelé babinovanie qui était une quête collective et la proclamation de souhaits de bonne année par les garçons du village. A la tête du cortège des dix ou vingt garçons, un accordéoniste avec un bailli des garçons, un autre portait un sac pour collecter les récompenses et selon la tradition, ils circulaient dans les rues du village et s’arrêtaient devant les maisons où ils chantaient d’abord un chant religieux. Après avoir été invité par le maître de maison ils entraient et continuaient en récitant des vers de souhaits de bonheur, de bonne santé, de fortune pour la nouvelle année. Ils obtenaient une récompense sous la forme de noix, de graines de blé, de pommes, de petits pois, de haricots secs, de prunes sèches et un peu d’argent.

Le « Kurinovanie » un rituel agraire ancestral

Le rituel de Kurinovanie est effectué par la tournée des kurine baby ou kuriny-babiny – appellation suivant la localité – qui constituent un groupe de garçons costumés et masqués en femmes et mené par un couple vêtu en paille, appelés kurine baby et accompagné parfois d’une vingtaine de participants qui sortent à la Saint-Sylvestre, et passaient de maison en maison dans le village. Leurs vœux étaient des gages de prospérité et étaient censés rendre féconde la volaille pour la prochaine année qui va commencer. Aujourd’hui, ces cortèges composés uniquement d’hommes sont considérés comme un simple aspect de la joie populaire, mais leur fondement le fait remonter à des croyances ancestrales.

Dans le milieu rural de la Slovaquie orientale, la tradition de kurinovanie était effectuée par le cortège des garçons déguisés en femmes Kurine baby. Ils prononçaient leurs vœux en quêtant et formulaient les souhaits selon la tradition. Le cortège était mené par deux garçons vêtus de costume féminin, l’un avait sur la tête un chapeau formant une couronne tressée de paille avec une sonnette, l’autre vêtu d’un manteau en fourrure ceinturé d’une corde de paille tressée et d’une jupe grossièrement façonnée en paille de blé. Quand le cortège de Kurine baby sortait dans les rues du village, il était déjà attendu par les maitresses de maisons car selon la coutume, chacune des maitresses de maisons attrapait une poignée de paille du déguisement porté par les Kurine baby du cortège, et tout de suite elles donnaient la paille à la couvée de poules, pour assurer que les poules pondent bien leurs œufs.

En Slovaquie septentrionale, la coutume d’un cortège similaire était enregistrée au début du 20e siècle, dans le village de Štiavnik près de Bytča (région de Žilina). Là, la coutume du cortège de garçons déguisés en femmes vêtus en paille était appelé Kuriny-bariny. Ils portaient des vêtements de paille de blé et allaient de maison en maison où ils exprimaient ensuite leurs vœux de fertilité et de fécondité pour l’année qui commence en récitant une formule drôle avec des jeux de mots populaires archaïques comme par exemple cette bienvenue à la nouvelle année : « Kuriny, bariny, babiny kury, dedove fúzy, baba mala fúzy, dedo mrňúsy. Odíde nám starý rok, a príde nám nový, vitajte ho, vitajte » formule intraduisible car utilisant de vieux mots de dialecte (1).

Dans la ville de Bytča, à la Saint-Silvestre, dernier jour de l’année, se perpétue la tradition des Kuriny-bariny. La jeunesse se rassemble le 31 décembre pour aller en mascarade, avec à la tête du cortège un couple déguisé composé d’un garçon déguisé en femme avec son visage caché sous une dentelle et tenant une poupée emmaillotée. Il est accompagné d’une fille déguisée en homme. Ce couple est entouré de personnages déguisés porteurs d’instruments de musique ou des imitations d’instruments de musique.

L’appellation dialectale « kurina baba » est dérivé des mots kura et baba au singulier : la poule – kura, la vieille – baba, et au pluriel les kurine-baby ou kuriny-babiny ce qui signifie les poules et les vieilles », représente une variante d’un calembour de mots populaires et est un élément souvent personnifié.

Le caractère magique du cortège déguisé apparait dans le but d’assurer non seulement que les poules pondent bien des œufs ou que la volaille se porte bien – la fécondité de la volaille – mais aussi de toute la prospérité agricole. Cette sorte de mascarade se déroule aussi avec d’autres masques anthropomorphes par exemple Dedo – le Papy, Baba – la Vieille ou Starý – le Vieux, appartenant à la représentation des masques plus anciens et des masques anthropomorphes authentiques des coutumes populaires slovaques. Ils trouvent leur origine dans l’ancien culte slave des ancêtres qui n’est pas le culte des morts, c’est le culte de la continuité de la vie et pour cela, ces masques réapparaîtront dans le rite des noces dans les traditions slovaques.

Le réveillon du jour de l’An

Le repas pour le dîner de la soirée de la Saint-Silvestre était presque le même que celui de la veille de Noël mais sans restrictions religieuses sur la viande qui étaient donc servie. La soupe traditionnelle de choucroute kapustnica avec saucisses ou viande de porc fumée et champignons des bois, était servie d’abord, puis suivait le repas de pâtes traditionnelles avec le pavot. Ces mets s’appellent les opekance en Slovaquie centrale et septentrionale, les bobalky en dialectes de la Slovaquie orientale et les pupáky en Slovaquie occidentale. Ce repas est accompagné de Medovina, une délicieuse boisson à base de miel, ressemblant à l’hydromel.

De nos jours, la tradition culinaire du repas du Réveillons du jour de l’An, est enrichie d’un menu type buffet froid où ne manquent pas la salade de pommes de terre classique, les cornets de jambon farcis de mousse au raifort, les sandwiches et canapés, les pâtisseries (cakes au chocolat, tartelettes, biscuits, petits gâteaux de pain d’épice, etc.), la petite pâtisserie salée et les boissons de toute sorte.

Autrefois, l’atmosphère de la soirée du dernier jour de l’année était illustrée par le bruit des claquements de fouets de bergers et par le tir d’accompagnement de coup de fusils par les garçons.

Dans les villages de la région de Hont, ce-soir-là, les hommes enflammaient des torches improvisées faites de fourches en fer et de chiffons et circulaient dans le village en entonnant des chants pour l’arrivée du Nouvel An.

En milieu urbain, la tradition du Bal de la Saint Silvestre se perpétue de même que le feu d’artifice annonçant l’arrivée de la Nouvel Année.

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Note

1 Voici quand même un essai de traduction : « Kuriny ?, bariny ?, babiny kury ?, la moustache du vieux, la vieille à la moustache, dedo mrňúsy. La vieille année s’en va et arrive la nouvelle année, bienvenue, bienvenue ». Peut-être faut-il chercher dans d’autres traditions, nous pensons au carnaval. L’utilisation et l’origine de ces mots demeurent obscures.

Sitologie

https://www.drotaria.sk : pour l’artisanat de drotár (objet en fil de fer)

Sources

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – OTTOVO NAKLADATELSTVI, 2009

Ľudová kultúra. Par Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004