Le village de Slatvina et son église gothique

Alice Hura – Charles Bugan

Le village de Slatvina

Un peu plus loin que le château-fort de Spiš, vers l’est dans la vallée de la rivière Hornád, au pied de la montagne de Branisko et sous la colline de Sľubica (1129 m), se trouve l’humble village de Slatvina que nous découvrons un peu par hasard.

C’est vers 1246 qu’est connue la première mention écrit du village sous le nom de Zek ou Szék. L’appellation actuel du village de Slatvina (à l’ancienne époque en hongrois Szlatvin) est d’origine slave et signifie un lieu de marécage, un marais près d’une source minérale.

Au lointain des années ce village dépendait des seigneurs de la famille noble des Zek jusqu’à leur extinction en 1525, puis ce village est devenu une partie du domaine du château-fort de Spiš, alors sous les Zápolya, puis des Thurzo, peu de temps sous d’André Báthory et enfin des Csáky dès 1638 jusqu’à l’abolition du servage en 1848.

Le développement du domaine agraire de Slatvina dès sa fondation du XIIe au XIIIe siècle (12. stor – 13. stor) jusqu’à l’abolition du servage n’était pas marqué, mais une augmentation de la population locale du XIXe au XXe siècle (19. stor – 20. stor) va provoquer une migration des villageois vers les USA et le Canada.

Le caractère exceptionnel de l’eau minérale de Slatvina est un ensemble d’éléments minéraux, surtout de lithium.

Le développement du village au XIXe siècle (19. stor)

La nouvelle époque du développement du village commence au milieu du XIXe siècle (19. stor), quand le comte Csáky va ériger au-dessus de la source minérale un pavillon de la petite station thermale et commencer à exploiter les vertus curatives d’eau minérale de Slatvina.
C’est l’entrepreneur Gédéon Majunke de Spišské Vlachy, qui peut être considéré comme le développeur de la petite station thermale de Slatvina, et le distributeur des bouteilles remplies de l’eau de source minérale. Les bouteilles d’eau minérale de la source Anna de Slatvina ont été distribuées sous la marque Szlatvini dans toute la monarchie habsbourgeoise lors du XIXe siècle (19. stor).
La source de l’eau minérale de Slatvina destinée à la cure, était fournie en boisson à la buvette et était/est recommandée contre les maladies gastriques et des voies respiratoires, mais surtout contre les maladies des reins et aussi pour l’hydrothérapie au bain chaud (par chauffage d’eau minérale).

La source minérale ″Anna″ et les Bains thermaux disparus de Slatvina

Dans le village de Slatvina on y trouve la source minérale Anna, dès le XIXe siècle (19. stor) nommée en l’honneur de la comtesse Anna Csáky, l’épouse du propriétaire terrien à cette époque.
Depuis longtemps, les villageois appelaient cette source d’eau minérale ″kvašna voda″ en patois local slovaque que l’on peut traduire par ″eau pétillante″. Ils utilisaient l’eau minérale à boire pour se rafraîchir et pour la préparation d’un ferment pour la cuisson des gâteaux traditionnels au levain.

L’utilisation d’eau minérale de Slatvina dans un but thérapeutique commence à la fin du XIXe siècle (19. stor), quand Gédéon Majunke fait bâtir une première maison en pierres pour les curistes. La maison des bains était entourée d’un petit parc mais il est détruit pendant la Seconde guerre. Pour l’amusement des curistes, on y trouvait une salle de danse et une salle de jeu de quilles. Pendant la République tchécoslovaque, la petite station thermale de Slatvina, accueillait une centaine de curistes par an. Elle fut laissée à l’abandon pendant les années 30 du XXe siècle (20. stor), éliminée par la forte concurrence des stations thermales tchèques (c’est l’État tchécoslovaque, qui dirigeait la conception politique du développement du thermalisme surtout dans le pays tchèque).
En 1953, la ligne d’embouteillage d’eau minérale naturelle de Slatvina et leur répartition sur le réseau de vente est terminée.

Caractéristiques de la source d’eau minérale Anna

Elle se distingue par une teneur déterminée en un élément en lithium.
La source de l’eau minérale de Slatvina au débit de 4,5 litres par minute est froide à la température de 9,0°C et d’une acidité pH 6,1. Elle est légèrement minéralisée avec un contenu de hydrogénocarbonate-chloruré (HCO3, Cl), calcique-sodique-magnésienne (Ca, Na, Mg), naturellement carbonique, riche en sels minéraux, exceptionnellement en lithium (Li) entre 3,28 mg/l et 6,5 mg/l. Le composition minérale contenu est entre 3206,96 mg et 3466,55 par litre, plus haut niveau élevé de cabrons de l’hydrogène (HCO-3) 1586,0 mg/l, de calcium (Ca+2) 261,32 mg/l, de magnésium (Mg+2) 14,10 mg/l, de fer (Fe) 11,61 mg/l, de teneur en sodium (Na+) 424,0 mg/l, en potassium (K) 42,6 mg/l, en SO4 est 102,87 mg/l, SO2 est 19,71 mg/l. Index selon des analyses publiées de 1968 et 1978.

L’église Nanebevzatia Panny Márie – de l’Assomption Vierge Marie de Slatvina

L’église Nanebevzatia Panny Márie – de l’Assomption de la Vierge Marie de Slatvina est située sur la Route gothique de Spiš laquelle continue à l’est vers la région de Šariš et au sud vers la région de Gemer. La Route gothique est un circuit d’excursion de l’architecture rurale des églises gothiques en Slovaquie, répandues dans les régions en raison du grand nombre de petits gisements de minerai de fer et de cuivre ainsi que quelques mines d’or et d’argent. Ces mines furent fortement exploitées durant l’époque médiévale.

L’église de Slatvina bâtie à la seconde moitie du XIIIe siècle (13. stor) sur une petite colline au-dessus du village est dédiée à l’Assomption de la Vierge Marie, dominant ainsi le village. Elle fut construite à l’origine en style gothique primitif, avec un chevet plat. Le cimetière, très proche, se trouve sur le côté nord. La crypte de l’église comprend les tombeaux des seigneurs locaux, les Petróczy de Vojkovce (en hongrois Vojkócz), inhumés au XVIIIe siècle (18. stor).

Sous les Thurzo, de 1531 à 1636, l’église de Slatvina est passée dans le giron du rite évangélique. Après 1636 (1666 pour d’autres documents), elle sera restituée au culte catholique romain. N’oublions pas que l’Édit de Restitution fut promulgué le 25 mars 1629 par Ferdinand II de Habsbourg, en pleine guerre de Trente ans.

A l’extérieur, sur le côté sud, on peut voir le portail gothique qui formait l’entrée dans la nef avant que la tour-clocher soit bâtie sur le côté ouest. Cette tour clocher daterait du XVIIe siècle (17. stor) au plus tôt.

A l’origine, le toit était en bardeaux de bois. De nos jours, le toit est en plaques métalliques.

La tour n’étant pas encore élevée, un clocher séparé du bâtiment se trouvait à coté de l’église.

La paroisse du 18e siècle remplaçant une ancienne détruite après un incendie en 1782. L’église à l’origine, a servi comme église paroissiale pour les villages environnants.

La Madone de Slatvina vers 1360

Du mobilier de l’église de Slatvina de l’ancienne époque a été conservée une plastique en bois de tilleul de la Madone de Slatvina, chef-œuvre dit du Maître de Slatvina, son atelier a travaillé dans la région de Spis entre les années 60 et 70 du XIVe siècle (14. stor). Selon des historiens allemands d’art, cette madone est artistiquement semblable avec la statue de la Vierge Marie du Mont Marial à Levoča.
Les autres plastiques en bois de Slatvina, une statue de saint Jean-Baptiste (1500-1510), une statue de saint Nicolas (1480-1490) et une autre Madone (sculptée vers 1480), ont été déplacées avant 1918 dans le Musée des beaux-arts et dans la Galerie nationale de Budapest en Hongrie.

Le chœur et les peintures murales

On y trouve des fonts baptismaux en pierre du XIVe siècle (14. stor).

Les peintures murales du 14e siècle ont été retrouvées lors d’un sondage effectué par le Maître de conférences Vladimir Plekanec, restaurateur d’art, en 2013. De 2013 jusqu’à 2016, les peintures murales de l’église ont été restaurées.

C’est ainsi que le chœur et le mur nord de la nef ont révélé des peintures murales très bien conservées, proches des peintures du premier tiers du XVe siècle (15. stor) à Žehra et à Bijacovce. Leur auteur était apparemment l’élève du Maître du presbytère d’Ochtina, comme en témoigne l’exécution de plusieurs scènes, comme par exemple, la Mise au tombeau.

Le niveau inférieur du chœur est constitué de peintures semblables à un drapé représentant des tentures sur les trois côtés qui en constituent le pourtour.

Quant aux fresques proprement dites, elles se trouvent sur trois registres au-dessus de ce décor et sont essentiellement consacrées au cycle christologique de la Passion.

Le registre inférieur

Il est composé de représentations d’apôtres sur tout le pourtour du chœur.

Sur le mur nord, on retrouve quatre apôtres, deux de part et d’autre de la porte gothique de la sacristie. Puis, après le quatrième apôtre, un pastoforium, avec sa grille en fer d’origine, est surmonté d’un Christ. Ce n’est pas un Christ de douleur ou de pitié. Ici, Il nous montre de sa main gauche sa plaie au côté d’où s’écoule son sang vers un calice, symbole de la communion lors de la Cène (Matthieu 26, 27-28).

Sur le chevet, un plus grand ″panneau″ montre sainte Élisabeth de Hongrie offrant un pain à deux personnages. Cependant, ce ne sont pas des ″pauvres″ comme on devrait le voir habituellement suivant l’iconographie attribuée à cette sainte. Ce sont probablement le donateur et son fils. Viennent ensuite trois apôtres.

Sur le mur sud, on peut voir quatre apôtres, un cinquième a probablement été supprimé lors de l’agrandissement de la fenêtre.

Le registre du milieu

Sur le mur nord, le registre est découpé en quatre scènes. La Cène, l’Arrestation de Jésus, la pose de la couronne d’épines et le Portement de croix.

Sur le chevet, à gauche de la fenêtre axiale, la Mise en croix et à droite, la Crucifixion.

Sur le mur sud, la Descente de croix, la Mise au tombeau, la Résurrection et la Descente de Jésus aux Enfers.

Le registre supérieur

Sur le mur nord, une seule représentation : l’Entrée de Jésus dans Jérusalem.

Sur le chevet, Jésus au Mont des oliviers priant à droite alors qu’à gauche se trouvent les apôtres qui dorment. Au-dessus de la fenêtre axiale, on Dieu le Père et un calice. C’est vers eux qu’est dirigé Jésus en prière.

Sur le mur sud, Jésus devant Pilate et la Flagellation. Entre ces deux représentations, au-dessus de l’ancienne fenêtre gothique transformée, un Mandylion.

Le plafond du chœur

En croisée d’ogives, chaque voûtain est décoré par des peintures dans un médaillon.

Au nord, la Vierge Orante, sur cette représentation, on ne voit seulement la partie supérieure. Jésus, bénissant est sur sa poitrine. Un détail, le Christ est barbu, il n’est plus un enfant comme on peut le voir habituellement et notamment sur l’icône du XIIIe siècle (13. stor) de Yaroslav et sur l’icône du XIIe siècle (12. stor) qui se trouve dans la cathédrale Sainte-Sophie de Novgorod en Russie. Dans les deux médaillons plus petits, un évangéliste, Luc, sous la forme symbolique du taureau et un ange qui semble indiquer du doigt le sein d’Abraham.

A l’est, les peintures sont effacées. On devait probablement y trouver un Christ ou autre hypothèse peut plausible, une scène du Jugement dernier. Les deux autres éléments du tétramorphe de la vision d’Ézéchiel, l’aigle – Jean et l’homme – Matthieu devaient s’insérer dans les médaillons.

Au sud, une représentation assez rare : Dieu et son fils sur la poitrine. Dans les deux médaillons plus petits, un évangéliste, Marc, sous la forme symbolique du lion, à gauche et d’un ange, à droite, qui semble aussi pointer du doigt vers le sein d’Abraham.

A l’ouest, face au membre du clergé qui officie, le sein d’Abraham est mis en évidence. Deux médaillons de part et d’autres avec un ange complète ce voûtain.

L’arc triomphal

L’arc triomphal côté nef n’est pas peint. Peut-être sous la couche blanche, mais cela ne semble pas avoir été mis en évidence lors de la redécouverte des fresques ! Du côté chœur, ce sont des motifs ornementaux. Le contour de l’arc triomphal est marqué par des dents d’engrenage ou plisses en accordéon.

L’intrados comporte six prophètes dans des médaillons reliés entre eux par un contour en forme de huit, formant ainsi un lien de continuité entre eux.

Sur les piédroits de l’intrados, deux saints dynastiques, Štefan-Étienne et Ladislav-Ladislas, tout deux furent roi de Hongrie. Chaque piédroit à une croix de consécration.

La nef

La chaire baroque située côté nord, date du XVIIIe siècle (18. stor).

A l’origine, la nef était surmontée par un plafond plat en bois. Mais une reconstruction importante en 1800 a changé l’aspect intérieur de l’église. Les fenêtres gothiques d’origine ont été démolies et remplacées par des fenêtres agrandies de forme baroque et le plafond en bois a été remplacé par un plafond en plâtre.

Les fresques de la nef ne sont pas bien conservées et restent sous une couche de peinture du XXe siècle (20. stor), mais elles sont toujours visibles dans les combles.

Une tribune d’orgue termine la nef côté ouest.

Remerciements

Nous remercions Monsieur Vladislav Vrábeľ, Maire de Slatvina pour son accueil, sa disponibilité et son aide précieuse lors de notre visite ainsi que la personne qui nous a ouvert les portes de l’église.

http://www.slatvina.eu/atrakcie

Sources

Stredoveká nástenná maľba na Spiši. Milan Togner – Vladimir Plekanec. Arte Libris. 2012

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011
Reconnaître les saints. Symboles et attributs. B. Des Graviers et T. Jacomet. Ed. Massin. 2006

Slatvina, na pozadí dejín. 1246-2006. Ondrej Fábry. Obecný úrad Slatvina. 2006