Saint André, le 30 novembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le jour de la Saint-André, le 30 novembre, nous sommes entrés depuis peu dans la période dite « jours des sorcières » lesquels sont aussi perçus comme « jours magiques ». Lire notre article de la Sainte-Catherine, qui est le premier de ces jours fascinants de la superstition populaire slovaque.

Des siècles de misères, de souffrances et de peurs ont amenés les famines, les épidémies de pestes et les guerres, lot quotidien de la population, d’où un immense besoin de protection. L’apport de la spiritualité chrétienne médiéval, avec le culte des saints, des reliques…va intégrer, remplacer les coutumes archaïques, les superstitions populaires sans toutefois les supprimer complètement. La magie bienfaisante est donc une réponse à une situation d’insécurité et de peur dans le milieu rural à l’époque féodale et dans les temps qui vont suivre car la plupart de ces rites étaient encore très vivaces jusqu’à la seconde guerre mondiale. Par après, elles vont se dissiper pour ne plus être, de nos jours, que des occasions de faire la fête, quoique…

Les interdictions superstitieuses

Jadis, le jour de Saint-André, les femmes du village ne pouvaient pas filer. Cette superstition était en vigueur dans toute la Slovaquie. On croyait qu’enfreindre cette règle provoquerai la maladie de tournis chez les moutons ou l’arrivée d’un loup dans le troupeau de moutons.

Le jour de la Saint-André les gens évitaient de prêter quelque chose de la maison où habitait un homme portant le prénom André. On croyait qu’enfreindre cet usage allait provoquer un désastre dans leurs biens.

Dans la région de Horehronie – la vallée haute du Hron, les filles brisaient de vieilles marmites en argile sur la porte de la maison où habitait une personne prénommée André.

Dans la région d’Orava, les filles jouaient de mauvais tours amusant en guise de revanche vis-à-vis des jeunes hommes après la Sainte-Catherine.1

Le jour de la Saint-André, on observait d’anciens rituels des bergers, typiques pour les campagnes que l’on retrouvera aussi pendant les autres jours important en Slovaquie, notamment dans la région de Liptov. Les bergers visitaient les maisons du village et offraient une vergette d’une botte d’osiers pour chaque maitresse de maison qui aussitôt fouettait légèrement les jambes des bergers en exprimant des souhaits de bonne santé et de rester agile pendant la garde des moutons.

Dans le Hont au sud de la Slovaquie centrale, ils organisaient le cortège des pasteurs du village appelé la Koleda2. Cette marche était pratiquée aussi par les vachers et les porchers. A cette occasion, le pasteur avait une grande trousse de toile en brins dans laquelle il déposait les offrandes (du pain, un sachet de blé et de petits sachets de légumineuses). Les maitresses recevaient une vergette pour accomplir le rituel déjà mentionné. Cette vergette était conservée jusqu’au printemps, jusqu’au premier pâturage, et était alors utilisée pour fouetter, symboliquement, le bétail en leur souhaitant de garder une bonne santé toute l’année.

Dans la vallée du Hron, une coutume répandue et pratiquée très tôt le matin le jour de la Saint-André, était la marche d’un cortège de petits garçons du village. Ils tenaient en mains un objet en fer ou un outil en acier appelé oceľa ou ocieľka et visitaient les maisons du village en exprimant des souhaits de bonne et forte santé comme le fer en récitant de petites formules magiques.

Dans la région d’Orava, les hommes visitaient les maisons du village très tôt le matin pour éviter la première visite mal perçue d’une femme à la maison3. Dans le village de Babín, un cortège des hommes du village se déplaçait en exprimant des souhaits de bonne santé, de bonheur et de bénédiction divine, et aussi de bonne récolte et l’amour pour tous les habitants et qu’ils vivent en bonne intelligence et en sincérité dans la maison. Puis, ceux qui prononçaient les mots de ces souhaits pour l’année suivante, effectuaient une gambade sur un pied, déposait un baiser sur la table et continuaient en récitant des mots de souhaits de subsister comme cette table.

Dictons météorologiques populaires de la Saint-André

La neige qui tombe à la Saint-André dure longtemps et reste jusque la Saint-Grégoire, le 12 mars, puis elle se fond dans les ruisseaux.

Tel temps à la Saint-André, tel temps pour tout l’hiver

La neige de la Saint-André n’est pas bonne pour le seigle

La neige de la Saint-André mange le pain de seigle

Dans le Sud de la Slovaquie, on dit : « Si le jour de Saint-André est sous le grondement du tonnerre (de l’orage), la récolte prochaine des noix sera mauvaise » ou « si les arbres fruitiers sont sous la pluie le jour de Saint-André, il y aura moins de fruits ».

La Prophétie amoureuse du jour de Saint-André

Mais ce jour est aussi un jour de la « magie de l’amour » pour les jeunes filles à marier, et ce par la prophétie d’avoir un mari. En effet, dans la tradition populaire slovaque, saint André est considéré comme le patron des fiançailles.

Un rituel traditionnel consiste en une préparation culinaire dans la région de la vallée du Hron de même que dans la région de Nitra, de Spiš, de Liptov et d’Orava. On ébouillante des halušky (sorte de gnocchis) à l’intérieur duquel est dissimulée une petite feuille de papier sur laquelle est inscrit le nom d’un homme libre, potentiel futur mari. On ouvre le premier haluška remonté à la surface de l’eau bouillante, on l’ouvre et on lit le nom, ce sera celui … du futur mari.

Autre rituel de cette magie d’amour, et toujours pour la prévision du futur mari et du mariage.
La prophétie se déroule, cette fois, avec une fonderie au plomb dans les régions de Turiec, de Spiš, de Hont. On coule du plomb en fusion au travers d’une anse de clé et au-dessus d’un récipient contenant de l’eau en prononçant la formule magique suivante : « Ondreju, Ondreju, na teba olovo lejú, daj mi v noci znať, s kým ja budem pri oltári stáť ! – André, André, en ton nom je coule du plomb, tu découvriras pour moi cette nuit, qui se placera avec moi à l’autel » (pour la noce).

D’après la forme du plomb refroidi, les filles devinent la profession du futur mari.

Une autre superstition slovaque de la Saint-André dans la région de Horehronie est le semis des graines de chanvre par des filles. Les filles jettent par la fenêtre d’une maison où habite un André des graines de chanvre à textile, le jour de la Saint-André en récitant des formules magiques destinées à remplir ses souhaits de mariage : « André, André, je te sème du chanvre, Dieu laisse-nous savoir si l’on se mariera ».
Si les habitants étaient favorables aux filles faisant ce rituel, c’est-à-dire les invitaient à la maison ou leur souhaitaient bientôt un mariage, cela signifiait pour elles une chance de se marier rapidement.
La même version de ce rituel existait aussi pour les hommes célibataires du village. Les filles du village jetaient les graines de chanvre par la fenêtre d’une maison où habite un jeune homme célibataire.

Et encore, dans la région de Turiec, le jour de la Saint-André, la jeune fille verse des grains de chanvre sous son coussin en prononçant cette formule magique : « En ce jour en ton nom, André, je sème des graines de chanvre, mais je ne les sème pas pour qu’il pousse, mais pour que mon amoureux vienne à moi ». Puis elle plaçait un pantalon d’homme sous la tête ou sous l’oreiller avant de s’endormir et attendait de quel jeune homme du village elle allait rêver.

Au plus les rituels étaient compliqués le jour de la Saint-André, au plus le résultat devait être certain. Pour cela, de nombreuses jeunes filles ne mangeaient pas durant la journée de Saint-André et elles sortaient le soir dans la cour de la maison en prenant une poignée de graines de lin. Elles les versaient autour d’un billot pour fendre le bois en prononçant la formule magique à chaque jetée de graines : « Je sème des graines de lin autour du billot, André, laisse-moi savoir avec qui je dormirai lors de la nuit de noces dans un an ». Des coutumes similaires de semis de chanvre ont été enregistrées dans d’autres régions slovaques : Šariš, Zemplín, Hont, Novohrad.

Dans les régions de la Slovaquie centrale, les filles secouaient les clôtures en bois en prononçant les formules magiques destinées à réaliser ses souhaits de mariage.

Dans le nord de la région du Hont, où la clôture en bois était dialectalement appelée lesa, les filles devaient aller le soir à la clôture de la maison où habitait une personne célibataire prénommée André. Les filles secouaient la clôture en bois en prononçant la formule magique : « Je secoue, je secoue la clôture, d’où aboie le chien, là se trouve aujourd’hui mon mari prédestiné »

Dans la région d’Orava, à Tvrdošín, la fille allait secouer le poteau de la clôture de la maison où elle souhaitait se marier.
Une autre coutume consistait à compter les poteaux d’une clôture, de frapper sur l’étable pour voir si le cochon grognait, d’arracher de la paille de la chaumière, de jeter des tabliers sur le toit en bois, de secouer un prunier comme dans le sud du Hont en disant : « Prunier, je te secoue, Saint-André je t’en supplie, laisse-moi rêver avec qui j’irai à l’autel ».
Une autre coutume consistait à écouter les aboiements des chiens afin de déterminer de quel côté les jappements arrivent car c’est de ce côté que la jeune fille trouvera son futur mari.

Près de Banská-Bystrica, les filles se mettaient des pantalons d’homme sous le coussin la nuit de la Saint-André mais ne devaient en parler à personne. L’homme dont elles rêvaient devait devenir leur mari.

Encore dans la région du Hont, les filles allaient frapper sur le puits en bois avec une cuillère en bois (celle qu’elles utilisaient pour sortir les halušky de l’eau bouillante) en disant « Je toque, je toque aujourd’hui, pour qu’où se trouve mon amoureux aboie un chien ». Elles devaient se marier du côté du village où un chien aboyait.

Dans les environs de Trenčín, les filles mettaient un anneau de fiancé sous le coussin pour espérer rêver de l’homme qu’elles devaient marier. Ce rituel était pratiqué avec un anneau qu’une femme avait déjà utilisé lors de son mariage.

A Bánovce nad Ondavou (région de Zemplín), le soir, les filles allaient au puits et criaient « André, André, donne-moi un bon mari ». Il arrivait que des jeunes hommes cachés derrière le puits répondent « J’ai donné le diable à une, et j’en ai donné deux à une autre ! »

Notes

1 Voir notre article sur la Sainte-Catherine : http://vaheurope.eu/?p=355

2 La koleda est un cortège qui se déplace dans le village de porte en porte où là les membres qui la compose récitent ou chantent les formules souhaitant la bonne santé et le bonheur pour les habitants et de fertilité pour le bétail et les champs…

3 Par crainte que ce ne soit une sorcière.

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

On trouve des églises dédiées à saint André à Ružomberok, à Komárno, à Pečovská Nová Ves, à Kremnica l’église-rotonde et l’ancienne église à Sebeslavce sous le château-fort de Blatnica.

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – Ottovo Nakladatelstvi, 2009

Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Sainte Catherine, le 25 novembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le 25 novembre, jour de la Sainte-Catherine, est en Slovaquie, le symbole de la jeunesse, de la musique et de la danse. Le bal de la Sainte-Catherine est toujours populaire à ce jour.

La sainte patronne du jour, sainte Catherine d’Alexandrie, qui subit le supplice de la roue, devint de bonne heure la patronne de tous les métiers utilisateurs ou fabricants de roues, à commencer par les meuniers et les charrons.

Le jour de la Sainte-Catherine, c’est le jour du règne des femmes, elles organisent et dirigent les réjouissances et dansent au bal, elles invitent les hommes à danser et payent la musique. Quant aux hommes, ils ne peuvent consommer d’alcool jusque minuit mais après… les femmes permettent aux hommes de boire de l’alcool.

C’est une coutume, très ancienne, répandue dans le milieu rural et même dans le milieu urbain, qu’est la soirée dansante de la Sainte-Catherine – le Bal de Catherine. C’est le dernier jour avant la période qui précède la Noël, où pendant quatre semaines il est interdit de danser, de jouer de la musique, et même les mariages. Cette interdiction résulte d’une décision du synode de l’Église à Aachen(Allemagne) en 922. L’introduction de l’Avent par l’Église était ciblée contre les nombreux festins, amusements et jeux qui étaient très populaire au Moyen Âge dans toute l’Europe avant le solstice d’hiver. Une part, certes modeste, reste du temps de ceux-ci, c’est le bal de Sainte-Catherine – Bal de Katarina.

Dans la région d’Orava, on y s’amuse bien. Au Bal de Katarina, les jeunes hommes sont déguisés avec des masques de femmes et jouent des parodies.

La nuit de la Sainte-Catherine appartient aux jeunes gens. Encore dans la région d’Orava, une coutume bizarre de la nuit de la Sainte-Catherine était pratiquée par les jeunes hommes. Secrètement ils déplacent et cachent les outils de travail des filles du village. Mais la veille de Sainte-Catherine, les filles elles-mêmes cachent leurs outils de travail. Néanmoins, même si elles ont bien cachés leurs outils, les jeunes hommes les cherchent et les trouvent. Ils bâtissent alors une pyramide avec ces outils à proximité d’un ruisseau, et bien sûr les outils tombent dans l’eau… Ou ils bâtissent avec ces outils une couronne au sommet d’un arbre ou ils les placent sous le toit des maisons. Ailleurs, les jeunes hommes démontent et déplacent la porte d’entrée de la basse-cour de maison et la remontent plus loin (dans un champ, une prairie…), ou ils déplacent le char à foin à un endroit difficilement accessible ou encore, ils accumulent un tas de bois devant l’entrée de la maison ou des latrines du voisin.

Et le matin de la Sainte-Catherine, quand les filles courent et cherchent leurs outils dans le village, elles deviennent la cible de moquerie puisque les habitants du village disent par dérision : « elles volent comme les sorcières ».

Dans la région de Banská Bystrica, la jeunesse du village de Priechod organise le jour de la Sainte-Catherine la marche de Katrena (Katarina en patois local). Les filles et des garçons déguisés marchent de porte en porte des maisons du village, en groupes de cinq ou six. Ils font du bruit avec les cloches de bétail, frappent sur les fenêtres et effraient les enfants et leurs demandent s’ils disent bien leurs prières et s’ils respectent bien leurs ses parents.

Il était aussi habituel de manger de l’ail et de tracer des croix avec l’ail sur les portes des maisons pour se protéger contre la magie noire des sorcières. Cette fête de Sainte-Catherine est pour ceux qui aiment la musique et la danse, la dernière chance de s’amuser avant les jours d’abstinence de l’avent.

Et puis commence l’avent – quatre semaines avant la Noël – période calme. Il va régner une rigide interdiction de danser, c’est la sainte quarantaine. Mais, après le jour de la Saint-Etienne, le 26 décembre, il sera permis de danser à nouveau, ce sera la réunion dansante de la Saint-Etienne.

Selon le calendrier du paganisme slave ancien, le 25 novembre est le jour de l’arrivée de la déesse Morena, symbole de l’hiver et de la mort et c’est le premier jour des Jours de sorcières selon les us et coutumes populaires en Slovaquie. Du 25 novembre, jour de la Sainte- Catherine jusqu’au 21 décembre, jour de la Saint-Thomas, ce sont les Jours des sorcières : ils comportent les jours magiques de la fête de sainte Catherine, de saint André, de sainte Barbe, de saint Nicolas, de sainte Lucie et de saint Thomas.

Les Jours des sorcières, car ce sont des jours très courts, où la dominante est la nuit noire. C’est un temps propice pour les activités des puissances obscures et de la magie noire. Les superstitions donnent une influence néfaste aux sorcières. Des sorcières qui vont nuire au bétail et aux gens.

Les villageois superstitieux se défendront contre la magie noire en utilisant, comme support éprouvé : l’ail, l’oignon, l’eau bénite, la fumée de myrte… et le symbole de la croix.

Dans les recueils de contes et légendes slovaques rassemblés par le pasteur protestant Pavol Dobšinský (1828-1885), grand collectionneur et éditeur des contes populaires slovaques au 19e siècle, on trouve l’enregistrement d’un usuel ancien des bergers de Liptov. La veille du jour de Sainte-Catherine, les bergers du village sonnent de la trompe bergère et marquent avec l’ail d’un signe de croix les portes, les serrures et les loquets des étables et des écuries pour les protéger contre les sorcières, et par sécurité les chevaux ne sortent pas, de même on ne promène pas les vaches par crainte que le lait ne soit volé par des sorcières.

Mais d’autres superstitions existent, en voici des exemples.

Le 25 novembre – jour de la Sainte-Catherine, la visite d’une femme, tôt le matin, est mal perçue. En effet, la superstition fait que si la maison reçoit la visite matinale d’une femme, les habitants croient que, toute l’année, la poterie se brisera et que bien d’autres malheurs arriveront. Par contre, la visite d’un homme est bénéfique, car il protégera la maison contre les sorcières.

Dans la région de Gemer (sud-est de la Slovaquie centrale), les petits garçons visitaient tôt le matin (avant l’aurore) des maisons du village et ils souhaitaient du bien en récitant de petites formules magiques : « Les Catherine, les Catherine, nous vous souhaitons que vos marmites ne se brisent pas et que vos poules pondent bien ! ». Cette superstition du jour de Sainte-Catherine persistera dans le milieu rural jusqu’à la moitié du 20e siècle.

Parmi autres superstitions slovaques liés avec le jour de la Sainte-Catherine, on peut citer aussi ainsi le bris des marmites en argile sur la porte de la maison, cet acte avait pour but de rassurer les maitresses de maison, les poules vont bien pondre et il y aura beaucoup de petits poulets dans le poulailler.

Un autre comportement curieux très répandu avait encore cours avant la Première guerre mondiale à Vikartovce, village dans la région de Šariš en Slovaquie orientale. Les mères de familles demandaient aux enfants, le soir de la Sainte-Catherine, de gratter et de prendre en mains de la terre au-dessous du lit, les sols de maisons pauvres à cette époque étaient en argile lissé. Si dans cette terre grattée par les enfants on trouvait un petit coléoptère, on disait que l’année suivante l’élevage des cochons se porterait bien.

Mais encore, jadis, le jour de la Sante-Catherine, les femmes du village ne pouvaient pas filer sur le rouet, ni faire de la couture1. Si une femme pratiquait un tel travail, l’été de l’année suivante au cours des travaux des champs, ses doigts allaient devenir purulents.

Autre superstition ce même jour. Les âmes des morts cheminent hors du royaume des morts et errent pour quelques temps parmi les vivants. En chemin, les morts peuvent rencontrer les vivants à un carrefour, endroit redoutable pour les vivants, c’est pourquoi l’on dresse une croix à cet embranchement ! La croyance chrétienne conjuguée à un élément du paganisme villageois est ainsi appliquée contre les démons et les revenants.

La Prophétie amoureuse des jeunes gens en Slovaquie

Autrefois, le jour de la Sainte-Catherine était le premier des jours de la magie amoureuse des jeunes gens en Slovaquie. Les autres jours seront le jour de Saint-André, 30 novembre très favorable pour la pratique de la prophétie de mariage par les filles comme le jour de la Sainte-Lucie (13 décembre).

Par exemple, les filles de la vallée de Hornád (rivière en Slovaquie orientale) se rencontrent au soir de la Sainte Catherine et préparent ensemble les halušky (espèce de gnocchis) traditionnels. Pour réaliser la prophétie amoureuse, la farine pour les halušky, la planche en bois à découper et la cuillère en bois devaient être volées et l’eau de cuisson devait être apportée du ruisseau dans la bouche par les filles. Dans chaque haluška préparé mais pas encore cuit, elles cachent un petit papier sur lequel est écrit le nom des jeunes hommes favoris et tout de suite les halušky sont cuits à l’eau bouillante. Le premier des halušky qui remonte à la surface de l’eau bouillante, la fille se mariera avec le jeune homme qui porte ce nom.

Une autre prophétie amoureuse, qui provient de Kravany, un village de la région de Zemplín (en Slovaquie orientale), les filles y font un oracle avec les aiguilles. Quand la fille parvient de la première fois à piquer une aiguille dans l’écorce d’un saule, elle se mariera au courant de l’année. Mais si l’aiguille se brise, elle restera à la maison chez les parents. Dans le village de Hranovnica près de Poprad, dans la région de Spiš, les filles amoureuses font un chemin parsemé de sciure de bois, qui va de la maison de son amoureux jusqu’à chez elle afin d’assurer sa liaison amoureuse à demeure.

Sous le château-fort de Muráň, le jour de Sainte-Catherine, lorsque les cloches de l’église sonnent à midi, les filles du village jetaient ensemble des couronnes composées de feuilles de plantes dans le ruisseau. Si la couronne de la fille flotte une certaine distance et ne reste pas bloquée, cette fille se mariera encore cette année.

En milieu urbain, une autre prophétie amoureuse était aussi connue au jour de la Sainte-Catherine : il s’agit de bourgeonner des rameaux. Cet acte s’était aussi répandu en milieu rural mais pendant les derniers siècles. Ce jour, les filles coupent un rameau divers à partir de n’importe quel arbre fruitier et des brindilles d’arbrisseaux. Chaque branche symbolise un souhait de la fille. La première branche qui bourgeonnera ou fleurira le jour de la veille de Noël (Štedrý deň ou Vigila suivant la région de Slovaquie), le 24 décembre, ce souhait s’accomplira lors de la nouvelle année.
Ailleurs, on croit que l’arbre fruitier duquel la branche bourgeonne annonce une bonne récolte de fruits l’année suivante. Où encore, les filles plantent de petites branches de cerisier dans un pot rempli de sable et chaque jour, au début de la matinée, elles arrosent ces branches avec l’eau apportée du ruisseau dans la bouche. Si la branche fleurit le jour de la Veille de la Noël, la fille croit qu’elle se mariera au cours de l’année.

En Slovaquie, dans les régions viticoles situées aux pieds des Petites Carpates, les vignerons locaux invitent à la dégustation de leur nouveau vin au jour de la Sainte-Catherine, le 25 novembre. L’ouverture des caves à vin dans les vignobles lors de la fête de Sainte-Catherine, une nouvelle habitude ou bien une coutume oubliée, est en tout cas bien établie dans les domaines viticoles de Modra, de Skalica et autres situés entre Bratislava jusqu’à Trnava.

Des dictons pour le jour de la Sainte-Catherine :

« Na svätú Katarínu skrývame sa pod perinu » – « à Sainte-Catherine, nous serons bien au chaud sous les plumes »2

« Katarína na ľade a Vianoce na blate » – « à Sainte-Catherine sous la glace et Noël dans la boue ».

« Katarina zaviera muziky, berie hudcom husle » – « sainte Catherine arrête la musique, les musiciens rangent leur violon ».

Notes

1 Dans la mythologie slave, les sorcières se transforment en aiguille, pelote, sac, botte de foin.

2 Dans l’expression « sous les plumes », les « plumes » sont l’édredon en duvet d’oie.

En Slovaquie, les églises de Kremnica, de Dolný Kubín, de Kysak, de Hrboltová près de Ružomberok, de Jánovce, de Kluknava, de Hertník sont dédiées à sainte Catherine.

Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Sources

Vianoce na Slovensku…od Ondreja do Troch kráľov. Par Zuzana Drugová, 2008. Slovak edition – OTTOVO NAKLADATELSTVI, 2009

Ľudová kultúra. Par Zuzana Beňušková. Kultúrne Krásy Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

Z ľudovej kultúry Turca. Eva Pančuhová, Zora Mintalová a kolektiv. Matica slovenská. 2004

Le monde mythologique russe. Lise Gruel-Apert. Ed. Imago. 2014

Le culte des saints catholiques en Europe centrale et orientale. Jean-Pierre Irali. Ed. Romaines. 2011

Icônes et saints d’Orient. Alfredo Tradigo. Guide des Arts. Ed. Hazan. 2005

Reconnaître les saints. Symboles et attributs. B. Des Graviers et T. Jacomet. Ed. Massin. 2006

Saint Martin, le 11 novembre

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

Le 11 novembre est le jour de la Saint Martin. En Slovaquie, dans l’ancien calendrier, la croyance veut qu’il symbolise l’arrivée de l’hiver, tel saint Martin sur son cheval blanc (1). En Slovaquie, pays de montagnes, normalement à cette date correspond, plus ou moins, la chute de la première neige et les derniers bergers rentrent au village.

Les villageois slovaques préparent alors le festin de la Saint Martin avec comme plat principal, l’oie rôtie (2), et comme friandise une pâtisserie en forme de fer à cheval farcie au pavot ou à la confiture ou encore de pâte de noix,. Ce repas symbolise les attributs de saint Martin : une oie, un fer à cheval (blanc). Ce festin et l’organisation d’un marché sont toujours très populaires de nos jours en Slovaquie.

C’est aussi à la Saint Martin que, selon la tradition populaire, l’ours se retire pour hiberner, ou tout au moins au début du mois de novembre.

(1) Saint Martin et son cheval blanc signifie que la neige ne tombe plus seulement dans la montagne, mais qu’elle arrive aussi dans les plaines.

(2) Selon une légende, des oies auraient perturbés saint Martin lors de ses sermons. Comme punition elles seront mangées et passeront auparavant au feu de la rôtissoire (de l’enfer ?).

En Slovaquie, plusieurs églises sont dédiées à saint Martin. Citons notamment la cathédrale de Bratislava (14e-15e siècle), l’église romano-gothique du village de Martinček (13e siècle), l’église rotonde de Jalšové (12e-13e siècle), l’église de Hontianske Nemce (13e siècle)…

NB: Texte extrait de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

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Les traditions de Noël en Slovaquie

Mgr Alice Hura – Charles Bugan

La sagesse populaire s’est formée au gré des saisons grâce au rappel que la nature nous envoie régulièrement et, à ce sujet, il est bon de nous souvenir que la vie active dans les villes a estompé petit à petit notre sensibilité aux choses de la nature. Ainsi on peut se poser quelques questions comme « de nos jours, qui observent le ciel lorsque la nuit est tombée ? Quelques amoureux, quelques astrologues en herbe ou confirmés » ou encore « qui peut reconnaître un oiseau par son chant ? Par son aspect même ? »

L’époque moderne – après la deuxième guerre mondiale – a apporté une nouvelle ère nous faisant entrer dans la « modernité ». Le réfrigérateur, la lessiveuse, la télévision, le pc, le gsm… ont bouleversés les habitudes et, imperceptiblement mais d’une manière exorable, les traditions « archaïques » sont passées au second plan et nous nous sommes éloignés de ces coutumes. Si l’on retrouve encore quelques traditions aujourd’hui dans les villages, on peut affirmer que dans les villes, ces coutumes ont disparus ou alors elles sont encore perpétuées par quelques amoureux ou nostalgiques, de ces traditions.

Aujourd’hui il nous arrive d’oublier que, dans des temps pas si anciens, l’année était organisée sur la base d’une succession de fêtes. Des fêtes qui rythmaient le temps et les travaux agricoles et ce dans l’ensemble du monde rural européen.
Les traditions populaires perpétuées dans les villages, qu’ils soient belges, allemands, italiens, bulgares, slovaques… en sont la preuve et si besoin, ils existent encore et toujours pour nous le rappeler, même si hélas, des éléments se perdent.

C’est une des raisons qui fait que l’existence de groupes folkloriques, de musées ethnologiques, de musées en plein air garde toute son importance pour la mémoire collective des hommes.

Mais revenons à notre sujet qui se rapporte aux traditions et rites de fin d’année, et plus particulièrement aux traditions d’un pays qui m’est cher, la Slovaquie.

En Slovaquie, les traditions populaires du solstice d’hiver, et donc de la Noël, du nouvel an, mais aussi des jours qui précèdent et suivent, sont des traditions de fêtes païennes des anciens slaves, (ou des celtes) interpénétrées par le christianisme, tout comme chez nous en Europe occidentale.

Avant la fête de Noël, les anciens slovaques des villages se préparaient pour l’arrivée de l’hiver, le froid et les longues nuits passées dans l’obscurité avec toutes les craintes que ces ténèbres font naître dans l’imaginaire des gens. Imaginaire peuplé d’êtres étranges, de sorcières… Les travaux des champs étaient finis et les hommes et les femmes se consacraient aux travaux domestiques, au bricolage, au filage du lin et du chanvre, au travail de tisserand, à la couture de vêtements et du trousseau, à la préparation (déchirer) des plumes pour édredon, etc…

Les articles qui vont relater les « traditions de Noël en Slovaquie » vont couvrir la période qui court à partir du 11 novembre jusqu’à l’Épiphanie, le 6 janvier. Ils se dérouleront suivant le schéma suivant :

– le 11 novembre, jour de la Saint Martin
– le 25 novembre, jour de la Sainte Catherine
– le 30 novembre, jour de la Saint André
– Le 4 décembre, jour de Sainte Barbe – Barbora
– Le 6 décembre, jour de la Saint Nicolas
– Le 13 décembre, jour de Lucie, ou le jour de la magie blanche contre la magie noire
– Le 21 décembre, jour de Saint Thomas
– Štedrý deň, la veille de Noël, le 24 décembre
– Le Jour de Noël, le 25 décembre
– Le 26 décembre, jour de la Saint Etienne
– Le 28 décembre, jour des Mládatka (bébé innocents)
– Le 29 décembre, jour de Kolyada
– Le 31 décembre, la nuit de la Saint Sylvestre
– Le 1ier janvier, jour du Nouvel An
– Le 6 janvier, jour de l’Épiphanie

Textes extraits de notre conférence : Les traditions de Noël en Slovaquie

Sources

Ľudová kultúra. Zuzana Beňušková. Kultúrne Krasý Slovenska. Dajama

Malý lexikón ľudovej kultúry Slovenska. Kliment Ondrejka. Mapa Slovakia Bratislava 2003

Slovenský rok. Receptár na dni sviatočné všedné i pôstne. Ratislava Stoličná-Mikolajová. Vydavateľvo Matice Slovenskej. 2004

U nás taka obyčaj. Slovenské ľudové tradicie. Vojtech Majling. Computer Press, Brno. 2007

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